Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

Strafrechtliche Abteilung, Beschwerde in Strafsachen 6B.557/2013
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Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal

[8frIR2ALAGK1]     
{T 0/2}
                   
6B_557/2013

Arrêt du 12 septembre 2013

Cour de droit pénal

Composition
MM. et Mme les Juges fédéraux Mathys, Président, Jacquemoud-Rossari et Denys.
Greffier: M. Vallat.

Participants à la procédure
X.________,
représenté par Me Lucien Masmejan, avocat,
recourant,

contre

1.  Ministère public central du canton de Vaud, avenue de Longemalle 1, 1020
Renens VD,
2. Y.________,
intimés.

Objet
Injure, exemption de toute peine au sens de l'art. 52 CP,

recours contre le jugement de la Cour d'appel pénale du Tribunal cantonal du
canton de Vaud du 25 mars 2013.

Faits:

A. 
Par jugement du 25 mars 2013, la Cour d'appel pénale du Tribunal cantonal
vaudois a rejeté l'appel formé par X.________ contre le jugement du 26 novembre
2012 du Tribunal de police de l'arrondissement de Lausanne le reconnaissant
coupable d'injure et le condamnant à 5 jours-amende à 20 fr. le jour avec
sursis pendant deux ans. Elle s'est fondée sur les principaux éléments de fait
suivants.
Il lui est reproché d'avoir traité Y.________ de " bouffon " dans une salle de
fitness après que ce dernier avait insisté pendant plusieurs minutes pour
pouvoir utiliser un des appareils sur lesquels il s'entraînait et que,
manifestement furieux de l'absence de réaction de X.________, il s'était
approché de lui pour obtenir la libération de l'appareil convoité.

B. 
X.________ forme un recours en matière pénale au Tribunal fédéral. Il conclut,
sous suite de frais et dépens, principalement à la réforme du jugement attaqué
en ce sens qu'il est acquitté du chef d'accusation d'injure. Subsidiairement, à
sa réforme en ce sens qu'il est exempté de toute peine. Plus subsidiairement au
renvoi de la cause à la Cour d'appel pénale du Tribunal cantonal vaudois pour
nouvelle décision. Finalement, il demande à être libéré des frais de procédure
mis à sa charge y compris l'indemnité allouée au défenseur d'office.

Invitée à se déterminer, la Cour d'appel pénale a renoncé à formuler des
observations. Il en va de même de Y.________. Le Ministère public n'a pas
répondu.

Considérant en droit:

1. 
Le recourant conteste la réalisation de l'infraction d'injure (177 CP).

1.1. Se rend coupable d'injure celui qui aura, par la parole, l'écriture,
l'image, le geste ou par des voies de fait, attaqué autrui dans son honneur
(art. 177 al. 1 CP). L'honneur que protège l'art. 177 CP est le sentiment et la
réputation d'être une personne honnête et respectable, c'est-à-dire le droit de
ne pas être méprisé en tant qu'être humain ou entité juridique (ATF 132 IV 112
consid. 2.1 p. 115; 128 IV 53 consid. 1a p. 58).
Pour apprécier si une déclaration est attentatoire à l'honneur, il faut se
fonder non pas sur le sens que lui donne la personne visée mais procéder à une
interprétation objective selon la signification qu'un auditeur ou un lecteur
non prévenu doit, dans les circonstances d'espèce, lui attribuer (ATF 133 IV
308 consid. 8.5.1 p. 312; 128 IV 53 consid. 1a p. 58; 119 IV 44 consid. 2a p.
47). Déterminer le contenu d'un message relève des constatations de fait. Le
sens qu'un destinataire non prévenu confère aux expressions et images utilisées
constitue en revanche une question de droit (ATF 137 IV 313 consid. 2.1.3 p.
316; 133 IV 308 consid. 8.5.1 p. 312; 131 IV 23 consid. 2.1 p. 26).
L'injure peut consister dans la formulation d'un jugement de valeur offensant,
mettant en doute l'honnêteté, la loyauté ou la moralité d'une personne de
manière à la rendre méprisable en tant qu'être humain ou entité juridique
(Bernard Corboz, Les infractions en droit suisse, vol. I, 3e éd. 2010, n° 10 s.
ad art. 177 CP), ou celui d'une injure formelle, lorsque l'auteur a, en une
forme répréhensible, témoigné de son mépris à l'égard de la personne visée et
l'a attaquée dans le sentiment qu'elle a de sa propre dignité (Paul Logoz,
Commentaire du code pénal suisse, partie spéciale I, 1955, n° 2 ad art. 177 CP;
Corboz, op. cit., n° 14 ad art. 177 CP). La marque de mépris doit revêtir une
certaine gravité, excédant ce qui est acceptable (Michel Dupuis et al., Petit
commentaire du Code pénal, 2e éd. 2012, n° 13 ad art. 177 CP; Corboz, op. cit.
n° 18 ad art. 177 CP; Riklin, Commentaire bâlois, Strafrecht, 3e éd. 2013, n° 4
ad art. 177 CP; Trechsel/Lieber, Schweizerisches Strafgesetzbuch,
Praxiskommentar, 2e éd. 2013, n° 1 des remarques préliminaires à l'art. 173 CP;
ATF 71 IV 187 consid. 2 p. 188; 6B_333/2008 du 9 mars 2009 consid. 1.3). Par
ailleurs, si l'auteur, évoquant une conduite contraire à l'honneur ou un autre
fait propre à porter atteinte à la considération, ne s'adresse qu'à la personne
visée elle-même, la qualification de diffamation ou de calomnie est exclue et
on admet, en raison de la subsidiarité, que la communication constitue une
injure (Corboz, op. cit., n° 20 ad art. 177 CP).

