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Strafrechtliche Abteilung, Beschwerde in Strafsachen 6B.168/2013
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Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal

{T 0/2}
6B_168/2013

Arrêt du 25 avril 2013
Cour de droit pénal

Composition
MM. et Mme les Juges fédéraux Mathys, Président,
Jacquemoud-Rossari et Denys.
Greffier: M. Rieben.

Participants à la procédure
X.________, représenté par
Me Hubert Theurillat, avocat,
recourant,

contre

Ministère public de la République et canton du Jura, Le Château, 2900
Porrentruy,
intimé.

Objet
Incendie intentionnel, lésions corporelles graves; arbitraire, violation du
principe in dubio pro reo,

recours contre le jugement de la Cour pénale du Tribunal cantonal du canton du
Jura du 6 décembre 2012.

Faits:

A.
Par jugement du 14 décembre 2011, le Tribunal pénal de première instance de la
République et canton du Jura a déclaré X.________ coupable d'incendie
intentionnel et de lésions corporelles graves et l'a condamné à une peine
privative de liberté de 24 mois avec sursis et délai d'épreuve de deux ans. Il
a en outre admis, quant à leur principe, les actions en dommages-intérêts
formées par A.Y.________ et B.Y.________ ainsi que par l'Etablissement cantonal
d'assurance immobilière et de prévention (ci-après: ECA) et renvoyé ces
plaignants à agir par la voie civile. Il a enfin condamné X.________ à payer
diverses sommes à titre d'indemnité pour tort moral à C.________, A.Y.________,
B.Y.________ et D.________, le tout sous suite de frais et dépens.

B.
Saisie d'un appel formé par X.________, ainsi que d'un appel joint du Ministère
public et de l'ECA, la Cour pénale du Tribunal cantonal jurassien a confirmé,
le 6 décembre 2012, le jugement du 14 décembre 2011, sous réserve qu'elle a
alloué à l'ECA une somme de 180'550 francs 90 avec intérêts à 5% dès le 14
décembre 2011 à titre de dommages-intérêts. Cette condamnation se fonde sur les
principaux éléments de fait suivants.
Le 30 juin 2009, vers 2h30, X.________ s'est rendu à Alle, au domicile de son
épouse, C.________, dont il est séparé. Il a sorti la voiture de celle-ci du
couvert où elle était garée pour la reculer sur la place devant l'immeuble. Il
a ensuite déversé de l'essence autour du véhicule et a bouté le feu à celui-ci.
A la suite de contacts répétés entre des câbles électriques, le véhicule s'est
mis en mouvement pour se retrouver sous le couvert. Le feu s'est ensuite
propagé à deux autres voitures et a enfumé tout le bâtiment. Prise de panique,
une habitante de l'immeuble, A.Y.________, a sauté depuis la fenêtre du premier
étage et s'est fracturée la jambe. La police a été prévenue vers 2h40 et les
pompiers sont rapidement intervenus. La présence du recourant a été constatée
sur les lieux par un agent de police vers 4h00.

C.
X.________ interjette un recours en matière pénale au Tribunal fédéral contre
ce jugement. Il conclut à l'annulation de cette décision, à sa libération des
préventions d'incendie intentionnel et lésions corporelles graves et au renvoi
de la cause à l'autorité cantonale pour nouvelle décision sur les prétentions
civiles et sur les indemnités qui lui sont dues en vertu de l'art. 429 al. 1
CPP, le tout sous suite de frais et dépens. Subsidiairement, il conclut au
renvoi de la cause au Tribunal cantonal jurassien pour nouveau jugement au sens
des considérants du présent arrêt. Il sollicite en outre l'octroi de
l'assistance judiciaire.
Il n'a pas été ordonné d'échange d'écritures.

Considérant en droit:

1.
Invoquant la violation du principe in dubio pro reo ainsi que l'arbitraire dans
l'appréciation des preuves et l'établissement des faits, le recourant conteste
être l'auteur de l'incendie dont il a été reconnu coupable.

