Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Öffentlich-rechtliche Abteilung, Beschwerde in Strafsachen 1B.213/2013
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Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal

[8frIR2ALAGK1]     
{T 0/2}
                   
1B_213/2013

Arrêt du 27 septembre 2013

Ire Cour de droit public

Composition
MM. les Juges fédéraux Fonjallaz, Président,
Merkli et Chaix.
Greffière: Mme Arn.

Participants à la procédure
1. A.________,
2. B.________,
toutes les 2 représentées par
Me Jean-Cédric Michel, avocat,
recourantes,

contre

Ministère public de la Confédération, Taubenstrasse 16, 3003 Berne.

Objet
Séquestre pénal,

recours contre la décision du Tribunal pénal fédéral, Cour des plaintes, du 10
mai 2013.

Faits:

A. 
Le Ministère public de la Confédération (ci-après: le MPC) a ouvert le 12
juillet 2011 une enquête pénale à l'encontre de C.________ pour blanchiment
d'argent (art. 305 ^bis CP), à la suite d'une annonce du Bureau de
communication en matière de blanchiment d'argent/MROS faisant état de
l'existence d'une procédure pénale en Russie; l'enquête a été étendue à
D.________ le 10 octobre 2011. D.________ et C.________ étaient soupçonnés
d'avoir commis des actes d'escroquerie et d'abus de confiance, au préjudice de
la banque H.________ dont ils occupaient une fonction dirigeante.
Le MPC a ordonné diverses mesures d'instruction, dont des saisies de relations
bancaires auprès d'établissements de la place zurichoise. Le 20 janvier 2012,
le MPC a ainsi adressé à la banque I.________ une ordonnance d'obligation de
dépôt et blocage de comptes prescrivant le séquestre immédiat de deux comptes
ouverts respectivement au nom de A.________ à X.________ et à celui de
B.________ à Y.________, dont certains des actuels ayants droit économiques
sont des membres de la famille de D.________. Les montants saisis sur ces
comptes s'élèveraient à environ USD 139 millions au 31 janvier 2012.

B. 
Par décision du 6 juin 2012, la Cour des plaintes du Tribunal pénal fédéral
(ci-après: le TPF) a confirmé, sur recours, la mesure de séquestre sur les deux
comptes.
Le 28 août 2012, le Tribunal fédéral a partiellement admis le recours interjeté
par A.________ et B.________ contre cette décision. Le Tribunal fédéral
relevait que le MPC ne soutenait plus que les valeurs saisies sur les comptes
des prénommées étaient le produit des infractions reprochées à D.________ en
Russie; la possibilité d'un séquestre en vue de garantir le paiement d'une
créance compensatrice (art. 71 CP) n'était en revanche pas exclue en l'espèce.
La décision entreprise ne comprenait toutefois pas tous les éléments de fait
nécessaires à l'examen du bien-fondé du séquestre prononcé en vue d'assurer le
paiement d'une créance compensatrice, raison pour laquelle le Tribunal fédéral
a renvoyé la cause au TPF pour nouvelle décision. La mesure de séquestre
litigieuse était maintenue.

C. 
Par décision du 10 mai 2013, le TPF a rejeté le recours des intéressées. Il
était vraisemblable que D.________ demeurait le véritable ayant droit des fonds
actuellement déposés au nom des recourantes. Les autorités suisses étaient
compétentes pour prononcer une éventuelle confiscation, respectivement une
créance compensatrice. Par ailleurs, des indices suffisants permettaient de
suspecter, sous l'angle de la vraisemblance, qu'une partie du produit des
infractions poursuivies en Russie avait été blanchie en Suisse. Enfin, la
mesure de séquestre n'était pas disproportionnée.

D. 
Par acte du 14 juin 2013, A.________ et B.________ forment un recours en
matière pénale par lequel elles demandent l'annulation de l'arrêt du TPF et la
levée du séquestre opéré sur les deux comptes, ainsi que subsidiairement le
renvoi de la cause au TPF pour nouvelle décision.
Le TPF se réfère à son arrêt. Le Ministère public se réfère également à l'arrêt
entrepris, ainsi qu'à ses observations du 5 octobre 2012 et 19 novembre 2012.

