Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

Strafrechtliche Abteilung, Beschwerde in Strafsachen 6B.218/2013
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Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal

[8frIR2ALAGK1]     
{T 0/2}
                   
6B_218/2013

Arrêt du 13 juin 2013

Cour de droit pénal

Composition
MM. et Mme les Juges fédéraux Mathys, Président,
Schneider et Jacquemoud-Rossari.
Greffier: M. Vallat.

Participants à la procédure
X.________,
représenté par Me Olivier Vallat, avocat,
recourant,

contre

Ministère public de la République
et canton du Jura,
intimé.

Objet
Usurpation de fonction (art. 287 CP); arbitraire,

recours contre le jugement de la Cour pénale
du Tribunal cantonal du canton du Jura
du 16 janvier 2013.

Faits:

A.
X.________ a été Commandant de la police cantonale jurassienne de 2002 au 31
août 2010. Par jugement du 23 mai 2012, le Juge pénal du Tribunal de première
instance du canton du Jura l'a condamné à 20 jours-amende à 200 fr., avec
sursis pendant 2 ans, pour abus d'autorité. Il lui a été reproché d'avoir
annulé, entre le 9 juillet 2004 et le 28 août 2008, 55 amendes d'ordre
délivrées par des gendarmes.

B.
Saisie par le condamné, par jugement sur appel du 16 janvier 2013, la Cour
pénale du Tribunal cantonal jurassien, après avoir refusé d'entrer en matière
sur l'annulation de 6 amendes, l'a libéré dans 3 autres cas. Elle l'a déclaré
coupable d'usurpation de fonction en relation avec l'annulation de 46 amendes
et condamné à 15 jours-amende à 200 fr. le jour, avec sursis pendant 2 ans.

C.
X.________ recourt contre ce jugement. Il conclut, avec suite de frais et
dépens des instances cantonales et fédérale, principalement à sa réforme dans
le sens de son acquittement, une indemnité supérieure à 68'350 fr. lui étant
allouée pour son dommage économique. A titre subsidiaire, il demande
l'annulation de la décision querellée et le renvoi de la cause à l'autorité
cantonale afin qu'elle prononce son acquittement et statue sur les conséquences
de celui-ci.

Considérant en droit:

1.
Dans le recours en matière pénale, les constatations de fait de la décision
entreprise (dont relèvent notamment les éléments relatifs au for intérieur de
l'auteur, soit ce qu'il savait, ce qu'il voulait ou ce qu'il a pris en compte;
ATF 130 IV 58 consid. 8.5 p. 62) lient le Tribunal fédéral (art. 105 al. 1
LTF), sous les réserves découlant des art. 97 al. 1 et 105 al. 2 LTF, soit pour
l'essentiel de l'arbitraire (art. 9 Cst.; v. sur cette notion: ATF 138 III 378
consid. 6.1 p. 379) dans la constatation des faits.

 Par ailleurs, la violation du droit cantonal ne constituant pas un motif de
recours au sens de l'art. 95 LTF, la cour de céans n'en examine l'application
que sous l'angle de l'arbitraire.

 La recevabilité de tous ces griefs suppose l'articulation de critiques
circonstanciées (ATF 136 II 101 consid. 3 p. 105), claires et précises,
répondant aux exigences de motivation accrues déduites de l'art. 106 al. 2 LTF
(ATF 133 IV 286 consid. 1.4 p. 287).

2.
L'art. 287 CP réprime le comportement de celui qui, dans un dessein illicite,
aura usurpé l'exercice d'une fonction ou le pouvoir de donner des ordres
militaires.