1.1 La présomption d'innocence, garantie par les art. 32 al. 1 Cst., 10 CPP, 14
par. 2 du Pacte ONU II et 6 par. 2 CEDH, ainsi que son corollaire, le principe
in dubio pro reo, concernent tant le fardeau de la preuve que l'appréciation
des preuves (ATF 120 Ia 31 consid. 2c p. 36 et les références citées). Comme
principe présidant à l'appréciation des preuves, la présomption d'innocence est
violée si le juge du fond se déclare convaincu de faits défavorables à l'accusé
sur lesquels, compte tenu des éléments de preuve qui lui sont soumis, il aurait
au contraire dû, objectivement, éprouver des doutes (ATF 124 IV 86 consid. 2a
p. 88; 120 Ia 31 consid. 2c p. 37). Il importe peu qu'il subsiste des doutes
seulement abstraits et théoriques, qui sont toujours possibles, une certitude
absolue ne pouvant être exigée. Il doit s'agir de doutes sérieux et
irréductibles, c'est-à-dire de doutes qui s'imposent à l'esprit en fonction de
la situation objective. Dans cette mesure, la présomption d'innocence se
confond avec l'interdiction générale de l'arbitraire (art. 9 Cst.). En bref,
pour qu'il y ait arbitraire, il ne suffit pas que la décision attaquée
apparaisse discutable ou même critiquable; il faut qu'elle soit manifestement
insoutenable et cela non seulement dans sa motivation, mais aussi dans son
résultat (ATF 138 V 74 consid. 7 p. 82; 137 I 1 consid. 2.4 p. 5; 136 III 552
consid. 4.2 p. 560).
Le Tribunal fédéral ne connaît de la violation des droits fondamentaux que si
un tel moyen est invoqué et motivé par le recourant (art. 106 al. 2 LTF),
c'est-à-dire s'il a été expressément soulevé et exposé de manière claire et
détaillée (ATF 134 I 83 consid. 3.2). Les critiques de nature appellatoire sont
irrecevables (ATF 137 IV 1 consid. 4.2.3 p. 5; 137 II 353 c. 5.1 p. 356).

