Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
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Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Öffentlich-rechtliche Abteilung, Beschwerde in Strafsachen 1B.118/2013
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Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal

{T 0/2}
1B_118/2013

Arrêt du 9 avril 2013
Ire Cour de droit public

Composition
MM. les Juges fédéraux Fonjallaz, Président, Karlen et Chaix.
Greffier: M. Kurz.

Participants à la procédure
A.________, représenté par Me Yann Oppliger, avocat,
recourant,

contre

Ministère public central du canton de Vaud, avenue de Longemalle 1, 1020
Renens.

Objet
détention provisoire,

recours contre l'arrêt du Tribunal cantonal du canton de Vaud, Chambre des
recours pénale, du 11 février 2013.

Faits:

A.
A.________, ressortissant français né en 1981, a fait l'objet de deux
ordonnances pénales des 4 janvier et 9 août 2012, le condamnant la première à
90 jours-amende à 20 fr. et 300 fr. d'amende, la seconde à 40 jours de
privation de liberté et à 60 jours-amende à 20 fr. pour des délits de
diffamation, injures, menaces et tentative de contrainte notamment. Une
nouvelle enquête a été ouverte le 28 août 2012, pour des faits similaires au
préjudice de la même plaignante. Le 13 septembre 2012, l'opposition formée
contre l'ordonnance du 9 août 2012 a été déclarée irrecevable par le Tribunal
d'arrondissement du Nord Vaudois (ci-après: le tribunal). L'intéressé a alors
saisi la Chambre des recours pénale du Tribunal cantonal vaudois (ci-après: la
CREP). Les 11 et 15 novembre 2012, il a proféré par téléphone des insultes et
des menaces au personnel du Tribunal cantonal et au Président de la CREP, ce
qui a nécessité la mise en place de mesures de sécurité. Le 30 octobre 2012, la
CREP a déclaré irrecevable le recours (cf. arrêt 6B_688/2012 du 11 décembre
2012).

B.
Entre le 31 octobre 2012 et le 16 janvier 2013, A.________ a adressé des
courriels injurieux et menaçants, en particulier à l'égard du Procureur chargé
de la cause; il demandait à être confronté avec la plaignante. Il a été arrêté
le 17 janvier 2013 alors qu'il s'était rendu de Marseille à Yverdon pour
rencontrer le Procureur. Il a été placé en exécution de peine et le Procureur
a, le 22 janvier 2013, requis sa mise en détention provisoire en raison des
risques de réitération et de passage à l'acte.
Par ordonnance du 23 janvier 2013, le Tribunal des mesures de contrainte (Tmc)
a ordonné le maintien en détention jusqu'au 27 février 2013, la période du 23
janvier au 27 février 2013 étant passée en exécution de la peine prononcée le 9
août 2012. A.________ avait reconnu être l'auteur des messages et appels
insultants et menaçants. Il avait notamment déclaré "je prends un fusil et je
viens chez vous tous vous buter". Il avait précisé qu'il souffrait du syndrome
d'Asperger et n'arrivait pas à se contrôler.

C.
Par arrêt du 11 février 2003, la CREP a rejeté le recours formé par A.________.
En dépit des deux précédentes condamnations, le recourant avait proféré des
menaces de mort laissant sérieusement penser qu'il pourrait passer à l'acte.
Des mesures de substitution telles qu'une interdiction de périmètre ou de
contact seraient insuffisantes, nonobstant les promesses du recourant,
désormais assisté d'un avocat.

D.
Par acte du 20 mars 2013, A.________ forme un recours contre ce dernier arrêt.
Il en demande la réforme en ce sens que la demande de mise en détention est
rejetée et qu'il est remis immédiatement en liberté. Subsidiairement, il
demande l'annulation de l'arrêt attaqué et le renvoi de la cause à la cour
cantonale pour nouvelle décision dans le sens des considérants. Il requiert en
outre l'assistance judiciaire.
La Chambre des recours pénale se réfère à son arrêt, sans observations. Le
Ministère public conclut au rejet du recours. Le recourant a répliqué le 5
avril 2013, persistant dans ses griefs et ses conclusions.

Considérant en droit:

1.
Le recours en matière pénale (art. 78 al. 1 LTF) est en principe ouvert contre
les décisions relatives à la détention provisoire ou pour des motifs de sûreté
au sens des art. 212 ss CPP. Formé en temps utile (art. 100 al. 1 LTF) contre
une décision prise en dernière instance cantonale (art. 80 LTF) et qui touche
le recourant dans ses intérêts juridiquement protégés (art. 81 al. 1 let. a et
b ch. 1 LTF), le recours en matière pénale est recevable.

