Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

II. Zivilrechtliche Abteilung, Subsidiäre Verfassungsbeschwerde 5D.136/2014
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Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal

[8frIR2ALAGK1]     
{T 0/2}
                   
5D_136/2014

Arrêt du 3 février 2015

IIe Cour de droit civil

Composition
MM. les Juges fédéraux von Werdt, Président,
Marazzi et Herrmann.
Greffière : Mme de Poret Bortolaso.

Participants à la procédure
1. B.A.________,
2. C.A.________,
3. D.A.________,
4. E.A.________,
tous les quatre représentés par Me Olivier Freymond, avocat,
recourants,

contre

F.________,
représenté par Me Joanna Bürgisser, avocate,
intimé.

Objet
servitude,

recours constitutionnel contre l'arrêt et le prononcé rectificatif de la Cour
d'appel civile du Tribunal cantonal du canton de Vaud des 30 avril et 6 août
2014.

Faits :

A.

A.a. F.________ est propriétaire des parcelles nos 757 et 1000 de la Commune de
U.________.

 Le 8 mai 2012, suite au décès de G.A.________, B.________, C.________,
D.________ et E.A.________ (ci-après l'Hoirie A.________) ont été inscrits en
qualité de propriétaires communs en communauté héréditaire de la parcelle no
998, également sise sur la Commune de U.________.

 La parcelle no 1000 correspond à un long rectangle, en nature de place-jardin,
disposé le long d'une partie de la parcelle no 998. Les deux parcelles font
face au bien-fonds no 757, sur lequel est érigée une maison d'habitation. Ces
trois immeubles se situent en bordure du chemin X.________, de part et d'autre
de celui-ci.

A.b. Depuis le 12 octobre 1911, la parcelle no 757 est au bénéfice d'une
servitude no 173963 interdisant toute construction et plantation sur les
parcelles nos 998 et 1000. Son exercice est défini de la manière suivante:

 " Il est interdit de bâtir et de planter des arbres sur la partie des fonds
servants figurés par une teinte rouge au plan ci-annexé.

 Les murs de clôture ne doivent pas dépasser un mètre de hauteur.

 Les arbres existant en 1911 peuvent être maintenus mais ne peuvent pas être
remplacés. "

 Le 28 mars 2013, l'Hoirie A.________ a vendu une partie de la parcelle no 998
et en a conservé l'autre, inscrite au registre foncier sous le no 2550 et
située dans le prolongement de la parcelle no 1000, dont elle est délimitée par
une barrière en bois d'1,5 mètre de hauteur. Suite à la division de la parcelle
no 998, la servitude grève désormais la parcelle no 2550.

A.c. Dans un courrier daté du 12 mars 2012, F.________ a rappelé à
B.A._________ l'existence de la servitude dont bénéficiait sa parcelle,
l'enjoignant de supprimer la haie qu'elle avait plantée devant sa maison ainsi
que de couper les arbres entravant la vue dont il bénéficiait auparavant sur
les Alpes et dévalorisant son bien immobilier.

 Représentée par son conseil, B.A.________ a refusé de donner suite à la
demande par courrier du 20 mars 2012.

 Par courrier du 1er juin 2012, F.________ a mis en demeure l'Hoirie A.________
d'enlever tous les arbres et plantations concernés. Celle-ci n'y a cependant
pas donné suite.

B.

B.a. F.________ a ouvert action à l'encontre de l'Hoirie A.________ par requête
en conciliation du 6 juillet 2012.

 La tentative de conciliation a échoué; la présidente du Tribunal civil de
l'arrondissement de La Côte a délivré à F.________ une autorisation de procéder
le 25 septembre 2012.

B.b. Par demande du 18 décembre 2012, F.________ a conclu, sous suite de frais
et dépens, à ce qu'il soit ordonné à l'Hoirie A.________ d'enlever
immédiatement, dans les 30 jours dès jugement exécutoire, toutes les
plantations, à savoir les arbres et la haie, sur la surface grevée par la
servitude no 173963, sous menace des peines prévues par l'art. 292 CP (ch. 1)
et qu'il lui soit fait interdiction de procéder à toutes plantations futures
sur dite surface, sous menaces des peines prévues par l'art. 292 CPC (ch. II),
des dommages-intérêts étant réservés (ch. III).