 En bref, selon l'autorité précédente le droit cantonal alors en vigueur ne
conférait pas la compétence générale d'annuler des amendes d'ordre aux organes
de police, le commandant de la police cantonale en particulier, sous réserve
des « cas broutilles » (cf. ATF 109 IV 46) - notion d'interprétation
restrictive qu'il incombait au droit cantonal de définir - et de l'hypothèse
des conducteurs étrangers ayant commis un excès de vitesse en-deçà du cas
grave, qui avait fait l'objet d'une délégation de compétence du ministère
public à la police cantonale. En annulant des amendes d'ordre hors de ces
dernières éventualités, le recourant n'avait pas abusé de ses propres pouvoirs
(cf. art. 312 CP) mais indubitablement usurpé l'exercice de la fonction et les
compétences du ministère public. Il savait ne pas être formellement compétent
pour le faire et son objectif était clairement illicite dès lors qu'il avait
octroyé un avantage injustifié aux personnes auxquelles ces sanctions avaient
été infligées, en leur évitant de devoir emprunter la procédure ordinaire pour
tenter d'en obtenir l'annulation. Il avait agi intentionnellement, tout au
moins par dol éventuel, et connaissait également l'illicéité de son dessein
(jugement entrepris, consid. 4.3 p. 35 s. et consid. 8.2.2 p. 47 s.).

3.
Le recourant ne remet pas en question, sous l'angle de l'arbitraire,
l'interprétation donnée par la cour cantonale des règles écrites du droit
cantonal de procédure, les normes de compétence en particulier. Il n'y a pas
lieu d'examiner la cause sous cet angle (art. 106 al. 2 LTF). Invoquant la
violation de l'art. 287 CP, ainsi que celle de l'art. 14 CP (actes licites et
culpabilité) et de l'interdiction de l'arbitraire (art. 9 Cst.), il soutient
qu'une pratique cantonale, ayant valeur de coutume contra legem, l'aurait
autorisé à annuler les amendes d'ordre en opportunité. Il conteste, de la
sorte, l'élément objectif de l'infraction.

3.1. L'art. 287 CP vise l'exercice de la puissance publique, en particulier le
droit de rendre des décisions. Le comportement punissable consiste à exercer le
pouvoir en faisant croire que l'on est autorisé à agir alors que tel n'est pas
le cas. L'infraction peut être commise par un fonctionnaire agissant en dehors
de son domaine d'activité (Bernard Corboz, Les infractions en droit suisse,
vol. II, 3e éd. 2010, art. 287 CP, nos 1 à 7). L'usurpation peut se limiter à
une seule activité entrant dans la compétence de la fonction usurpée (ATF 128
IV 164 consid. 3c/aa p. 167).

3.2. En tant que le recourant soutient que la coutume qu'il allègue aurait
fondé sa compétence d'annuler des amendes d'ordre, il conteste la réalisation
de cet élément objectif. Il n'y a pas place dans ce contexte pour l'invocation
d'un fait justificatif déduit d'un acte licite au sens de l'art. 14 CP,
résultant d'une compétence coutumière.

3.3. Le Tribunal fédéral n'exclut pas la naissance et la reconnaissance de
droit coutumier en droit public. Il a ainsi exposé qu'il n'est pas contraire au
droit constitutionnel de reconnaître une norme juridique née d'un usage
prolongé, pour autant qu'elle ne porte pas atteinte aux droits fondamentaux des
citoyens. Le silence de la loi ne peut pas être interprété d'emblée comme un
silence qualifié prohibant tout droit coutumier. Cela dépend de savoir s'il est
nécessaire de compléter la loi ou alors s'il faut interpréter le caractère
exhaustif de la norme juridique écrite comme s'opposant à tout complètement. La
reconnaissance d'une coutume est cependant soumise à des conditions strictes.
Il faut qu'elle soit ancienne, ininterrompue, uniforme et qu'elle corresponde
au sentiment général du droit ( opinio juris sive necessitatis; ATF 136 I 376
consid. 5.2 p. 387; 117 IV 14 consid. 4b/dd p. 19). Une lacune véritable a, par
exemple, été admise et une coutume reconnue, s'agissant de la compétence du
Conseil d'Etat genevois de connaître des recours hiérarchiques contre les
décisions prises par l'administration cantonale (ATF 99 Ia 586 consid. 1c p.
591). Cela étant, dans la règle, il ne peut être tenu compte d'une coutume
lorsqu'elle revient à déroger à une loi formelle, voire à la constitution
(arrêt 2C_1016/2011 du 3 mai 2012, consid. 4.5.4 et les références citées).

