Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
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Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Öffentlich-rechtliche Abteilung, Beschwerde in Strafsachen 1B.21/2013
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Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal

{T 0/2}
1B_21/2013

Arrêt du 11 février 2013
Ire Cour de droit public

Composition
MM. les Juges fédéraux Fonjallaz, Président,
Karlen et Chaix.
Greffière: Mme Arn.

Participants à la procédure
A.________, représenté par Me Sandrine Osojnak, avocate,
recourant,

contre

Ministère public de l'arrondissement de Lausanne, p.a. Ministère public central
du canton de Vaud, avenue de Longemalle 1, 1020 Renens.

Objet
Exécution anticipée de la peine,

recours contre l'arrêt du Tribunal cantonal du canton de Vaud, Chambre des
recours pénale, du 6 décembre 2012.

Faits:

A.
A.________ est prévenu de brigandage qualifié ainsi que d'infractions à la
législation sur les armes, à la législation sur les étrangers et à la
législation sur les stupéfiants. Il est soupçonné d'avoir participé à un
brigandage à main armée commis au préjudice de la bijouterie X.________ à
Lausanne le 20 avril 2011, d'avoir favorisé le séjour en Suisse de plusieurs
ressortissants étrangers en situation irrégulière en leur fournissant un
hébergement dans le but de se procurer un enrichissement illégitime et d'avoir
participé au trafic de stupéfiants de B.________, notamment en agissant en
qualité d'intermédiaire pour des transactions portant sur d'importantes
quantités de cocaïne.
Le prévenu a été appréhendé et placé en détention provisoire le 6 décembre
2011. Sa détention a été prolongée à plusieurs reprises.

B.
Le 3 mai 2012, le Procureur du canton de Vaud (ci-après: le Procureur) a rejeté
la demande de A.________ tendant à l'exécution anticipée de sa peine. Cette
décision a été confirmée par la Chambre des recours pénale du Tribunal cantonal
vaudois (ci-après: le Tribunal cantonal), dans un arrêt du 1er juin 2012. Le
recours déposé contre cet arrêt a été rejeté le 25 juillet 2012 par le Tribunal
fédéral en raison du risque de collusion. Le caractère concret de ce risque
tenait notamment au fait que C.________ qui, selon les enquêteurs, jouait un
rôle important dans l'organisation du brigandage était toujours recherchée par
la police. Par ailleurs, B.________, soupçonné d'avoir participé à un important
trafic de stupéfiants, avait mis en cause le requérant à plusieurs reprises,
même s'il semblait être revenu sur certaines de ses déclarations lors de
l'audience de confrontation du 23 mai 2012; il y avait dès lors lieu d'éviter
toute communication entre les deux intéressés, ce d'autant plus que A.________
avait indiqué avoir déjà eu l'occasion de se mettre en contact avec son
co-prévenu, placé dans la même prison. Enfin, les détails sur le fonctionnement
de la bande n'avaient pas encore pu être clarifiés.

C.
A.________ a renouvelé sa demande d'exécution anticipée de peine, laquelle a
été rejetée le 16 novembre 2012 par le Procureur. Le Tribunal cantonal a
confirmé cette décision. La requête de A.________ devait être refusée, au nom
du principe de l'égalité de traitement entre les co-prévenus: en effet, un seul
établissement pénitentiaire était susceptible d'accueillir les détenus en
exécution anticipée de peine et il n'était pas possible en pratique d'y imposer
des restrictions empêchant ceux-ci d'entrer en rapport l'un avec l'autre.

D.
Agissant par la voie du recours en matière pénale, A.________ demande au
Tribunal fédéral de réformer l'arrêt attaqué en ce sens qu'il est autorisé avec
effet immédiat à exécuter sa peine de façon anticipée dans la mesure des
disponibilités des établissements pénitentiaires idoines, exécution assortie le
cas échéant de restrictions appropriées. Subsidiairement, il conclut à
l'annulation de l'arrêt entrepris et au renvoi de la cause à l'autorité
cantonale pour nouvelle décision dans le sens des considérants. Il requiert en
outre l'octroi de l'assistance judiciaire.
Le Tribunal cantonal renonce à se déterminer et se réfère aux considérants de
son arrêt. Le Ministère public conclut au rejet du recours aux termes de ses
observations. Dans ses dernières déterminations, le recourant persiste dans ses
griefs et ses conclusions.

