Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

Strafrechtliche Abteilung, Beschwerde in Strafsachen 6B.769/2013
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Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal

[8frIR2ALAGK1]     
{T 0/2}
                   
6B_769/2013

Arrêt du 16 janvier 2014

Cour de droit pénal

Composition
MM. et Mme les Juges fédéraux Mathys, Président,
Jacquemoud-Rossari et Denys.
Greffière: Mme Livet.

Participants à la procédure
X.________, représentée par Me Philippe Currat, avocat,
recourante,

contre

Ministère public central du canton de Vaud, avenue de Longemalle 1, 1020 Renens
VD,
intimé.

Objet
Ordonnance de classement (lésions corporelles simples, abus d'autorité),

recours contre l'arrêt de la Chambre des recours pénale du Tribunal cantonal du
canton de Vaud, du 29 avril 2013.

Faits:

A. 
Par ordonnance du 10 avril 2013, le Ministère public du canton de Vaud a classé
la procédure instruite sur plainte de X.________ pour lésions corporelles
simples et abus d'autorité.

B. 
Statuant sur le recours interjeté par X.________, la Chambre des recours pénale
du Tribunal cantonal vaudois l'a rejeté par arrêt du 29 avril 2013.

En bref, la cour cantonale a retenu les faits suivants.

Le 10 janvier 2010, la police lausannoise est intervenue, sur mandat du
Ministère public de l'arrondissement de Lausanne, dans un immeuble occupé par
des squatters, à l'avenue Y.________, à Lausanne. L'ordre de mission portait
sur une perquisition des locaux et sur la notification de plusieurs mandats de
comparution à des occupants présumés des lieux. Les occupants des lieux ont
refusé aux inspecteurs l'accès aux locaux en érigeant des barricades aux deux
entrées du bâtiment, notamment au moyen de meubles, de palettes CFF et de
matelas. Les inspecteurs ont dès lors fait appel au groupe d'intervention pour
investir les lieux et procéder aux actes requis par le magistrat instructeur.
Une fois entrés dans l'immeuble, les policiers ont été entravés dans leur
progression par certains des occupants qui ont jeté des objets divers dans leur
direction. X.________ se trouvait alors dans une chambre située à l'étage
supérieur, juchée sur une mezzanine aménagée en hauteur. Devant son refus de
descendre malgré plusieurs injonctions verbales, deux policiers se sont saisis
de sa personne et l'ont acheminée hors du bâtiment. Après avoir été menottée,
elle a été conduite vers un véhicule banalisé de la police. Elle a toutefois
refusé d'y monter en gesticulant et a dû y être placée de force, sur la
banquette arrière, par quatre policiers. Durant l'intervention, elle a donné
plusieurs coups de pied et de jambe, l'un atteignant l'un des policiers au
visage, brisant ses lunettes médicales, d'autres en direction du conducteur.
L'un des policiers a dû utiliser son bâton tactique faisant appel à la méthode
des points de compression; un autre a dû lui donner des coups aux cuisses et
aux jambes pour la maîtriser. Une fois à l'intérieur du véhicule, X.________ a
continué à se débattre et à cracher sur les policiers qui ont dû lui maintenir
les membres inférieurs durant le trajet, effectué en urgence, jusqu'à l'Hôtel
de police. Une fois sur place, X.________ a été prise en charge par deux autres
agents et placée en cellule de maintien en attendant son audition. Son
alcoolémie s'élevait alors à 1,6 g o/oo. Elle a été entendue par les policiers
et a refusé, dans une large mesure, de répondre à leurs questions, avant de
quitter l'Hôtel de police vers 15h30. Elle a consulté l'Unité de médecine des
violences du CHUV (ci-après : UMV) qui a établi un cahier photographique et un
rapport dont il ressort qu'elle a présenté de nombreuses ecchymoses et des
griffures sur diverses parties du corps, notamment les bras et les jambes.

