Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

II. Zivilrechtliche Abteilung, Beschwerde in Zivilsachen 5A.278/2014
Zurück zum Index II. Zivilrechtliche Abteilung, Beschwerde in Zivilsachen 2014
Retour à l'indice II. Zivilrechtliche Abteilung, Beschwerde in Zivilsachen 2014


Wichtiger Hinweis:
Diese Website wird in älteren Versionen von Netscape ohne graphische Elemente
dargestellt. Die Funktionalität der Website ist aber trotzdem gewährleistet.
Wenn Sie diese Website regelmässig benutzen, empfehlen wir Ihnen, auf Ihrem
Computer einen aktuellen Browser zu installieren.
Zurück zur Einstiegsseite Drucken
                                                               Grössere Schrift

Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal

[8frIR2ALAGK1]     
{T 0/2}
                   
5A_278/2014

Arrêt du 29 janvier 2015

IIe Cour de droit civil

Composition
MM. les Juges fédéraux von Werdt, Président,
Marazzi, Herrmann, Schöbi et Bovey.
Greffière : Mme de Poret Bortolaso.

Participants à la procédure
A.A.________,
représenté par Me Eric C. Stampfli, avocat,
recourant,

contre

B.A.________,
représentée par Me Laurent Nephtali, avocat,
intimée.

Objet
divorce (liquidation du régime matrimonial),

recours contre l'arrêt de la Chambre civile de la Cour de justice du canton de
Genève du 13 février 2014.

Faits :

A.

A.a. A.A.________, né en 1954, et B.B.________ née en 1964, se sont mariés à
Cologny (Genève) le 7 août 1998.

 Les époux n'ayant pas conclu de contrat de mariage, ils sont soumis au régime
matrimonial de la participation aux acquêts.

A.b. Le 22 mars 2002, les époux ont acquis un appartement en triplex de 300 m ^
2 habitables, avec un jardin de 180 m ^2, ainsi que deux places de parc
intérieures, sis dans une copropriété de la commune de X.________ (Genève),
pour un prix de 1'100'000 fr. Il résulte de l'acte notarié et de la facture du
notaire que ce prix de vente ne comprend pas les plus-values convenues entre
les parties, soit des travaux supplémentaires de 61'000 fr., le rachat d'une
cédule hypothécaire de 850'000 fr. moyennant le remboursement des frais de
constitution de 10'200 fr., ainsi que les frais et honoraires du notaire de
50'243 fr. 80.

 Les époux sont inscrits au Registre foncier en tant que copropriétaires du
bien immobilier à raison de la moitié chacun.

 Cette acquisition a été financée par un emprunt hypothécaire de 910'000 fr.,
dont les époux sont codébiteurs solidaires, lequel a été porté par la suite à
1'010'000 fr., sans toutefois que l'affectation du crédit supplémentaire ait
été établie, et par un versement anticipé de 310'950 fr. de l'institution de
prévoyance professionnelle de l'époux. Il est admis que, sur ce montant, seuls
69'589 fr. 80 ont été accumulés après le mariage, de sorte qu'un montant de
241'360 fr. correspond à des avoirs constitués avant le mariage.

 L'amortissement est assuré de manière indirecte par deux polices
d'assurance-vie conclues par A.A.________ et une police d'assurance-vie
contractée par B.A.________ auprès d'une compagnie d'assurance, nanties en
faveur de cette dernière. A.A.________ a été libéré du paiement des primes
concernant l'une des assurances qu'il a conclues.

 A.A.________ s'acquitte des charges relatives à l'appartement, lesquelles
s'élèvent à 4'647 fr. 60 par mois (soit 2'525 fr. d'intérêts hypothécaires,
1'157 fr. 80 de charges de copropriété, et 964 fr. 80 de primes d'assurance-vie
liées payées à titre d'amortissement indirect).

 Les parties ont convenu que la valeur actuelle de cet appartement est de
2'600'000 fr.