 L'Hoirie A.________ a conclu au rejet de la demande.

 Lors de l'audience de jugement du 20 novembre 2013, le président du Tribunal
civil de l'arrondissement de La Côte a procédé à une inspection locale.

 A cette occasion, F.________ a déclaré qu'il ne sollicitait pas l'enlèvement
des trois pommiers situés juste derrière la haie de l'Hoirie. Il a modifié ses
conclusions en ce sens que la hauteur de la haie litigieuse soit ramenée à un
mètre depuis le terrain de la parcelle no 998 ainsi qu'à l'arrachage,
subsidiairement au déplacement des jeunes arbres situés sur le tracé de la
servitude hachuré en rouge sur le plan du registre foncier.

 Le président du Tribunal civil de l'arrondissement de La Côte a rejeté la
demande formée par F.________ par jugement du 12 décembre 2013.

B.c. Statuant le 30 avril 2014 sur l'appel du précité, la Cour d'appel civile
du Tribunal cantonal du canton de Vaud l'a admis, réformant le jugement
entrepris en ce sens qu'ordre est donné à l'Hoirie A.________ de procéder à
l'enlèvement, dans les 30 jours du jugement exécutoire, de tous les arbres sur
la surface grevée par la servitude no 173963 à l'exception de trois vieux
pommiers situés à proximité de la haie entourés en bleu sur la pièce no 11 et
des arbres constituant la haie à la limite d'avec la parcelle no 1000 (ch.
II.I), qu'ordre lui est donné de procéder, dans le même délai, à la taille, à 1
mètre de hauteur à compter du pied de la plantation, des arbres composant la
haie située sur la surface grevée par la servitude no 173963 séparant la
parcelle 2550 de la parcelle 1000 (ch. II.II) et qu'interdiction lui est faite
de procéder à toute plantation d'arbres future sur la parcelle grevée par la
servitude no 173963 (ch. II.III).

 L'arrêt motivé a été notifié aux parties le 8 juillet 2014.

 Le 6 août 2014, la Cour d'appel civile a rendu un prononcé rectificatif sur
demande de F.________. Par inadvertance, dans l'arrêt motivé notifié aux
parties, le ch. II.I avait en effet été repris une seconde fois au ch. II.II, à
la place du prononcé concernant la taille de la haie.

C. 
Agissant le 8 septembre 2014 par la voie du recours en matière civile devant le
Tribunal fédéral, B.________, C.________, D.________ et E.A._________ (ci-après
les recourants) concluent à l'annulation de l'arrêt cantonal du 30 avril 2014
et du prononcé rectificatif du 6 août 2014 et réclament le renvoi de la cause à
la cour cantonale pour nouvelle décision. Les recourants invoquent la violation
de leur droit d'être entendus, l'établissement arbitraire de la valeur
litigieuse ainsi que l'arbitraire dans l'interprétation de la servitude.

 F.________ (ci-après l'intimé) conclut au rejet du recours et à la
confirmation de l'arrêt cantonal; la cour cantonale se réfère aux considérants
de son arrêt.

D. 
La requête d'effet suspensif présentée par les recourants a été admise par
ordonnance présidentielle du 26 septembre 2014.

Considérant en droit :

1.

1.1. Le recours est dirigé contre une décision finale (art. 90 LTF), prise dans
une contestation civile (art. 72 LTF) de nature pécuniaire, dont la valeur
litigieuse est inférieure à 30'000 fr. (art. 74 al. 1 let. b LTF ); dès lors
que les recourants ne prétendent pas que la présente cause soulèverait une
question juridique de principe (art. 74 al. 2 let. a LTF; cf. sur cette notion:
ATF 139 III 209 consid. 1.2), seule est ouverte la voie du recours
constitutionnel subsidiaire (art. 113 ss LTF). Celui-ci a été déposé en temps
utile (art. 100 al. 1, 46 al. 1 let. b et 117 LTF) contre une décision rendue
par une juridiction supérieure de dernière instance cantonale ayant statué sur
recours (art. 75 et 114 LTF) et les recourants ont qualité pour recourir (art.
115 LTF).

