Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Öffentlich-rechtliche Abteilung, Beschwerde in Strafsachen 1B.259/2013
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Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal

[8frIR2ALAGK1]     
{T 0/2}
                   
1B_259/2013

Arrêt du 14 novembre 2013

Ire Cour de droit public

Composition
MM. les Juges fédéraux Fonjallaz, Président,
Karlen et Chaix.
Greffière: Mme Sidi-Ali.

Participants à la procédure
X.________,
représenté par Me Eve Dolon, avocate,
recourant,

contre

Ministère public de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213
Petit-Lancy.

Objet
refus de nomination d'avocat d'office,

recours contre l'arrêt de la Cour de justice de la République et canton de
Genève, Chambre pénale de recours, du 28 juin 2013.

Faits:

A. 
Une procédure pénale est pendante à l'encontre de X.________, né en 1991,
prévenu d'homicide par négligence, de plusieurs infractions à la LCR,
d'infraction à la LStup, de mise en danger de la vie d'autrui, d'entrave à la
circulation publique et de meurtre par dol éventuel. Le prévenu a constitué Me
Eve Dolon comme défenseur de choix lors de la première audience devant le
Ministère public le 30 décembre 2012. Le 4 janvier 2013, il a sollicité que
celle-ci soit désignée en qualité de défenseur d'office, indiquant ne pas
disposer des moyens nécessaires pour assumer sa rémunération. Après une
première ordonnance de refus de l'assistance judiciaire et sur demande de
reconsidération de l'intéressé, le Ministère public a, par ordonnance du 6 mai
2013, rejeté la demande en se fondant sur la situation financière des parents
du prévenu, celui-ci, étudiant âgé de 22 ans, étant à leur charge. Le Ministère
public n'a pas tenu compte de la situation financière du père du prévenu,
indépendant qui déclare un revenu de l'ordre de 1'500 francs par mois pour
l'exercice 2012. Il a considéré, au vu du revenu mensuel réalisé par la mère du
prévenu et des charges familiales (comprenant le loyer, les primes d'assurance
maladie de base, les impôts et taxes personnelles, le forfait véhicule -
leasing, assurance, frais d'entretien, - l'abonnement aux transports public du
prévenu, l'entretien selon normes d'insaisissabilité majorées de 20 %), que le
disponible de la famille dépassait mensuellement de 1'698 fr. 35 le minimum
vital élargi. Le prévenu disposait ainsi des moyens nécessaires pour se faire
assister à ses frais, respectivement à ceux de ses parents.

B. 
Par arrêt du 28 juin 2013, la Chambre pénale de recours de la Cour de justice
de la République et du canton de Genève a rejeté le recours déposé par le
prévenu contre cette ordonnance. Elle a en substance confirmé que, compte tenu
du revenu de la mère du prévenu et de la capacité de gain de son père, voire de
sa propre capacité de gain, le solde disponible de la famille permettait au
prévenu de s'acquitter des honoraires de son conseil sur deux ans. En l'absence
d'indigence, c'était à juste titre que l'assistance judiciaire lui avait été
refusée.

C. 
Agissant par la voie du recours en matière pénale, X.________ demande au
Tribunal fédéral d'annuler l'arrêt cantonal, de lui accorder le bénéfice de
l'assistance judiciaire et de nommer Me Eve Dolon en qualité de défenseur
d'office, subsidiairement de renvoyer la cause au Tribunal cantonal pour
nouvelle décision. Il demande en tout état à être mis au bénéfice de
l'assistance judiciaire pour la procédure devant le Tribunal fédéral. La cour
cantonale se réfère à son arrêt. Le Ministère public conclut au rejet du
recours. Le recourant a répliqué et confirme ses conclusions.

Considérant en droit:

1. 
Conformément à l'art. 78 LTF, une décision relative à la défense d'office dans
une cause pénale peut faire l'objet d'un recours en matière pénale. Le
recourant, prévenu et auteur de la demande de désignation d'un défenseur
d'office, a qualité pour agir (art. 81 al. 1 LTF).