Considérant en droit:

1. 
Selon l'art. 79 LTF, le recours en matière pénale est recevable contre les
arrêts de la Cour des plaintes qui portent sur des mesures de contrainte. Les
décisions relatives au séquestre d'avoirs bancaires constituent de telles
mesures (ATF 136 IV 92 consid. 2.2 p. 94).

1.1. La décision ordonnant un séquestre pénal constitue une décision incidente
(ATF 128 I 129 consid. 1 p. 131; 126 I 97 consid. 1b p. 100 et les références).
Selon la jurisprudence, le séquestre de valeurs patrimoniales cause en principe
un dommage irréparable au sens de l'art. 93 al. 1 let. a LTF, car le détenteur
se trouve privé temporairement de la libre disposition des valeurs saisies (ATF
126 I 97 consid. 1b p. 101; voir également ATF 133 IV 139 consid. 4 p. 141; 128
I 129 consid. 1 p. 131).

1.2. En tant que titulaires des comptes séquestrés ayant participé à la
procédure devant le TPF, les recourantes ont qualité pour agir (art. 81 al. 1
LTF).

1.3. Le Tribunal fédéral examine librement l'interprétation et l'application
des conditions posées par le droit fédéral pour les atteintes aux droits
fondamentaux (art. 95 let. a LTF; cf. ATF 128 II 259 consid. 3.3 p. 269). La
décision relative aux mesures de contrainte ne constitue pas une décision sur
mesures provisionnelles au sens de l'art. 98 LTF. La limitation des griefs
prévue par cette disposition, de même que le principe d'allégation au sens de
l'art. 106 al. 2 LTF (qui va au-delà de l'obligation de motiver posée à l'art.
42 al. 2 LTF), ne s'appliquent donc pas. Cela vaut également pour le séquestre
d'objets ou de valeurs patrimoniales (ATF 129 I 103 consid. 2 p. 105 ss). Dès
lors que le sort des biens saisis n'est décidé définitivement qu'à l'issue de
la procédure pénale, et dans la mesure où les conditions de l'art. 93 al. 1 LTF
sont réunies pour statuer à propos d'une décision incidente, le Tribunal
fédéral examine librement l'admissibilité de la mesure malgré son caractère
provisoire compte tenu de la gravité de l'atteinte et afin d'assurer le respect
des garanties de la CEDH (art. 36 et 190 Cst.; cf. ATF 131 I 333 consid. 4 p.
339; 425 consid. 6.1 p. 434 et les références). S'agissant en revanche de
l'application de notions juridiques indéterminées, le Tribunal fédéral respecte
la marge d'appréciation qui appartient aux autorités compétentes (cf. ATF 136
IV 97 consid. 4 p. 100 et les références).

1.4. Aux termes de l'art. 99 al. 1 LTF, aucun fait nouveau ni preuve nouvelle
ne peut être présenté à moins de résulter de la décision de l'autorité
précédente. Cette exclusion vaut non seulement pour les faits postérieurs à la
décision attaquée, mais également pour ceux que les parties ont omis d'alléguer
dans la procédure cantonale. Ces dernières sont en effet tenues de présenter
devant les instances précédentes tous les faits qui leur paraissent pertinents
et d'offrir les moyens de preuve adéquats (Message du Conseil fédéral
concernant la révision totale de l'organisation judiciaire fédérale, FF 2001
4137).
Le jugement du Tribunal d'arrondissement de Luxembourg daté du 15 mai 2013,
produit par les intéressées à l'appui de leur recours, est postérieur au
prononcé de la décision attaquée. Il s'agit donc d'un vrai nova, qui échappe à
la cognition du Tribunal fédéral (ATF 133 IV 342 consid. 2.2 p. 344). Les
autres pièces produites (arrêt du Tribunal Princier Supérieur du Liechtenstein
du 15 janvier 2013; décision du MPC du 9 avril 2013) ne figuraient pas au
dossier du TPF et ne résultaient pas non plus de la décision entreprise. Il
n'en sera dès lors pas tenu compte. S'agissant de surcroît de la décision du
MPC du 9 avril 2013, elle ne serait pas de nature à influer sur le sort de la
cause: la levée d'une mesure de blocage d'autres fonds n'entraîne pas des
conséquences similaires pour le présent séquestre.