1.2. Le recours constitutionnel subsidiaire est une voie de réforme (art. 117
et 107 al. 2 LTF). Le recourant ne peut ainsi se borner à demander l'annulation
de la décision attaquée et le renvoi de la cause à l'instance cantonale; il
doit également, sous peine d'irrecevabilité, prendre des conclusions sur le
fond du litige (ATF 134 III 379 consid. 1.3; 133 III 489 consid. 3.1). Il n'est
fait exception à cette règle que lorsque le Tribunal fédéral, en cas
d'admission du recours, ne serait de toute manière pas en situation de statuer
lui-même sur le fond et ne pourrait que renvoyer la cause à l'autorité
cantonale (ATF 133 III 489 consid. 3.1). Les conclusions doivent également être
interprétées au regard de la motivation contenue dans le mémoire de recours
(arrêts 4A_688/2011 du 17 avril 2012 consid. 2, non publié aux ATF 138 III 425
et les références; 5A_827/2012 du 21 décembre 2012 consid. 1.2). En l'espèce,
les conclusions des recourants se limitent à exiger l'annulation de l'arrêt
rendu par le tribunal cantonal et le renvoi de la cause à cette dernière
autorité pour nouvelle décision, de sorte qu'elles sont  a priori insuffisantes
au regard des exigences posées par la jurisprudence. A la lecture de l'acte de
recours, l'on retient néanmoins que les recourants visent à obtenir le rejet de
la demande déposée par l'intimé. Il y a donc lieu d'entrer en matière.

2. 
Le recours constitutionnel peut être formé pour violation des droits
constitutionnels (art. 116 LTF). Saisi d'un tel recours, le Tribunal fédéral
n'examine que les griefs expressément soulevés et motivés conformément au
principe d'allégation (art. 106 al. 2 et 117 LTF; sur les exigences de
motivation, parmi plusieurs: ATF 134 V 138 consid. 2.1; 133 III 439 consid.
3.2; 133 III 589 consid. 2; 133 II 396 consid. 3.2). Il peut procéder à une
substitution de motifs pour autant que la nouvelle motivation, conforme à la
Constitution, n'ait pas expressément été écartée par l'autorité cantonale (ATF
138 III 638 consid. 4.3 et les références).

3.

3.1. Dans un premier grief, les recourants invoquent la violation de leur droit
d'être entendus. Ils prétendent que, devant l'autorité cantonale, ils auraient
conclu à l'irrecevabilité de l'appel au motif que la valeur litigieuse de
10'000 fr. exigée par l'art. 308 al. 2 CPC n'était pas atteinte. La cour
cantonale n'aurait cependant nullement examiné ce grief, se limitant à indiquer
entrer en matière dès lors qu'en première instance, ils n'auraient pas contesté
la valeur litigieuse estimée par l'intimé à 25'000 fr.

3.2. Le droit d'être entendu garanti par l'art. 29 al. 2 Cst. implique, en
particulier, l'obligation pour le juge de motiver sa décision, afin que ses
destinataires et toutes les personnes intéressées puissent la comprendre et
l'attaquer utilement en connaissance de cause, et qu'une instance de recours
soit en mesure, si elle est saisie, d'exercer pleinement son contrôle. Pour
répondre à ces exigences, il suffit que le juge mentionne, au moins brièvement,
les motifs qui l'ont guidé et sur lesquels il a fondé sa décision (parmi
plusieurs: ATF 139 IV 179 consid. 2.2; 137 II 266 consid. 3.2).

3.3. Le grief des recourants tombe à faux. Comme ils le relèvent eux-mêmes, le
Tribunal cantonal a estimé qu'ils avaient tacitement accepté la valeur
litigieuse de 25'000 fr. articulée par l'intimé en première instance, raison
pour laquelle il retenait ce montant et entrait en matière sur l'appel. Par
leur critique, c'est en réalité ce raisonnement que les recourants reprochent à
la cour cantonale (consid. 4 ci-après).

