Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Öffentlich-rechtliche Abteilung, Beschwerde in Strafsachen 1B.208/2013
Zurück zum Index I. Öffentlich-rechtliche Abteilung, Beschwerde in Strafsachen 2013
Retour à l'indice I. Öffentlich-rechtliche Abteilung, Beschwerde in Strafsachen 2013


Wichtiger Hinweis:
Diese Website wird in älteren Versionen von Netscape ohne graphische Elemente
dargestellt. Die Funktionalität der Website ist aber trotzdem gewährleistet.
Wenn Sie diese Website regelmässig benutzen, empfehlen wir Ihnen, auf Ihrem
Computer einen aktuellen Browser zu installieren.
Zurück zur Einstiegsseite Drucken
                                                               Grössere Schrift

Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal

[8frIR2ALAGK1]     
{T 0/2}
                   
1B_208/2013

Arrêt du 20 août 2013

Ire Cour de droit public

Composition
MM. les Juges fédéraux Fonjallaz, Président,
Eusebio et Chaix.
Greffière: Mme Kropf.

Participants à la procédure
A.________, représentée par Me Jean-Franklin Woodtli, avocat,
recourante,

contre

Ministère public de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213
Petit-Lancy.

Objet
séquestre pénal,

recours contre l'arrêt de la Cour de justice de la République et canton de
Genève, Chambre pénale de recours, du 10 mai 2013.

Faits:

A.
Le 15 novembre 2010, l'Administration fédérale des douanes (AFD) a procédé,
dans les locaux de la société A.________ situés aux Ports Francs de Genève, aux
séquestres de neufs objets, dont deux sarcophages anthropomorphes phéniciens
(référencés au dossier et ci-après comme suit : MA.SAR.006 et MA.SAR.012). Ces
derniers ont été laissés en mains de leur détentrice avec défense d'en
disposer.
A la suite de la dénonciation du 4 avril 2011 de l'AFD, le Ministère public de
la République et canton de Genève a ouvert contre A.________ une instruction
pénale le 27 avril 2011 et a rendu ce même jour une ordonnance de séquestre,
retenant qu'il existait à ce stade de la procédure suffisamment de soupçons sur
une éventuelle provenance illicite des biens séquestrés et sur de possibles
infractions à la loi fédérale du 20 juin 2003 sur le transfert international
des biens culturels (Loi sur le transfert des biens culturels ou LTBC; RS
444.1, en vigueur depuis le 1 ^er juin 2005). Les sarcophages sont demeurés en
mains de la société détentrice avec interdiction d'en disposer. Statuant sur
une requête de levée des séquestres du 12 juillet 2011, le Procureur a
confirmé, par ordonnance du 20 septembre 2011, cette mesure pour les deux
pièces susmentionnées, qui pouvaient provenir de fouilles clandestines au
Liban, pays dont il attendait une demande d'entraide.
Le 8 janvier 2013, A.________ a requis une nouvelle fois la levée du séquestre
portant sur les objets MA.SAR.006 et MA.SAR.012. Par décision du 8 février
2013, le Ministère public a refusé, notamment au motif que les soupçons de la
commission d'une infraction demeuraient suffisamment forts, car il semblait
ressortir des premières explications des autorités libanaises que ces deux
sarcophages auraient été pour le moins soustraits sans droit de l'inventaire
national libanais. La mesure n'était en outre pas disproportionnée dès lors que
A.________ n'indiquait pas qu'elle pourrait les vendre avantageusement, ni que
le temps leur ferait perdre de la valeur.

B.
Par jugement du 10 mai 2013, la Chambre pénale de recours de la Cour de justice
de la République et canton de Genève a rejeté le recours intenté par
A.________. L'autorité cantonale a retenu que les soupçons d'infraction
s'étaient renforcés. En outre, elle a relevé que le principe de
proportionnalité avait été respecté au vu de l'annonce par les autorités
libanaises du dépôt d'une demande formelle en restitution et de la commission
rogatoire délivrée le 18 mars 2013 par le Ministère public, qui devrait lui
permettre de statuer rapidement sur le sort des deux objets séquestrés. Enfin,
la Chambre pénale a indiqué que A.________ ne prétendait pas vouloir vendre ou
se défaire des biens séquestrés.