 Le recourant ne démontre pas en quoi le droit cantonal aurait présenté une
lacune que la coutume aurait pu combler. Du reste, la cour cantonale, en
renvoyant pour partie au jugement de première instance, expose clairement les
motifs qui l'ont conduite à considérer que le droit cantonal écrit conférait au
seul ministère public la compétence d'annuler les amendes d'ordre (sous réserve
des cas broutille et de l'hypothèse précitée des conducteurs étrangers) et
qu'une délégation de compétence n'était pas envisageable dans les cas où un
pouvoir d'appréciation s'imposait (jugement entrepris, consid. 5.2.1 et 5.2.2
p. 37 s.). Il suffit d'y renvoyer en ce qui concerne l'application du droit
cantonal, à propos de laquelle le recourant ne développe aucun grief
d'arbitraire. Le recourant invoque certes que, selon certains auteurs, le droit
coutumier est susceptible de s'appliquer contra legemen procédure pénale
( GÉRARD PIQUEREZet ALAIN MACALUSO, Procédure pénale suisse, 3e éd. 2011, n°
260 p. 85; NIKLAUS SCHMID, Handbuch des schweizerischen Strafprozessrechts,
2009, n° 49 p. 17). Toutefois, selon ce dernier auteur, auquel renvoient les
deux premiers, la force dérogatoire du droit coutumier n'est guère envisageable
que dans le contexte de codes de procédure anciens devenus désuets au regard
des exigences d'un Etat de droit moderne ou même qui ne sont plus conformes au
droit supérieur. Il n'est pas démontré que de telles conditions seraient
réalisées en l'espèce. Le recourant se borne, ensuite, à tenter de démontrer
qu'une pratique d'annulation d'amendes d'ordre préexistait à son arrivée à la
tête de la police cantonale (2002). Le temps écoulé depuis lors (voire quelques
années auparavant) et jusqu'au moment des faits (2004 à 2008) ne constitue
cependant pas une pratique suffisamment longue pour fonder une coutume.
Alléguant, de surcroît, aussi avoir voulu unifier des pratiques divergentes
dans les différents districts du canton (recours, p. 11), le recourant ne
démontre pas non plus l'existence d'une pratique uniforme. Enfin, la cour
cantonale a constaté, au plan subjectif, que le recourant avait annulé les
amendes d'ordre tout en sachant ne pas être formellement compétent pour le
faire (jugement entrepris, consid. 4.3 p. 35 s.) et le recourant ne discute pas
cette constatation de fait sous l'angle de l'arbitraire (v. supra consid. 1).
Cela suffit déjà à exclure qu'il ait pu partager avec d'autres autorités le
sentiment d'être juridiquement lié par cette pratique (opinio juris). Les
conditions permettant d'établir qu'une coutume s'est forgée ne sont
manifestement pas réunies.

3.4. Le recourant soutient ensuite qu'à défaut de coutume stricto sensu, la
pratique en question aurait été connue du ministère public et des autres
autorités et, tout au moins, tolérée. On comprend ainsi que faute de pouvoir
invoquer le caractère juridiquement contraignant de la coutume, le recourant se
prévaut d'une délégation implicite de la compétence litigieuse.

3.4.1. Pour la cour cantonale, une délégation du ministère public à la police
portant sur la compétence d'annuler des amendes d'ordre dans des cas où un
pouvoir d'appréciation s'imposait n'était en principe pas envisageable au
moment des faits (mis à part dans des situations exceptionnelles, telles que
les cas de conducteurs étrangers ayant commis un excès de vitesse en deçà du
cas grave, en raison des difficultés pratiques pour identifier l'auteur;
jugement entrepris, consid. 5.2.2 p. 39).

 Le recourant ne discute pas les motifs, essentiellement déduits du droit
cantonal, qui ont conduit l'autorité précédente à exclure la licéité d'une
telle délégation de compétence. Il n'y a pas lieu d'examiner la cause sous cet
angle (v. supra consid. 1).