Sur le plan subjectif, l'injure suppose l'intention. L'auteur doit vouloir ou
accepter que son message soit attentatoire à l'honneur et qu'il soit communiqué
à la victime (ATF 117 IV 270 consid. 2b p. 272) .

1.2. La Cour d'appel a retenu le caractère injurieux du substantif "bouffon",
qu'elle a qualifié de terme méprisant en se fondant sur la définition donnée
par Bob, "dictionnaire d'argot, l'autre trésor", qui le définit de la manière
suivante:  terme de mépris général, dépréciatif : idiot, nul, minable, perdant;
insulte; imbécile, qui n'est pas du clan - ainsi que sur la base de l'ouvrage
"La violence verbale" - Académie de Rouen, 26 mars 2002, selon lequel  un mot
anodin peut devenir injurieux en y mettant simplement la prosodie adéquate
(bouffon est d'ailleurs l'insulte suprême). Il était évident, selon la cour
d'appel, que c'était dans ce sens que le recourant avait proféré ce mot.

1.3. Le recourant conteste le caractère attentatoire à l'honneur dans l'emploi
du mot "bouffon" dans le contexte dans lequel il a été prononcé.

1.4. Dans le Grand Robert, dictionnaire de la langue française, dans sa version
électronique, le terme "bouffon" a plusieurs significations. Anciennement, il
désignait  un personnage de théâtre dont le rôle était de faire rire ou  un
personnage qui était chargé de divertir un grand par ses plaisanteries. Dans le
langage moderne, le sens initial du mot est resté puisqu'il est encore défini
comme  celui qui amuse, fait rire par ses facéties. Le terme a aussi pris une
connotation péjorative lorsqu'il est employé pour dire d'une personne qui est 
le bouffon de quelqu'un qu'il est  l'objet continuel de moquerie. Dans son sens
familier, il définit  une personne niaise, ridicule, que l'on ne peut pas
prendre au sérieux avec la précision que c'est  un terme très injurieux dans la
langue des banlieues et des jeunes. Le dictionnaire Larousse, version
électronique, définit aussi le terme employé dans un sens familier pour la
désignation d'un  personnage ridicule, auquel sa conduite fait perdre toute
considération. Le Littré, dictionnaire de la langue française en ligne, ne
contient rien sur la portée dépréciative du terme. Il en va de même du
dictionnaire de l'Académie française en ligne qui retient, par analogie, que le
bouffon est la  personne qui cherche à faire rire, dont le comportement est
ridicule, grotesque ou encore qui  provoque le rire, qui porte à rire ;
ridicule par son extravagance.

