Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Öffentlich-rechtliche Abteilung, Beschwerde in Strafsachen 1B.35/2013
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Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal

{T 0/2}
1B_35/2013

Arrêt du 13 mars 2013
Ire Cour de droit public

Composition
MM. les Juges fédéraux Aemisegger, Juge présidant, Merkli et Chaix.
Greffier: M. Parmelin.

Participants à la procédure
A.________,
recourant,

contre

Nathalie Magnenat-Fuchs, Procureur auprès du Ministère public de la République
et canton de Genève, case postale 3565, 1211 Genève 3,
intimée.

Objet
procédure pénale; récusation,

recours contre l'arrêt de la Chambre pénale de recours de la Cour de justice de
la République et canton de Genève du 16 janvier 2013.

Faits:
A.________ fait l'objet d'une instruction pénale pour discrimination raciale,
calomnie, voire diffamation, insoumission à une décision de l'autorité et
opposition aux actes de l'autorité. Conduite dans un premier temps par le
Procureur du Ministère public de la République et canton de Genève, Laurence
Schmid-Piquerez, la procédure a été confiée au Procureur Nathalie
Magnenat-Fuchs, dès le 25 août 2011.
Dans le délai de prochaine clôture, le prévenu et son conseil ont présenté
diverses réquisitions de preuves que cette magistrate a rejetées le 28 novembre
2012.
Le 5 décembre 2012, A.________ a déposé une demande de récusation du Procureur
que la Chambre pénale de recours de la Cour de justice de la République et
canton de Genève a rejetée au terme d'un arrêt rendu le 16 janvier 2013.
Agissant par la voie du recours en matière pénale, A.________ demande au
Tribunal fédéral d'annuler cet arrêt, d'ordonner la récusation de Nathalie
Magnenat-Fuchs et de donner suite à ses demandes d'instruction complémentaire,
en sorte que l'instruction soit menée à décharge conformément à l'art. 6 du
Code de procédure pénale (CPP). Il requiert l'assistance judiciaire gratuite.
Le Ministère public conclut au rejet du recours. La Cour de justice se réfère
aux considérants de son arrêt.
Le recourant a répliqué.

Considérant en droit:

1.
Conformément aux art. 78 et 92 al. 1 LTF, une décision incidente relative à la
récusation d'un magistrat dans la procédure pénale peut faire immédiatement
l'objet d'un recours en matière pénale. L'auteur de la demande de récusation a
qualité pour agir (art. 81 al. 1 LTF). L'arrêt attaqué est rendu en dernière
instance cantonale, au sens de l'art. 80 LTF. Le recours a été déposé dans le
délai de trente jours prescrit à l'art. 100 al. 1 LTF et la conclusion tendant
à l'admission de la demande de récusation est recevable au regard de l'art. 107
LTF. La question de savoir s'il en va de même de celle visant à ce que les
mesures d'instruction complémentaire requises soient administrées peut rester
indécise vu l'issue du recours.

