Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Öffentlich-rechtliche Abteilung, Beschwerde in Strafsachen 1B.187/2013
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Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal

[8frIR2ALAGK1]     
{T 0/2}
                   
1B_187/2013

Arrêt du 4 juillet 2013

Ire Cour de droit public

Composition
MM. les Juges fédéraux Fonjallaz, Président, Aemisegger, Merkli, Karlen et
Chaix.
Greffier: M. Kurz.

Participants à la procédure
A.________, représenté par Me François Canonica, avocat,
recourant,

contre

Ministère public de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213
Petit-Lancy.

Objet
révocation de la nomination d'avocat d'office,

recours contre l'arrêt de la Cour de justice de la République et canton de
Genève, Chambre pénale de recours, du 11 avril 2013.

Faits:

A.
Une procédure pénale est en cours à l'encontre de B.________, prévenu de
tentative de meurtre, agression, rixe, menaces et séjour illégal. Le 26 juin
2012, le Ministère public du canton de Genève a désigné Me A.________ comme
avocat d'office du prévenu.
Par décision du 8 mars 2013 (faisant suite à une même décision du 5 mars
précédent, annulée afin de respecter le droit d'être entendu de l'intéressé),
le Ministère public a révoqué la nomination d'office. L'avocat était
fréquemment absent et dans l'impossibilité de se faire remplacer, certaines
absences étant par ailleurs sujettes à caution. Il avait déposé de nombreuses
demandes de mise en liberté, persistant à contester les charges pourtant
reconnues par les diverses instances saisies. Cette tactique de défense
paraissait contraire aux intérêts du prévenu, car elle monopolisait l'énergie
des autorités compétentes et ralentissait la procédure.

B.
Par arrêt du 11 avril 2013, la Chambre pénale de recours de la Cour de justice
du canton de Genève a rejeté les recours déposés par le prévenu et par son
avocat. Ce dernier avait déposé sept demandes de mise en liberté et recouru à
cinq reprises au niveau cantonal ainsi qu'une fois au Tribunal fédéral (arrêt
1B_576/2012 du 19 octobre 2012), toujours en vain. Par deux fois, un délai d'un
mois avait été imposé avant le dépôt d'une nouvelle demande; certaines demandes
étaient entachées de vices de procédure ou insuffisamment motivées. Le nombre
et l'inefficacité des démarches entreprises illustraient le manque de distance
de l'avocat par rapport à la cause; elles provoquaient - tout comme les
absences du défenseur, dont l'une était apparemment fictive - une surcharge des
autorités pénales et un allongement de la procédure.

C.
Par acte du 14 mai 2013, A.________ forme un recours en matière pénale par
lequel il demande l'annulation de l'arrêt cantonal.
Le Ministère public et la cour cantonale concluent au rejet du recours, cette
dernière précisant que Me A.________ a également recouru contre le refus du
Ministère public d'admettre ce défenseur en tant qu'avocat de choix.

Considérant en droit:

1.
La contestation portant sur une décision relative à la défense d'office en
matière pénale, le recours au Tribunal fédéral est régi par les art. 78 ss LTF.
Le recourant a agi en temps utile (art. 100 al. 1 LTF) contre une décision
prise en dernière instance cantonale (art. 80 al. 1 LTF).

1.1. La décision par laquelle le juge refuse un changement de défenseur
d'office constitue, pour le prévenu, une décision incidente, qui ne met pas fin
à la procédure; le recours n'est alors recevable qu'aux conditions de l'art. 93
al. 1 LTF (ATF 126 I 207 consid. 1a p. 209; 111 Ia 276 consid. 2b p. 278 s.).
Pour l'avocat dont le mandat a été révoqué, la décision peut en revanche être
considérée comme finale au sens de l'art. 90 LTF, ou comme une décision
incidente causant un préjudice irréparable (cf. ATF 133 IV 335 consid. 5 p.
339).

1.2. Selon l'art. 81 al. 1 LTF, a qualité pour recourir quiconque a pris part à
la procédure devant l'instance précédente - ce qui est le cas du recourant - et
a un intérêt juridique à l'annulation ou à la modification de la décision
attaquée. La liste exemplative de l'art. 81 al. 1 let. b LTF mentionne l'accusé
et son représentant légal (ch. 1 et 2), mais non son avocat.
Le bénéficiaire du droit à l'assistance judiciaire (art. 29 al. 3 Cst. et 132
ss CPP) est exclusivement la partie au procès, soit en l'occurrence le prévenu.
L'avocat, ne peut pas déposer en son propre nom une demande d'assistance
judiciaire; il peut certes disposer d'un intérêt de fait à une nomination comme
avocat d'office, mais non d'un intérêt juridique, et ne peut donc pas recourir
contre un refus de désignation (arrêt 1B_705/2011 du 9 mai 2012, consid. 2.2 et
les arrêts cités). Il en va différemment lorsque l'avocat a été désigné
défenseur d'office, puisqu'il bénéficie alors des prérogatives attachées à
cette nomination (droit de représentation et droit à une indemnisation
notamment). Il dispose dès lors d'un intérêt juridique à l'annulation de la
décision de révocation (ATF 133 IV 335 consid. 5 p. 340; cf. toutefois Thommen
BSK/BGG n° 75 ad art. 81; Schmid, Handbuch des schweizerischen
Strafprozessordnung, Zurich/St. Gall 2009, n° 1652 note 515).