Considérant en droit:

1.
Selon l'art. 78 LTF, le recours en matière pénale est ouvert contre les
décisions rendues en matière pénale, dont font partie les décisions relatives à
l'exécution anticipée des peines et des mesures prévue à l'art. 236 CPP. Le
recourant a qualité pour agir au sens de l'art. 81 al. 1 let. a et let. b ch. 1
LTF. Les autres conditions de recevabilité du recours sont au surplus réunies.

2.
A titre de mesure d'instruction, le recourant requiert la production de
l'intégralité du dossier pénal PE11.005918-ARS en mains du Ministère public. Sa
requête est satisfaite, le dossier complet de l'enquête ayant été déposé dans
le délai imparti (art. 102 LTF).

3.
Le recourant conteste le caractère concret du risque de collusion. Il se plaint
également du motif fondé sur l'égalité de traitement entre les co-prévenus
retenu par l'instance précédente pour refuser la requête d'exécution anticipée
de peine. Enfin, il soutient que certaines mesures plus restrictives au régime
usuel des condamnés peuvent être ordonnées par l'autorité compétente, ce qui
aurait dû être examiné par le Ministère public le cas échéant.

3.1 Aux termes de l'art. 236 al. 1 CPP, la direction de la procédure peut
autoriser le prévenu à exécuter de manière anticipée une peine privative de
liberté ou une mesure entraînant une privation de liberté si le stade de la
procédure le permet.
L'exécution anticipée des peines et des mesures est, de par sa nature, une
mesure de contrainte qui se classe à la limite entre la poursuite pénale et
l'exécution de la peine. Elle doit permettre d'offrir à l'accusé de meilleures
chances de resocialisation dans le cadre de l'exécution de la peine avant même
l'entrée en force du jugement (ATF 133 I 270 consid. 3.2.1 p. 277). La
poursuite de la détention sous la forme de l'exécution anticipée de la peine
présuppose l'existence d'un motif de détention provisoire particulier, soit en
l'occurrence le risque de collusion.
En vertu de l'art. 236 al. 4 CPP, le prévenu est soumis au régime de
l'exécution de la peine dès son entrée dans l'établissement, sauf si le but de
la détention provisoire ou de la détention pour des motifs de sûreté s'y
oppose. Les modalités d'exécution de peine ne permettent en effet pas de
prévenir les manoeuvres de collusion aussi efficacement que le cadre de la
détention préventive. L'exécution anticipée de la peine doit ainsi être refusée
lorsqu'un risque élevé de collusion demeure de sorte que le but de la détention
et les besoins de l'instruction seraient compromis (cf. ATF 133 I 270 consid.
3.2.1 p. 278; arrêt 1B_90/2012 du 21 mars 2012 consid. 2.2 et les arrêts
cités).