2.
Un magistrat est récusable pour l'un des motifs prévus aux art. 56 let. a et e
CPP. Il l'est également, selon l'art. 56 let. f CPP, "lorsque d'autres motifs,
notamment un rapport d'amitié étroit ou d'inimitié avec une partie ou son
conseil, sont de nature à le rendre suspect de prévention". Cette disposition a
la portée d'une clause générale recouvrant tous les motifs de récusation non
expressément prévus aux lettres précédentes. Elle correspond à la garantie d'un
tribunal indépendant et impartial instituée par les art. 30 Cst. et 6 CEDH.
Elle n'impose pas la récusation seulement lorsqu'une prévention effective du
magistrat est établie, car une disposition interne de sa part ne peut guère
être prouvée. Il suffit que les circonstances donnent l'apparence de la
prévention et fassent redouter une activité partiale du magistrat. Seules les
circonstances constatées objectivement doivent être prises en considération.
Les impressions purement individuelles d'une des parties au procès ne sont pas
décisives (ATF 138 IV 142 consid. 2.1 p. 144 et les arrêt cités).
Dans la phase de l'enquête préliminaire et de l'instruction, les principes
applicables à la récusation du ministère public sont ceux qui ont été dégagés à
l'égard des juges d'instruction avant l'introduction du Code de procédure
pénale. Selon l'art. 61 CPP, le ministère public est l'autorité investie de la
direction de la procédure jusqu'à la mise en accusation. A ce titre, il doit
veiller au bon déroulement et à la légalité de la procédure (art. 62 al. 1
CPP). Durant l'instruction il doit établir, d'office et avec un soin égal, les
faits à charge et à décharge (art. 6 CPP); il doit statuer sur les réquisitions
de preuves et peut rendre des décisions quant à la suite de la procédure
(classement ou mise en accusation), voire rendre une ordonnance pénale pour
laquelle il assume une fonction juridictionnelle. Dans ce cadre, le ministère
public est tenu à une certaine impartialité même s'il peut être amené,
provisoirement du moins, à adopter une attitude plus orientée à l'égard du
prévenu ou à faire état de ses convictions à un moment donné de l'enquête. Cela
est en particulier le cas lorsqu'il décide de l'ouverture d'une instruction
(qui suppose l'existence de soupçons suffisants au sens de l'art. 309 al. 1
CPP) ou lorsqu'il ordonne des mesures de contrainte. Tout en disposant, dans le
cadre de ses investigations, d'une certaine liberté, le magistrat reste tenu à
un devoir de réserve. Il doit s'abstenir de tout procédé déloyal, instruire
tant à charge qu'à décharge et ne point avantager une partie au détriment d'une
autre (ATF 138 IV 142 consid. 2.2.1 p. 145 et les arrêts cités).
De jurisprudence constante, des décisions ou des actes de procédure viciés,
voire arbitraires, ne fondent pas en soi une apparence objective de prévention.
En effet, de par son activité, le juge, respectivement le procureur est
contraint de se prononcer sur des questions contestées et délicates; même si
elles se révèlent ensuite erronées, des mesures inhérentes à l'exercice normal
de sa charge ne permettent pas encore de le suspecter de parti pris; en décider
autrement, reviendrait à affirmer que toute décision de justice inexacte, voire
arbitraire, serait le fruit de la partialité de son auteur, ce qui n'est pas
admissible. Seules des erreurs particulièrement lourdes ou répétées,
constitutives de violations graves des devoirs du magistrat concerné, peuvent
en conséquence justifier une suspicion de partialité, pour autant que les
circonstances corroborent à tout le moins objectivement l'apparence de
prévention (ATF 138 IV 142 consid. 2.3 p. 146 et les arrêts cités).

3.
La Cour de justice a jugé la demande de récusation tardive en tant qu'elle
concerne le fait que la magistrate intimée avait siégé en qualité de Présidente
du Tribunal de police dans une affaire concernant le requérant en 2002 et l'a
rejetée sur ce point.
Le recourant conteste avoir sciemment attendu pour faire valoir ce motif de
récusation. Il ignorait de bonne foi devoir agir dans un certain délai et
affirme avoir renoncé à invoquer d'emblée la récusation du Procureur Nathalie
Magnenat-Fuchs en raison de sa participation à une précédente procédure pénale
le concernant parce qu'il voulait lui donner une chance, qu'elle n'a pas
saisie, d'instruire cette nouvelle affaire dans le respect des devoirs de sa
charge.

3.1 Conformément à l'art. 58 al. 1 CPP, la demande de récusation doit être
présentée sans délai, soit dans les jours qui suivent la connaissance du motif
de récusation (arrêt 1B_203/2011 du 18 mai 2011 consid. 2.1), à la direction de
la procédure, sous peine de déchéance (ATF 138 I 1 consid. 2.2 p. 4).

3.2 Le recourant ne saurait faire valoir son ignorance de la loi pour contester
l'irrecevabilité de sa demande de récusation sur ce point (ATF 136 V 331
consid. 4.1 p. 335; 131 V 196 consid. 5.2 p. 201; 126 V 308 consid. 2b p. 313;
124 V 215 consid. 2b/aa p. 220 et les arrêts cités). Il n'invoque aucune
disposition légale ou principe juridique qui aurait contraint le Procureur de
le rendre attentif à la règle posée à l'art. 58 CPP et ne peut ainsi se
prévaloir d'une omission fautive pour s'opposer à la déchéance de son droit de
demander la récusation de cette magistrate au motif qu'elle se serait prononcée
antérieurement en sa défaveur dans une autre cause. Que la Cour de justice ait,
comme le soutient le recourant, retenu à tort qu'il avait agi sciemment et de
manière téméraire ne change rien au fait que l'invocation de ce moyen pouvait
sans violer le droit fédéral être tenu pour tardif au regard de cette
disposition. Au demeurant, la simple circonstance qu'un magistrat se soit déjà
prononcé dans le cadre d'une autre procédure concernant le requérant ne
saurait, à elle seule, porter atteinte à son impartialité (cf. arrêt de la Cour
européenne des droits de l'homme du 26 avril 2011 dans la cause Steulet c.
Suisse, par. 38). Sur ce point, le recours est infondé.