2. 
Au début de leur écriture, les recourantes font valoir que l'état de fait de la
décision entreprise ne serait pas circonstancié, ni suffisant, invoquant dans
cette mesure une constatation inexacte des faits. Conformément à l'art. 105 al.
1 LTF, le Tribunal fédéral fonde en principe son raisonnement juridique sur les
faits retenus par l'autorité précédente, à moins que ceux-ci n'aient été
établis de façon manifestement inexacte - notion qui correspond à celle
d'arbitraire de l'art. 9 Cst. (ATF 134 V 53 consid. 4.3 p. 62) - ou en
violation du droit au sens de l'art. 95 LTF. Si le recourant entend s'écarter
des constatations de fait de l'autorité précédente, il doit expliquer de
manière circonstanciée en quoi les conditions de l'art. 105 al. 2 LTF seraient
réalisées et la correction du vice susceptible d'influer sur le sort de la
cause (art. 97 al. 1 LTF; ATF 137 I 58 consid. 4.1.2 p. 62; 135 II 313 consid
5.2.2 p. 322 s.). Les recourantes ne le font pas en l'espèce; elles se limitent
en effet à compléter un état de fait qu'elles jugent incomplet, mais elles ne
démontrent pas en quoi l'arrêt attaqué serait entaché d'arbitraire. Tel qu'il
est formulé, le grief des recourantes est dès lors irrecevable. Cela étant, les
intéressées semblent en réalité s'en prendre aux déductions juridiques
auxquelles l'instance précédente a procédé, notamment en ce qui concerne la
titularité des comptes et la disponibilité des valeurs à confisquer. Ces
moyens, qui relèvent du droit, seront examinés ci-après.

3. 
Les recourantes se plaignent ensuite de "la carence dans la motivation du MPC"
et de "l'absence d'instruction sur les points objet du renvoi à l'instance
inférieure par le Tribunal fédéral". En substance, elles reprochent au MPC de
ne pas motiver sa position et de n'avoir procédé à aucun acte d'instruction
concernant les faits pertinents pour trancher les points pour lesquels la cause
a été renvoyée au TPF. Elles font en outre grief au TPF d'instruire à la place
du MPC et de ne pas exposer en quoi les commissions rogatoires adressées aux
autorités étrangères seraient susceptibles d'éclaircir la situation sur les
points demeurant litigieux.

3.1. Le droit d'être entendu garanti par l'art. 29 al. 2 Cst. implique
notamment pour l'autorité l'obligation de motiver sa décision. Selon la
jurisprudence, il suffit que le juge mentionne, au moins brièvement, les motifs
qui l'ont guidé et sur lesquels il a fondé sa décision, de manière à ce que
l'intéressé puisse se rendre compte de la portée de celle-ci et l'attaquer en
connaissance de cause. L'autorité n'a pas l'obligation d'exposer et de discuter
tous les faits, moyens de preuve et griefs invoqués par les parties, mais elle
peut au contraire se limiter à ceux qui lui paraissent pertinents (ATF 138 I
232 consid. 5.1 p. 238 et les références).