B.

B.a. Par jugement du 30 janvier 2013, le Tribunal de première instance du
canton de Genève a notamment dissous par le divorce le mariage contracté par
A.A.________ et B.A.________, attribué à l'époux la propriété exclusive de
l'appartement sis à X.________, ordonné la modification des inscriptions du
Registre foncier en conséquence, et condamné le mari à verser à l'épouse, à
titre de liquidation du régime matrimonial, la somme de 696'939 fr.

 Le Tribunal de première instance a attribué l'appartement de X.________ à
A.A.________ pour la valeur de 2'600'000 fr. convenue entre les parties, dont à
déduire le versement anticipé de sa caisse de prévoyance professionnelle en
310'950 fr. et l'emprunt hypothécaire de 1'010'000 fr. Le solde de 1'279'050
fr. devait être partagé par moitié, soit 639'525 fr. par époux, montant à
intégrer dans les différentes masses des conjoints.

B.b. A.A.________ a appelé de ce jugement devant la Cour de justice du canton
de Genève, concluant notamment à ce qu'il lui soit donné acte de son engagement
de verser 138'609 fr. 75 à B.A.________ à titre de liquidation du régime
matrimonial.

 Statuant par arrêt du 13 février 2014, expédié le 4 mars 2014, la Cour de
justice a réformé le jugement entrepris en ce sens que A.A.________ est
condamné à verser à B.A.________, à titre de liquidation du régime matrimonial,
la somme de 680'926 fr.

C. 
Par acte du 4 avril 2014, A.A._______ exerce un recours en matière civile
contre cet arrêt. Il conclut principalement à sa réforme en ce sens qu'il est
condamné à verser à B.A.________, à titre de liquidation du régime matrimonial,
la somme de 400'302 fr. 40. Subsidiairement, il sollicite le renvoi de la cause
à la juridiction précédente ou de première instance pour nouvelle décision. Il
se plaint de la violation des art. 206 et 209 CC.

 B.A.________, qui s'est déterminée spontanément sur le fond de la cause,
conclut au rejet du recours. La Cour de justice se réfère aux considérants de
son arrêt.

D. 
Par ordonnance du 3 juin 2014, le Président de la Cour de céans a accordé
l'effet suspensif au recours.

E. 
Le 29 janvier 2015, le Tribunal fédéral a délibéré sur le recours en séance
publique. Le dispositif du présent arrêt a été lu à l'issue de la séance.

Considérant en droit :

1. 
L'arrêt entrepris est une décision finale (art. 90 LTF), rendue en matière
civile (art. 72 al. 1 LTF), par une autorité cantonale supérieure statuant sur
recours (art. 75 LTF), dans une contestation pécuniaire dont la valeur
litigieuse atteint 30'000 fr. (art. 51 al. 1 let. a et al. 4 LTF, art. 74 al. 1
let. b LTF; ATF 138 III 193 consid. 1). Le recourant, qui a qualité pour
recourir (art. 76 al. 1 LTF), a agi dans le délai prévu par la loi (art. 100
al. 1 LTF), de sorte que le recours en matière civile est en principe
recevable.

2. 
Le recours en matière civile peut être formé pour violation du droit, tel qu'il
est délimité par les art. 95 et 96 LTF. Le Tribunal fédéral applique le droit
d'office (art. 106 al. 1 LTF). Il n'est donc limité ni par les arguments
soulevés dans le recours, ni par la motivation retenue par l'autorité
précédente; il peut admettre un recours pour d'autres motifs que ceux qui ont
été invoqués et le rejeter en adoptant une argumentation différente de celle de
l'autorité précédente (cf. ATF 134 III 102 consid. 1.1; 130 III 297 consid.
3.1).

3. 
Le recourant invoque la violation des art. 206 al. 1 et 209 al. 3 CC en lien
avec le sort de la plus-value conjoncturelle engendrée par l'immeuble des
époux.