1.2 Pour retenir que le recourant était l'auteur de l'incendie, la cour
cantonale a tenu compte du fait qu'il se trouvait sur les lieux au moment de
celui-ci, sans pouvoir expliquer de manière satisfaisante sa présence. Il avait
prétendu qu'un inconnu lui avait donné rendez-vous chez sa femme par téléphone,
mais les investigations n'avaient pas permis d'établir la réception d'un
quelconque appel la nuit des faits, que ce soit sur le téléphone fixe ou
portable du recourant. Celui-ci avait par ailleurs varié dans ses déclarations
quant à ses activités la veille et la nuit des faits. Ce n'était que six mois
après les événements qu'il avait déclaré avoir été accompagné par une amie. Le
fait de taire la présence de ce témoin susceptible de le disculper laissait
songeur dans la mesure où les arguments avancés, soit ne pas vouloir lui causer
d'ennui ou la peur de choquer ses parents, apparaissaient totalement
incohérents. Quoi qu'il en soit, les déclarations de ce témoin n'étaient pas
crédibles dans la mesure où elles ne concordaient pas avec celles du recourant
quant au programme de télévision qu'ils auraient regardé, et n'étaient pas de
nature à disculper ce dernier puisqu'elle n'avait pas entendu le téléphone
sonner et ne pouvait situer l'heure du départ du recourant la nuit des faits.
Le comportement du recourant sur les lieux de l'incendie était en outre
étrange. Les deux agents qui l'avaient accompagné au poste de police avaient
indiqué qu'ils l'avaient vu se frotter les mains dans l'herbe avant de monter
dans leur véhicule. Le recourant l'avait d'abord nié, puis avait indiqué avoir
essuyé ses mains sur son pantalon, car il avait de la terre sur son soulier,
mais pas dans l'herbe car il n'y en avait pas, et enfin, devant le Tribunal
pénal, il avait admis s'être peut-être frotté les mains dans l'herbe pour se
nettoyer. Selon un des agents présents, il n'avait cependant pas les mains
sales. Son geste laissait donc supposer qu'il avait l'intention d'éliminer
d'éventuelles traces d'essence. Les relations entre le recourant et son épouse
étaient en outre houleuses depuis leur séparation. Le recourant s'était montré
virulent et agressif verbalement. La voiture de C.________ avait par ailleurs
été l'objet de plusieurs querelles au sein du couple et le 26 juin 2009,
celle-ci avait été trouvée avec un pneu crevé et un clou à proximité.
C.________ avait soupçonné son époux d'être l'auteur de cet acte et en avait
prévenu la police. Enfin, aucun élément permettait de disculper le recourant ou
de porter le moindre soupçon à l'encontre d'un tiers.
1.3
1.3.1 Le recourant conteste avoir été présent sur les lieux de l'incendie au
moment où celui-ci s'est déclaré et reproche à la cour cantonale d'avoir
considéré que rien n'excluait qu'il s'y soit trouvé avant que sa présence eût
été constatée. Il se réfère au considérant de la décision attaquée selon
lequel, si le moteur de sa voiture était encore chaud lorsqu'il avait été
fouillé vers 4h30, le rapport du bureau d'expertises techniques et d'analyses
d'accidents ne permettait pas de déterminer à partir de quel moment le véhicule
de l'intéressé n'avait plus roulé. Il n'était dès lors pas exclu, selon la cour
cantonale, qu'il se fût trouvé sur les lieux de l'incendie avant que sa
présence eût été observée. Le recourant n'explique pas en quoi la déduction de
l'autorité précédente serait insoutenable au vu du rapport auquel elle se
réfère et des éléments qu'il contient et la seule mention du considérant
précité n'est pas apte à démontrer l'arbitraire de la décision attaquée à cet
égard.
Le recourant invoque en outre que les premiers témoins de l'incendie n'avaient
vu personne autour de la voiture, ce dont il ne peut tirer aucun argument, sauf
à prétendre que l'incendie n'aurait pas été criminel, ce qu'il ne fait pas.
Pour le surplus, le fait qu'il n'a pas pu être localisé durant la nuit du 29 au
30 juin 2009 au moyen de son téléphone portable et que son emploi du temps
n'était pas connu entre le moment où le feu avait été bouté et celui où sa
présence avait été constatée sur les lieux de l'incendie n'est pas de nature à
exclure qu'il est l'auteur de l'incendie.
1.3.2 Le recourant conteste que les déclarations de son amie, écartées par la
cour cantonale, constituaient un témoignage de pure complaisance. Il ne pouvait
être reproché à la précitée de ne pas se souvenir, six mois après, du programme
de télévision qu'ils avaient regardé le soir des faits. La cour cantonale a
toutefois également relevé que le témoin avait indiqué ne pas avoir entendu le
téléphone sonner durant la nuit de l'incendie et ne pas pouvoir situer l'heure
du départ du recourant. Ce dernier ne démontre pas en quoi ces déclarations -
qui ne permettent pas de confirmer sa version des faits, en particulier son
explication quant à sa présence sur les lieux de l'incendie en pleine nuit -
affaibliraient, voire contrediraient la thèse selon laquelle il est l'auteur de
l'incendie, comme il se borne à l'affirmer de manière appellatoire.
1.3.3 Le recourant fait valoir que le test effectué par la police n'a pas
révélé de trace d'essence ou de produit inflammable sur ses mains. Il ne
conteste toutefois pas les explications de la cour cantonale qui pouvait
retenir sans arbitraire que ses mains ou ses habits n'avaient pas
nécessairement été souillés par de l'essence lorsqu'il en avait déversé autour
du véhicule qu'il s'apprêtait à incendier et que d'éventuelles traces avaient,
en tout état de cause, pu disparaître avant qu'il ne soit procédé à des
recherches à cet égard puisque l'essence est très volatile.
Le recourant relève par ailleurs que, selon un inspecteur interrogé sur cette
question, l'eau n'était pas un moyen efficace pour enlever des traces d'essence
et fait valoir qu'il était ainsi inutile qu'il se frotte les mains dans
