Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
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Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Öffentlich-rechtliche Abteilung, Beschwerde in Strafsachen 1B.43/2013
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Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal

{T 0/2}
1B_43/2013

Arrêt du 1er mars 2013
Ire Cour de droit public

Composition
MM.et Mme les Juges fédéraux Merkli, Juge présidant, Jacquemoud-Rossari et
Chaix.
Greffière: Mme Sidi-Ali.

Participants à la procédure
A.________, représenté par Me Philippe Girod, avocat,
recourant,

contre

Ministère public de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213
Petit-Lancy.

Objet
détention pour des motifs de sûreté,

recours contre l'ordonnance de la Cour de justice du canton de Genève, Chambre
pénale d'appel et de révision, du 23 janvier 2013.

Faits:

A.
Par jugement du 30 octobre 2012, le Tribunal correctionnel de la République et
canton de Genève a libéré A.________, né le 23 septembre 1969 en Côte d'Ivoire
et de nationalités italienne et ivoirienne, de l'accusation d'infraction à la
LStup (RS 812.121), l'a déclaré coupable de recel (art. 160 ch. 1 CP),
blanchiment d'argent (art. 305bis ch. 1 CP), tentative de blanchiment d'argent
(art. 22 et 305bis ch. 1 CP), séjour illégal (art. 115 al. 1 let. b LEtr; RS
142.20), conduite d'un véhicule automobile sous retrait de permis de conduire
(art. 95 al. 1 let. b LCR), ainsi que d'infraction à l'art. 33 de la loi
fédérale du 20 juin 1997 sur les armes, les accessoires d'armes et les
munitions (LArm; RS 514.54), l'a condamné à une peine privative de liberté de
36 mois sous déduction de la détention subie avant jugement, avec sursis
partiel, la partie ferme de la peine étant de 15 mois, la durée du délai
d'épreuve de quatre ans, et a ordonné son maintien en détention à titre de
sûreté. Le Ministère public a annoncé faire appel de ce jugement à l'audience.
Le condamné en a fait de même par courrier par porteur du 8 novembre 2012. Le
Ministère public conteste l'octroi du sursis partiel.

B.
Par requête du 15 janvier 2013, A.________ a demandé sa mise en liberté pour le
8 février 2013, date à laquelle la détention préventive subie atteignait 15
mois. La Présidente de la Chambre pénale d'appel et de révision de la Cour de
justice de la République et canton de Genève a rejeté cette demande par
ordonnance du 23 janvier 2013. Elle a en substance considéré que le risque de
fuite en cas de mise en liberté était concret et que la durée de la détention
préventive n'était pas excessive au regard de la peine prévisible, le sursis
n'ayant pas à être pris en considération.

C.
Agissant par la voie du recours en matière pénale, A.________ demande au
Tribunal fédéral d'annuler l'ordonnance de la Cour de justice et de prononcer
sa libération. La cour cantonale persiste dans les termes de son ordonnance. Le
Ministère public conclut au rejet du recours. Le recourant a déposé ses
observations le 19 février 2013 à teneur desquelles il maintient ses
conclusions.

Considérant en droit:

1.
Le recours en matière pénale (art. 78 al. 1 LTF) est ouvert contre une décision
relative à la détention provisoire ou pour des motifs de sûreté au sens des
art. 212 ss CPP (RS 312.0). Formé en temps utile (art. 100 al. 1 LTF) contre
une décision prise par un tribunal institué par le code de procédure pénale
comme instance cantonale unique (art. 233 CPP et 80 al. 2 3ème phrase LTF) et
qui touche le recourant dans ses intérêts juridiquement protégés (art. 81 al. 1
let. a et b ch. 1 LTF), le recours en matière pénale est recevable.

2.
Le recourant se plaint d'une constatation arbitraire des faits, la Cour de
justice ayant retenu une relation "quasi inexistante" avec son épouse. Cette
affirmation serait contraire à la réalité des faits et tout le raisonnement qui
en découle - risque de fuite, cadre de vie et conditions liées à l'octroi du
sursis partiel - en serait faussé.