3.1. La cour cantonale a tout d'abord constaté que les parties s'accordaient
sur la valeur vénale actuelle de l'immeuble de 2'600'000 fr. et que cet
immeuble avait été financé à hauteur de 1'010'000 fr. par un emprunt
hypothécaire et de 310'950 fr. par un versement anticipé de l'institution de
prévoyance professionnelle de l'époux; la plus-value engendrée par l'immeuble
était donc de 1'279'050 fr. ([2'600'000 fr. - 1'010'000 fr. - 310'950 fr.]).
Elle a ensuite jugé que cette somme devait être partagée par moitié entre les
époux, compte tenu de leur qualité de copropriétaires pour moitié chacun et de
la jurisprudence (ATF 138 III 150); l'époux devait ainsi à l'intimée la somme
de 639'525 fr.

 La cour a ensuite intégré l'immeuble, attribué en pleine propriété à l'époux,
à la masse des acquêts de ce dernier à la valeur de 2'600'000 fr., dès lors
qu'il avait été acquis à titre onéreux pendant le régime (art. 197 al. 1 et 200
al. 3 CC). L'emprunt hypothécaire de même que le versement anticipé des avoirs
de prévoyance professionnelle de l'époux, qu'elle a considéré comme un prêt,
grevaient en conséquence la masse des acquêts.

 Elle a enfin estimé que, dans la mesure où les biens propres de l'époux
n'avaient fait aucune contribution effective, il n'y avait pas lieu à
récompense variable. Dès lors, l'indemnité de 639'525 fr. revenant à l'épouse
dans la liquidation de la copropriété de l'immeuble devait grever les acquêts
de l'époux, auxquels était attribué l'immeuble. Elle devait ainsi être
attribuée à la masse des acquêts de l'épouse (art. 200 al. 3 CC).

3.2. Le recourant fait valoir que la plus-value afférente à la part du
versement anticipé de ses avoirs de prévoyance professionnelle constitués au
moyen de ses revenus accumulés avant le mariage doit profiter à ses biens
propres et non pas, comme l'a retenu la Cour de justice, à ses acquêts et à
ceux de son ex-épouse. Ses biens propres aurait ainsi une créance - ascendant à
280'623 fr. 60 [21,94 % de la plus-value de 1'279'050 fr.] - contre ses acquêts
et ceux de son épouse. Il y aurait lieu de retrancher cette créance du montant
alloué à l'épouse par la Cour de justice au titre de la liquidation du régime
matrimonial.

4. 
La question qui se pose porte sur le sort de la plus-value conjoncturelle d'un
immeuble afférente à un versement anticipé de la prestation de libre passage
lors de la dissolution du régime avant la survenance d'un cas de prévoyance.

 Le Tribunal fédéral n'a jamais été amené à se prononcer sur cette question.

4.1. Pour déterminer le bénéfice de chaque époux (cf. art. 210 CC), les
patrimoines des époux sont dissociés (art. 205 s. CC), et les acquêts (art. 197
CC) et les biens propres (art. 198 CC) de chaque époux disjoints (art. 207 al.
1 CC). Tous les biens qui constituent la fortune des époux doivent être
attribués à l'une ou à l'autre masse. Chaque bien d'un époux est rattaché
exclusivement à une seule masse (ATF 132 III 145 consid. 2.2.1; cf. également
arrêt 5A_621/2013 du 20 novembre 2014 consid. 5.4 destiné à la publication).

 Les art. 206 et 209 al. 3 CC instaurent le partage entre les époux, d'une
part, et entre les masses d'un époux, d'autre part, des plus-values
conjoncturelles, soit celles qui résultent des forces du marché sans apport du
propriétaire du bien (ATF 132 III 145 consid. 2.3; 131 III 252 consid. 3;
arrêts 5A_621/2013 précité consid. 5.4; 5A_279/2013 du 10 juillet 2013 consid.
3.1 et 3.2, résumé  in FamPra.ch 2013 p. 1022; 5C.81/2001 du 14 janvier 2002
consid. 5b, publié  in Pra 2002 (69) p. 392 et RNRF 2003 (84) p. 250). Seule la
plus-value tombant dans les acquêts d'un époux est partagée avec l'autre.