4.
Le recourant voit un motif de récusation de la magistrate intimée dans le fait
qu'elle a refusé de donner suite aux réquisitions de preuves qui auraient
permis d'établir la réalité des abus d'autorité dont se serait rendue coupable
le Procureur Laurence Schmid-Piquerez lors de l'audience du 25 août 2011 et qui
sont à l'origine de son inculpation pour opposition aux actes de l'autorité.
Le recourant, personnellement et par l'intermédiaire de son conseil, avait
sollicité à titre de preuves un rapport écrit des agents qui sont intervenus ce
jour-là pour l'expulser du cabinet du Procureur Laurence Schmid-Piquerez,
l'audition de cette magistrate en qualité de témoin aux fins de préciser les
faits qui lui sont reprochés en lien avec l'accusation d'opposition aux actes
d'autorité, ainsi que l'audition de l'avocat-stagiaire qui le représentait à
cette audience. L'intimée a rejeté ces réquisitions parce que le recourant
avait admis avoir craché au visage de la magistrate, si bien qu'il n'était pas
difficile de comprendre en quoi un tel comportement avait entravé le
déroulement de l'audience. Le recourant affirme avoir agi de la sorte en
réaction à sa conduite injustifiée en cellule et à la fouille intégrale qu'il a
subie peu auparavant, à la requête de cette magistrate. L'audition des
policiers qui ont procédé à sa fouille devait permettre d'établir que la
procureure avait menti et que ces fouilles humiliantes et injustifiées
constituent une circonstance atténuante par rapport à l'incident du crachat. Le
fait que le recourant ne partage pas l'avis de l'intimée quant à la pertinence
des réquisitions de preuves ne permet pas encore de retenir que le refus d'y
donner suite résulterait d'une volonté délibérée de cette magistrate de
protéger sa collègue dont elle a repris le dossier. A tout le moins une telle
intention ne ressort pas d'un point de vue objectif de la motivation retenue
dans sa décision du 28 novembre 2012. S'il estimait que l'audition des
policiers s'imposait sans délai, pendant que leurs souvenirs étaient encore
récents, le recourant aurait dû contester cette décision devant la Chambre
pénale de recours (cf. arrêt 1B_189/2012 du 17 août 2012 consid. 2.1 in SJ 2013
I 89). Il pourra quoi qu'il en soit réitérer ses réquisitions de preuves devant
le tribunal de première instance s'il persiste à les considérer comme
pertinentes pour se prononcer en connaissance de cause sur l'infraction
d'opposition aux actes de l'autorité qui lui est reprochée en lien avec les
événements survenus lors de l'audition du 25 août 2011. Pour le surplus, le
recourant n'indique pas les mesures d'instruction à décharge en lien avec les
accusations de calomnie et de diffamation dont il aurait vainement requis la
mise en oeuvre et qui démontreraient la partialité manifeste de l'intimée.
Cette dernière a clairement indiqué les motifs pour lesquels elle estimait ne
pas devoir instruire les preuves libératoires qu'il entendait apporter et le
recourant ne cherche pas à démontrer en quoi ils seraient insoutenables et
propres à démontrer la partialité de cette magistrate à son égard. Il
n'appartient pas au Tribunal fédéral d'examiner d'office ce qu'il en est.

5.
Le recours doit par conséquent être rejeté dans la mesure où il est recevable.
L'issue du recours étant d'emblée prévisible, il ne saurait être fait droit à
la requête d'assistance judiciaire présentée par le recourant (art. 64 al. 1
LTF). Vu la situation personnelle de ce dernier, l'arrêt sera rendu sans frais
(art. 66 al. 2 2ème phrase LTF).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.

2.
La demande d'assistance judiciaire est rejetée.

3.
Il n'est pas perçu de frais judiciaires.

4.
Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Chambre pénale de recours
de la Cour de justice de la République et canton de Genève.

Lausanne, le 13 mars 2013
Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse

Le Juge présidant: Aemisegger

Le Greffier: Parmelin