2.1 Le Tribunal fédéral statue en principe sur la base des faits établis par
l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF), sous réserve des cas prévus à
l'art. 105 al. 2 LTF. Selon l'art. 97 LTF, il ne peut s'en écarter que si les
constatations de ladite autorité ont été établies en violation du droit au sens
de l'art. 95 LTF ou de façon manifestement inexacte, c'est-à-dire arbitraire
(art. 105 al. 2 LTF) et pour autant que la correction du vice soit susceptible
d'influer sur le sort de la cause (ATF 137 I 58 consid. 4.1.2 p. 62; 136 II 304
consid. 2.4 p. 314). Si le recourant entend se prévaloir de constatations de
fait différentes de celles de l'autorité précédente (cf. art. 97 al. 1 LTF), il
doit expliquer de manière circonstanciée en quoi les conditions d'une exception
prévue par l'art. 105 al. 2 LTF seraient réalisées et la correction du vice
susceptible d'influer sur le sort de la cause. A défaut, il n'est pas possible
de tenir compte d'un état de fait divergent de celui retenu dans l'acte
attaqué. En particulier, le Tribunal fédéral n'entre pas en matière sur des
critiques de type appellatoire portant sur l'état de fait ou sur l'appréciation
des preuves (ATF 136 II 101 consid. 3 p. 104 et les arrêts cités).

2.2 La cour cantonale s'est penchée sur l'effectivité de la relation entre le
recourant et son épouse dans le cadre de l'examen du risque de fuite, qu'elle a
estimé vraisemblable. La faiblesse du lien conjugal est un élément parmi de
nombreux autres - titularité de deux nationalités étrangères, interdiction de
séjour en Suisse, "lien peu défini avec une copine", acquisition d'un terrain
en Afrique pour y exercer son métier, projet de retour en Afrique exposé en
audience par le recourant - qui ont permis à la Cour de justice d'acquérir la
conviction que le risque de fuite était concret, la seule relation entre le
recourant et sa fille n'étant pas de nature à exercer un effet dissuasif
suffisant.
Le recourant ne conteste pas que les difficultés conjugales sont apparues en
2003 et que depuis cette époque, soit plus de dix ans, les époux vivent de
manière indépendante l'un de l'autre. Il ne conteste pas non plus avoir
entretenu d'autres relations sentimentales durant cette période, y compris
durant sa détention préventive pour motifs de sûreté. Il ne prétend pas avoir
entrepris de démarche active dans la reconstruction de la relation conjugale.
Tout au plus se prévaut-il du fait qu'il est resté domicilié dans la maison
familiale. Il ne nie en revanche pas y être resté pour des motifs de convenance
et admet la distance prise avec son épouse. Le recourant tente de tirer
argument du soutien de celle-ci durant la détention, par quelques visites avec
leur fille commune. Or, cela ne témoigne pas d'une relation conjugale
effectivement vécue. Le recourant ne démontre ainsi pas en quoi le fait retenu
par la cour cantonale, à savoir que la relation avec son épouse est quasi
inexistante, aurait été constaté de manière arbitraire. Au surplus, compte tenu
de la quantité d'éléments démontrant le peu d'attaches avec la Suisse et
l'impossibilité d'y demeurer, l'effectivité du lien conjugal - grevé de
difficultés -, même cumulé à la présence de la fille du recourant, ne suffirait
pas à renverser l'appréciation de la cour cantonale qui considère le risque de
fuite comme étant concret. La version des faits soutenue par le recourant n'est
dès lors pas susceptible d'influer sur le sort de la cause.

3.
Le recourant se plaint d'une violation de l'interdiction de l'arbitraire. Il
fait valoir que la détention pour des motifs de sûreté prononcée avec le
jugement du 30 octobre 2012 l'a été "aux fins de garantir l'exécution du [dit]
jugement". Il en déduit, d'une part, que la détention a été prononcée pour une
durée limitée et ne peut donc se prolonger au-delà de l'échéance de la partie
ferme de la peine à laquelle il a été condamné en première instance. D'autre
part, le recourant affirme que la détention ne peut plus se fonder sur un autre
motif, en l'occurrence la perspective de la procédure d'appel.

3.1 Selon la jurisprudence, l'arbitraire, prohibé par l'art. 9 Cst., ne résulte
pas du seul fait qu'une autre solution pourrait entrer en considération ou même
qu'elle serait préférable; le Tribunal fédéral ne s'écarte de la solution
retenue en dernière instance cantonale que si elle est manifestement
insoutenable, méconnaît gravement une norme ou un principe juridique clair et
indiscuté ou si elle heurte de manière choquante le sentiment de la justice ou
de l'équité. Il ne suffit pas que la motivation de la décision soit
insoutenable; encore faut-il qu'elle soit arbitraire dans son résultat (ATF 137
I 1 consid. 2.4 p. 5; 136 I 316 consid. 2.2.2 p. 318 s.; 134 I 263 consid. 3.1
p. 265 s.).
Aux termes de l'art. 231 al. 1 CPP, au moment du jugement, le tribunal de
première instance détermine si le prévenu qui a été condamné doit être placé ou
maintenu en détention pour des motifs de sûreté pour garantir l'exécution de la
peine ou de la mesure prononcée (let. a) ou en prévision de la procédure
d'appel (let. b). Ces cas de figure ne constituent pas des motifs de détention
proprement dits au sens de l'art. 31 al. 1 Cst., mais apportent des précisions
d'ordre procédural en relation avec les motifs de détention légaux de l'art.
221 CPP (MARC FORSTER, in Basler Kommentar StPO, 2011, n. 2 (note 6) ad. art.
231 CPP). L'art. 231 CPP désigne l'autorité compétente pour ordonner la
détention à titre de sûreté. Les motifs de détention demeurent ceux de l'art.
221 CPP.

