Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

II. Zivilrechtliche Abteilung, Beschwerde in Zivilsachen 5A.861/2014
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Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal

[8frIR2ALAGK1]     
{T 0/2}
                   
5A_861/2014

Arrêt du 21 avril 2015

IIe Cour de droit civil

Composition
MM. les Juges fédéraux von Werdt, Président, Herrmann et Schöbi.
Greffière : Mme Bonvin.

Participants à la procédure
A.A.________,
représentée par Me Mireille Loroch, avocate,
recourante,

contre

B.A.________,
représenté par Me José Coret, avocat,
intimé.

Objet
mesures protectrices de l'union conjugale,

recours contre l'arrêt du Juge délégué de la Cour
d'appel civile du Tribunal cantonal du canton de Vaud
du 30 juillet 2014.

Faits :

A. 
A.A.________ (1978) et B.A.________ (1977) se sont mariés en 2002 à X.________.
Deux enfants sont issus de leur union: C.________, né en 2005, et D.________,
né en 2008. Les époux se sont séparés à la fin du mois de juin 2012.

B. 
Par prononcé de mesures protectrices de l'union conjugale du 22 janvier 2014,
le Président du Tribunal civil d'arrondissement de La Côte a notamment condamné
l'époux à contribuer à l'entretien de sa famille par le versement de 5'500 fr.
par mois, éventuelles allocations familiales en sus, dès le 1er octobre 2013,
ainsi que par le versement, dans les 30 jours dès sa réception, de 50 % de son
bonus annuel net. La jouissance du domicile conjugal a été attribué à l'épouse,
qui devait en assumer les charges.
Statuant le 30 juillet 2014 sur appel de l'époux, le Juge délégué de la Cour
d'appel civile du Tribunal cantonal du canton de Vaud (ci-après: le Juge
délégué) a partiellement réformé le jugement en ce sens que la pension due par
l'époux pour l'entretien " des siens " est fixée à 4'280 fr., éventuelles
allocations familiales en sus, dès le 1er août 2013.

C. 
Par mémoire du 3 novembre 2014, l'épouse exerce un recours en matière civile au
Tribunal fédéral. Elle conclut en substance à l'annulation de l'arrêt entrepris
et à sa réforme, en ce sens que le mari assure l'entretien des siens par le
versement de 5'500 fr. par mois, éventuelles allocations familiales en sus, dès
le 1er octobre 2013, ainsi que par le versement, dans les 30 jours dès sa
réception, de " 50 % de son bonus net ".
Invités à se déterminer, l'autorité cantonale s'est référée aux considérants de
son arrêt et l'intimé a conclu au rejet du recours.

D. 
Par ordonnance présidentielle du 24 novembre 2014, l'effet suspensif a été
accordé pour les contributions versées jusqu'au 31 octobre 2014, mais non pour
les montants dus à partir du 1er novembre 2014.

Considérant en droit :

1.

1.1. Le présent recours a été déposé en temps utile (art. 100 al. 1 LTF) ainsi
que dans les formes légales (art. 42 LTF), contre une décision finale (art. 90
LTF; ATF 133 III 393 consid. 4 p. 395 s.) rendue sur recours par une autorité
supérieure (art. 75 al. 1 et 2 LTF), dans une affaire matrimoniale (art. 72 al.
1 LTF). Le litige porte sur la contribution d'entretien due à l'épouse et aux
enfants, à savoir une affaire pécuniaire dont la valeur litigieuse requise est
atteinte (art. 51 al. 1 ch. 4 et 74 al. 1 let. b LTF). La recourante a en outre
pris part à la procédure devant l'autorité précédente (art. 76 al. 1 let. a
LTF) et a un intérêt à l'annulation ou à la modification de la décision
attaquée (art. 76 al. 1 let. b LTF). Le recours en matière civile est en
principe recevable au regard des dispositions qui précèdent.