Le Ministère public doute de la recevabilité du recours sous l'angle du
caractère irréparable du préjudice allégué. A teneur de l'art. 93 al. 1 let. a
LTF, les décisions préjudicielles et incidentes notifiées séparément peuvent
faire l'objet d'un recours si elles peuvent causer un préjudice irréparable.
Selon la jurisprudence, le refus de désigner un avocat d'office au prévenu est
susceptible de lui causer un préjudice irréparable au sens de l'art. 93 al. 1
let. a LTF (ATF 133 IV 335 consid. 4 p. 338; 129 I 129 consid. 1.1 p. 131). En
l'espèce, le recourant est certes déjà pourvu d'un défenseur de choix. Un refus
erroné d'octroi de l'assistance judiciaire aurait toutefois des conséquences
sur la prise en charge des coûts de sa défense, ce qui exposerait le recourant
à une résiliation du mandat s'il ne pouvait en assumer le paiement. La
condition de l'art. 93 al. 1 let. a LTF est donc remplie.
Pour le surplus, le recours est formé en temps utile (art. 100 al. 1 LTF)
contre une décision rendue en dernière instance cantonale (art. 80 LTF) et les
conclusions présentées sont recevables au regard de l'art. 107 al. 2 LTF.

2. 
Le recourant se plaint d'une constatation incomplète des faits par la cour
cantonale. Il demande que ceux-ci soient complétés par la mention de la note
d'honoraires de son conseil au 21 mai 2013, qui atteste de 110 heures
facturées, dont 51 passées en audience du Ministère public; ce total comprend
aussi 16 heures 45 en relation avec les dix jours de détention préventive du
prévenu (visites à la prison, conférences avec les parents, procédures devant
le Tmc).
Le Tribunal fédéral statue en principe sur la base des faits établis par
l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF), sous réserve des cas prévus à
l'art. 105 al. 2 LTF. Selon l'art. 97 LTF, il ne peut s'en écarter que si les
constatations de ladite autorité ont été établies en violation du droit au sens
de l'art. 95 LTF ou de façon manifestement inexacte (art. 105 al. 2 LTF),
c'est-à-dire arbitraire (ATF 137 I 58 consid. 4.1.2 p. 62; 137 III 226 consid.
4.2 p. 234; 136 II 304 consid. 2.4 p. 314) et pour autant que la correction du
vice soit susceptible d'influer sur le sort de la cause. Si le recourant entend
se prévaloir de constatations de faits différentes de celles de l'autorité
précédente (cf. art. 97 al. 1 LTF), il doit expliquer de manière circonstanciée
en quoi les conditions d'une exception prévue par l'art. 105 al. 2 LTF seraient
réalisées (ATF 137 II 353 consid. 5.1 p. 356; 136 II 101 consid. 3 p. 104 et
les arrêts cités).
La cour cantonale a tenu compte de la pièce invoquée par le recourant dans une
certaine mesure, puisqu'elle a retenu que le montant des honoraires facturés
par son conseil à la date du recours cantonal était de 48'961 fr. 75 et, à la
date de la demande de reconsidération, de plus de 30'000 francs. En revanche,
la cour cantonale n'a pas examiné le détail de cette note. Cela étant, elle n'a
pas remis en cause son bien-fondé, mais celui du montant prévisible des
honoraires pour la suite de la procédure, ce que le recourant critique à juste
titre sous l'angle du droit. Il n'y a dès lors pas lieu de compléter l'état de
fait.

3.