C. 
X.________ forme un recours en matière pénale au Tribunal fédéral contre cet
arrêt. Elle conclut, sous suite de frais et dépens, principalement à
l'annulation de l'arrêt entrepris et de l'ordonnance de classement du 10 avril
2013 et au renvoi de la cause à l'autorité cantonale afin qu'elle procède aux
mises en accusation des policiers concernés, subsidiairement à l'annulation de
l'arrêt entrepris et au renvoi de la cause à l'autorité cantonale supérieure
pour nouvelle décision. Elle requiert par ailleurs l'assistance judiciaire.

Invités à déposer des observations sur le recours, la cour cantonale et le
Ministère public y ont renoncé se référant aux considérants de l'arrêt attaqué.

Considérant en droit:

1. 
Le Tribunal fédéral examine d'office et librement la recevabilité des recours
qui lui sont soumis (ATF 138 III 46 consid. 1 p. 46).

1.1. Selon l'art. 81 al. 1 let. a et b ch. 5 LTF, la partie plaignante qui a
participé à la procédure de dernière instance cantonale est habilitée à
recourir au Tribunal fédéral, si la décision attaquée peut avoir des effets sur
le jugement de ses prétentions civiles. Constituent de telles prétentions
celles qui sont fondées sur le droit civil et doivent en conséquence être
déduites ordinairement devant les tribunaux civils. Il s'agit principalement
des prétentions en réparation du dommage et du tort moral au sens des art. 41
ss CO.

Lorsque le recours est dirigé contre une décision de non-entrée en matière ou
de classement de l'action pénale, il n'est pas nécessaire que la partie
plaignante ait déjà pris des conclusions civiles (ATF 137 IV 246 consid. 1.3.1
p. 248). En revanche, elle doit expliquer dans son mémoire quelles prétentions
civiles elle entend faire valoir contre l'intimé à moins que, compte tenu
notamment de la nature de l'infraction alléguée, on puisse déduire directement
et sans ambiguïté quelles prétentions civiles pourraient être élevées et en
quoi la décision attaquée pourrait influencer négativement leur jugement (ATF
137 IV 219 consid. 2.4 p. 222 et les arrêts cités).

1.2. La loi vaudoise du 16 mai 1961 sur la responsabilité de l'Etat, des
communes et de leurs agents (LRECA; RS/VD 170.11) prévoit que l'Etat et les
corporations communales répondent du dommage que leurs agents causent à des
tiers d'une manière illicite (art. 4 al. 1). L'agent n'est pas tenu
personnellement envers le lésé de réparer le dommage (art. 5). Sont des agents
exerçant une fonction publique communale au sens de cette loi, les membres des
autorités, les fonctionnaires, les employés et les autres agents des
corporations communales (art. 3 al. 2). Entrent dans cette catégorie les agents
de la police municipale qui font l'objet de la plainte de la recourante. Le
canton de Vaud ayant ainsi fait usage de la faculté réservée à l'art. 61 al. 1
CO, la recourante ne dispose que d'une prétention de droit public à faire
valoir non pas contre les auteurs présumés, mais contre l'État (cf. ATF 128 IV
188 consid. 2.2 p. 191; arrêt 6B_474/2013 du 23 août 2013 consid. 1.3 et les
arrêts cités). Selon la jurisprudence constante, une telle prétention ne peut
être invoquée dans le procès pénal par voie d'adhésion et ne constitue dès lors
pas une prétention civile au sens des dispositions précitées (ATF 138 IV 86
consid. 3.1 p. 88; 128 IV 188 consid. 2 p. 190 ss).