3.2 L'instance précédente a tout d'abord souligné que le risque de collusion ne
pouvait plus se fonder sur le fait que C.________ était en liberté, celle-ci
ayant été appréhendée fin octobre 2012 dans un aéroport suédois. Elle a par
ailleurs relevé que le recourant n'avait pas été entendu depuis plusieurs mois
et que le Procureur attendait le dépôt du rapport de synthèse par la police
pour procéder à l'audition récapitulative des six détenus. Cela étant, le
danger de collusion subsistait néanmoins. Le caractère concret de ce risque
tenait à la possibilité que deux des co-prévenus exécutent de manière anticipée
leur peine aux Etablissements de Bellechasse. Selon l'instance précédente, cet
établissement pénitentiaire était le seul permettant un tel régime de détention
et il n'était pas possible en pratique d'imposer des restrictions empêchant
deux détenus d'entrer en rapport l'un avec l'autre dans cette prison. Le
Tribunal cantonal a estimé que, dans ces circonstances, et lorsque, comme en
l'espèce, deux prévenus (ou davantage) sollicitaient l'exécution anticipée de
leur peine, le principe de l'égalité de traitement commandait de refuser un tel
régime à tous les co-prévenus.
La motivation retenue par l'instance précédente pour refuser la mesure
d'exécution anticipée de peine ne convainc pas. En effet, le motif tenant à la
possibilité que deux des co-prévenus exécutent leur peine de manière anticipée
dans le même établissement n'était qu'une hypothèse lorsque le Tribunal
cantonal a statué sur le bien-fondé de la requête du recourant. Bien qu'un
protagoniste ait effectivement déposé une demande similaire, celle-ci a fait
l'objet d'un rejet lequel n'a pas été contesté par le concerné; la requête n'a
en l'occurrence pas été renouvelée. La question de l'égalité de traitement
entre les prévenus ne se posait dès lors pas concrètement in casu. Le motif
avancé n'apparaît pas non plus convaincant du fait que, même si, selon elle, la
prison de Bellechasse est la seule affectée spécifiquement au régime de
l'exécution anticipée des peines privatives de liberté, l'instance précédente
ne démontre pas qu'il serait absolument exclu que le recourant exécute de
manière anticipée sa peine dans un établissement pénitentiaire réservé en
principe à l'exécution ordinaire des peines privatives de liberté. Le motif
précité retenu par le Tribunal cantonal n'apparaît ainsi pas pertinent.
A l'appui de sa requête tendant à ce qu'il soit autorisé avec effet immédiat à
exécuter sa peine de façon anticipée, le recourant soutient qu'il n'existerait
plus de risque concret de collusion compte tenu de l'avancement de
l'instruction et du fait que tous les protagonistes auraient été arrêtés. Il
est vrai que le risque de collusion diminue en principe à mesure que l'enquête
progresse et que celle-ci semble avoir atteint un stade avancé. Incarcéré
depuis décembre 2011, le recourant a en effet plusieurs fois été entendu ou
confronté à d'autres protagonistes, sa dernière audition remontant à plusieurs
mois déjà; le Tribunal cantonal a, de plus, relevé que le Procureur attendait
le rapport de synthèse final des enquêteurs avant de procéder à l'audition
récapitulative des six co-prévenus. Dans sa décision entreprise, le Tribunal
cantonal n'indique pas pour quelle raison les besoins de l'instruction seraient
en l'espèce matériellement compromis par la mesure d'exécution anticipée de
peine. Dans ces circonstances, il convient de renvoyer la cause au Tribunal
cantonal pour qu'il détermine si le fait que le recourant exécute de façon
anticipée sa peine est réellement susceptible de compromettre le bon
déroulement de l'instruction et d'entraver la manifestation de la vérité. Il
sied enfin de relever que certaines modalités dans l'exécution de la peine
peuvent être limitées par l'autorité compétente si le but de la détention
provisoire l'exige (cf. art. 236 al. 4 CPP; ATF 133 I 270 consid. 3.2.1 p. 278,
arrêt 1B_90/2012 du 21 mars 2012 consid. 2.2 et les arrêts cités). Le cas
échéant, l'instance précédente devra donc également examiner les mesures
propres à éviter le risque de collusion subsistant.

4.
Il s'ensuit que le recours doit être admis partiellement et la décision
attaquée annulée. La cause est renvoyée à l'instance précédente pour qu'elle
rende, à brève échéance, une nouvelle décision. Le recourant, qui obtient
partiellement gain de cause, a droit à une indemnité de dépens allouée à son
avocat, à la charge de l'Etat de Vaud (art. 68 al. 1 et 2 LTF). Vu l'issue du
recours, la demande d'assistance judiciaire est sans objet. Il n'y a pas lieu
de percevoir des frais judiciaires pour la présente procédure (art. 66 al. 4
LTF).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est partiellement admis. La décision attaquée est annulée et la
cause est renvoyée à la Chambre des recours pénale du Tribunal cantonal du
canton de Vaud pour nouvelle décision dans le sens des considérants.

2.
Il n'est pas perçu de frais judiciaires.

3.
L'Etat de Vaud versera à l'avocate du recourant une indemnité de 1'500 fr. à
titre de dépens. La demande d'assistance judiciaire est sans objet.

4.
Le présent arrêt est communiqué au mandataire du recourant, au Ministère public
et à la Chambre des recours pénale au Tribunal cantonal du canton de Vaud.

Lausanne, le 11 février 2013
Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse

Le Président: Fonjallaz

La Greffière: Arn