2.
Le recourant invoque les art. 128 CPP et 12 de la loi fédérale sur les avocats
(LLCA, RS 935.61). Il estime que le choix de la stratégie de défense ne
pourrait être un juste motif de révocation; au contraire du cas où l'avocat
néglige sa mission, la multiplication des actes de procédure ne saurait être
sanctionnée de la sorte. Le prévenu soutenant avoir agi en état de légitime
défense, il estime se trouver détenu à tort et on ne saurait lui reprocher ses
nombreuses demandes de mise en liberté.

2.1. Le droit à l'assistance judiciaire (art. 6 par. 3 let. c CEDH et 29 al. 3
Cst.) doit permettre à l'accusé de bénéficier d'une défense complète, assidue
et efficace. Un changement d'avocat d'office doit ainsi être ordonné lorsque le
défenseur néglige gravement ses devoirs et que, pour des motifs objectifs, la
défense des intérêts du prévenu n'est plus assurée (ATF 138 IV 161 consid. 2.4
p. 164). Selon l'art. 134 al. 2 CPP, la direction de la procédure confie la
défense d'office à une autre personne si la relation entre le prévenu et son
défenseur est gravement perturbée ou si une défense efficace n'est plus assurée
pour d'autres raisons. Cette disposition permet de tenir compte d'une
détérioration objective du rapport de confiance entre le prévenu et son
défenseur (ATF 138 IV 161 consid. 2.4 p. 165 s.).

2.2. Il appartient à la direction de la procédure de s'assurer que le droit à
une défense efficace est matériellement garanti ( SCHMID, Handbuch des
schweizerischen Strafprozessrechts, n° 762). C'est donc à elle d'intervenir
lorsqu'il apparaît que le défenseur néglige gravement les devoirs que lui
imposent sa profession et sa fonction, au détriment du prévenu (ATF 126 I 194
consid. 3d p. 198). Le choix de la stratégie de défense appartient certes au
défenseur, d'entente avec le prévenu. Toutefois, lorsque l'avocat présente des
carences manifestes, l'autorité pénale doit - en principe à titre d'ultima
ratio et après avoir rappelé l'intéressé à ses obligations - procéder à un
changement d'avocat d'office ( LIEBER, Kommentar zur StPO, n° 15 ad art. 134).
Tel est le cas lorsque le défenseur ne fournit pas de prestation propre et se
contente de se faire le porte-parole du prévenu, sans esprit critique (ATF 126
I 194 consid. 3d p. 199), ou lorsqu'au contraire il déclare qu'il ne croit pas
à l'innocence de son client lors même que celui-ci n'a pas avoué. Les absences
du défenseur aux débats (art. 336 al. 2 CPP) ou lors des auditions de témoins
importantes, peuvent également constituer des négligences propres à justifier
un changement d'avocat d'office. Il en va de même des attitudes qui
empêcheraient un déroulement de la procédure conforme aux principes essentiels
tels que le respect de la dignité, le droit à un traitement équitable et
l'interdiction de l'abus de droit (art. 3 CPP), ou encore le principe de
célérité, en particulier lorsque le prévenu se trouve en détention (art. 5 al.
2 CPP).