C.
Par mémoire du 12 juin 2013, A.________ forme un recours en matière pénale
contre cet arrêt, concluant à son annulation, ainsi qu'à celle de la décision
du Ministère public. Elle requiert la levée des séquestres portant sur les
sarcophages MA.SAR.006 et MA.SAR.012 et, subsidiairement, au renvoi de la cause
à l'autorité précédente pour nouvelle décision dans le sens des considérants.
Invités à se déterminer, la cour cantonale s'est référée aux considérants de
son arrêt, tandis que le Ministère public a conclu au rejet du recours.
A.________ a déposé des observations complémentaires le 25 juillet 2013.

Considérant en droit:

1.
Le recours en matière pénale, au sens de l'art. 78 al. 1 LTF, est ouvert contre
une décision de séquestre, prise au cours de la procédure pénale, et confirmée
en dernière instance cantonale (art. 80 LTF). Dès lors que la recourante a la
qualité de prévenue dans la présente procédure et qu'en outre, elle est la
détentrice des deux sarcophages séquestrés, elle a qualité pour recourir (art.
81 al. 1 let. a et b ch. 1 LTF; MOREILLON / PAREIN REYMOND, Code de procédure
pénale, petit commentaire, Bâle 2013, no 7 ad. art. 266 CPP; LEMBO / JULEN
BERTHOD, in Commentaire romand CPP, Bâle 2011, no 26 ad art. 266 CPP). Le
recours a été formé en temps utile (art. 100 al. 1 LTF).
La décision par laquelle le juge ordonne ou maintient un séquestre pénal
constitue une décision incidente, qui ne met pas fin à la procédure pénale (ATF
128 I 129 consid. 1 p. 131 et les références). Le recours devant le Tribunal
fédéral n'est dès lors recevable qu'aux conditions de l'art. 93 al. 1 LTF, soit
notamment en présence d'un préjudice irréparable (art. 93 al. 1 let. a LTF;
l'hypothèse prévue à l'art. 93 al. 1 let. b LTF est manifestement
inapplicable). En droit pénal, il doit s'agir d'un préjudice de nature
juridique, à savoir qu'il n'est pas susceptible d'être supprimé par une
décision ultérieure favorable au recourant (ATF 133 IV 139 consid. 4 p. 141).
En l'espèce, la recourante subit un préjudice irréparable car elle se trouve
privée provisoirement de la libre disposition de deux sarcophages (ATF 128 I
129 consid. 1 p. 131).

2.
La recourante soutient tout d'abord que l'autorité précédente aurait omis, de
manière arbitraire, de tenir compte de moyens de preuve importants et
pertinents.

2.1. L'arbitraire, prohibé par l'art. 9 Cst., ne résulte pas du seul fait
qu'une autre solution pourrait entrer en considération ou même qu'elle serait
préférable; le Tribunal fédéral ne s'écarte de la solution retenue par
l'instance précédente que si elle est manifestement insoutenable, méconnaît
gravement une norme ou un principe juridique clair et indiscuté ou si elle
heurte de manière choquante le sentiment de la justice ou de l'équité. Il ne
suffit pas que la motivation de la décision soit insoutenable; encore faut-il
qu'elle soit arbitraire dans son résultat (ATF 138 III 378 consid. 6.1 p. 379
s.; 136 I 316 consid. 2.2.2 p. 318 s.; 135 V 2 consid. 1.3 p. 4 s.; 134 I 263
consid. 3.1 p. 265 s.). En particulier, lorsque la partie recourante s'en prend
à l'appréciation des preuves et à l'établissement des faits, la décision n'est
arbitraire que si le juge n'a manifestement pas compris le sens et la portée
d'un moyen de preuve, s'il a omis, sans raison sérieuse, de tenir compte d'un
moyen important propre à modifier la décision attaquée ou encore si, sur la
base des éléments recueillis, il a fait des déductions insoutenables (ATF 138
III 193 c. 4.3.1 p. 198; 137 III 226 consid. 4.2 p. 134 et les arrêts cités).