4.2. En vertu des art. 30c s. LPP (pour le deuxième pilier A) et 331e CO (pour
le deuxième pilier B), l'assuré peut faire valoir auprès de son institution de
prévoyance le droit au versement d'un montant pour la propriété d'un logement
pour ses propres besoins. Lorsqu'il est marié, il doit obtenir le consentement
écrit de son conjoint. En cas de vente du logement, il doit rembourser le
produit réalisé.

4.2.1. Au sujet de l'encouragement à l'accession à la propriété du logement au
moyen de la prévoyance professionnelle, le Message du Conseil fédéral mentionne
uniquement que, du point de vue des régimes matrimoniaux, le logement doit être
traité comme s'il avait été acquis au moyen d'un prêt. Lorsqu'un cas de
prévoyance est déjà survenu avant le divorce pour le preneur d'assurance,
l'argent n'est plus bloqué et les fonds investis dans le logement doivent être
traités dans le cadre de la liquidation du régime matrimonial, comme en cas de
versement en espèces (Message concernant la révision du Code civil suisse du 15
novembre 1995,  in FF 1996 I p. 1 ss [ch. 233.45, p. 113]).

4.2.2. Dans sa majorité, la doctrine s'accorde aussi à considérer que, jusqu'à
la survenance d'un cas de prévoyance, le versement anticipé doit être considéré
comme un prêt de l'institution de prévoyance. Elle avance comme argument
principal que le versement anticipé se rapporte à une expectative, que l'assuré
n'est pas sûr de pouvoir conserver, de sorte qu'il ne doit pas être
comptabilisé dans le régime, ce contrairement aux prestations effectives faites
à un époux suite à un cas de prévoyance, qui, elles, entrent dans les acquêts,
quelle que soit la masse qui a payé les cotisations et même si celles-ci ont
été payées avant le régime (art. 197 al. 2 ch. 2 CC); la réglementation des
effets du divorce confirme indirectement que le droit à des rentes futures
n'est pas pris en compte lors de la liquidation du régime puisque, dans ce cas,
un partage des prestations de sortie acquises pendant le mariage est
spécialement réglé par les art. 122 ss CC. (cf. art. 197 ss CC; cf. surtout,
BADDELEY, La plus-value du logement acquis par des époux: répartition en cas
d'utilisation des avoirs de la prévoyance professionnelle,  in Jusletter du
8.12.2008, n° 27 et 32; BÄDER FEDERSPIEL, Wohneigentumsförderung und Scheidung,
thèse, 2008, n° 50 s., 91 ss, 111 et les références [cité: thèse]; GEISER, Le
nouveau droit du divorce et les droits en matière de prévoyance
professionnelle,  in Pfister-Liechti (éd.), De l'ancien au nouveau droit du
divorce, 1999, p. 53 ss [73]; Stei NAUER, Le statut dans la participation aux
acquêts d'un immeuble acquis au moyen d'un versement anticipé du deuxième
pilier,  in Soziale Sicherheit - Soziale Unsicherheit, 2010, p. 857 ss [859 ss
et les références]; d'autres auteurs préconisent l'attribution du bien en
fonction des avoirs accumulés avant et après le mariage: cf. SANDOZ, Prévoyance
professionnelle et divorce,  in PICHONNAZ/RUMO-JUNGO (ÉD.), Le droit du
divorce: Questions actuelles et besoin de réforme, 2008, p. 35 ss [54 s.];
SCHAI, Vorbezüge aus der zweiten Säule für Wohneigentum im Scheidungsfall,  in
 BJM 2006 p. 57 ss [87 ss]; Sutter-Somm/Kobel, Ist das schweizerische
Ehegüterrecht revisionsbedürftig?,  in FamPra.ch 2004 p. 776 ss [788 ss]).