4.

4.1. Dans un deuxième grief, les recourants soutiennent que les juges cantonaux
auraient arbitrairement retenu que la valeur litigieuse se chiffrait au montant
proposé par l'intimé, à savoir 25'000 fr. Ils affirment qu'en réalité, celle-ci
n'atteignait pas 10'000 fr. de sorte qu'en première instance, la compétence
appartenait impérativement au juge de paix. Le fait qu'ils ne se soient alors
pas expressément opposés à la valeur litigieuse proposée par l'intimé, et, en
conséquence, à la saisie du Tribunal d'arrondissement, serait néanmoins
insuffisant pour fonder la compétence de cette autorité. Les recourants
développent ensuite les motifs les conduisant à retenir une valeur litigieuse
inférieure à 10'000 fr.

4.2.

4.2.1. Aux termes de l'art. 113 al. 1bis de la loi d'organisation judiciaire du
canton de Vaud (ci-après LOJV), le juge de paix connaît de toutes les causes
patrimoniales dont la valeur litigieuse est inférieure à 10'000 francs et qui
ne sont pas attribuées par la loi à une autre autorité. La disposition précise
que cette règle est impérative. L'art. 96d al. 2 LOJV prévoit que le président
du Tribunal d'arrondissement connaît de toutes les causes patrimoniales dont la
valeur litigieuse est comprise entre 10'000 et 30'000 francs et qui ne sont pas
attribuées par la loi à une autre autorité. Enfin, selon l'art. 96e LOJV, le
président du Tribunal d'arrondissement est compétent pour statuer sur toute
action civile, pénale ou administrative qui peut en vertu de la loi être portée
devant une autorité judiciaire, lorsqu'aucune autre autorité n'est désignée
pour en connaître.

4.2.2. L'art. 52 CPC impose à quiconque participe à la procédure de se
conformer aux règles de la bonne foi, principe qui contraint le plaideur à se
prévaloir de ses moyens au moment prévu par la loi et sans tarder. Il est ainsi
contraire au principe de la bonne foi d'invoquer après coup des moyens que l'on
avait renoncé à faire valoir en temps utile en cours de procédure, parce que la
décision intervenue a finalement été défavorable (cf. notamment: ATF 138 III
374 consid. 4.3.2; arrêt 5A_597/2007 du 17 avril 2008 consid. 2.3; BOHNET, in
Code de procédure civile annoté, 2011, n. 28 ad art. 52 CPC). La bonne foi
impose également de soulever l'exception d'incompétence préalablement à toute
défense au fond (ATF 128 III 50 consid. 2c/aa et la référence), règle qui est
d'ailleurs expressément inscrite à l'art. 18 CPC (acceptation tacite de
compétence).

4.3. En l'espèce, l'intimé a précisément indiqué, dans sa demande au fond, que
ses prétentions étaient de nature pécuniaire. Soutenant que la valeur
litigieuse était indéterminée, il a, à titre subsidiaire, chiffré celle-ci à
25'000 fr. au maximum, montant qui correspondait à son sens au coût estimé de
l'abattage par un bûcheron, avec évacuation.

 Dans leur réponse, les recourants ne se sont pas exprimés sur ce point: ils
n'ont pas prétendu, à juste titre, que la cause n'était pas de nature
pécuniaire; ils ne se sont pas prononcés sur la valeur litigieuse articulée par
l'intimé, attendant l'appel de leur partie adverse pour la contester et nier la
compétence du Tribunal cantonal saisi de l'appel.

 Sauf à violer le principe de la bonne foi, les recourants ne pouvaient
attendre la seconde instance pour prétendre que la valeur litigieuse avancée
par l'intimé était manifestement erronée, contester la compétence du Tribunal
cantonal et, implicitement, celle de l'autorité de première instance. C'est
ainsi sans arbitraire que la cour cantonale a retenu que les recourants avaient
tacitement approuvé la compétence du président du Tribunal d'arrondissement en
procédant sans réserve devant cette autorité. Que celle-ci ait quant à elle
fondé sa compétence sur l'art. 96e LOJV est sans incidence.