1.2. L'intimé s'en prend aux conclusions de la recourante. Il explique qu'elles
tendent à l'annulation de l'arrêt attaqué et au maintien du chiffre I du
prononcé du 22 janvier 2014, sans qu'il ne soit possible de savoir ce qu'il
adviendrait " des conclusions II, III et IV " de ce prononcé. Selon lui, on ne
pourrait pas non plus savoir laquelle de la conclusion en " nullité " et de
celle en réforme est subsidiaire à l'autre. La recourante n'aurait par ailleurs
pris aucune conclusion en relation avec les frais et dépens fixés dans l'arrêt
entrepris. Dès lors que le Tribunal fédéral ne peut pas aller au-delà des
conclusions des parties, il faudrait considérer ses conclusions comme
irrecevables.
De tels arguments doivent être rejetés. Les conclusions et le contenu du
mémoire de recours permettent de comprendre clairement que l'épouse sollicite
une pension alimentaire de 5'500 fr. pour elle-même et pour les enfants, plus
la moitié du bonus éventuel perçu par l'intimé. Elle ne s'est pas contentée de
prendre des conclusions cassatoires, sollicitant expressément l'annulation et
la réforme de l'arrêt entrepris - ces deux conclusions n'étant pas subsidiaires
l'une à l'autre, mais complémentaires -, prenant d'ailleurs à cet égard des
conclusions chiffrées, conformément aux exigences légales (art. 42 al. 1 LTF;
ATF 134 III 235 consid. 2 p. 236 s.). Quant aux frais et dépens de l'instance
cantonale, le Tribunal fédéral peut quoi qu'il en soit les répartir d'office
autrement lorsqu'il modifie la décision attaquée ( BERNARD CORBOZ, Commentaire
de la LTF, 2e éd. 2014, n° 13 ad art. 67 LTF; HANSJÖRG Seiler, in
Bundesgerichtgesetz (BGG), n° 6 ad art. 67 LTF).

2.

2.1. Dès lors que la décision attaquée porte sur le prononcé de mesures
protectrices de l'union conjugale (art. 172 à 179 CC), lesquelles sont
considérées comme des mesures provisionnelles au sens de l'art. 98 LTF (ATF 134
III 667 consid. 1.1 p. 668; 133 III 393 consid. 5 p. 396), le Tribunal fédéral
dispose d'un pouvoir d'examen limité, seule la violation des droits
constitutionnels pouvant être invoquée. Il n'examine en outre les griefs de
violation de droits constitutionnels que s'ils ont été invoqués et motivés
conformément au principe d'allégation ( " Rügeprinzip " , art. 106 al. 2 LTF),
à savoir expressément soulevés et exposés de manière claire et détaillée (ATF
133 IV 286 consid. 1.4 p. 287).

2.2. Selon la jurisprudence, l'arbitraire ne résulte pas du seul fait qu'une
autre solution serait envisageable ou même préférable. Le Tribunal fédéral
n'annule la décision attaquée que lorsque celle-ci est manifestement
insoutenable, méconnaît gravement une norme ou un principe juridique clair et
indiscuté, ou heurte de manière choquante le sentiment de la justice et de
l'équité; il ne suffit pas qu'une autre solution paraisse concevable, voire
préférable; pour que cette décision soit annulée, encore faut-il que le
recourant démontre qu'elle se révèle arbitraire non seulement dans ses motifs,
mais aussi dans son résultat (ATF 139 III 334 consid. 3.2.5 p. 339; 138 I 305
consid. 4.3 p. 319; 133 I 149 consid. 3.1 p. 153).