4.2.3. En revanche, la doctrine est plus divisée sur la question du sort de la
plus-value conjoncturelle afférente au versement anticipé. On peut distinguer
principalement quatre courants (pour une présentation complète, cf. not. BÄDER
FEDERSPIEL, thèse, n° 153 ss; IDEM, Vorbezüge für Wohneigentum in der
güterrechtlichen Auseinandersetzung bei Scheidung,  in FamPra.ch 2009, p. 807
ss [815 ss]; STEINAUER,  op. cit., p. 867 ss).

 Un premier courant majoritaire, insistant sur le fait qu'il s'agit de fonds
prêtés par un tiers pour lesquels la masse débitrice sur le plan interne n'a
pas eu la charge d'intérêts, propose que le traitement de la plus-value
afférente au versement anticipé soit le même que celui appliqué à la plus-value
afférente à un emprunt hypothécaire non remboursé; il s'agirait ainsi de
répartir la plus-value afférente au versement anticipé entre les propres et les
acquêts de l'époux assuré proportionnellement aux contributions effectives que
chacune de ces masses a faites pour financer l'acquisition du logement (sur
cette méthode lors d'un emprunt hypothécaire: ATF 132 III 145 consid. 2.3; 123
III 152 consid. 6b/bb; Steinauer, Deuxième pilier, versement anticipé et
régimes matrimoniaux,  in Pichonnaz/Rumo-Jungo (éd.), Deuxième pilier et
épargne privée en droit du divorce, 2010, p. 1 ss [38 s.; cité: Deuxième
pilier]; IDEM,  op. cit., p. 870 s.; IDEM,  in DESCHENAUX/STEINAUER/BADDELEY,
Les effets du mariage, 2 ^ème éd. 2009, n° 1294c p. 593 s.; cf. aussi,
Aebi-Müller, Vorbezüge für Wohneigentum bei Scheidung: Wer trägt den
Zinsverlust?,  in RJB 2001 p. 132 ss [134]; Idem, Die optimale Begünstigung des
überlebenden Ehegatten, 2ème éd. 2007, n° 03.40; Bäder Federspiel, thèse, n°
154 ss et 180; Idem,  op. cit., p. 818 ss et 825 ss; Geiser, Vorsorgeausgleich:
Aufteilung bei Vorbezug für Wohneigentumserwerb und nach Eintreten eines
Vorsorgefalls,  in FamPra.ch 2002 p. 83 ss [93]; Hausheer/Aebi-Müller,  in
 Basler Kommentar, Zivilgesetzbuch I, 5ème éd. 2014, n° 30a ad art. 209 CC;
Hausheer/Reusser/Geiser, Berner Kommentar, Das Familienrecht, T. II/1/3/2,
1996, n° 16 ad art. 237 CC; Koller, Familien- und Erbrecht und Vorsorge,  in
 recht 1997 p. 10; Wolf, Grundstücke in der güter- und erbrechtlichen
Auseinandersetzung,  in RJB 2000 p. 241 ss [254 s.]).