3.2 Comme le relève la Cour de justice, le dispositif du jugement de première
instance prononce le maintien en détention du recourant sans autre précision.
Les considérants du jugement font en revanche référence à l'exécution "du [dit]
jugement" au sens de l'art. 231 al. 1 let. a CPP. L'absence de précision, dans
le dispositif, de la disposition en vertu de laquelle le tribunal s'est
prononcé ne saurait exclure la prise en compte de l'appel. Il ne s'agit pas
d'une contradiction qui serait constitutive d'arbitraire. L'interprétation de
la Cour de justice, qui y voit une "inadvertance manifeste", est au contraire
parfaitement soutenable. L'autorité constate avant tout qu'il y a lieu de
craindre que le prévenu se soustraie à la justice, que ce soit dans le cadre de
l'exécution de la peine ou dans le cadre des débats en procédure d'appel. En
effet, si le Tribunal correctionnel a jugé que le risque de fuite justifiait le
maintien en détention en vue de l'exécution du jugement, ce motif vaut
également s'agissant d'assurer, d'une part, la présence du prévenu en procédure
d'appel et, d'autre part, l'exécution de la peine qui sera prononcée à ce
moment-là.
Le jugement de première instance n'étant ni définitif ni exécutoire, et
l'octroi du sursis étant précisément contesté par le Ministère public dans son
appel, la durée de la peine prononcée en première instance n'est qu'un élément
d'appréciation parmi d'autres, à mettre en balance, notamment, avec l'intérêt
au maintien de la détention en vue de l'appel.

3.3 En conclusion, la détention ordonnée par le tribunal de première instance
puis maintenue par la cour cantonale repose sur un motif - le risque de fuite -
qui, contrairement à ce qu'affirme le recourant, n'a pas changé. Sa durée n'est
pas celle de la peine prononcée dans ce jugement, mais est déterminée par les
dispositions légales et principes applicables à la détention pour des motifs de
sûreté, dont fait partie le principe de proportionnalité, examiné ci-après.

4.
Le recourant se plaint enfin d'une violation du principe de proportionnalité.
Il infère de la condamnation prononcée en première instance à une peine
privative de liberté de 36 mois, assortie d'un sursis partiel portant la partie
ferme à quinze mois, que la détention préventive ne pourrait pas dépasser ces
quinze mois. Il conteste que l'appel du Ministère public ait des chances
d'aboutir et reproche à la Cour de justice d'avoir, avant toute instruction,
préjugé de la peine qu'elle fixera.