3.2. En tant que la critique des recourantes est dirigée contre la motivation
du MPC, elle est irrecevable. L'objet du présent litige est en effet limité à
la décision rendue le 10 mai 2013 par le TPF. Par ailleurs, quoi qu'en disent
les recourantes, le TPF peut, en tant qu'autorité de recours disposant d'un
plein pouvoir d'examen (cf. art. 393 al. 2 CPP), se livrer à sa propre lecture
des éléments figurant au dossier. Le TPF est de plus également habilité à
administrer les preuves complémentaires nécessaires au traitement du recours
conformément à l'art. 389 al. 3 CPP.
Enfin, les mesures d'entraide internationales sollicitées par les autorités
suisses ont à l'évidence pour objectif d'établir l'origine de tous les avoirs
déposés en Suisse et notamment d'examiner le bien-fondé du séquestre, en vue de
l'exécution d'une créance compensatrice, des valeurs déposées sur les comptes
litigieux ouverts auprès de la banque I.________ (cf. infra consid. 5.2).

3.3. Les moyens soulevés par les recourantes doivent dès lors être rejetés,
dans la mesure de leur recevabilité.

4. 
Les recourantes contestent le bien-fondé de la mesure de séquestre frappant
leurs avoirs. Elles font grief à l'instance précédente de retenir que
D.________ demeurerait le réel propriétaire des valeurs déposées sur leur
compte.

4.1. Le séquestre pénal ordonné par une autorité d'instruction est une mesure
conservatoire provisoire destinée à préserver les objets ou valeurs que le juge
du fond pourrait être amené à confisquer ou qui pourraient servir à l'exécution
d'une créance compensatrice. Une telle mesure est fondée sur la vraisemblance.
Tant que l'instruction n'est pas achevée, une simple probabilité suffit car, à
l'instar de toute mesure provisionnelle, la saisie se rapporte à des
prétentions encore incertaines. L'autorité doit pouvoir décider rapidement du
séquestre provisoire (cf. art. 263 al. 2 CPP), ce qui exclut qu'elle résolve
des questions juridiques complexes ou qu'elle attende d'être renseignée de
manière exacte et complète sur les faits avant d'agir (ATF 116 Ib 96 consid. 3a
p. 99). Le séquestre pénal se justifie aussi longtemps que subsiste une
probabilité de confiscation, respectivement de créance compensatrice (arrêt
1P.405/1993 du 8 novembre 1993 consid. 3 publié in SJ 1994 p. 97).
Le séquestre en vue de l'exécution d'une créance compensatrice a pour but
d'éviter que celui qui a disposé des objets ou valeurs à confisquer soit
privilégié par rapport à celui qui les a conservés (ATF 129 IV 107 consid. 3.2
p. 109; 123 IV 70 consid. 3 p. 74; 119 IV 17 consid. 2a p. 20). Lorsque
l'avantage illicite doit être confisqué, mais que les valeurs patrimoniales qui
sont le résultat de l'infraction ne sont plus disponibles - parce qu'elles ont
été consommées, dissimulées ou aliénées -, le juge ordonnera leur remplacement
par une créance compensatrice de l'Etat d'un montant équivalent (art. 71 CP;
art. 59 ch. 2 al. 1 aCP). En raison de ce caractère subsidiaire, la créance
compensatrice ne peut être ordonnée que si, dans l'hypothèse où les valeurs
patrimoniales provenant de l'infraction auraient été disponibles, la
confiscation eût été prononcée. La créance compensatrice est ainsi soumise aux
mêmes conditions que la confiscation (cf. MADELEINE HIRSIG-VOUILLOZ,
Commentaire romand, Code pénal I [ci-après: CR-CP], 2009, n. 4 ad. art. 71 CP).
Selon l'art. 71 al. 3 CP, le séquestre en vue de l'exécution d'une créance
compensatrice ne peut porter que sur des valeurs appartenant à la personne
concernée (cf. art. 59 ch. 2 al. 3 aCP). Par "personne concernée" au sens de
cette disposition, on entend non seulement l'auteur de l'infraction, mais aussi
tout tiers, favorisé d'une manière ou d'une autre, par l'infraction (cf. arrêt
1B_185/2007 du 30 novembre 2007 consid. 10.1; cf. également LEMBO/JULEN
BERTHOD, Commentaire romand CPP, n. 28 ad. art. 263 CPP; HIRSIG-VOUILLOZ, Le
nouveau droit suisse de la confiscation pénale et de la créance compensatrice
[art. 69 à 72 CP] in PJA 2007 p. 1376 ss, spéc. 1387).
Enfin, la jurisprudence admet qu'un séquestre ordonné sur la base de l'art. 71
al. 3 CP vise des biens d'une société tierce, dans les cas où il convient de
faire abstraction de la distinction entre l'actionnaire - prévenu (auteur
présumé de l'infraction) - et la société qu'il détient (théorie dite de la
transparence ["Durchgriff"]; cf. arrêts 1B_711/2012 du 14 mars 2013 consid.
4.1.2 et 1B_583/2012 du 31 janvier 2013 consid. 2.1 et les références citées).
Il en va de même dans l'hypothèse où le prévenu serait - dans les faits et
malgré les apparences - le véritable bénéficiaire des valeurs cédées à un
"homme de paille" ("Strohmann") sur la base d'un contrat simulé
("Scheingeschäft"; arrêts 1B_711/2012 du 14 mars 2013 consid. 4.1.2 in fine et
1B_54/2007 du 17 juillet 2007 consid. 4).