3.4.2. La cour cantonale estime, ensuite, que le recourant aurait également pu
se sentir légitimé à agir comme il l'a fait s'il avait été en mesure de se
prévaloir d'une délégation générale en matière de circulation routière de la
part du ministère public l'autorisant à annuler des amendes d'ordre pour des
motifs d'opportunité et qu'il aurait alors pu se prévaloir d'un fait
justificatif, quand bien même une telle délégation (que la cour cantonale
exclut cependant), serait intervenue contra legem.

 Contrairement à ce que paraît penser le recourant, le fait justificatif
susceptible de résulter d'une délégation de compétence en violation de la loi
ne saurait résider dans un acte licite au sens de l'art. 14 CP. En effet, si
une délégation de compétence valide aurait eu pour effet d'exclure un élément
objectif de l'infraction (l'usurpation de la fonction; v. supra consid. 3.2),
la délégation de pouvoir invalide n'aurait, inversement pu rendre l'acte licite
faute de conférer valablement la compétence de l'accomplir. En réalité, en
indiquant, dans ce contexte, que le recourant « aurait pu se sentir légitimé à
agir comme il l'a fait », la cour cantonale se réfère implicitement au fait
justificatif déduit d'une erreur sur l'illicéité (art. 21 CP; cf. à propos
d'une telle erreur en relation avec l'application par la police du principe de
l'opportunité des poursuites pénales: ATF 109 IV 46 consid. 3 p. 48 s.). Elle
exclut cependant cette figure au plan subjectif en retenant que le recourant
savait n'être pas formellement compétent pour annuler les amendes d'ordre
(jugement entrepris, consid. 4.3 in fine p. 35 s. et consid. 9 p. 48). Or le
recourant ne discute pas précisément ce point de fait dans son recours.

3.5. Il résulte de ce qui précède que l'on ne saurait faire grief à la cour
cantonale de retenir que le recourant n'était pas compétent pour annuler des
amendes d'ordre et qu'il ne peut rien déduire en sa faveur de la pratique
d'annulation qu'il allègue avoir existé, sans qu'il soit nécessaire d'examiner
l'argumentation qu'il développe à propos des moyens de preuve censés, selon
lui, établir l'existence de cette pratique et sa connaissance par les autorités
cantonales.

3.6. Le recourant objecte ensuite qu'en annulant une amende d'ordre un membre
de la police ne commettrait pas un acte pouvant être assimilé à une ordonnance
de classement mais s'abstiendrait, en fait, d'un acte rentrant dans sa propre
compétence, soit le fait d'introduire la procédure ordinaire en transmettant le
cas au procureur. Il n'aurait donc pas usurpé la fonction de ce dernier. En se
référant à la doctrine, il soutient aussi que l'usurpation serait, par
ailleurs, exclue en cas de léger dépassement d'attributions de puissance
publique.

 Il ressort toutefois du jugement entrepris que le recourant a bien annulé
formellement des amendes d'ordre (ce qu'il a communiqué par lettre aux
administrés concernés) et qu'il ne s'est donc pas limité, en cas de
contestation, à renoncer à transmettre le dossier au procureur afin d'ouvrir la
procédure ordinaire. Son comportement ne s'épuise pas en une simple omission (
ATF 129 IV 119 consid. 2.2 p. 121 s.) mais a consisté à revenir, par écrit,
pour des motifs d'opportunité, sur des décisions à caractère pénal. La
non-transmission au ministère public n'est que la conséquence de cette
décision. Cela étant, on ne saurait reprocher à la cour cantonale, sous cet
angle non plus, d'avoir jugé que le comportement du recourant équivalait,
matériellement, à rendre une décision de classement ne rentrant non seulement
pas dans ses compétences, mais relevant, de surcroît, d'un autre domaine
d'activité, soit des fonctions judiciaires du ministère public par opposition à
celles, exécutives, de la police. Il s'ensuit, par ailleurs, que le recourant
ne peut rien déduire en sa faveur de la doctrine qu'il cite ( STEFAN
HEIMGARTNER, in Basler Kommentar Strafrecht II, 2e éd. 2007, art. 287 CP, n°
6), qui a trait à la problématique des dépassements de compétence d'un
fonctionnaire à l'intérieur de son propre domaine d'activité. Le grief est
infondé.