5. 
Le litige porte essentiellement sur l'interprétation de la servitude no 173963
dont bénéficie la parcelle no 757, propriété de l'intimé.

5.1. Les instances cantonales ont interprété différemment le contenu de la
servitude litigieuse.

5.1.1. Le président du Tribunal d'arrondissement a relevé que le contenu et
l'étendue géographique de la servitude litigieuse n'étaient pas contestés par
les parties. S'appuyant sur le libellé de la servitude, il a alors examiné si
le terme " arbre " incluait celui de " haies " et s'est à cet égard référé à la
législation cantonale, plus précisément au Code rural et foncier du 7 décembre
1987, à la loi sur les routes du 10 décembre 1991 et à son règlement
d'application pour remarquer que les deux termes précités étaient clairement
distingués, le premier n'incluant pas le second. Dès lors que la servitude
litigieuse prévoyait uniquement l'interdiction de planter des arbres, il
fallait en déduire que seuls ceux-ci étaient visés lors de la constitution de
la servitude. A cela s'ajoutait que le libellé de la servitude se référait par
deux fois au mot " arbre ", attestant que l'interdiction relative à la
plantation d'" arbres " au sens étroit du terme n'était pas une erreur de
plume. Dans ces conditions, la haie plantée par les recourants respectait le
contenu de la servitude no 173963 et la demande de l'intimé devait être
rejetée.

5.1.2. La cour cantonale a quant à elle d'abord examiné la notion de " haie
vive ", relevant qu'au sens du Code rural et foncier du 15 décembre 1848,
celle-ci était composée de plantes ligneuses, à savoir des arbres, arbustes et
arbrisseaux. Cette définition rejoignait d'ailleurs celles des dictionnaires
usuels de la langue française. Le Tribunal cantonal a ensuite remarqué que le
libellé complet de la servitude permettait de déterminer le but poursuivi par
celle-ci, à savoir la préservation de la vue sur le lac depuis le fonds
dominant, et que l'intitulé de la servitude incluait toutes les plantations,
sans limitation de type, de sorte qu'elle était applicable à la haie
litigieuse. Quant à savoir si la servitude ne visait que les arbres proprement
dits, par opposition aux arbustes et arbrisseaux ou si elle visait toutes les
plantes ligneuses, il convenait de retenir que son étendue était large et
visait ainsi également celles-ci dans la mesure où, à l'époque déjà, le Code
rural et foncier ne distinguait pas le régime des arbres, arbustes et
arbrisseaux.

5.2. Les recourants affirment que la cour cantonale aurait arbitrairement
interprété le contenu de la servitude. La juridiction aurait d'abord omis de
procéder à la première étape posée par l'art. 738 al. 1 CC pour
l'interprétation des servitudes, à savoir l'examen d'une inscription claire au
registre foncier: celle-ci faisait en l'espèce référence au terme précis d'"
arbres ", terme qui ne souffrirait d'aucune interprétation extensive permettant
d'y inclure celui de " haies ". Les dictionnaires usuels de la langue française
donnaient par ailleurs des définitions antinomiques des termes précités, de
sorte qu'il ne serait pas envisageable de les assimiler. A supposer ensuite que
l'on interprète la servitude selon son origine, les recourants prétendent que
celle-là ne viserait pas à maintenir la vue sur le lac - auquel cas toute
plantation serait proscrite - mais bien plutôt à éviter que les habitations ne
souffrent d'un ombrage excessif dû à la hauteur des plantations. Reprochant
encore à la cour cantonale de s'être référée au droit cantonal afin
d'interpréter la servitude, les recourants soutiennent que la juridiction
aurait méconnu l'art. 740 CC, disposition n'autorisant la référence au droit
cantonal que pour certains types de servitudes non concernés en l'espèce; par
ailleurs, le terme de " haies vives " en référence au Code rural et foncier
échapperait à la notion de plantations en tant qu'elle assurait une fonction de
clôture. Les recourants concluent en qualifiant d'incompréhensible et de
contradictoire la condamnation à tailler la haie à 1 mètre de hauteur: dès lors
que la juridiction cantonale assimilait la haie à l'arbre, elle aurait dû
poursuivre son raisonnement et prononcer son enlèvement.