4.2. En l'espèce, le TPF a retenu plusieurs éléments de fait tendant à
démontrer, sous l'angle de la vraisemblance, qu'en dépit des apparences,
D.________ demeurerait le véritable ayant droit des fonds déposés au nom des
recourantes auprès de la banque I.________. L'instance précédente a ainsi
relevé que les opérations par lesquelles D.________ avait transféré
d'importants avoirs - soit plus de USD 200 millions - avaient débuté cinq jours
seulement après l'émission (le 6 avril 2011) d'un avis de recherche à son
encontre par les autorités de poursuite pénale russes. Les opérations
entreprises pour transférer les fonds étaient par ailleurs en tous points
identiques à celles effectuées par C.________, lequel fait également l'objet
d'une enquête en Russie pour les mêmes faits que ceux reprochés à D.________:
elles consistaient en la création d'une société de droit panaméen (B.________,
le 11 avril 2011) ainsi que d'une fondation de famille de droit
liechtensteinois (A.________ - détenant à 100% B.________ -, le 18 mai 2011) et
en la donation de plusieurs millions de dollars à des membres de sa famille,
tout en prenant soin de ne pas apparaître personnellement comme bénéficiaire
des fonds légués. Le TPF a également pris en compte le fait que l'allégué
relatif au "Donation agreement" (cf. act. 6.14 du dossier BB.2012.136-137) -
qui aurait été dressé le 19 juin 2010 dans un restaurant à l'occasion des
festivités d'anniversaire de la mère de D.________ - avait été introduit
tardivement en procédure par les intéressées. Celles-ci n'avaient en effet fait
état de cet élément à leur décharge qu'en annexe à leurs déterminations du 30
octobre 2012, alors que leur recours du 2 février 2012 - qui ne consacrait
aucune ligne à l'engagement pris en juin 2010 par le prévenu - mentionnait
pourtant déjà l'acte de donation ("Deed of Gift"; cf. act. 1.11 du dossier
BB.2012.14-15) du 20 juin 2011.