3. 
Le litige a pour objet les contributions d'entretien en faveur de l'épouse et
des enfants.

3.1. Le premier juge a considéré qu'en dépit de l'importance de leurs revenus
(7'834 fr. net par mois, treizième salaire compris, pour l'épouse; 13'816 fr.
net par mois, treizième salaire compris, pour l'époux, plus un bonus variable,
d'une moyenne de 4'444 fr. 90 par mois), les époux n'ont pas réussi à réaliser
des économies durant la vie commune. Par conséquent, il se justifiait de fixer
les contributions d'entretien en appliquant la méthode du minimum vital élargi
avec répartition de l'excédent.
Les charges mensuelles incompressibles de l'épouse totalisaient 7'940 fr. 05
par mois, à savoir: 1'200 fr. de minimum vital de base, 800 fr. de minimum
vital de base des enfants (2 x 400 fr.), 1'910 fr. de loyer, 534 fr. 30
d'assurance-maladie (318 fr. 30 + 108 fr. + 108 fr.), 125 fr. de franchise
(1'500 fr. / 12), 143 fr. 75 de frais médicaux non remboursés (pour la
famille), 16 fr. de lunettes médicales pour les deux enfants, 2'000 fr. de
frais de maman de jour, 231 fr. de frais de repas hors du domicile et 980 fr.
de frais de transport. Les charges du mari s'élevaient à 5'671 fr. 35, soit
1'200 fr. de minimum vital de base, 150 fr. de frais d'exercice du droit de
visite, 2'640 fr. de loyer, 222 fr. 05 d'assurance-maladie, 208 fr. 30 de
franchise (2'500 fr. / 12), 60 fr. de frais médicaux non remboursés, 231 fr. de
frais de repas hors du domicile et 960 fr. de frais de transport.
Après avoir déduit des charges essentielles des parties le déficit de l'épouse,
le premier juge a procédé à la répartition du disponible du couple (8'039 fr.),
à raison d'un tiers pour l'époux et deux tiers pour l'épouse et les deux
enfants. Les dettes de l'époux n'ont pas été prises en considération, car leur
remboursement devait céder le pas aux obligations d'entretien, ce d'autant
qu'elles n'étaient pas liées à l'entretien de la famille. Sa charge fiscale n'a
pas non plus été prise en compte, car il était impossible de déterminer son
revenu imposable, partant, d'estimer de manière sûre le montant de ses impôts.
La pension globale pour la famille a été fixée à 5'500 fr., le mari devant en
outre verser la moitié de son bonus net annuel.

3.2.

3.2.1. Examinant les critiques formulées par l'époux dans son mémoire d'appel,
le Juge délégué a considéré que l'application de la méthode du minimum vital
élargi avec répartition de l'excédent pouvait être confirmée. En effet, il
n'était pas contesté que les parties n'avaient pas réalisé d'économies durant
leur vie commune et aucune pièce du dossier ne permettait de retenir l'inverse.
Le fait que leurs revenus aient augmenté durant les dernières années
antérieures à la séparation, comme l'alléguait l'époux, démontrait bien que
leur train de vie était tel qu'il absorbait l'entier de leurs revenus, puisque
cette augmentation ne leur avait pas permis de faire des économies. Ces
constatations étaient corroborées par les déclarations d'impôt 2009, 2010 et
2011, dont il ressort qu'en dépit de l'importance et de l'augmentation
significative de leurs revenus (210'758 fr. en 2009, 235'344 fr. en 2010 et
252'900 fr. en 2011), la fortune du couple n'a pas augmenté et a même
sensiblement diminué (60'074 fr. en 2009, 62'324 fr. en 2010 et 11'000 fr. en
2011). Il n'était par ailleurs pas établi que l'absence d'économies était due,
exclusivement ou partiellement, aux dettes du mari. Après avoir confirmé la
méthode de calcul appliquée par le premier juge, l'autorité cantonale a
expliqué que les minima vitaux retenus par celui-ci étaient également corrects,
à savoir 7'940 fr. 05 pour l'épouse et les deux enfants et 5'671 fr. 35 pour le
mari; la charge fiscale du mari et les montants versés par celui-ci pour
rembourser ses dettes ne devaient pas être pris en considération, puisqu'il ne
s'en acquittait pas régulièrement.