2.2. Selon la recourante, la Chambre pénale de recours n'aurait pas mentionné
dans son arrêt que dans sa décision du 4 [recte 27] avril 2011, le Ministère
public n'aurait pas pris en considération tant (1) le rapport de l'Office
fédéral de la culture - duquel il ressortait qu'il n'existait aucune
présomption fondée de violation de la LTBC pour l'objet MA.SAR.006 - que (2)
l'attestation d'un huissier judiciaire du 23 décembre 2003 établissant
l'entreposage à Genève du second sarcophage avant l'entrée en vigueur de la
LTBC. Or, dans le cadre de la présente procédure, il n'appartenait pas à
l'autorité cantonale d'examiner le bien-fondé de la première ordonnance de
séquestre rendue par le Ministère public, notamment l'appréciation que celui-ci
avait alors fait des différentes pièces annexées à la dénonciation pénale. Ces
éléments de fait sont ainsi dénués de pertinence, ce qui rend le grief sans
portée.
Il est ensuite reproché aux juges cantonaux de ne pas avoir constaté que les
premières communications entre les autorités helvétiques et libanaises auraient
eu lieu au début de l'année 2011, au plus tard en juin 2011. Par ce biais, la
recourante laisse sous-entendre qu'une éventuelle action en restitution au sens
de l'art. 9 LTBC serait prescrite et rendrait ainsi le séquestre des deux
sarcophages injustifié. Outre que l'application de cette loi au cas d'espèce
doit encore être examinée - hypothèse que conteste d'ailleurs la recourante -,
la présente procédure tend uniquement à vérifier si les conditions d'un
séquestre prononcé dans le cadre d'une instruction pénale - dont notamment une
possible confiscation au sens de l'art. 70 CP (art. 263 al. 1 let. d CPP) -
sont encore remplies. La cour cantonale n'a donc pas procédé de manière
arbitraire en ne faisant pas état de ce bref courriel, dont le contenu tend au
demeurant au maintien du séquestre et semble suggérer la commission d'une
infraction ("Prière de garder les sarcophages jusqu'à ce qu'une décision finale
soit prise à leur sujet, surtout que nous avons établi qu'ils sont du type de
sarcophages présents en possession de la Direction Générale des Antiquités
Libanaises").

3.
La recourante reproche ensuite à la Chambre pénale de recours une violation du
droit fédéral. Elle allègue en substance que les deux antiquités en cause ont
été acquises de manière licite et antérieurement à l'entrée en vigueur de la
LTBC. Dès lors, les soupçons d'une éventuelle infraction à cette loi, ainsi que
de vol ou de recel seraient infondés.

3.1. Le séquestre pénal est une mesure conservatoire provisoire destinée à
préserver les objets ou valeurs que le juge du fond pourrait être amené à
confisquer ou qui pourraient servir à l'exécution d'une créance compensatrice.
En l'espèce, la décision litigieuse fait référence à l'art. 263 al. 1 CPP qui
prévoit que des objets et des valeurs patrimoniales appartenant au prévenu ou à
des tiers peuvent être mis sous séquestre, notamment lorsqu'il est probable
qu'ils seront utilisés comme moyen de preuve (let. a), qu'ils devront être
restitués au lésé (let. c) ou qu'ils devront être confisqués (let. d). Comme
cela ressort du texte de cette disposition, une telle mesure est fondée sur la
vraisemblance; elle porte sur des objets dont on peut admettre, prima facie,
qu'ils pourront être confisqués en application du droit pénal fédéral. Tant que
l'instruction n'est pas achevée, une simple probabilité suffit car, à l'instar
de toute mesure provisionnelle, la saisie se rapporte à des prétentions encore
incertaines. L'autorité doit pouvoir décider rapidement du séquestre provisoire
(art. 263 al. 2 CPP), ce qui exclut qu'elle résolve des questions juridiques
complexes ou qu'elle attende d'être renseignée de manière exacte et complète
sur les faits avant d'agir (ATF 116 Ib 96 consid. 3a p. 99). Le séquestre pénal
se justifie aussi longtemps que subsiste une probabilité de confiscation (SJ
1994 p. 90 et 102) et ne peut être levé que dans l'hypothèse où il est d'emblée
manifeste et indubitable que les conditions matérielles d'une confiscation ne
sont pas réalisées et ne pourront l'être (arrêt du Tribunal fédéral 1S.8/2006
du 12 décembre 2006 consid. 6.1).