4.3. Les recourantes soutiennent que tous les éléments matériels du dossier
réfutent l'appréciation de l'instance précédente. Elles affirment en effet que
leurs actifs proviennent d'une donation faite par D.________ à sa mère
E.________ pour son 70ème anniversaire, ce que confirmeraient différents
documents (déclaration de F.________, document "Deed of Gift", Formule T
relative aux comptes de la banque I.________, etc.). Contrairement à ce que
soutiennent les intéressées, l'appréciation de l'instance précédente ne se
fonde pas uniquement sur deux éléments, à savoir, d'une part, la proximité
temporelle entre la donation et l'avis de poursuite en Russie et, d'autre part,
l'allégation tardive des recourantes concernant l'engagement pris lors de la
soirée d'anniversaire en juin 2010. En effet, outre la coïncidence entre le
début des poursuites en Russie et la création des entités recourantes,
respectivement l'acte de donation, l'instance précédente a également pris en
compte le caractère peu commun de la donation portant sur plus de USD 200
millions ainsi que l'identité du dispositif adopté par les deux prévenus
D.________ et C.________ pour transférer les fonds en Suisse auprès de la même
banque.
Compte tenu de ces éléments, l'instance précédente pouvait sans violer le droit
fédéral, conclure, à ce stade de la procédure et sous l'angle de la
vraisemblance, au caractère simulé de l'acte de donation. Les éléments de fait
invoqués par les recourantes - figurant au dossier de la cause (déclaration
d'un certain F.________, "Donation agreement", etc.) - ne permettent en effet
pas de remettre en cause cette appréciation. Leur critique doit dès lors être
rejetée.
Au demeurant, il sied de relever que si les recourantes prétendent être des
tiers, elles ne démontrent toutefois pas que les conditions prescrites à l'art.
70 al. 2 CP, par renvoi de l'art. 71 al. 1 CP, pour le prononcé d'une créance
compensatrice contre un tiers ne seraient à l'évidence pas réunies. Les
recourantes n'exposent pas avoir fourni une contre-prestation adéquate au sens
de cette disposition et leur bonne foi n'est pas non plus démontrée.

5. 
Les recourantes contestent ensuite le bien-fondé du séquestre en invoquant
l'incompétence de la juridiction suisse.

5.1. La confiscation au sens de l'art. 70 CP et par voie de conséquence le
prononcé d'une créance compensatrice, n'est possible que si l'infraction d'où
proviennent les valeurs à confisquer ressortit à la compétence de la
juridiction suisse (ATF 134 IV 185 consid. 2.1; 128 IV 145 consid. 2; cf.
également Hirsig-Vouilloz, CR-CP, n. 43 ad art. 71 CP). L'art. 305bis ch. 3 CP
prévoit que les avoirs issus d'un crime à l'étranger peuvent constituer un
blanchiment d'argent en Suisse. Par ce biais, les fonds blanchis peuvent être
considérés comme le résultat au sens de l'art. 70 CP d'une infraction commise
en Suisse et ainsi être confisqués (ATF 128 IV 145 consid. 2d p. 152; arrêt
6B_914/2009 consid. 2.2 in fine), une créance compensatrice pouvant le cas
échéant être prononcée si les valeurs blanchies ne sont plus disponibles.

5.2. Les recourantes relèvent que la compétence des autorités suisses n'est en
l'état que très hypothétique; celle-ci se fonde en effet "sur la seule
potentialité que le produit d'infractions poursuivies en Russie ait été
transféré en Suisse, alors qu'il n'existerait aucun élément concret en ce sens
deux ans après l'ouverture de l'enquête en Russie. Aucun acte de blanchiment
d'argent ne fonderait par conséquent la compétence des autorités suisses.
En l'espèce, le séquestre litigieux a été ordonné dans le cadre d'une enquête
ouverte par le MPC pour blanchiment d'argent contre D.________ et C.________
(art. 305 ^bis CP) en rapport avec des infractions poursuivies en Russie. Comme
relevé par le TPF, il existe à ce stade de la procédure des indices suffisants
permettant de suspecter que des comptes suisses dont D.________ est titulaire,
respectivement ayant droit économique, ont pu servir à faire transiter une
partie du produit des infractions sous enquête en Russie. Le MPC a en
particulier demandé aux autorités chypriotes l'édition de plusieurs comptes
susceptibles d'abriter ou d'avoir servi de comptes de transit pour des fonds
provenant des infractions reprochées en Russie, d'importants mouvements
financiers entre les comptes suisses du prévenu et des comptes à Chypre ayant
été relevés (cf. déterminations du MPC du 19 novembre 2012). Les recourantes se
prévalent en vain du fait que les autorités russes n'étaient pas en mesure de
confirmer en mai 2012 l'origine criminelle des fonds déposés sur des comptes en
Suisse. En effet, il n'appartient pas au juge du séquestre d'établir avec
certitude la provenance délictueuse des fonds; il suffit que celle-ci soit
vraisemblable (cf. consid. 4.1). Les recourantes n'ont à cet égard pas critiqué
l'appréciation du TPF qui a considéré, sur la base de cette communication du 23
mai 2012 adressée aux autorités suisses, que les autorités russes n'excluaient
pas qu'un tel lien puisse être établi, une fois les résultats des commissions
rogatoires adressées aux autorités suisses, chypriotes et estoniennes connus.
Des doutes subsistent donc en l'état sur la provenance des valeurs
patrimoniales appartenant au prévenu et la probabilité existe que des fonds
déterminés, résultat ou rémunération d'infractions à l'étranger, aient été
blanchis en Suisse, fondant ainsi la compétence du juge suisse pour connaître
l'infraction réprimée par l'art. 305bis CP. Partant, le grief des recourantes
doit être rejeté.