1.3. La jurisprudence reconnaît aux personnes qui se prétendent victimes de
traitements prohibés au sens des art. 10 al. 3 Cst., 7 Pacte ONU II, 3 CEDH ou
13 par. 1 de la Convention des Nations unies contre la torture et autres peines
ou traitements cruels, inhumains ou dégradants conclue à New York le 10
décembre 1984 (RS 0.105), d'une part, le droit de porter plainte et, d'autre
part, un droit propre à une enquête prompte et impartiale devant aboutir, s'il
y a lieu, à la condamnation pénale des responsables. La victime de tels
traitements peut également bénéficier d'un droit de recours, en vertu des mêmes
dispositions (ATF 138 IV 86 consid. 3.1.1 p. 88 et les arrêts cités).

En l'occurrence, la recourante se plaint d'avoir été frappée à coups de pied et
de poing par des agents de police alors qu'elle se trouvait menottée. Si les
faits reprochés s'avéraient exacts, ils pourraient être assimilés à un
traitement inhumain ou dégradant. La recourante a donc la qualité pour agir et,
les autres conditions de recevabilité étant réunies, il y a lieu d'entrer en
matière sur le fond.

2. 
La recourante se plaint d'une constatation inexacte des faits, d'une
appréciation arbitraire des preuves et d'une violation des art. 7 et 319 CPP.
En substance, elle soutient qu'il n'était pas possible de conclure à l'absence
de tout abus d'autorité dès lors que les policiers engagés avaient indiqué dans
leurs déclarations que les lésions constatées médicalement sur tout son corps
n'étaient pas compatibles avec un usage proportionné de la force. Ces lésions
n'auraient pas pu être causées par son comportement au vu de leur nombre, de
leur position sur le corps, de leur profondeur et de la marque de semelle sur
sa robe à hauteur du bas-ventre. Les policiers avaient fait un usage
disproportionné de la force, se rendant coupable d'abus d'autorité.

2.1. Selon l'art. 319 al. 1 CPP, le ministère public ordonne le classement de
tout ou partie de la procédure lorsqu'aucun soupçon justifiant une mise en
accusation n'est établi (let. a), lorsque les éléments constitutifs d'une
infraction ne sont pas réunis (let. b), lorsque des faits justificatifs
empêchent de retenir une infraction contre le prévenu (let. c), lorsqu'il est
établi que certaines conditions à l'ouverture de l'action pénale ne peuvent pas
être remplies ou que des empêchements de procéder sont apparus (let. d), ou
lorsqu'on peut renoncer à toute poursuite ou à toute sanction en vertu de
dispositions légales (let. e). L'art. 319 al. 2 CPP prévoit encore deux autres
motifs de classement exceptionnels (intérêt de la victime ou consentement de
celle-ci).

Le principe « in dubio pro duriore » découle du principe de la légalité (art. 5
al. 1 Cst. et 2 al. 2 CPP en relation avec les art. 319 al. 1 et 324 CPP; ATF
138 IV 86 consid. 4.2 p. 91). Il signifie qu'en principe, un classement ou une
non-entrée en matière ne peuvent être prononcés par le ministère public que
lorsqu'il apparaît clairement que les faits ne sont pas punissables ou que les
conditions à la poursuite pénale ne sont pas remplies. La procédure doit se
poursuivre lorsqu'une condamnation apparaît plus vraisemblable qu'un
acquittement ou lorsque les probabilités d'acquittement et de condamnation
apparaissent équivalentes, en particulier en présence d'une infraction grave
(138 IV 86 consid. 4.1.2 p. 91; 137 IV 285 consid. 2.5 p. 288 s.).