 Un deuxième courant important est d'avis qu'il convient, soit pour des raisons
d'équité, soit au motif que le prêt de l'institution de prévoyance se distingue
d'un prêt ordinaire en tant que l'époux propriétaire utilise des droits qu'il a
accumulés et s'apparente à un apport en fonds propres, de tenir compte de
l'origine des fonds prêtés par l'institution de prévoyance. Il propose de
répartir la plus-value liée au versement anticipé entre les propres et les
acquêts de l'époux assuré selon que les avoirs de prévoyance ont été accumulés
avant ou après le mariage. Ainsi, seule la part du versement anticipé
correspondant à des avoirs de prévoyance accumulés pendant le régime doit être
considérée comme un acquêt ( BÜCHLER/VETTERLI, Ehe, Partnerschaft, Kinder, Eine
Einführung in das Familienrecht der Schweiz, 2ème éd. 2011, p. 71; KOBEL,
Immobilien in der güterrechtlichen Auseinandersetzung, 2007, p. 131 s.;
Pichonnaz/Rumo-Jungo,  in Pichonnaz/Rumo -JUNGO (ÉD.), Droit patrimonial de la
famille, 2004, p. 1 ss [14]; SANDOZ,  op. cit., p. 48 ss et 54 s.; Idem,
Prévoyance professionnelle et acquisition du logement par des personnes
mariées,  in Privatrecht im Spannungsfeld zwischen gesellschaftlichen Wandel
und ethischen Verantwortung, 2002, p. 315 ss [322, 327 ss]; Schai,  op. cit.,
p. 87 ss]). Ces auteurs estiment par conséquent que la plus-value doit être
considérée comme un acquêt pour la part du versement correspondant à des avoirs
de libre passage accumulés pendant le régime de la participation aux acquêts et
comme un propre dans l'hypothèse où ces fonds proviennent d'avoirs accumulés
avant le mariage.

 Un auteur propose une solution mixte, conjuguant ces deux principaux courants.
Il est d'avis que la part du versement anticipé provenant d'avoirs de
prévoyance accumulés avant le mariage doit être assimilée à des propres et
ajoutée aux biens propres investis dans l'immeuble, celle provenant des avoirs
accumulés après le mariage augmentant les acquêts investis dans l'immeuble.
Chaque masse bénéficie ensuite de la plus-value en proportion de son "
investissement " dans l'immeuble (BADDELEY,  op. cit., n° 67 ss, et  in
 DESCHENAUX/STEINAUER/ BADDELEY,  op. cit., n° 1294b p. 593)

 Enfin, un quatrième et dernier courant, minoritaire, considère que la
plus-value afférente au versement anticipé doit profiter aux acquêts par
application analogique de l'art. 197 al. 2 ch. 2 CC, au motif que les fonds
prêtés sont liés à la prévoyance ( MOSER, Zum Leistungs- und Koordinationsrecht
aus Sicht der beruflichen Vorsorge - Betrachtungen anhand eines praktischen
Anwendungsbeispiels [unter Einbezug möglicher scheidungsrechtlicher Aspekte], 
in RSAS 1997 p. 362 ss [392]; REUSSER, Die Vorsorge für die geschiedene Ehefrau
unter besonderer Berücksichtigung von Art. 22 des neuen Freizügigkeitsgestzes, 
in PJA 1994 p. 1510 ss [1517]; TRIGO TRINDADE, Prévoyance professionnelle,
divorce et succession,  in SJ 2000 II p. 467 ss [486]).

4.3. La doctrine majoritaire doit être suivie tant en ce qui concerne le statut
matrimonial de l'immeuble financé par un versement anticipé (infra consid.
4.3.1) qu'en ce qui concerne le sort de la plus-value conjoncturelle de
l'immeuble afférente à ce versement (infra consid. 4.3.2).

4.3.1. Ainsi, jusqu'à la survenance d'un cas de prévoyance, le versement
anticipé, qui se rapporte à une expectative (consid. 4.3.2.1 infra), doit être
considéré comme un prêt de l'institution de prévoyance (supra consid. 4.2.1 et
4.2.2). Il n'exerce donc pas d'influence sur le rattachement de l'immeuble à
l'actif d'une des masses de l'acquéreur; ce rattachement obéit aux règles
ordinaires (art. 197 ss CC). L'immeuble est intégré à la masse de l'époux
propriétaire qui, lors de l'acquisition, a apporté la contribution au comptant
la plus importante ou, en cas d'égalité, aux acquêts (art. 200 al. 3 CC);
l'immeuble acquis entièrement à crédit pendant le mariage entre dans les
acquêts (arrêt 5A_111/2007 du 8 janvier 2008 consid. 4.2.3, publié  in
 FamPra.ch 2008 p. 380). Le versement anticipé grève à titre de dette la masse
à laquelle l'immeuble est rattaché (art. 209 al. 2 CC; ATF 132 III 145 consid.
2.3.2).