3.2.2. Le Juge délégué a ensuite examiné les allégations du mari, selon
lesquelles l'épouse n'aurait pas rendu vraisemblable que son salaire de 7'894
fr. par mois ne lui permettrait pas d'assurer son train de vie antérieur.
L'épouse avait indiqué, dans un budget établi en partie sur la base de factures
et en partie sur des valeurs estimatives, que le train de vie du couple
s'élevait à 146'000 fr. par année durant la vie commune, sans tenir compte des
impôts. Déduisant de ce montant la part afférente aux deux enfants, qu'il a
estimée à 25 % des dépenses de la famille compte tenu de leur jeune âge (soit
36'500 fr.), le Juge délégué a obtenu un montant de 109'500 fr. pour le couple,
ou 54'750 fr. par époux. Le train de vie mené par l'épouse durant le mariage
s'élevait donc, selon l'autorité cantonale, à un montant arrondi, hors impôts,
de 4'560 fr. par mois, ce qui s'avérait sensiblement inférieur au revenu de son
travail. Elle n'avait ainsi pas rendu vraisemblable qu'une contribution
d'entretien était nécessaire au maintien de son train de vie, de sorte qu'il
n'y avait pas lieu de lui en octroyer. Pour le surplus, il ne ressortait pas du
dossier qu'elle doive supporter des frais supplémentaires liés à l'existence de
deux ménages et qui ne pourraient être couverts, compte tenu de son budget
mensuel et de ses revenus.

3.2.3. La juridiction précédente a ensuite fixé la contribution due par le père
pour l'entretien des enfants. Elle a rappelé que ceux-ci étaient âgés de 8 et 5
ans, et précisé qu'ils ont bénéficié du train de vie élevé des parents, qui
n'ont pas réalisé d'économies durant la vie commune. La famille est notamment
partie en vacances en Tunisie en 2008, en Turquie en 2010 et à l'Ile Maurice en
2011. Selon les tabelles zurichoises, les besoins moyens d'un enfant âgé d'un à
six ans s'élèvent à 1'730 fr., et ceux d'un enfant de sept à douze ans à 1'690
fr. Compte tenu du revenu annuel moyen des parties durant la vie commune, à
savoir 233'000 fr. par année ([210'758 + 235'344 + 252'900] : 3), correspondant
à 19'416 fr. par mois, la situation financière était favorable. Il se
justifiait donc de majorer les montant retenus par les tabelles zurichoises de
25 %, de sorte que les besoins des enfants pouvaient être estimés, en équité, à
2'115 fr. pour C.________ et à 2'165 fr. pour D.________. La contribution en
faveur des enfants a donc été fixée à 4'280 fr. par mois. L'arrêt attaqué
retient en définitive qu' "au vu de ce qui précède, il y a lieu de réformer le
chiffre I du prononcé querellé en ce sens que [l'époux] contribuera à
l'entretien des siens par le versement d'une pension de 4'280 fr., éventuelles
allocations familiales non comprises et dues en sus, payable d'avance le
premier de chaque mois en mains de [l'épouse], dès et y compris le 1er août
2013 ".

4. 
En substance, la recourante fait valoir les griefs d'arbitraire (art. 9 Cst.)
dans l'application des art. 163, 176 et 285 CC, affirmant que la méthode de
calcul des contributions d'entretien à laquelle a eu recours l'autorité
précédente est insoutenable; le résultat serait aussi arbitraire.
Elle estime choquant de s'écarter de la méthode du minimum vital avec
répartition de l'excédent, qui a pourtant été confirmée dans la première partie
de l'arrêt cantonal. Par ailleurs, son train de vie aurait été établi de façon
arbitraire, sur la base d'une liste approximative des dépenses du couple durant
la vie commune, et sans tenir compte de l'augmentation des charges liées à la
séparation. Par exemple, l'autorité cantonale aurait pris en considération,
dans le budget de l'épouse, la moitié des frais de logement antérieurs à la
séparation, alors qu'elle s'acquitte désormais seule de toutes les charges
liées au logement conjugal. Les frais d'assurance responsabilité civile et
ménage, de protection juridique, d'assurance ECA, de Billag, de taxation feu,
de ramonage et de taxe de déchets ont aussi été divisés par deux, alors qu'ils
sont entièrement à sa charge depuis la séparation. Il serait en outre
insoutenable d'établir son budget en divisant par deux celui de la famille
avant la séparation, sous déduction des dépenses des enfants estimées à 25 %.
Quant au budget qu'elle a elle-même produit, la recourante expose qu'il n'est
pas représentatif du train de vie antérieur des époux, puisqu'il ne fait
parfois état que des dépenses de l'épouse et des enfants (primes
d'assurance-maladie, frais de véhicule, soins corporels, etc.), à l'exclusion
des postes de charge équivalents de l'époux; pour chaque poste, le document
produit indiquerait clairement s'il concerne l'ensemble de la famille (par
exemple, le logement) ou uniquement l'épouse et les enfants. Enfin, la charge
fiscale n'a pas été prise en considération, alors qu'elle est loin d'être
négligeable, s'agissant d'un revenu supérieur à 12'000 fr. Concernant les
besoins des enfants, il serait insoutenable de les évaluer à 36'500 fr. par an,
puisque cela correspond à leur strict minimum vital (minima vitaux de 9'600
fr., primes d'assurance-maladie 2'592 fr., frais de garde 24'000 fr. par an),
alors que le niveau de vie du couple a été considéré comme très favorable, le
juge d'appel ayant même indiqué qu'il fallait évaluer largement les besoins des
enfants (arrêt entrepris p. 14 § 2). La recourante souligne que l'autorité
cantonale a évalué son train de vie et celui des enfants à un montant global de
7'604 fr. 16 de charges mensuelles ([54'750 + 36'500] / 12; arrêt entrepris p.
13 § 2), à savoir un montant inférieur au minimum vital élargi des trois
membres de la famille, évalué par la même autorité à 7'940 fr. (arrêt entrepris
p. 6 § 7).