3.7. Au plan subjectif, le recourant conteste toute intention délictueuse. Il
ne remet, ce faisant, pas en question la réalisation du dessein illicite exigé
par l'art. 287 CP. On peut, au demeurant, en renvoyant à l'ATF 128 IV 164
consid. 3c/bb p. 168, souligner que la cour cantonale retient le caractère
illicite du but poursuivi par le recourant, tendant à octroyer un avantage
injustifié aux personnes auxquelles les amendes d'ordre avaient été infligées,
leur évitant ainsi de devoir suivre la procédure ordinaire pour tenter d'en
obtenir l'annulation (v. supra consid. 2).

3.8. Quant à l'intention portant sur l'élément objectif, la cour cantonale
retient que, Commandant de la police cantonale au moment des faits, avocat de
formation, et ayant de surcroît fonctionné par le passé en qualité de juge
d'instruction puis de district, le recourant savait à l'évidence n'avoir pas la
compétence d'annuler les amendes d'ordre (jugement entrepris, consid. 8.2.2 p.
47).

 Le recourant objecte qu'il ressortirait des notes et courriers qu'il a
adressés au Procureur général (dont un avec copie à la Chambre d'accusation),
qu'il aurait annoncé ou rappelé à ce dernier qu'il annulait des amendes
d'ordre. De surcroît, il relève avoir constitué des dossiers pour chaque cas
d'annulation. Il en conclut qu'il ne s'agirait pas là de l'attitude de
quelqu'un qui, avec conscience et volonté, entend usurper des fonctions. La
cour cantonale aurait ainsi constaté arbitrairement les faits.

3.8.1. S'agissant du courrier du 30 août 2007 (cas Y.________), le recourant
allègue qu'il a été transmis au ministère public ensuite d'une erreur de la
chancellerie de la police (recours, p. 15). Il ne saurait en déduire une
manifestation de sa volonté d'informer le procureur ou de lui rappeler que des
amendes d'ordre étaient annulées.

3.8.2. Quant à la note du 25 octobre 2007, adressée par le recourant au
Procureur général, elle comportait l'indication suivante: « Lorsqu'un doute
surgit, nous sommes les premiers à annuler l'amende qui peut avoir été
infligée ». Selon le recourant, ce passage, lu en relation avec la phrase qui
le précédait « De plus, toute la hiérarchie de la Police cantonale porte une
attention soutenue à ce que les rapports soient bien faits, à ce que les faits
dénoncés soient clairs et qu'ils ne laissent pas de place aux contestations
évidentes » aurait indiqué clairement que la police annulait des amendes. La
cour cantonale relève, quant à elle, que la suite du texte (« Lorsqu'un rapport
de dénonciation nous échappe [...] nous sommes les premiers à le compléter pour
lui donner un éclairage permettant, le cas échéant, un classement [...] j'ai en
tête un récent rapport qui, après contestation, nous a semblé peu heureux. J'en
ai immédiatement fait part à Mme votre Substitute laquelle s'est très justement
inquiétée de cette dénonciation. J'ai suggéré un classement ») introduit une
ambiguïté en amalgamant la question des annulations avec la proposition
adressée au ministère public de classer un cas dénoncé (jugement entrepris,
consid. 5.2.2 p. 39 s.).

