Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Öffentlich-rechtliche Abteilung, Beschwerde in Strafsachen 1B.16/2013
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Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal

{T 0/2}
1B_16/2013

Arrêt 5 mars 2013
Ire Cour de droit public

Composition
MM. les Juges fédéraux Merkli Juge présidant,
Eusebio et Chaix.
Greffier: M. Kurz.

Participants à la procédure
X.________,
représenté par Me Jean-Daniel Kramer, avocat,
recourant,

contre

Y.________,
intimé,

Ministère public de la République et canton de Neuchâtel, Parquet général, rue
du Pommier 3, 2000 Neuchâtel.

Objet
procédure pénale, récusation,

recours contre l'arrêt du Tribunal cantonal de la République et canton de
Neuchâtel, Autorité de recours en matière pénale, du 21 décembre 2012.

Faits:

A.
Une procédure pénale pour escroquerie est en cours à Neuchâtel, depuis le mois
d'octobre 2003, notamment contre X.________. Celui-ci a été placé en détention
préventive à plusieurs reprises. L'instruction a été successivement menée par
différents magistrats et a été confiée, au mois de mars 2006, au Juge
d'instruction suppléant Y.________, parallèlement à la magistrate que celui-ci
devait initialement remplacer durant sa grossesse. Le 25 novembre 2011,
Y.________, devenu Procureur suppléant dès le 1er janvier 2011, a dressé l'acte
d'accusation renvoyant X.________ devant le Tribunal criminel du Littoral et du
Val de Travers (ci-après: le tribunal).

Lors de l'audience préliminaire du 13 décembre 2012 devant le tribunal,
X.________ a requis la récusation du Procureur Y.________ en raison de son
intervention antérieure en tant que juge d'instruction. Cette demande a été
transmise le 17 décembre 2012 à l'autorité de recours en matière pénale du
Tribunal cantonal neuchâtelois (ci-après: l'autorité de recours), avec les
déterminations du Procureur datées du même jour; celui-ci concluait à la
tardiveté de la demande de récusation, laquelle aurait pu être présentée dès
notification de l'acte d'accusation; il relevait également qu'il n'avait pas
ordonné la mise en détention du prévenu. Le 17 décembre 2012 également, la
Présidente de l'autorité de recours a interpellé le Ministère public au sujet
d'une pratique évoquée par le requérant relativement à la poursuite de
l'instruction par les magistrats ayant précédemment ordonné la mise en
détention du prévenu. Le Procureur a répondu, également le même jour, en
précisant que les juges d'instruction ayant ordonné une mise en détention ne
poursuivaient l'instruction que jusqu'à l'avis de clôture, puis transmettaient
la cause à un autre procureur. Ces pièces - y compris une note interne sur le
même sujet - ont été adressées pour information au mandataire du requérant.

B.
Par arrêt du 21 décembre 2012, l'autorité de recours a rejeté, pour autant que
recevable, la demande de récusation. Le Procureur n'avait ordonné aucune des
trois mises en détention. Il n'était pas récusable à ce titre, ni au motif plus
général qu'il était intervenu comme juge d'instruction selon l'ancien droit. La
demande de récusation était d'ailleurs tardive, car elle aurait dû être
présentée au plus tard lors de la mise en accusation.

C.
Par acte du 11 janvier 2013 (agissant dans un premier temps en personne),
X.________ forme un recours en matière pénale par lequel il demande
l'annulation de l'arrêt cantonal et la récusation du Procureur. Il requiert
l'assistance judiciaire, ainsi que la suspension de la procédure devant le
Tribunal criminel, ce à quoi les autorités intimées se sont opposées en
relevant que les débats ont été fixés du 21 janvier au 5 février 2013; la
requête de suspension a été rejetée par ordonnance du 18 janvier 2013.
L'autorité de recours et le Ministère public concluent au rejet du recours. Le
recourant a déposé de nouvelles déterminations, par son avocat, le 22 février
2013.

Considérant en droit:

1.
Conformément aux art. 78 et 92 al. 1 LTF, une décision incidente relative à la
récusation d'un magistrat dans la procédure pénale peut faire immédiatement
l'objet d'un recours en matière pénale. L'auteur de la demande de récusation a
qualité pour agir (art. 81 al. 1 LTF). La décision attaquée est rendue en
dernière instance cantonale, au sens de l'art. 80 LTF. Le recours a été déposé
dans le délai de trente jours prescrit à l'art. 100 al. 1 LTF et les
conclusions présentées (y compris l'admission de la demande de récusation) sont
recevables au regard de l'art. 107 LTF.

2.
Invoquant son droit d'être entendu, le recourant reproche à l'autorité de
recours d'avoir statué sans lui donner l'occasion de s'exprimer complètement,
ni de répliquer aux arguments du Ministère public alors que les observations de
celui-ci contenaient des éléments de fait et de droit pertinents.