6. 
Les recourantes contestent ensuite la proportionnalité du séquestre.

6.1. Selon les faits établis par l'instance précédente, les autorités de
poursuite pénale russes soupçonnent D.________ de s'être rendu coupable de
détournements commis au préjudice de la banque H.________. Ce dernier, alors
président de la banque, aurait dès la fin de l'année 2008, de concert avec le
vice-président C.________, mis en place un système d'octroi de crédits à des
clients de complaisance; pareil mécanisme leur aurait permis de détourner et de
s'approprier près de RUB 13 milliards en lien avec un prêt accordé à la société
G.________. Les prénommés étaient également soupçonnés d'abus de confiance
commis à l'occasion d'opérations d'achat et de vente d'actions pour le compte
de la banque H.________, opérations qui auraient causé un dommage de plus de
RUB 1,5 milliards aux actionnaires de la banque (cf. act. 1.23 du dossier). Le
détail des détournements de fonds reprochés au prévenu était explicité par les
autorités russes dans leur réponse à la commission rogatoire helvétique (cf.
act. 1.23 du dossier BB.2012.14-15). Enfin, D.________ faisait également
l'objet d'une instruction pénale ouverte le 22 février 2012 pour escroquerie en
lien avec plusieurs autres prêts accordés par la banque H.________ à des
sociétés chypriotes appartenant au prévenu; la somme détournée s'élèverait à
RUB 6.7 milliards (cf. act. 8 et 8.5 du dossier BB.2012.136-137).
Fort de ces éléments, le TPF a retenu que le mécanisme frauduleux auquel le
prévenu est soupçonné d'avoir pris part en Russie aurait permis de détourner
environ CHF 600 millions et que, dès lors, les montants saisis sur les comptes
des recourantes - soit un total d'environ USD 139 millions au 31 janvier 2012 -
demeurent en deçà du montant total des détournements (cf. décision attaquée
consid. 3.4.4).