3.1. En vertu de l'art. 29 al. 3 Cst., toute personne qui ne dispose pas de
ressources suffisantes a droit, à moins que sa cause paraisse dépourvue de
toute chance de succès, à l'assistance judiciaire gratuite. L'art. 132 al. 1
let. b CPP concrétise cette disposition. Il prévoit que la direction de la
procédure ordonne une défense d'office si le prévenu ne dispose pas des moyens
nécessaires et que l'assistance d'un défenseur est justifiée pour sauvegarder
ses intérêts. En application de l'art. 135 al. 4 CPP, le prévenu condamné à
supporter les frais de procédure est tenu de rembourser au canton les frais
d'honoraires de son défenseur d'office dès que sa situation financière le
permet. Selon la jurisprudence, une personne est dans le besoin lorsqu'elle ne
bénéficie pas de moyens lui permettant d'assumer les frais de procédure
prévisibles, sans porter atteinte à son minimum vital ou à celui de sa famille.
Pour déterminer l'indigence, il convient de prendre en considération l'ensemble
de la situation financière du requérant au moment où la demande est présentée,
celui-ci devant indiquer de manière complète et établir autant que possible ses
revenus, sa situation de fortune et ses charges (ATF 135 I 221 consid. 5.1 p.
223 s. et les arrêts cités). La part des ressources excédant ce qui est
nécessaire à la couverture des besoins personnels doit être comparée, dans
chaque cas, aux frais prévisibles de la procédure pour laquelle l'assistance
judiciaire est demandée. Le soutien de la collectivité publique n'est en
principe pas dû, au regard de l'art. 29 al. 3 Cst., lorsque cette part
disponible permet d'amortir les frais judiciaires et d'avocat en une année au
plus pour les procès relativement simples, et en deux ans pour les autres 
(ibidem, p. 224). S'agissant, comme en l'espèce, d'enfants majeurs, la
jurisprudence retient que l'obligation d'entretien des parents s'étend aussi à
la prise en charge des frais judiciaires. La prise en compte de la situation
financière de ceux-ci est donc déterminante pour statuer sur l'indigence de
l'ayant droit (ATF 127 I 202 consid. 3b p. 205).

3.2. La cour cantonale a confirmé le refus d'octroi de l'assistance judiciaire.
Elle a considéré que le montant des honoraires prévisibles annoncé par le
conseil du prévenu était "totalement extravagant" et en a par conséquent fait
abstraction. Elle a en revanche retenu la note d'honoraires de plus de 30'000
francs au 7 mars 2013 - date de la demande de reconsidération d'octroi de
l'assistance judiciaire. Selon les juges cantonaux, les frais d'avocat
supplémentaires ne devraient pas excéder quelques dizaines de milliers de
francs. Cette formulation est extrêmement vague et ne répond pas à la question
de savoir si le recourant est en mesure de les acquitter - au demeurant, une
fois imputé le coût des opérations déjà passées que la cour cantonale ne semble
pas remettre en cause (30'000 fr. au 7 mars 2013, et près de 50'000 fr. au 21
mai 2013). L'arrêt n'expose pas les opérations encore prévisibles dans le cas
d'espèce. Il ne donne aucune précision quant au stade auquel se trouve
l'enquête ni quant aux mesures d'instruction encore nécessaires. On ignore
également tout d'une probable audience de jugement et du temps qui devrait y
être consacré. Aussi, en dépit de l'absence de tout détail relatif au montant
de 120'000 francs annoncé par le conseil du recourant pour honoraires futurs,
et compte tenu de frais déjà encourus relativement élevés, la cour cantonale
devait-elle motiver son appréciation, à tout le moins par une évaluation des
frais de défense prévisibles.
L'arrêt attaqué n'indique pas non plus le tarif horaire retenu pour déterminer
les honoraires prévisibles mis à charge du recourant en cas de rejet de
l'assistance judiciaire. Le Ministère public, dans ses déterminations,
préconise une prise en considération des montants arrêtés par le règlement
genevois sur l'assistance juridique et l'indemnisation des conseils juridiques
et défenseurs d'office en matière civile, administrative et pénale. Cette
manière de voir ne saurait être suivie. En effet, tant que l'assistance
judiciaire n'est pas accordée, on ne saurait exiger du conseil qu'il abaisse
son tarif usuel, pour autant que, comme en l'espèce, celui-ci ne soit pas
excessif. C'est donc bien sur cette base que doit être déterminé le montant
dont le prévenu devrait être en mesure de s'acquitter en l'absence d'octroi de
l'assistance judiciaire.
Les juges cantonaux ont également souligné qu'au vu de la capacité de gain du
père du prévenu, on devait attendre de lui qu'il réalise des revenus
supplémentaires. L'ordonnance litigieuse n'en avait, à la faveur du recourant,
pas tenu compte. Le Ministère public avait en effet renoncé à une instruction
plus poussée de cette question, jugeant que, même abstraction faite de tout
revenu du père, le recourant n'était pas indigent. Ainsi, les revenus
hypothétiques du père du recourant sur lesquels s'appuie la cour cantonale ne
sont fondés que sur de simples suppositions. Or, ici encore, si elle entendait
intégrer un revenu hypothétique du père du prévenu à son raisonnement - et
ainsi remettre en cause les pièces produites par le recourant -, la cour
cantonale devait approfondir son instruction sur ce point.