3.2. En l'occurrence, il ressort du courrier du 31 janvier 2013 du Ministre de
la culture libanais que les deux sarcophages étaient connus - appartenant à la
Collection Pharaon - et que l'inventaire effectué au moment de la cession de
ladite collection au Musée Mouawad en 1995 n'en faisait pas mention.
Contrairement à ce que voudrait faire croire la recourante, ces indications ne
permettent pas de conclure sans autre à une cession privée effectuée de manière
licite. Cela vaut d'autant plus qu'il est mentionné à la fin de ce même
document que les deux couvercles "pourraient avoir été volés et/ou exportés
illicitement vers la Suisse". Enfin, il ne ressort pas de son contenu - ni
d'ailleurs de celui de l'Arrêté no 166 LR du 7 novembre 1933 portant règlement
sur les Antiquités - que le Liban aurait renoncé à les faire figurer à
l'inventaire de son patrimoine culturel. Dans une lettre ultérieure du 30 mars
2013, le Ministre libanais a même expressément affirmé le contraire et a d'ores
et déjà annoncé qu'une demande officielle de restitution de ces deux biens du
patrimoine culturel libanais était en préparation. Il apparaît en conséquence
que les soupçons d'une possible infraction - que ce soit à la LTBC et/ou au
Code pénal et dont la qualification, s'il y a lieu, sera déterminée par le juge
au fond - semblent s'être renforcés, ainsi que l'a retenu la cour cantonale. En
outre, au regard de l'intérêt des autorités libanaises pour les objets
MA.SAR.006 et MA.SAR.012, le séquestre, mesure conservatoire permettant de
garantir une possible confiscation (art. 263 al. 1 let. d CPP et 70 CP) et/ou
la restitution au lésé (art. 263 al. 1 let. c CPP), est en l'état justifié.
Il n'y a également pas lieu de retenir une violation du principe de
proportionnalité. A ce stade de l'instruction, la commission rogatoire urgente
délivrée le 18 mars 2013 paraît être la mesure adéquate pour faire avancer
l'instruction, dès lors que le concours des autorités libanaises semble
indispensable. En effet, les informations qui en ressortiront pourraient venir
confirmer, respectivement infirmer, la réalisation d'une infraction de la part
de la recourante ou rendre nécessaire la mise en oeuvre d'autres mesures
d'investigation. De plus, la recourante ne rend pas vraisemblable qu'elle
subirait un préjudice disproportionné du fait de l'entreposage des deux
sarcophages, notamment en ne pouvant pas les exposer. Il ressort d'ailleurs de
ses propres allégués que le sarcophage MA.SAR.006 serait à Genève depuis 2006,
sa dernière présentation lors d'une exposition remontant à 2005 (cf. ad 65, 66
et 67 du mémoire de recours). Quant au second - MA.SAR.012 - et toujours selon
la recourante, il aurait été expédié en 1999 à Genève, d'où il n'aurait plus
été déplacé (cf. ad 72 ss du mémoire de recours). La recourante n'a enfin pas
démontré qu'elle aurait refusé des offres d'achat de ces deux pièces ou que
celles-ci pourraient perdre de la valeur.
En conséquence, la Chambre pénale de recours n'a pas violé le droit fédéral en
confirmant la décision de refus de levée du séquestre rendue par le Ministère
public.

4.
Il s'ensuit que le recours doit être rejeté. La recourante qui succombe doit
supporter les frais de la présente procédure (art. 66 al. 1 LTF).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté.

2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 3'000 fr., sont mis à la charge de la
recourante.

3.
Le présent arrêt est communiqué au mandataire de la recourante, au Ministère
public et à la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre
pénale de recours.

Lausanne, le 20 août 2013
Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse

Le Président: Fonjallaz

La Greffière: Kropf

Navigation

Neue Suche

ähnliche Leitentscheide suchen
ähnliche Urteile ab 2000 suchen

Drucken nach oben