5.
Le montant de la contribution d'entretien due entre conjoints selon l'art. 176
al. 1 ch. 1 CC se détermine en fonction des facultés économiques et des besoins
respectifs des époux. Le législateur n'a pas arrêté de mode de calcul à cette
fin. L'une des méthodes préconisées par la doctrine, qui est considérée comme
conforme au droit fédéral, est celle dite du minimum vital avec répartition de
l'excédent. Selon cette méthode, lorsque le revenu total des conjoints dépasse
leur minimum vital de base du droit des poursuites (art. 93 LP), auquel sont
ajoutées les dépenses non strictement nécessaires, l'excédent est en règle
générale réparti par moitié entre eux (ATF 114 II 26), à moins que l'un des
époux ne doive subvenir aux besoins d'enfants mineurs communs (ATF 126 III 8
consid. 3c p. 9 s.) ou que des circonstances importantes ne justifient de s'en
écarter (ATF 119 II 314 consid. 4b/bb p. 318). Cette méthode est considérée
comme conforme au droit fédéral, en cas de situation financière moyenne et tant
que dure le mariage (arrêt 5A_287/2012 du 14 août 2012 consid. 3.2.3), pour
autant qu'elle n'ait pas pour effet de faire bénéficier l'intéressé d'un niveau
de vie supérieur à celui mené durant la vie commune (arrêts 5A_973/2013 du 9
mai 2014 consid. 6.3.2; 5A_56/2011 du 25 août 2011 consid. 3.4.2).
En tant que des enfants mineurs sont concernés, le juge ordonne les mesures
nécessaires d'après les dispositions sur les effets de la filiation (art. 176
al. 3 CC). Selon l'art. 285 al. 1 CC, la contribution d'entretien doit
correspondre aux besoins de l'enfant ainsi qu'à la situation et aux ressources
des père et mère, compte tenu de la fortune et des revenus de l'enfant ainsi
que de la participation de celui des parents qui n'a pas la garde de l'enfant à
la prise en charge de ce dernier (arrêt 5A_11/2014 du 3 juillet 2014 consid.
4.3.1.1 in fine).