2.3. En l'occurrence, le recourant paraît avoir conservé l'entière confiance du
prévenu; celui-ci l'a confirmé en instance cantonale à l'occasion de son
recours contre l'ordonnance de révocation. Il est vrai que l'avocat a déposé de
très nombreuses demandes de mise en liberté, formées pour des motifs variables
et parfois entachées d'irrégularités formelles. Ce droit de recourir est
toutefois garanti à l'art. 228 al. 1 CPP. L'autorité peut limiter ce droit en
fixant un délai d'un mois durant lequel la libération ne peut plus être requise
(art. 228 al. 5 CPP); le Tmc a d'ailleurs fait usage à deux reprises de cette
faculté dans la présente procédure. L'autorité ne saurait non plus reprocher au
prévenu et à son défenseur de nier les charges retenues, même, le cas échéant,
contre l'évidence: il s'agit là d'un droit fondamental reconnu à toute personne
prévenue (cf. art. 113 CPP).
Les diverses absences du défenseur ont certes conduit à l'annulation de
certaines audiences, mais l'arrêt attaqué ne fait état que de deux cas précis.
La cour cantonale reproche à l'avocat d'avoir déposé personnellement un acte le
22 février 2013 alors qu'il avait, pour justifier le report d'une audience du
20 février 2012, déclaré être absent du 19 au 22 février. Rien ne permet
néanmoins d'affirmer que l'avocat aurait pu être présent au jour de l'audience
prévue et que la demande de report serait, par conséquent, abusive. On ne
saurait, en l'état, parler d'obstruction systématique constitutive d'un
manquement grave.
Il est également reproché à l'avocat de manquer de distance et d'esprit
critique à l'égard de son client. Dans des observations datées du 7 mars 2013
au Ministère public, le prévenu avait certes affirmé qu'il était lui-même à
l'origine des nombreuses demandes de mise en liberté. Cela ne signifie pas que
l'avocat aurait donné suite aveuglément aux directives de son client: dans la
mesure où ce dernier se prétend innocent, et donc détenu à tort, la
présentation de nombreuses requêtes de mise en liberté procède d'une certaine
cohérence au regard de la ligne de défense choisie, même si de telles demandes
répétées, sans présentation de faits nouveaux, ne présentent guère de chances
de succès.
Le prévenu affirmait également dans ses propres observations que certains
éléments retenus par le Ministère public seraient "partiels et partiaux, sinon
simplement mensongers". Comme le relève l'arrêt attaqué, l'avocat n'a toutefois
pas repris ces dernières affirmations dans ses propres observations, de sorte
que l'on ne saurait lui reprocher de reprendre systématiquement et sans esprit
critique les assertions de son client. Quoiqu'il en soit, de tels manquements,
qui pourraient relever du droit disciplinaire, ne constituent pas non plus des
motifs de révocation fondés sur le manque d'efficacité de la défense.

2.4. L'attitude et les démarches de l'avocat procèdent d'une stratégie de
défense dont l'opportunité est certes discutable, mais qui est manifestement
voulue et assumée par le prévenu dont la capacité de discernement n'est pas
remise en cause. Or, le choix de la conduite de la défense appartient, comme on
l'a vu, pour l'essentiel au prévenu et à son avocat (ATF 126 I 194 consid. 3d
p. 199), et la partie concernée doit en assumer toutes les conséquences.

2.5. En définitive, les reproches adressés au défenseur d'office ne sauraient
justifier une révocation du mandat. Dans la mesure où le prévenu est, comme
cela paraît être le cas, conscient des conséquences liées à sa stratégie de
défense (en particulier: allongement de la procédure, irrecevabilité ou rejet
des démarches procédurières, défaut d'indemnisation de l'avocat d'office pour
les démarches inutiles), l'on ne saurait considérer que l'attitude du défenseur
est assimilable à une carence manifeste, ni qu'une défense effective n'est plus
assurée. Il s'agit cependant d'une situation qui est à la limite du tolérable,
vu en particulier les diverses absences du défenseur d'office et le retard que
cela entraîne pour la procédure. Sous l'angle de l'art. 134 al. 2 CPP,
l'appréciation pourrait à l'avenir être différente si les indisponibilités du
recourant persistaient ou si tout autre fait établi permettait de mettre en
doute concrètement l'efficacité de la défense du prévenu.

3.
Le recours doit par conséquent être admis. La décision attaquée est annulée, de
même que l'ordonnance du Ministère public du 8 mars 2013. Le recourant, qui
obtient gain de cause, a droit à des dépens, à la charge du canton de Genève.
Conformément à l'art. 66 al. 4 LTF, il n'est pas perçu de frais judiciaires. La
cause est renvoyée à la Chambre pénale de recours pour nouvelle décision sur
les frais et indemnités de la procédure cantonale.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est admis. L'arrêt attaqué est annulé, de même que l'ordonnance du
Ministère public genevois du 8 mars 2013. La cause est renvoyée à la Chambre
pénale de recours de la Cour de justice pour nouvelle décision sur les frais et
indemnités de la procédure cantonale.

2.
Une indemnité de dépens de 1'500 fr. est allouée au recourant, à la charge du
canton de Genève.

3.
Il n'est pas perçu de frais judiciaires.

4.
Le présent arrêt est communiqué au mandataire du recourant, au Ministère public
et à la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre pénale de
recours.

Lausanne, le 4 juillet 2013
Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse

Le Président: Fonjallaz

Le Greffier: Kurz

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