Enfin, les juges cantonaux ont considéré que le prévenu pourrait s'assumer
financièrement dans un avenir proche et qu'il pouvait parfaitement réaliser un
revenu accessoire parallèlement à ses études. Le recourant le conteste. Comme
le relève le Ministère public dans ses observations, on peut à tout le moins
attendre de l'intéressé qu'il s'attache à démontrer ses allégations, ce qu'il
n'a pas fait en l'espèce: il ne se réfère par exemple à aucun horaire ni plan
d'études. Il apparaît toutefois que l'ordonnance attaquée avait tenu pour
constant qu'en tant qu'étudiant, le prévenu ne réalisait aucun revenu et que la
demande d'assistance judiciaire devait dès lors être examinée à la lumière de
la situation financière des parents. Revenant sur cette appréciation, la cour
cantonale ne pouvait, sans aucune mesure d'instruction, considérer que le
recourant était en mesure de réaliser un revenu faute pour lui d'avoir pu
démontrer le contraire, puisqu'à aucun moment il ne lui a été demandé de
fournir des informations en ce sens (cf. arrêt 1B_288/2010 du 2 novembre 2010
consid. 3.4).

3.3. En résumé, alors même qu'après quelques mois de procédure seulement, les
frais de défense pour les opérations déjà passées s'élevaient à un montant
relativement proche de la part avérée du disponible biennal du recourant,
l'autorité cantonale a confirmé un refus de l'octroi de l'assistance
judiciaire. Elle a fondé ce refus d'une part sur le montant des opérations
encore nécessaires à la défense du prévenu et d'autre part sur ses revenus
supplémentaires supposés. Or aucun de ces motifs n'est détaillé dans l'arrêt
attaqué (ni n'a fait l'objet d'une instruction particulière), de sorte qu'ils
ne peuvent être retenus avec suffisamment de vraisemblance.
En définitive, dans un cas aussi peu évident, il appartient à l'autorité saisie
de déterminer avec précision, et non sur la base de simples hypothèses, quels
sont les moyens de l'intéressé et les coûts estimés de sa défense. Lorsque,
comme en l'espèce, le prévenu n'est pas indigent, mais que les frais de la
procédure peuvent se révéler particulièrement élevés, il y a lieu d'examiner -
dans l'esprit de l'art. 135 al. 4 CPP qui prévoit un remboursement des frais de
la part du prévenu dont la situation financière le permet - si un octroi à tout
le moins partiel de l'assistance judiciaire se justifie. Le dossier doit dès
lors être retourné à la cour cantonale pour complément d'instruction.

4. 
Sur le vu de ce qui précède, le recours doit être admis. L'arrêt entrepris est
annulé et la cause est renvoyée à la Chambre pénale de recours de la Cour de
justice pour nouvelle décision dans le sens des considérants.

En vertu de l'art. 68 al. 1 et 2 LTF, le recourant, qui obtient gain de cause
avec l'aide d'une avocate, a droit à des dépens à la charge du canton de
Genève. Conformément à l'art. 66 al. 4 LTF, il n'est pas perçu de frais
judiciaires. La demande d'assistance judiciaire pour la présente procédure est
par conséquent sans objet.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1. 
Le recours est admis; l'arrêt attaqué est annulé et la cause est renvoyée à la
Chambre pénale de recours de la Cour de justice pour nouvelle décision dans le
sens des considérants.

2. 
Une indemnité de dépens de 1'500 francs est allouée à l'avocate du recourant, à
la charge du canton de Genève.

3. 
Il n'est pas perçu de frais judiciaires.

4. 
Le présent arrêt est communiqué à la mandataire du recourant, au Ministère
public de la République et canton de Genève et à la Cour de justice de la
République et canton de Genève, Chambre pénale de recours.

Lausanne, le 14 novembre 2013

Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse

Le Président: Fonjallaz

La Greffière: Sidi-Ali

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