4.3.2. Lorsque le régime matrimonial est dissous avant la survenance d'un cas
de prévoyance, les règles valant pour les dettes hypothécaires (ATF 132 III 145
) s'appliquent, la plus-value afférente au versement anticipé étant ainsi
répartie selon la contribution effective de chacune des masses de l'acquéreur
au financement de l'immeuble.

4.3.2.1. Cette conclusion se justifie principalement du fait qu'aussi longtemps
qu'un cas de prévoyance n'est pas survenu, le versement anticipé se rapporte à
une expectative et, dès lors qu'il n'est pas certain que celle-ci s'actualisera
un jour, il n'est pas sûr que ce versement puisse être conservé. Dans ces
conditions, une application analogique de l'art. 197 al. 2 ch. 2 CC et
l'attribution de la plus-value exclusivement aux acquêts (quatrième courant
doctrinal) ou selon l'origine des fonds qui ont permis de constituer le
versement anticipé (deuxième et troisième courants doctrinaux) ne peut être
approuvée. Une telle solution reviendrait en effet à considérer la survenance
d'un cas de prévoyance comme acquise alors que ce point est encore indécis au
moment où se pose la question de la répartition ( STEINAUER,  op. cit., p. 870;
BÄDER FEDERSPIEL, thèse, n° 170).

4.3.2.2. Il faut également opposer aux propositions doctrinales qui prennent en
considération l'origine des fonds prêtés que le principe de la subrogation
patrimoniale, que l'on retrouve en matière de régimes matrimoniaux, ne
s'applique pas dans le cadre de la prévoyance professionnelle: le versement
anticipé se substitue en effet à l'expectative dont dispose l'assuré contre
l'institution de prévoyance, mais non aux versements effectués par l'intéressé
en faveur de dite institution ( BÄDER FEDERSPIEL, thèse, n° 179). Prendre en
considération l'origine des fonds constituant le versement anticipé serait au
demeurant paradoxal dans la mesure où, même lorsqu'un cas de prévoyance se
produit, l'art. 197 al. 2 ch. 2 CC ignore cette origine, le versement de
l'institution de prévoyance entrant entièrement dans les acquêts ( STEINAUER, 
op. cit., p. 871; I DEM, Deuxième pilier, p. 39).