2.1 Le droit d'être entendu, ancré à l'art. 29 al. 2 Cst., garantit notamment
le droit pour une partie à un procès de prendre connaissance de toute
argumentation présentée au tribunal et de se déterminer à son propos, que
celle-ci contienne ou non de nouveaux éléments de fait ou de droit, et qu'elle
soit ou non concrètement susceptible d'influer sur le jugement à rendre. Il
appartient en effet aux parties, et non au juge, de décider si une prise de
position ou une pièce nouvellement versée au dossier contient des éléments
déterminants qui appellent des observations de leur part. Ce droit de réplique
vaut pour toutes les procédures judiciaires. Toute prise de position ou pièce
nouvelle versée au dossier doit dès lors être communiquée aux parties pour leur
permettre de décider si elles veulent ou non faire usage de leur faculté de se
déterminer (cf. ATF 137 I 195 consid. 2.3.1 p. 197 et les références citées).
Dans ce sens, l'art. 29 al. 2 Cst. confère un véritable droit de réplique, même
dans les domaines qui n'entrent pas dans le champ d'application de l'art. 6
CEDH (cf. ATF 138 I 154 consid. 2.3 p. 156 s.), y compris dans le cadre d'une
procédure de récusation (arrêt 1B_385/2012 du 4 octobre 2012 consid. 2.1; BOOG,
Basler Kommentar StPO, n° 11 ad art. 58). Le fait que le litige soit tranché,
selon l'art. 59 al. 1 CPP, "sans administration supplémentaire de preuve", ne
saurait faire échec au droit de répliquer tel qu'il est constitutionnellement
garanti.

2.2 En l'occurrence, la demande de récusation a été formée à l'audience du 13
décembre 2012. Elle a été transmise le 17 décembre 2012 à l'autorité de
recours, avec les déterminations du Procureur qui concluait à la tardiveté de
la demande de récusation, et relevait qu'il n'avait pas ordonné la mise en
détention du prévenu. Le 17 décembre 2012 le Ministère public a été interpellé
par la Présidente de la cour cantonale au sujet d'une pratique suivie par le
Ministère public à propos de la poursuite de l'instruction par les magistrats
ayant précédemment ordonné la mise en détention du prévenu. Le Procureur a
répondu, également le même jour, en précisant que les juges d'instruction ayant
ordonné une mise en détention ne poursuivaient l'instruction que jusqu'à l'avis
de clôture, puis transmettaient la cause à un autre procureur. L'ensemble de
ces pièces - y compris une note interne sur le même sujet - a été adressé pour
information au mandataire du requérant, et lui est parvenu le 21 décembre 2012.
L'avocat a réagi les 24 et 28 décembre 2012 en fournissant des observations
spontanées, mais l'arrêt avait alors déjà été rendu, le 21 décembre 2012.
Il en résulte que le recourant n'a manifestement pas été à même de faire valoir
en temps utile son droit de réplique puisqu'il n'a pu se déterminer ni sur les
objections du procureur, ni sur les pièces produites. Le recours doit dès lors
être admis pour ce motif formel, sans qu'il y ait lieu d'examiner les questions
de fond.

3.
Sur le vu de ce qui précède, le recours est admis, l'arrêt attaqué est annulé
et la cause est renvoyée à la cour cantonale pour nouvelle décision après avoir
donné au recourant l'occasion de répliquer. Conformément à l'art. 68 al. 1 LTF,
le recourant a droit a des dépens, à la charge du canton de Neuchâtel. Ceux-ci
seront réduits dès lors que, dans un premier temps, le recourant a procédé sans
avocat. L'octroi de dépens rend par ailleurs sans objet la demande d'assistance
judiciaire. Conformément à l'art. 66 al. 4 LTF, il n'est pas perçu de frais
judiciaires.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est admis, l'arrêt attaqué est annulé et la cause est renvoyée à
l'Autorité de recours en matière pénale du Tribunal cantonal neuchâtelois, pour
nouvelle décision au sens des considérants.

2.
Une indemnité de dépens de 1'000 fr. est allouée à l'avocat du recourant, à la
charge du canton de Neuchâtel. La demande d'assistance judiciaire est sans
objet.

3.
Il n'est pas perçu de frais judiciaires.

4.
Le présent arrêt est communiqué au mandataire du recourant, au Ministère public
de la République et canton de Neuchâtel, Parquet général, et au Tribunal
cantonal de la République et canton de Neuchâtel, Autorité de recours en
matière pénale.

Lausanne, le 5 mars 2013

Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse

Le Juge présidant: Merkli

Le Greffier: Kurz