1.4.1. Il ressort de la consultation des différents dictionnaires que le terme
"bouffon", hormis son emploi en référence à un contexte historique, a évolué
pour être utilisé dans le langage familier comme désignant une personne
ridicule par le comportement qu'elle adopte. Le mot peut en outre revêtir une
connotation injurieuse dans le sens évoqué par Bob, dictionnaire cité par la
cour d'appel pénale, soit nul, idiot, minable, et par le Grand Robert. Sa
portée injurieuse reste cependant circonscrite dans un contexte propre au
langage de certains jeunes. Son absence de mention dans les autres
dictionnaires témoigne que cet usage n'est pas répandu dans l'ensemble de la
population. Si l'emploi du terme "bouffon" dans le sens de ridicule a certes
une portée dépréciative, il ne peut pas pour autant être considéré comme une
injure. Pris dans cette acception, ce n'est ni un mot grossier, vulgaire, ni un
mot outrageant revêtant une intensité suffisante pour considérer qu'il
constitue une marque de mépris pénalement répréhensible. Le terme a d'ailleurs
été employé dans le titre d'une émission de télévision satirique diffusée entre
septembre 2009 et juin 2010 intitulée "Les Bouffons de la Confédération" par
des chaînes de télévision privées suisses.

La démarche interprétative de la cour cantonale qui s'est basée sur un
dictionnaire d'argot comme seule motivation pour considérer que le terme
"bouffon" était injurieux ne saurait être suivie en tant qu'elle a ignoré les
autres sens du terme et, partant n'a pas examiné, au cas particulier, si
d'autres acceptions étaient possibles.

1.4.2. Le recourant a traité l'intimé de "bouffon" à la suite de manoeuvres de
celui-ci pour avoir accès à un des appareils de fitness qu'il employait et
alors que, furieux, devant l'absence de réaction du recourant qui faisait mine
de l'ignorer, il s'était approché de lui manifestement pour l'en déloger et lui
avait même pris le bras. L'autorité cantonale n'a pas distingué si, en
apostrophant l'intimé comme il l'a fait, le recourant a émis un jugement de
valeur en rapport avec la conduite de l'intimé ou plutôt une injure formelle
dirigée contre sa personne. La distinction n'a pas de portée en l'espèce, car
dans l'une comme dans l'autre hypothèse, du point de vue d'un spectateur non
prévenu, le terme "bouffon", tel que proféré, soulignait le ridicule du
comportement de l'intimé, respectivement de sa personne prête à engager une
altercation pour l'usage d'un appareil de fitness. Le fait de trouver une
personne ridicule et de le lui faire savoir n'est pas en soi attentatoire à
l'honneur. Cette apostrophe n'était pas susceptible, dans les circonstances
d'espèce, de mettre en doute l'honnêteté, la loyauté ou la moralité de l'intimé
ou d'être perçue comme une grave atteinte à sa dignité.

La cour cantonale a violé le droit fédéral en retenant que le recourant avait
injurié l'intimé.

2. 
Au vu de ce qui précède, le recours doit être admis. L'arrêt attaqué est annulé
et la cause est renvoyée à l'autorité précédente pour qu'elle prononce
l'acquittement du recourant et pour nouvelle décision sur les frais et dépens
de la procédure cantonale.

Le recourant, qui obtient gain de cause, ne supporte pas de frais (art. 65 al.
2 et 66 al. 1 LTF). Il peut prétendre à de pleins dépens à charge du canton,
l'intimé ayant renoncé à se déterminer (art. 68 al. 1 LTF).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1. 
Le recours est admis, le jugement attaqué annulé et la cause renvoyée à
l'autorité cantonale pour nouvelle décision.

2. 
Il n'est pas perçu de frais judiciaires.

3. 
Le canton de Vaud versera au recourant une indemnité de 3000 fr. à titre de
dépens pour la procédure devant le Tribunal fédéral.

4. 
Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Cour d'appel pénale du
Tribunal cantonal du canton de Vaud.

Lausanne, le 12 septembre 2013

Au nom de la Cour de droit pénal
du Tribunal fédéral suisse

Le Président: Mathys

Le Greffier: Vallat

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