2.2. La cour cantonale s'est référée à la décision du Procureur. En substance,
ce dernier avait retenu que les actes de contrainte étaient justifiés par
l'attitude oppositionnelle de la recourante. Il n'était pas exclu que certaines
des lésions constatées avaient été causées par la recourante elle-même alors
qu'elle se débattait. Le tableau des lésions documentées par le rapport de
l'UMV ne permettait pas à lui seul de soupçonner des violences policières, ce
d'autant que les faits incriminés auraient été commis à la vue de tous. Les
agents avaient agi conformément aux devoirs de leur charge, l'infraction d'abus
d'autorité n'était pas réalisée et un classement devait être prononcé. Quant à
la cour cantonale, elle a retenu que les atteintes documentées par l'UMV
étaient de nature à tomber sous le coup de l'infraction de lésions corporelles
simples, respectivement de lésions corporelles par négligence. Il était
plausible que certaines lésions cutanées aient été causées par les policiers,
qui admettaient des actes de coercition physique envers la recourante. Ils
s'étaient toutefois limités à agir dans l'exercice de leurs fonctions, sans
faire usage de moyens disproportionnés. L'instruction n'avait pas permis
d'établir le moindre abus d'autorité au préjudice de la recourante. L'usage de
la force était resté strictement proportionné aux circonstances. Rien ne
permettait de retenir un dessein dolosif de l'un ou l'autre des policiers
concernés. Les actes incriminés étaient dès lors licites. Aucune mesure
d'instruction n'apparaissait de nature à mener à une autre appréciation et une
mise en accusation aboutirait ainsi sans aucun doute à l'acquittement des
prévenus.

2.3. La cour cantonale a retenu qu'il était plausible qu'une partie des lésions
aient été causées par les policiers. Se référant à la motivation du Procureur,
elle a également considéré qu'il n'était pas exclu que certaines lésions aient
été causées par la recourante elle-même lorsqu'elle se débattait. De plus, il
semble que la cour cantonale ait implicitement retenu que certaines lésions
restaient inexpliquées. Elle ne se prononce toutefois pas sur les motifs pour
lesquels elle écarte la version de la recourante. La formulation même de la
motivation cantonale, en particulier l'emploi des termes « plausible », « pas
exclu », laisse penser qu'un certain doute existe quant au déroulement des
faits. La cour cantonale a ainsi implicitement retenu la version la plus
favorable aux prévenus. Or, au stade du classement, une telle application du
principe in dubio pro reo ne se justifie pas (cf. ATF 137 IV 219 consid. 7.3 p.
227 et les références citées). Les lésions subies par la recourante et
constatées dans le rapport de l'UMV et les autres indices figurant au dossier
ne permettent pas, à ce stade, de retenir qu'il n'existe aucun soupçon
justifiant une mise en accusation, ni que les éléments constitutifs d'une
infraction ne sont pas réunies (art. 319 al. 1 let. a et b CPP), comme l'a fait
la cour cantonale.

Compte tenu du droit de la recourante à une enquête effective et, le cas
échéant, à une procédure judiciaire, la décision de classement doit être
annulée. Sous réserve d'éventuels compléments d'instruction à effectuer, un
renvoi en jugement s'impose au sens de l'art. 324 CPP.

3. 
Le recours doit être admis, l'arrêt attaqué annulé et la cause renvoyée à
l'autorité cantonale pour nouvelle instruction et nouvelle décision. Au vu du
sort du recours, il n'y a pas lieu d'examiner les autres griefs soulevés par la
recourante qui deviennent sans objet.

La recourante obtient gain de cause. Elle ne supporte pas de frais (art. 65 al.
2 et 66 al. 1 LTF). Elle peut prétendre à de pleins dépens à charge du canton
(art. 68 al. 1 LTF). La requête d'assistance judiciaire est sans objet (art. 64
al. 2 LTF).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1. 
Le recours est admis, l'arrêt attaqué est annulé et la cause renvoyée à
l'autorité cantonale pour nouvelle instruction et nouvelle décision.

2. 
Il n'est pas perçu de frais judiciaires.

3. 
Le canton de Vaud versera à l'avocat de la recourante une indemnité de 3000 fr.
à titre de dépens pour la procédure devant le Tribunal fédéral.

4. 
La demande d'assistance judiciaire est sans objet.

5. 
Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Chambre des recours pénale
du Tribunal cantonal du canton de Vaud.

Lausanne, le 16 janvier 2014

Au nom de la Cour de droit pénal
du Tribunal fédéral suisse

Le Président: Mathys

La Greffière: Livet

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