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Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Öffentlich-rechtliche Abteilung, Beschwerde in Strafsachen 1B.23/2013
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Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal

{T 0/2}
1B_23/2013

Arrêt du 15 avril 2013
Ire Cour de droit public

Composition
MM. les Juges fédéraux Fonjallaz, Président, Eusebio et Chaix.
Greffière: Mme Sidi-Ali.

Participants à la procédure
A.________, représentée par Me Sandy Zaech, avocate,
recourante,

contre

Ministère public de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213
Petit-Lancy.

Objet
procédure pénale; refus d'assistance judiciaire,

recours contre l'arrêt de la Cour de justice de la République et canton de
Genève, Chambre pénale de recours, du 29 novembre 2012.

Faits:

A.
A.________ a déposé plainte pénale le 29 avril 2012 contre B.________, auquel
elle reproche de l'avoir agressée le soir du 28 avril 2012. Le 28 septembre
2012, elle a requis l'assistance judiciaire, motifs pris de son indigence et de
la difficulté de l'affaire. Le 26 octobre 2012, le Ministère public a rejeté la
demande de défense d'office, retenant que l'action civile était vouée à
l'échec, compte tenu notamment d'une expertise médicale concluant à une
auto-agression de la plaignante.

B.
Par arrêt du 29 novembre 2012, la Chambre pénale de recours de la Cour de
justice de la République et canton de Genève a rejeté le recours de A.________
contre la décision du Ministère public. Elle a considéré que l'action civile
paraissait vouée à l'échec et que les faits, s'agissant d'une agression, même
contestée, ne présentaient aucune difficulté.

C.
Agissant par la voie du recours en matière pénale, A.________ demande au
Tribunal fédéral d'annuler l'arrêt cantonal et de lui accorder le bénéfice de
l'assistance judiciaire, subsidiairement de renvoyer la cause à la Cour de
justice pour nouvelle décision dans le sens des considérants. Elle requiert en
outre l'assistance judiciaire pour la présente procédure. La Cour de justice se
réfère à son arrêt. Le Ministère public conclut au rejet du recours.

Considérant en droit:

1.
Selon l'art. 78 al. 1 LTF, le Tribunal fédéral connaît des recours contre les
décisions rendues en matière pénale. La recourante a la qualité pour agir au
sens de l'art. 81 al. 1 LTF, le refus de lui accorder l'assistance judiciaire
étant susceptible de lui causer un dommage irréparable au sens de l'art. 93 al.
1 let. a LTF, dans la mesure où la procédure préliminaire n'est pas encore
close (ATF 133 IV 335 consid. 4 p. 338; 129 I 281 consid. 1.1 p. 283; 129 I 129
consid. 1.1 p. 131). Pour le surplus, le recours est interjeté en temps utile
(art. 100 al. 1 LTF) contre une décision prise en dernière instance cantonale
(art. 80 LTF), de sorte qu'il y a lieu d'entrer en matière.

2.
La recourante se plaint d'une violation de l'art. 136 al. 1 CPP. Elle fait
valoir, outre son indigence - qui n'a pas été remise en cause par l'instance
précédente -, que son action civile n'est pas dénuée de chances de succès.

2.1 Selon l'art. 136 al. 1 CPP, la direction de la procédure accorde
entièrement ou partiellement l'assistance judiciaire à la partie plaignante
indigente (let. a) pour lui permettre de faire valoir ses prétentions civiles
si l'action ne paraît pas vouée à l'échec (let. b). D'après la jurisprudence,
un procès est dépourvu de chances de succès lorsque les perspectives de le
gagner sont notablement plus faibles que les risques de le perdre, et qu'elles
ne peuvent donc être considérées comme sérieuses, de sorte qu'une personne
raisonnable et de condition aisée renoncerait à s'y engager en raison des frais
qu'elle s'exposerait à devoir supporter; il ne l'est en revanche pas lorsque
les chances de succès et les risques d'échec s'équilibrent à peu près, ou que
les premières ne sont que légèrement inférieures aux secondes. L'élément
déterminant réside dans le fait que l'indigent ne doit pas se lancer, parce
qu'il plaide aux frais de la collectivité, dans des démarches vaines qu'une
personne raisonnable n'entreprendrait pas si, disposant de moyens suffisants,
elle devait les financer de ses propres deniers (cf. ATF 138 III 217 consid.
2.2.4 p. 218; 129 I 129 consid. 2.2 p. 133 ss).