 L'interprétation de la cour cantonale n'est, en tout cas, pas insoutenable. Il
ne ressort en effet pas clairement de ce texte, y compris le passage auquel se
réfère le recourant, que les annulations mentionnées auraient également
concerné des cas de la compétence du ministère public, respectivement autre
chose que des cas « broutilles ». A cet égard, le fait que le recourant a
insisté sur le soin porté à éviter les cas de « contestations évidentes »
pouvait exclure, dans l'esprit du lecteur, les hypothèses dans lesquelles
l'annulation ne pouvait être justifiée que par l'exercice d'un certain pouvoir
d'appréciation, cependant que la référence à la proposition d'un classement
faite au ministère public suggérait le respect de la compétence de ce dernier.
Enfin, le seul fait que le recourant a tenu des dossiers relatifs aux
annulations d'amendes d'ordre permet certes de penser qu'il n'entendait pas se
rendre coupable d'un crime ou d'un délit, mais n'exclut pas encore qu'il ait,
sciemment ou par dol éventuel, empiété en connaissance de cause sur les
compétences judiciaires du ministère public. Le grief est infondé.

4.
Ce qui précède rend sans objet les conclusions et développements du recourant
tendant à son indemnisation pour l'hypothèse d'un acquittement complet,
respectivement au renvoi de la cause à la cour cantonale afin qu'elle statue
sur cette prétention.

5.
Le recourant invoque encore la violation des art. 426, 429 al. 1 let. a, 430 et
436 CPP. Il prétend l'allocation d'une indemnité représentant deux tiers de ses
frais de défense pour les procédures de première (y compris la procédure
d'instruction) et de seconde instances cantonales et que les frais en soient
mis dans la même mesure à la charge de l'Etat.

5.1. En tant qu'il relève que la procédure préliminaire a été ouverte en
relation avec des accusations sans commune mesure avec les faits qui ont, en
définitive, justifié son renvoi puis sa condamnation, le recourant soulève
aussi la question des frais et dépens de la phase initiale de la procédure. Il
suffit de relever que par ordonnance du 23 janvier 2012, le ministère public a
classé partiellement la procédure pénale dirigée contre le recourant en
relation avec diverses préventions (lésions corporelles, diffamation, calomnie
et injure) ainsi que plusieurs cas d'abus d'autorité (jugement entrepris,
consid. G.4 p. 20). Les frais de procédure pour cette partie du dossier ont été
laissés à charge de l'Etat et aucune indemnité n'a été allouée au recourant.
Cette décision n'a fait l'objet d'aucun recours (jugement de première instance,
consid. I.B p. 2; jugement entrepris consid. 14 p. 53). Il s'ensuit que le
recours en matière pénale est irrecevable sur ce point, qui n'est l'objet ni du
jugement entrepris ni même d'une décision de dernière instance cantonale (art.
80 al. 1 LTF).

5.2. Le prévenu supporte les frais de procédure s'il est condamné. Font
exception les frais afférents à la défense d'office. L'art. 135 al. 4 est
réservé. Lorsque la procédure fait l'objet d'une ordonnance de classement ou
que le prévenu est acquitté, tout ou partie des frais de procédure peuvent être
mis à sa charge s'il a, de manière illicite et fautive, provoqué l'ouverture de
la procédure ou rendu plus difficile la conduite de celle-ci (art. 426 al. 1 et
2 CPP). Ces règles reprennent les principes développés en application des art.
32 al. 1 Cst. et 6 par. 2 CEDH. Pour déterminer si le comportement en cause est
propre à justifier l'imputation des frais ou le refus d'une indemnité, le juge
peut prendre en considération toute norme de comportement écrite ou non écrite
résultant de l'ordre juridique suisse pris dans son ensemble, dans le sens
d'une application par analogie des principes découlant de l'art. 41 CO (ATF 119
la 332 consid. 1 b p. 334; 116 la 162 consid. 2c p. 169). Le fait reproché doit
constituer une violation claire de la norme de comportement (ATF 119 la 332
consid. 1 b p. 334; 116 la 162 consid. 2d p. 171). Les mêmes principes
s'appliquent en cas d'acquittement partiel. Une certaine marge d'appréciation
doit alors être laissée à l'autorité parce qu'il est difficile de déterminer
avec exactitude les frais qui relèvent de chaque fait imputable ou non au
condamné (cf. arrêt 6B_45/2011 du 12 septembre 2011 consid. 3.1).