6. 
Dans le dispositif de l'arrêt entrepris, il est indiqué que la pension est due
par l'époux pour l'entretien " des siens ". Cependant, il ressort clairement
des considérants que la cour cantonale a nié le droit de l'épouse à une
contribution d'entretien, et condamné le père à verser un montant de 4'280 fr.
par mois destiné exclusivement à l'entretien des enfants.
Il est en l'espèce établi que les époux n'ont pas constitué d'économies durant
la vie commune. Partant, on ne saurait critiquer l'autorité cantonale en tant
qu'elle a confirmé l'application de la méthode du minimum vital élargi avec
répartition de l'excédent, à laquelle avait eu recours le premier juge. En
revanche, on ne discerne pas pour quel motif particulier, après avoir
expressément retenu que le train de vie des époux était tel qu'il absorbait
l'entier de leurs revenus, elle a décrété qu'il fallait vérifier si l'épouse
était en mesure de subvenir elle-même à son entretien. Certes, il est constant
que la limite supérieure du droit à l'entretien de l'épouse correspond au
montant nécessaire au maintien du train de vie qui était le sien durant la vie
commune. Il n'en demeure pas moins que lorsque les époux ne réalisaient pas
d'économies, ou qu'en raison des frais supplémentaires liés à l'existence de
deux ménages séparés, les revenus sont entièrement absorbés par l'entretien
courant, la méthode du minimum vital élargi avec répartition de l'excédent
permet en principe de tenir compte adéquatement du niveau de vie antérieur et
des restrictions qui peuvent être imposées au conjoint créancier et aux enfants
(ATF 137 III 102 consid. 4.2.1.1 p. 106 s.; en mesures protectrices de l'union
conjugale, cf. notamment arrêt 5A_323/2012 du 8 août 2012 consid. 5.1). La
vérification du train de vie n'a de sens, dans le cadre de l'application de
cette méthode, qu'en cas de circonstances particulières, par exemple lorsque
les revenus d'un époux augmentent sensiblement peu après la séparation, de
sorte que la prise en compte de l'entier de ce nouveau revenu dans le cadre du
calcul du disponible à répartir permettrait à l'autre conjoint d'augmenter son
niveau de vie. En l'occurrence, rien de tel ne ressort de l'arrêt attaqué, et
aucune autre circonstance particulière ne permet de penser que la contribution
d'entretien calculée en répartissant l'excédent du minimum vital aurait pour
effet d'augmenter le train de vie de l'épouse. Des éléments concrets
contredisent d'ailleurs cette thèse, notamment le fait qu'il est arbitraire, en
l'espèce, de considérer que la séparation n'a pas engendré de frais
supplémentaires. Il ressort en effet de l'arrêt attaqué que l'épouse s'est vu
attribuer la jouissance du domicile conjugal, à charge pour elle d'en assumer
les charges, à savoir 1'910 fr. selon le budget établi par le premier juge et
confirmé en appel; pour sa part, le mari doit désormais assumer un loyer de
2'640 fr., qui n'avait pas lieu d'être avant la séparation. Il est donc évident
que le couple doit faire face à des dépenses supplémentaires depuis la
séparation.
Vu ce qui précède, la détermination du train de vie était quoi qu'il en soit
dénué de pertinence en l'espèce. A titre indicatif, on rappellera que, dans les
cas où il se justifie de calculer les dépenses nécessaires au maintien du train
de vie de l'épouse, il est arbitraire d'utiliser la méthode de calcul à
laquelle a eu recours l'autorité cantonale en l'espèce. Il n'est pas admissible
de calculer les frais nécessaires au maintien du train de vie de l'épouse en
divisant par deux les dépenses de la famille antérieures à la séparation
(telles qu'alléguées par l'épouse), sous déduction d'une proportion de 25 % de
ces dépenses, qui ont été attribuées aux enfants. Le calcul des dépenses
nécessaires, après la séparation, pour que l'épouse puisse maintenir le train
de vie qui était le sien pendant la vie commune, doit être effectué sous forme
d'un calcul concret (arrêt 5A_593/2014 du 23 décembre 2014 consid. 4.2.1).
Quant au montant de 146'000 fr. par année, qui figure sur le " budget " produit
en appel par l'épouse, il ne pouvait de toute manière pas être pris en
considération comme tel en tant que base de calcul du train de vie du couple,
sous peine d'arbitraire; il est en effet établi que les époux ne réalisaient
pas d'économies durant la vie commune - ce qu'ils ne contestent pas - , alors
que leurs salaires cumulés s'élevaient à près de 260'000 fr., auxquels il faut
encore ajouter le bonus de l'époux. Lorsqu'elle a déterminé le train de vie de
la mère et des enfants, la cour cantonale a abouti à un montant inférieur à
celui de leur minimum vital élargi, ce qui confirme encore le caractère
insoutenable du raisonnement.
S'il est vrai que la loi n'impose aucune méthode particulière pour le calcul de
la contribution d'entretien, force est donc de constater qu'en l'espèce,
l'autorité cantonale s'est écartée de manière arbitraire de la méthode du
minimum vital élargi avec répartition de l'excédent, qu'elle avait pourtant
confirmée dans la première étape de son raisonnement; les critères qu'elle a
utilisés conduisent à un résultat dont la conformité avec la jurisprudence est
difficilement vérifiable. La cause doit être renvoyée à l'autorité précédente
pour nouvelle décision. Il lui appartiendra cas échéant d'inclure la charge
fiscale des époux dans leur minimum vital élargi, vu la situation financière
favorable des parties (cf. dans ce sens les arrêts 5A_291/2013 du 27 janvier
2014 consid. 6.5.2.4; 5A_778/2012 du 24 janvier 2013 consid. 5.4; 5A_679/2011
du 10 avril 2012 consid. 10). Le raisonnement erroné de la juridiction d'appel
a eu pour conséquence qu'elle ne s'est pas prononcée sur les griefs des parties
relatifs aux modalités de la répartition de l'excédent prévues par le premier
juge (1/3 pour l'époux, 2/3 pour l'épouse et les enfants), ni sur ceux qui
concernent la répartition du bonus perçu par l'époux. Dans le cadre du renvoi,
elle devra examiner ces questions, puis établir à nouveau les contributions
d'entretien en faveur de l'épouse et des enfants en conformité avec la
jurisprudence. Elle serait bien inspirée de fixer des contributions distinctes
pour l'épouse, d'une part, et pour les enfants, d'autre part (parmi plusieurs,
arrêt 5A_757/2013 du 14 juillet 2014 consid. 2.1).