 L'intimé soutient que l'interprétation donnée par la cour cantonale n'aurait
rien d'arbitraire. Le terme haie se définissait comme un alignement d'arbres et
d'arbustes et la plantation des recourants entrait parfaitement dans cette
définition dès lors que leur haie était constituée d'arbres, plus précisément
de charmes. L'intimé souligne au demeurant que l'objectif visé par la servitude
était bien la préservation de la vue sur les Alpes et sur le lac, ainsi que
l'avait constaté la cour cantonale: la recherche d'une protection contre
l'ombre que pourrait entraîner la plantation d'arbres n'avait aucun sens en
l'espèce vu la surface concernée par l'interdiction, située bien en contre-bas
de l'habitation érigée sur le fonds bénéficiaire. Enfin, ainsi que l'avait à
juste titre jugé la cour cantonale, l'interdiction de planter des arbres devait
être étendue à toutes les plantes ligneuses, conformément au Code rural et
foncier qui, jusqu'en 1911, ne distinguait pas le régime des arbres, arbustes
et arbrisseaux.

5.3.

5.3.1. Aux termes de l'art. 738 al. 1 CC, l'inscription fait règle, en tant
qu'elle désigne clairement les droits et les obligations dérivant de la
servitude. L'étendue de celle-ci peut être précisée, dans les limites de
l'inscription, soit par son origine, soit par la manière dont la servitude a
été exercée pendant longtemps, paisiblement et de bonne foi (al. 2). Pour
déterminer le contenu d'une servitude, il convient ainsi de procéder selon
l'ordre des étapes prévu par l'art. 738 CC: le juge doit dès lors se reporter
en priorité à l'inscription au registre foncier, c'est-à-dire à l'inscription
au feuillet du grand livre; si celle-ci est claire, elle fait règle et d'autres
moyens d'interprétation ne peuvent pas être pris en considération (art. 738 al.
1 CC; ATF 137 III 145 consid. 3.1; 128 III 169 consid. 3a; 123 III 461 consid.
2b). Dans une deuxième étape, si l'inscription au registre foncier est peu
claire, incomplète ou, ce qui est fréquent, sommaire et nécessite des
éclaircissements, la servitude doit être interprétée selon son origine, à
savoir l'acte constitutif déposé comme pièce justificative au registre foncier
(ATF 137 III 145 consid. 3.1; 132 III 651 consid. 8; 131 III 345 consid. 1; 130
III 554 consid. 3.1). Le contrat de servitude et le plan sur lequel est
reportée l'assiette de la servitude constituent à cet égard des pièces
justificatives (art. 942 al. 2 CC). Si le titre d'acquisition ne permet pas de
déterminer le contenu de la servitude, l'étendue de celle-ci peut alors être
précisée par la manière dont elle a été exercée paisiblement et de bonne foi
(art. 738 al. 2 CC). Enfin, mais seulement pour les servitudes mentionnées à
l'art. 740 CC (" passage à pied ou à char, ou en saison morte, ou à travers
champs, la sortie des bois, les droits de pacage, d'affouage, d'abreuvage,
d'irrigation et autres semblables "), le droit cantonal et l'usage des lieux
sont des moyens d'interprétation complémentaire ( PAUL-HENRI STEINAUER, Les
droits réels, tome II, 4e éd. 2011, n. 2296).