 En l'espèce, si le recourant a été renvoyé en jugement pour avoir annulé
quelque 90 amendes, mais n'a été condamné, en première instance, que dans 55 de
ces cas, force est de constater que les difficultés relatives à l'établissement
des faits et à l'application du droit résidaient principalement dans la
question, commune à tous les faits, de la délimitation des compétences du
Commandant de la police cantonale et du ministère public, en relation notamment
avec les problématiques évoquées ci-dessus, de l'existence d'une telle
pratique, de sa connaissance par le ministère public et la Chambre
d'accusation, voire de sa valeur coutumière. Dans ces conditions, la cour
cantonale pouvait considérer, sans abuser de son pouvoir d'appréciation, que le
fait que le recourant avait violé les règles de compétence cantonales en
matière de procédure pénale dans de nombreuses situations avait provoqué son
renvoi en jugement, sans que l'on puisse admettre que les faits pour lesquels
il a été acquitté en première instance auraient, à eux seuls, induit des frais
particulièrement importants. Il s'ensuit que la mise à la charge du recourant
de l'intégralité des frais de première instance, de surcroît modestes (1107
fr.), ne viole pas le droit fédéral.

5.3. Conformément à l'art. 428 al. 1 CPP, les frais de la procédure de recours
sont mis à la charge des parties dans la mesure où elles ont obtenu gain de
cause ou succombé. La partie dont le recours est irrecevable ou qui retire le
recours est également considérée avoir succombé.

 En l'espèce, la cour cantonale a jugé que le recourant n'avait obtenu gain de
cause que très partiellement et a laissé à sa charge trois quarts des frais
judiciaires de seconde instance. Cette appréciation n'est pas critiquable. Dans
cette procédure, le recourant tentait d'obtenir sa libération de l'intégralité
des préventions dont il était encore l'objet (55 cas d'abus d'autorité) et
l'octroi d'une indemnité pour dommage économique et tort moral. Il a succombé
entièrement sur ce dernier point et n'a obtenu sa libération ou l'abandon des
poursuites pénales que pour 9 chefs d'accusation sur 55. Dans ces conditions,
la réduction des frais opérée par la cour cantonale (25%) tient largement
compte de ce qu'a obtenu le recourant en appel, y compris la requalification
des crimes d'abus d'autorité en délits d'usurpation de fonction.

5.4. Si le prévenu est acquitté totalement ou en partie ou s'il bénéficie d'une
ordonnance de classement, il a droit à une indemnité pour les dépenses
occasionnées par l'exercice raisonnable de ses droits de procédure (art. 429
al. 1 let. a CPP). L'autorité pénale peut réduire ou refuser l'indemnité ou la
réparation du tort moral lorsque le prévenu a provoqué illicitement et
fautivement l'ouverture de la procédure ou a rendu plus difficile la conduite
de celle-ci (art. 430 al. 1 let. a CPP). Ces règles s'appliquent également dans
la procédure de deuxième instance (art. 436 al. 1 CPP).

 On peut renvoyer à ce qui a été exposé ci-dessus à propos du comportement
civilement répréhensible du recourant en relation avec les frais de première
instance (supra consid. 5.2) ainsi qu'au résultat obtenu en appel (supra
consid. 5.3). Cela étant, l'octroi au recourant d'une indemnité partielle pour
ses dépens en deuxième instance (1844 fr. 60 soit 25% de ses frais de défense)
n'apparaît pas procéder d'un abus du pouvoir d'appréciation de la cour
cantonale.

6.
Le recourant succombe. Il supporte les frais de la procédure (art. 66 al. 1
LTF). Il n'y a pas lieu d'allouer des dépens (art. 68 al. 1 et 3 LTF).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.

2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 4000 fr., sont mis à la charge du recourant.

3.
Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Cour pénale du Tribunal
cantonal du canton du Jura.

Lausanne, le 13 juin 2013

Au nom de la Cour de droit pénal
du Tribunal fédéral suisse

Le Président: Mathys

Le Greffier: Vallat

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