l'herbe. Il ne soutient cependant pas qu'il avait connaissance de cette
caractéristique de la benzine, qui n'est pas notoire, avant que l'inspecteur
précité en fasse état. Il n'explique par ailleurs pas pourquoi il avait essuyé
ses mains dans l'herbe avant de monter dans la voiture de police, alors
qu'elles n'étaient pas sales, et on ne voit pas pour quel motif il aurait
cherché à cacher qu'il avait effectué ce geste et avait changé sa version des
faits sur ce point s'il ne pensait pas qu'il pouvait l'incriminer. Il n'était
dès lors pas arbitraire de retenir, comme l'a fait la cour cantonale, qu'il
avait de la sorte cherché à éliminer d'éventuelles traces d'essence.
1.3.4 Le recourant conteste que la cour cantonale pouvait retenir comme élément
à charge qu'il avait des relations houleuses avec son épouse. Il fait valoir
que selon l'expertise psychiatrique du 3 décembre 2009 dont il a fait l'objet,
effectuée par le Dr E.________, il avait surmonté sa rancoeur depuis le mois de
mars déjà. En mentionnant la phase de rémission dans laquelle le recourant se
trouvait, l'expert faisait toutefois allusion à l'état dépressif que le
recourant avait présenté entre janvier et fin mars 2009. Le fait que, selon
l'expert, il ne présentait pas de trouble de la santé mentale ne signifie
cependant pas qu'il était arbitraire de retenir que les relations avec son
épouse n'étaient pas bonnes compte tenu du fait, notamment, qu'il s'était
montré agressif verbalement et que le couple s'était querellé au sujet de la
voiture. En outre, s'il n'est certes pas établi que le recourant est l'auteur
du dommage causé au pneu de cette dernière, la mention de cet élément n'est
pas, à elle seule, de nature à rendre arbitraire la décision attaquée. Enfin,
la cour cantonale n'a pas constaté que l'expert avait soutenu qu'il était
l'auteur de l'incendie, mais bien qu'il s'était placé dans cette hypothèse (cf.
jugement attaqué consid. H.2 p. 18). Pour le surplus, l'indication selon
laquelle le recourant n'avait pas voulu provoquer des dommages corporels, mais
impressionner son épouse (cf. jugement attaqué consid. 3.5.1 p. 24), figure
pour expliquer quel motif avait pu le pousser à agir selon l'expert, mais ne
constitue pas un élément retenu par l'autorité cantonale pour forger sa
conviction quant à la culpabilité du recourant.
1.3.5 Le recourant invoque l'arbitraire de la décision attaquée en tant qu'elle
a nié l'existence d'un appel téléphonique reçu durant la nuit des faits,
l'invitant à se rendre chez son épouse. Il fait valoir que le relevé de son
opérateur téléphonique, qui ne fait aucune mention d'un tel appel, précise que
l'exactitude des informations fournies ne peut être garantie. En se bornant à
soutenir qu'elles ne sont dès lors pas nécessairement fiables, sans citer aucun
motif pour lequel les données techniques fournies seraient susceptibles de ne
pas être complètes, le recourant ne démontre pas qu'il était arbitraire
d'admettre qu'elles l'étaient. Au demeurant, un contrôle des éventuels appels
entrants durant la nuit de l'incendie a été effectué directement sur le
téléphone fixe du recourant lors de la perquisition effectuée à son domicile,
lequel s'est révélé négatif.
1.3.6 Pour le surplus, l'argumentation du recourant est appellatoire et,
partant, irrecevable en tant que celui-ci soutient qu'en l'absence d'aveu, de
preuves matérielles et scientifiques et de témoignages, la cour cantonale
affirmait de manière absolument arbitraire et gratuite qu'il était l'auteur de
l'incendie ou qu'il avait voulu justifier par avance la découverte
d'éventuelles traces d'essence sur ses habits en expliquant avoir vidé une
bouteille d'essence dans le réservoir de sa voiture durant l'après-midi
précédent.
De plus, en se bornant à invoquer un certificat médical qui fait état
d'opérations subies en 2001 pour une dysplasie fémoro-patellaire avec
instabilité rotulienne et en 2007 pour une laxité chronique de la cheville
gauche, sans qu'il soit fait état d'une quelconque incapacité physique en
résultant, le recourant ne démontre pas qu'il était arbitraire de retenir qu'il
était capable de déplacer la voiture de son épouse pour la sortir du couvert où
elle était garée.
Le recourant n'explique enfin pas ce qu'il entend tirer du fait que la voiture
incendiée était fermée, que C.________ détenait la seule clé et que les
investigations n'avaient pas permis d'établir comment le véhicule avait été
déplacé.
1.3.7 En définitive, en se fondant, en particulier, sur la présence du
recourant à proximité du lieu de l'incendie, dans une autre localité que celle
où se trouve son domicile, en pleine nuit, sans que celle-ci ait été expliquée
de manière crédible, sur les relations tendues qu'il entretenait avec son
épouse dont il était séparé et sur l'absence de tout élément susceptible
d'incriminer un tiers, la cour cantonale n'a pas fait preuve d'arbitraire en
retenant qu'il était l'auteur de l'incendie survenu le 3 juin 2009, dont
l'origine criminelle n'est pas contestée. Le recours doit être rejeté dans la
mesure où il est recevable.

2.
Le recourant a requis le bénéfice de l'assistance judiciaire. Comme ses
conclusions étaient dépourvues de chance de succès, celle-ci ne peut être
accordée (art. 64 al. 1 LTF). Le recourant doit donc supporter les frais (art.
66 al. 1 LTF), dont le montant est toutefois arrêté en tenant compte de sa
situation financière.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.

2.
La demande d'assistance judiciaire est rejetée.

3.
Les frais judiciaires, arrêtés à 800 francs, sont mis à la charge du recourant.

4.
Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Cour pénale du Tribunal
cantonal du canton du Jura.

Lausanne, le 25 avril 2013

Au nom de la Cour de droit pénal
du Tribunal fédéral suisse

Le Président: Mathys

Le Greffier: Rieben