7.
L'intimé expose que la cour cantonale n'aurait pas dû prendre en compte les
pièces produites par son épouse pour établir son train de vie. Il ne soulève
toutefois à ce sujet aucune violation d'un droit constitutionnel, de sorte que
sa critique est irrecevable (cf. supra consid. 2.1). Il en va de même de
l'ensemble des remarques qu'il formule sans soulever de grief de nature
constitutionnelle, par exemple de ses allégations selon lesquelles l'autorité
cantonale aurait oublié de déduire les allocations familiales des besoins des
enfants, ou de celles relatives au train de vie des parties. L'intimé invoque,
pour le cas où le Tribunal fédéral entendrait rendre un jugement réformatoire,
la violation de son droit d'être entendu, pour le motif qu'il n'aurait pas pu
se prononcer sur les pièces destinées à prouver le train de vie de son épouse.
Au vu du renvoi de la cause en instance cantonale, le grief est sans objet.

8. 
En définitive, le recours doit être admis et la cause renvoyée à l'autorité
cantonale pour nouvelle décision sur les pensions dues à l'épouse et aux
enfants, dans le sens des considérants. Les frais judiciaires sont mis à la
charge de l'intimé, qui succombe (art. 66 al. 1 LTF). Celui-ci versera en outre
une indemnité de dépens à la recourante (art. 68 al. 1 et 2 LTF). Il
appartiendra à la cour cantonale de statuer à nouveau sur les frais et dépens
de la procédure cantonale (art. 68 al. 5 LTF).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :

1. 
Le recours est admis, l'arrêt attaqué est annulé et la cause est renvoyée à
l'autorité précédente pour nouvelle décision dans le sens des considérants.

2. 
Les frais judiciaires, arrêtés à 2'500 fr., sont mis à la charge de l'intimé.

3. 
Une indemnité de 3'000 fr., à payer à la recourante à titre de dépens, est mise
à la charge de l'intimé.

4. 
Le présent arrêt est communiqué aux parties et au Juge délégué de la Cour
d'appel civile du Tribunal cantonal du canton de Vaud.

Lausanne, le 21 avril 2015

Au nom de la IIe Cour de droit civil
du Tribunal fédéral suisse

Le Président : von Werdt

La Greffière : Bonvin

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