 L'acte constitutif doit être interprété de la même manière que toute
déclaration de volonté, à savoir, s'agissant d'un contrat, selon la réelle et
commune intention des parties (art. 18 CO), respectivement, pour le cas où
celle-ci ne peut être établie, selon le principe de la confiance; toutefois,
vis-à-vis des tiers qui n'étaient pas parties au contrat constitutif de la
servitude, ces principes d'interprétation sont limités par la foi publique
attachée au registre foncier (art. 973 CC; ATF 137 III 145 consid. 3.2.2; 130
III 554 consid. 3), lequel comprend non seulement le grand livre, mais aussi
les pièces justificatives, dans la mesure où elles précisent la portée de
l'inscription (art. 971 al. 2 CC repris par l'art. 738 al. 2 CC; cf. PAUL-HENRI
STEINAUER, Les droits réels, tome I, 5e éd. 2012, n. 934a; FABIENNE HOHL, Le
contrôle de l'interprétation des servitudes par le Tribunal fédéral, Revue du
notariat et du registre foncier [RNRF] 2009 73, 78). Ce dernier principe
interdit de prendre en considération, dans la détermination de la volonté
subjective, les circonstances et motifs personnels qui ont été déterminants
dans la formation de la volonté des constituants; dans la mesure où ils ne
résultent pas de l'acte constitutif, ils ne sont pas opposables au tiers qui
s'est fondé de bonne foi sur le registre foncier (ATF 130 III 554 consid. 3.1
et les réf. citées). Le résultat de l'interprétation objective devrait être
ainsi le même que celui de l'interprétation subjective limitée par la foi
publique ( HOHL, op. cit., p. 80).

5.3.2. Les servitudes d'interdiction/de restriction de bâtir peuvent poursuivre
différents objectifs, tels la limitation du volume des constructions (ATF 115
II 434 consid. 3c), la préservation de la vue, de l'ensoleillement et de la
lumière (ATF 115 II 434 consid. 3c; 109 II 412 consid. 3; 93 II 185 consid. 2),
voire encore la protection contre les immissions (ATF 109 II 412 consid. 3).

5.3.3. De jurisprudence constante, une décision est arbitraire lorsque celle-ci
est manifestement insoutenable, méconnaît gravement une norme ou un principe
juridique clair et indiscuté, ou heurte de manière choquante le sentiment de la
justice et de l'équité; il ne suffit pas qu'une autre solution paraisse
concevable, voire préférable; pour que cette décision soit annulée, encore
faut-il que le recourant démontre qu'elle se révèle arbitraire non seulement
dans ses motifs, mais aussi dans son résultat (ATF 139 III 334 consid. 3.2.5;
138 I 305 consid. 4.3; 137 I 1 consid. 2.4).

5.4.

5.4.1. En l'espèce, le libellé de la servitude est inscrit au registre foncier
sous l'expression " Interdiction de bâtir et plantations ", sans autre
précision. L'inscription telle qu'elle résulte du registre foncier ne décrit
pas les modalités d'exercice de la servitude. Celles-ci résultent en réalité de
l'état de réinscription, qui, sous la rubrique "exercice ", précise ce qui
suit:

 " Il est interdit de bâtir et de planter des arbres sur la partie des fonds
servants figurée par une teinte rouge au plan ci-annexé.

 Les murs de clôture ne doivent pas dépasser un mètre de hauteur.

 Les arbres existant en 1911 peuvent être maintenus mais ne peuvent pas être
remplacés. "

 Ni les recourants, ni l'intimé n'étaient parties au contrat constitutif de
servitude conclu en 1946. Il s'ensuit qu'il convient de se référer à
l'inscription et aux pièces justificatives telles que les parties pouvaient les
comprendre, de bonne foi, lors de l'acquisition de leurs biens-fonds
respectifs.

5.4.2. Le terme " plantations " figurant dans le libellé de la servitude est
limité par celui d'" arbre " figurant dans l'état de réinscription.

 Le terme " arbre " ne se laisse cependant pas aisément définir. De manière
générale, celui-ci est décrit comme une grande plante ligneuse, dont la tige
principale ou tronc, qui s'élève à plus de 6 mètres quand la plante est adulte
(Grand Robert, version en ligne), ne se ramifie en branches qu'à partir d'une
certaine hauteur au-dessus du sol (Petit Larousse, éd. 2014, Petit Robert, éd.
2014). La notion d'" arbre " peut néanmoins inclure celle d'" arbrisseau ", dès
lors que celui-ci est décrit comme un arbre, généralement de petite taille,
dont la tige se ramifie dès la base (Grand Robert, version en ligne; cf.
également dictionnaire de la langue française Littré) ainsi que celle d'"
arbuste ", celui-ci étant défini tantôt comme un petit arbrisseau, n'atteignant
qu'une hauteur de 35 centimètres à 1 mètres (Grand Robert, version en ligne) ou
comme un petit arbre, dont le tronc est bien différencié (Petit Robert, éd.
2014). Le Grand dictionnaire encyclopédique Larousse relève que les termes d'"
arbuste " et d' " arbrisseau " sont souvent employés l'un pour l'autre,
précisant que l'arbuste ne dépasserait pas 10 mètres de hauteur tandis que
l'arbrisseau ne s'élèverait qu'à une faible hauteur, entre 1 et 4 mètres.