2.2 En l'espèce, la cour cantonale a considéré que le Ministère public était
fondé à retenir l'échec prévisible de l'action civile de la recourante, ce
qu'il a fait "compte tenu notamment d'une expertise médicale". Cette expertise
médicale concluant à une auto-agression de la recourante, elle a confirmé le
refus d'assistance judiciaire. Dans ses déterminations, le Ministère public
expose qu'un délai avait été imparti aux parties en application de l'art. 318
CPP pour formuler leurs offres de preuves, et que dans ce cadre des témoins ont
été entendus et ont permis d'objectiver la version de B.________. Or, les
auditions de témoins ont eu lieu après la décision initialement querellée, de
sorte qu'elles ne sauraient entrer en considération pour justifier le refus
d'assistance judiciaire. Il en va de même des défauts répétés de la recourante
aux audiences du Ministère public, lesquels ont commencé après le 28 septembre
2012. Dès lors, seuls le constat médical du 22 mai 2012 et les déclarations
fluctuantes de la plaignante étaient pertinents au moment du dépôt de la
demande d'assistance judiciaire.
L'état de fait de l'arrêt cantonal apparaît toutefois particulièrement
lacunaire en tant qu'il n'expose ni la teneur du rapport médical ni le contenu
des diverses déclarations des parties. Cela étant, conformément à l'art. 105
al. 2 LTF, l'état de fait doit être complété par les éléments ressortant du
dossier, qui seront repris ci-dessous dans la mesure utile.

2.3 Le rapport d'expertise du 22 mai 2012 indique que les estafilades et les
plaies constatées sur la recourante ont été provoquées par un objet tranchant.
Selon les médecins, leurs caractéristiques et localisation parlent en faveur
d'une auto-agression. Ce rapport a été établi uniquement sur la base de
l'auscultation de la recourante lors de son admission à l'hôpital au soir de
l'agression.
Il est vrai que les premières déclarations de la recourante ne concordaient pas
avec les lésions constatées ni avec les témoignages recueillis oralement le
soir des faits par la police. Elles ont en outre été par la suite fluctuantes.
La recourante a certes présenté le déroulement des événements de façon
détaillée, mais s'est contredite d'une audition à l'autre. Elle a par ailleurs
donné des informations inexactes s'agissant du sort d'une autre affaire pénale
l'opposant à B.________.
Toutefois, on ne pouvait pas d'emblée retenir l'hypothèse d'une automutilation:
celle-ci n'est devenue vraisemblable qu'avec l'audition des témoins, qui ont
confirmé la version de B.________, puis l'audition des médecins qui avaient
traité la recourante lors de son admission à l'hôpital le soir des faits et
rédigé le rapport - peu détaillé - du 3 mai 2012. Le seul fait que le Ministère
public ait jugé utile - très probablement à juste titre - d'entendre ces
personnes démontre que, si des doutes étaient déjà soulevés quant à l'identité
de l'agresseur, voire quant à l'existence même d'un agresseur, une instruction
complémentaire était nécessaire pour éclaircir les faits. Dans ces conditions,
au stade du dépôt de la demande d'assistance judiciaire, une éventuelle action
civile ne pouvait être considérée comme vouée à l'échec. La nature de l'affaire
justifiait au surplus la présence d'un conseil (art. 136 al. 2 let. c CPP).

3.
Le Ministère public et la cour cantonale constataient encore que la recourante
n'avait pas esquissé les prétentions civiles qu'elle entendait faire valoir. Or
la recourante s'est portée partie plaignante sur le plan civil dès sa première
audition formelle par la police le 29 avril 2012. Elle a confirmé sa position
lors de son audition par le Ministère public le 16 juillet 2012. Quant au
détail de ses prétentions, elle peut les présenter au plus tard durant les
plaidoiries (art. 123 al. 2 CPP). La nature de l'affaire permettant pour le
surplus de comprendre quelles prétentions civiles pourraient être élevées,
l'absence de précisions de la part de la plaignante à ce stade de la procédure
est sans incidence sur son droit à l'assistance judiciaire.

4.
Il résulte de ce qui précède que le recours doit être admis. L'arrêt entrepris
est annulé et la cause est renvoyée au Ministère public pour nouvelle décision
au sens des considérants. En vertu de l'art. 68 al. 1 et 2 LTF, la recourante,
qui obtient gain de cause avec l'aide d'une avocate, a droit à des dépens à la
charge du canton de Genève. Conformément à l'art. 66 al. 4 LTF, il n'est pas
perçu de frais judiciaires.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est admis; l'arrêt attaqué est annulé et la cause est renvoyée au
Ministère public pour nouvelle décision dans le sens des considérants.

2.
Une indemnité de dépens de 1'500 fr. est allouée à l'avocate de la recourante,
à la charge du canton de Genève.

3.
Il n'est pas perçu de frais judiciaires.

4.
Le présent arrêt est communiqué à la mandataire de la recourante, au Ministère
public et à la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre
pénale de recours.

Lausanne, le 15 avril 2013
Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse

Le Président: Fonjallaz

La Greffière: Sidi-Ali