 Il est vrai que, suite à un divorce, l'origine des fonds est prise en compte
par les art. 122 ss CC lorsqu'il s'agit de partager la prestation de sortie; de
même, dans son Message du 29 mai 2013 concernant la révision du code civil
suisse (Partage de la prévoyance professionnelle en cas de divorce), le Conseil
fédéral estime qu'en cas de versement anticipé, la perte d'intérêts ainsi que
la diminution de capital liée à une vente à perte ou sans bénéfice de
l'immeuble doivent être répartis proportionnellement entre l'avoir de
prévoyance acquis avant le mariage et l'avoir constitué durant le mariage (FF
2013 p. 4341 ss [ch. 2.6 ad art. 22a de la loi sur le libre passage, p. 4393
s.];  contra, mais seulement pour la diminution de capital: ATF 132 V 332
consid. 4.3.2 et 4.3.3; laissent la question ouverte s'agissant du traitement
de la perte d'intérêts: ATF 132 V 332 consid. 4.4; 135 V 436 consid. 4.4). Il
ne faut cependant pas perdre de vue que le partage de la prestation de sortie
est ordonné en dehors de toute considération liée au régime matrimonial
(notamment: ATF 128 V 41 consid. 2d; Walser,  in Basler Kommentar,
Zivilgesetzbuch I, 5ème éd. 2014, n° 2 ad art. 122 CC; Steinauer,  op. cit., p.
871; Bäder Federspiel, thèse, n° 179) dans la seule perspective du divorce,
afin de compenser les pertes de prévoyance encourues en raison de la
répartition des tâches durant le mariage et d'assurer l'indépendance économique
des époux (ATF 129 III 577 consid. 4.2.1; 128 V 41 consid. 2d). Or la question
de la répartition de la plus-value afférente au versement anticipé doit être
reliée aux régimes matrimoniaux et se pose ainsi non seulement en cas de
divorce, mais pour tous les cas de dissolution du régime. Les règles ordinaires
doivent en conséquence l'emporter sur celles fondées sur le correctif introduit
par l'art. 122 CC ( STEINAUER,  op. cit., p. 871; I DEM, Deuxième pilier, p.
39; BÄDER FEDERSPIEL, thèse, n° 179; cf. dans cette ligne également: ATF 135 V
436 consid. 3.3 qui retient qu'en cas de versement anticipé, l'impossibilité de
réintégration des avoirs de prévoyance suite à une vente à perte de l'immeuble
ainsi financé [art. 30d al. 5 LPP] doit être prise en considération dans la
liquidation du régime matrimonial).

4.4. En l'espèce, l'arrêt cantonal ne viole donc pas le droit fédéral sur le
point objet du grief soulevé par le recourant: le régime matrimonial du couple
est celui de la participation aux acquêts, l'immeuble en cause a été acquis
entièrement à crédit durant l'union conjugale en copropriété au moyen d'un
emprunt bancaire contracté par les époux de manière solidaire ainsi que d'un
versement anticipé du fonds de prévoyance du recourant, et la liquidation du
régime matrimonial intervient avant qu'un cas de prévoyance ne soit survenu.
Attribué au recourant, l'immeuble entre dans ses acquêts et la plus-value
conjoncturelle intègre également cette masse de biens, sans qu'il y ait lieu à
récompense en faveur de ses propres. La question d'une éventuelle créance
variable envers l'épouse au sens de l'art. 206 CC n'a pas d'objet vu ces
circonstances: les fonds de tiers investis dans l'immeuble sont totalement
remboursés et toute valeur de l'immeuble constitue un acquêt, de sorte que la
réalisation d'un bénéfice pour l'un des époux plutôt que par l'autre est sans
importance sur le montant final revenant à chacun (cf. Deschenaux/Steinauer/
Baddeley,  op. cit., n° 1347 p. 616 s.). C'est ainsi à raison que l'autorité
cantonale a considéré que chaque époux devait, en fin de compte, bénéficier de
la moitié de la plus-value conjoncturelle afférente au versement anticipé.

 Le grief de la violation des art. 206 al. 1 et 209 al. 3 CC doit donc être
rejeté.

5. 
En conclusion, le recours doit être rejeté, aux frais du recourant qui succombe
(art. 66 al. 1 LTF). Bien qu'elle se soit déterminée sur le fond du litige sans
y avoir été invitée, l'intimée a cependant droit à des dépens.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :

1. 
Le recours est rejeté.

2. 
Les frais judiciaires, arrêtés à 5'000 fr., sont mis à la charge du recourant.

3. 
Une indemnité de 6'000 fr., à payer à l'intimée à titre de dépens, est mise à
la charge du recourant.

4. 
Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Chambre civile de la Cour
de justice du canton de Genève.

Lausanne, le 29 janvier 2015
Au nom de la IIe Cour de droit civil
du Tribunal fédéral suisse

Le Président : von Werdt

La Greffière : de Poret Bortolaso

Navigation

Neue Suche

ähnliche Leitentscheide suchen
ähnliche Urteile ab 2000 suchen

Drucken nach oben