4.1 En vertu des art. 31 al. 3 Cst. et 5 par. 3 CEDH, toute personne qui est
mise en détention préventive a le droit d'être jugée dans un délai raisonnable
ou d'être libérée pendant la procédure pénale. Une durée excessive de la
détention constitue une limitation disproportionnée de ce droit fondamental,
qui est notamment violé lorsque la durée de la détention préventive dépasse la
durée probable de la peine privative de liberté à laquelle il faut s'attendre.
L'art. 212 al. 3 CPP prévoit ainsi que la détention provisoire ou pour des
motifs de sûreté ne doit pas durer plus longtemps que la peine privative de
liberté prévisible. Le juge peut dès lors maintenir la détention préventive
aussi longtemps qu'elle n'est pas très proche de la durée de la peine privative
de liberté à laquelle il faut s'attendre concrètement en cas de condamnation (
ATF 133 I 168 consid. 4.1 p. 170; 132 I 21 consid. 4.1 p. 27; 107 Ia 256
consid. 2 et 3 p. 257 ss et les références). Il convient d'accorder une
attention particulière à cette limite, car le juge - de première instance ou
d'appel - pourrait être enclin à prendre en considération dans la fixation de
la peine la durée de la détention préventive à imputer selon l'art. 51 CP (ATF
133 I 168 consid. 4.1 p. 170 et les arrêts cités).
Selon une jurisprudence constante, la possibilité d'un sursis, voire d'un
sursis partiel, n'a en principe pas à être prise en considération dans l'examen
de la proportionnalité de la détention préventive (ATF 133 I 270 consid. 3.4.2
p. 281-282; 125 I 60; arrêts 1B_750/2012 du 16 janvier 2013 consid. 2, 1B_624/
2011 29 du novembre 2011 consid. 3.1,1B_9/2011 du 7 février 2011 consid. 7.2).
Toutefois, lorsque le détenu a déjà été jugé en première instance, ce prononcé
constitue un indice important quant à la peine susceptible de devoir être
finalement exécutée. Même s'il n'a en principe pas à examiner en détail le
bien-fondé du jugement et de la quotité de la peine prononcée en première
instance, le juge de la détention, saisi en application des art. 231 ss CPP, ne
peut faire abstraction de l'existence d'un appel du Ministère public tendant à
une aggravation de la peine, et doit dès lors examiner prima facie les chances
de succès d'une telle démarche. Le maintien en détention ne saurait être limité
aux seuls cas où il existerait sur ce point une vraisemblance confinant à la
certitude. L'art. 231 CPP ne pose d'ailleurs pas une telle condition pour le
maintien en détention. Dès lors, par analogie avec la notion de "forts
soupçons" au sens de l'art. 221 al. 1 CPP, il y a lieu de déterminer, sur le vu
de l'ensemble des circonstances pertinentes, soit en particulier compte tenu
des considérants du jugement de première instance et des arguments soulevés à
l'appui du recours, si la démarche de l'accusation est susceptible d'aboutir,
avec une vraisemblance suffisante, à une reformatio in pejus (arrêts 1B_600/
2011 du 7 novembre 2011 consid. 2.3; 1B_525/2011 du 13 octobre 2011 consid.
3.2; 1B_482/2011 du 4 octobre 2011 consid. 2.2).

4.2 Le recourant a été condamné à une peine privative de liberté de 36 mois.
Celle-ci a été assortie d'un sursis partiel, la partie ferme de la peine à
exécuter étant de quinze mois. En cas d'aboutissement de l'appel du Ministère
public, ce sont ainsi jusqu'à 21 mois de détention supplémentaires qui devront
être exécutés. Certes, il s'agit ici de tenir compte d'un sursis contesté mais
déjà prononcé dans le jugement de première instance. Cela étant, l'examen des
chances de succès de l'appel du Ministère public opéré dans l'arrêt attaqué
relativise cet aspect. La cour cantonale a en effet retenu que le recourant
n'avait aucun projet crédible de réinsertion et qu'au regard de ses nombreux
antécédents, dont une condamnation française à une peine privative de liberté
de dix mois prononcée en avril 2008, le sursis partiel ne paraissait pas
envisageable. Cet examen, effectué prima facie par la direction de la
procédure, est inhérent au système prévu par le législateur à l'art. 233 CPP.
Ce faisant, l'ordonnance attaquée ne préjuge pas du sort de l'appel, mais
évalue dans les grandes lignes la vraisemblance des chances de succès. Par la
brève énumération des griefs invoqués à l'appui de son propre appel - situation
de famille et cadre de vie, appréciation de la faute à revoir - le recourant ne
démontre pas que l'appel du Ministère public serait dénué de toute chance de
succès. En définitive, la détention préventive demeure actuellement
proportionnée à la peine à laquelle le recourant pourrait être condamné à
l'issue de la procédure d'appel.

5.
Il résulte de ce qui précède que le recours doit être rejeté. Dès lors que le
recourant est dans le besoin et que ses conclusions ne paraissaient pas
d'emblée vouées à l'échec, l'assistance judiciaire doit lui être accordée (art.
64 al. 1 LTF). Il y a lieu de désigner Me Philippe Girod en qualité d'avocat
d'office et de fixer d'office ses honoraires, qui seront supportés par la
caisse du Tribunal fédéral (art. 64 al. 2 LTF). Le recourant est en outre
dispensé des frais judiciaires (art. 64 al. 1 LTF).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté.

2.
La demande d'assistance judiciaire est admise. Me Philippe Girod est désigné
comme avocat d'office du recourant et ses honoraires, supportés par la caisse
du Tribunal fédéral, sont fixés à 1'500 francs.

3.
Il n'est pas perçu de frais judiciaires.

4.
Le présent arrêt est communiqué au mandataire du recourant, au Ministère public
et à la Cour de justice du canton de Genève, Chambre pénale d'appel et de
révision.
Lausanne, le 1er mars 2013
Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse

Le Juge présidant: Merkli

La Greffière: Sidi-Ali