6.2. A l'appui de leur grief, les recourantes affirment que, s'agissant du prêt
accordé par la banque H.________ à la société G.________, les autorités russes
ont pu identifier en Russie les immeubles acquis avec le prêt incriminé. A
leurs yeux, les autorités russes "peuvent donc saisir en Russie tant les
immeubles acquis avec les fonds provenant du prêt que les fonds constituant le
prix de vente en mains des parties venderesses". Les recourantes se prévalent
dans ce contexte d'un rapport d'expertise russe qui établirait la valeur des
immeubles concernés. Par ailleurs, les autorités russes admettraient que les
fonds saisis devaient garantir les prétentions civiles des lésés. Enfin, elles
relèvent que les avoirs séquestrés en Suisse par le MPC (CHF 358 mios selon la
décision du TPF) suffiraient à couvrir les montants allégués de RUB 6.7 et 1.5
milliards en lien avec les autres chefs de prévention retenus contre le
prévenu.
En l'espèce, le TPF n'a pas ignoré l'argumentation des recourantes concernant
l'affaire G.________. Il a cependant relevé qu'au stade actuel de la procédure,
le MPC devaitencore clarifier la portée de cette expertise dans la procédure
russe. Le MPC a d'ailleurs adressé une commission rogatoire aux autorités
russes le 24 septembre 2012 (cf. act. 8.4) afin d'obtenir des informations
supplémentaires dans le cadre de cette affaire G.________. Aussi longtemps que
le résultat de cette mesure n'est pas connu, le séquestre opéré sur les comptes
des recourantes auprès de la banque I.________ est en principe justifié. Les
recourantes ne font par ailleurs pas valoir un intérêt privé qui l'emporterait
sur l'intérêt public au maintien du séquestre litigieux. Celles-ci ne
soutiennent en particulier pas que ce séquestre les menacerait dans leur
existence-même ou dans la réalisation de leur but. Le MPC a, dans ce contexte,
relevé que les comptes des recourantes avaient très peu été utilisés (cf. act.
3 du dossier BB.2012.14-15). Pour le surplus, les recourantes ne remettent pas
en cause le fait que D.________ est mis en cause pour d'autres infractions qui
lui auraient permis de détourner respectivement RUB 6.7 et 1.5 millards.
Il apparaît dès lors que le montant total des avoirs saisis sur les comptes des
recourantes (soit USD 139 millions au 31 janvier 2012) reste inférieur au
montant présumé du produit des infractions poursuivies en Russie (environ CHF
600 millions), de sorte que la mesure de séquestre litigieuse respecte encore,
à ce stade de la procédure, le principe de la proportionnalité.

6.3. Enfin, près de 19 mois se sont certes écoulés entre l'ouverture de la
procédure à l'encontre de D.________ en Suisse et la décision entreprise. La
complexité de l'enquête portant sur des soupçons de criminalité économique
transfrontalières impliquant de nombreux protagonistes (personnes physiques et
morales) et nécessitant la collaboration étrangère par la voie de l'entraide
explique, entre autres, la durée de celle-ci et du séquestre prononcé fin
janvier 2012. Le MPC n'est en l'espèce pas resté inactif. Il a notamment
formulé des requêtes d'entraide auprès des autorités russes (les 15 juillet
2011, 12 octobre 2011, 28 mars 2012 et 24 septembre 2012) et chypriotes (le 6
juin 2012). Les autorités suisses ne sauraient en l'occurrence être tenues pour
responsables de l'exécution à l'étranger de ces commissions rogatoires. Il
conviendra néanmoins que le MPC prenne toutes les dispositions qui sont en son
pouvoir pour que les mesures d'instruction ordonnées - lesquelles sont de
nature à apporter des éléments utiles aux fins d'établir des liens entre les
fonds déposés en Suisse et les infractions poursuivies en Russie - puissent se
concrétiser dans les meilleurs délais.

7. 
Dans ces circonstances, en tant qu'il maintient le séquestre sur les comptes
litigieux, l'arrêt entrepris ne prête pas le flanc à la critique. Le résultat
de cette procédure, de type conservatoire et provisoire fondée sur la
vraisemblance, ne saurait cependant préjuger de la décision ultérieure de
l'autorité de jugement en matière de confiscation ou de maintien du séquestre
en vue de l'exécution de la créance compensatrice (arrêt 1S.5/2006 du 5 mai
2006 consid. 3 publié in SJ 2006 I 489; HIRS ig-Vouilloz, CR-CP, n. 24 ad art.
71 CP).
Le recours doit par conséquent être rejeté, dans la mesure de sa recevabilité,
aux frais des recourantes qui succombent (art. 66 al. 1 LTF).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1. 
Le recours est rejeté, dans la mesure où il est recevable.

2. 
Les frais judiciaires, arrêtés à 3'000 francs, sont mis à la charge des
recourantes.

3. 
Le présent arrêt est communiqué au mandataire des recourantes, au Ministère
public de la Confédération et au Tribunal pénal fédéral, Cour des plaintes.

Lausanne, le 27 septembre 2013

Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse

Le Président: Fonjallaz

La Greffière: Arn

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