 Le terme " haie " désigne quant à lui une clôture faite d'arbres, d'arbustes,
d'épines ou de branchages et servant à limiter ou à protéger un champ, un
jardin (Petit Robert, éd. 2014; également Petit Larousse éd. 2014).

5.4.3. Les considérations qui précèdent permettent de conclure que la notion
d'" arbre " inclut différents types de végétations, de la plante ligneuse d'une
hauteur de plusieurs mètres à celle, plus réduite, d'un mètre. L'on ne saurait
donc admettre, ainsi que le prétendent les recourants, que la lettre de la
servitude serait suffisamment claire pour s'écarter des autres moyens
d'interprétation proposés par l'art. 738 CC. Si une référence au droit cantonal
(art. 740 CC), plus précisément au Code foncier et rural de 1911 et 1848, était
manifestement erronée, la servitude litigieuse n'appartenant pas au cercle de
servitudes pour lesquelles le droit cantonal peut servir d'interprétation
complémentaire (supra consid. 5.3.1), la cour cantonale pouvait cependant, sans
arbitraire, établir le contenu de la servitude en se fondant sur l'objectif
supposé de celle-ci. En se référant à cet égard aux buts généralement
poursuivis par les servitudes d'interdiction de bâtir (supra consid. 5.3.2)
ainsi qu'à la limitation de la hauteur des murs de clôture précisée par l'état
de réinscription, force est de reconnaître que la conclusion cantonale selon
laquelle la servitude litigieuse aurait pour objectif de préserver la vue sur
le lac ne paraît pas manifestement erronée, étant rappelé que l'arbitraire ne
résulte pas du seul fait qu'une autre solution soit aussi concevable.

 Il s'ensuit que l'ordre donné aux recourants de procéder à la taille, à 1
mètre de hauteur à compter du pied de la plantation, des arbres composant la
haie litigieuse doit être confirmé en tant qu'il satisfait l'objectif poursuivi
par la servitude (ch. II.II du dispositif de l'arrêt attaqué). La juridiction
cantonale a statué conformément aux conclusions prises par l'intimé alors que,
si elle ordonnait de procéder à l'arrachage la haie, l'autorité cantonale
aurait statué  ultra petita (supra consid. 5.2). De même, le dispositif peut
être confirmé en ses chiffres II.I (enlèvement des arbres sur la surface
grevée, à l'exception de ceux visés au ch. II.II) et II.III (interdiction de
plantation d'arbres future), ces points n'ayant d'ailleurs pas expressément été
remis en cause par les recourants dans leur motivation.

6. 
En définitive, le recours est rejeté, aux frais de ses auteurs, solidairement
entre eux (art. 66 al. 1 et 5 LTF). L'intimé a droit à une indemnité de dépens
mise à la charge des recourants solidairement entre eux (art. 68 al. 1, 2 et 4
LTF).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :

1. 
Le recours est rejeté.

2. 
Les frais judiciaires, arrêtés à 2'500 fr., sont mis à la charge des
recourants, solidairement entre eux.

3. 
Une indemnité de 3'000 fr., à verser à l'intimé à titre de dépens, est mise à
la charge des recourants, solidairement entre eux.

4. 
Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Cour d'appel civile du
Tribunal cantonal du canton de Vaud.

Lausanne, le 3 février 2015

Au nom de la IIe Cour de droit civil
du Tribunal fédéral suisse

Le Président : von Werdt

La Greffière : de Poret Bortolaso

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