2.
Le recourant se plaint d'appréciation arbitraire des faits. Il estime que le
risque de passage à l'acte est inexistant. Alors qu'il n'était pas assisté d'un
avocat, le recourant ne pouvait pas se défendre efficacement; il croyait avoir
droit à une confrontation avec la plaignante et ressentait les refus de
l'autorité comme une injustice. Il affirme avoir désormais compris qu'il n'a
pas droit à une telle confrontation et s'engage à ne pas prendre contact avec
la plaignante et les autorités chargées de la procédure. La cour cantonale a
estimé qu'il était vraisemblable que le recourant n'ait pas renoncé à une
confrontation, mais cette affirmation ne reposerait sur aucun élément du
dossier.

2.1 Le Tribunal fédéral statue sur la base des faits établis par l'autorité
précédente (art. 105 al. 1 LTF). Le recourant ne peut critiquer ceux-ci que
s'ils ont été établis de façon manifestement inexacte - notion qui correspond à
celle d'arbitraire au sens de l'art. 9 Cst. (ATF 134 V 53 consid. 4.3 p. 62) -
ou en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF (art. 97 al. 1 LTF), ce qu'il
lui appartient d'exposer et de démontrer de manière claire et circonstanciée.
La correction du vice soulevé doit en outre être susceptible d'influer sur le
sort de la cause (art. 97 al. 1 LTF).

2.2 L'arrêt attaqué se fonde essentiellement sur les faits suivants:
l'existence de menaces et d'injures, attestant une volonté de vengeance et dont
le recourant ne conteste pas la gravité; deux précédentes condamnations et une
enquête en cours pour des menaces et tentative de contrainte notamment;
l'existence d'un syndrome d'Asperger qui empêcherait le recourant de se
contrôler, et au sujet duquel un expert doit encore se prononcer. La cour
cantonale fait également état d'une posture de déni dans laquelle le recourant
se serait installé. Aucun de ces faits n'est en soi contesté. Quant à la
vraisemblance que le recourant chercherait toujours à obtenir une confrontation
avec la plaignante, il ne s'agit pas, comme on le verra ci-dessous, d'un fait
pertinent. La question de savoir s'il y a sérieusement lieu de craindre un
passage à l'acte au sens de l'art. 221 al. 2 CPP, n'est au demeurant pas une
question de fait, mais de droit.
Le grief relatif à l'établissement des faits doit dès lors être écarté.

3.
Le recourant se plaint d'une violation de l'art. 221 CPP. Il estime qu'il n'y
aurait aucun risque de passage à l'acte, dès lors qu'il aurait simplement
exprimé son impuissance face à une situation qu'il estimait injuste. Les
menaces proférées ainsi que son déplacement en Suisse ne constitueraient pas
des indices suffisants car le recourant n'a jamais été réellement et
concrètement violent ou menaçant. Quant à la déclaration selon laquelle le
recourant n'arriverait pas à se contrôler, elle concernait uniquement les
menaces et ne saurait impliquer un risque de passage à l'acte.

3.1 L'art. 221 al. 1 let. c CPP prévoit que la détention provisoire et la
détention pour des motifs de sûreté ne peuvent être ordonnées que lorsque le
prévenu est fortement soupçonné d'avoir commis un crime ou un délit et qu'il y
a sérieusement lieu de craindre qu'il compromette sérieusement la sécurité
d'autrui par des crimes ou des délits graves après avoir déjà commis des
infractions du même genre. Selon la jurisprudence, si le législateur a voulu
poser des conditions strictes en matière de risque de réitération, en exigeant
en principe l'existence d'antécédents, il n'a pas exclu que le risque de
réitération puisse être également admis dans des cas particuliers alors qu'il
n'existe qu'un antécédent, voire aucun dans les cas les plus graves. Les
dispositions conventionnelle et législative sur la prévention du risque de
récidive reposent sur des motifs de sécurité publique et doivent permettre de
faire prévaloir l'intérêt à la sécurité publique sur la liberté personnelle du
prévenu. La loi autorise d'ailleurs expressément une incarcération lorsqu'il y
a lieu de craindre un passage à l'acte, en l'absence de toute infraction
préalable (art. 221 al. 2 CPP; Message relatif à l'unification du droit de la
procédure pénale du 21 décembre 2005, FF 2005 1211; cf. ATF 137 IV 13 consid.
3-4 p. 18 ss.; cf. arrêt 1B_133/2011 du 12 avril 2011 consid. 4.7).

3.2 En l'occurrence, les termes utilisés par le recourant dans ses différents
messages aux autorités, outre leur grossièreté, sont de nature à susciter des
craintes de passage à l'acte. Ainsi, le 15 octobre 2012, il déclarait par
téléphone au personnel du tribunal: "si je n'ai pas de réponse tout de suite,
je prends un fusil et je viens chez vous pour tous vous buter..., je vais en
finir avec vous.. et toutes vos familles, je vais vous trouver et vous buter,
..., vous devez m'entendre ou crever". Par la suite, il s'est adressé au
Ministère public faisant part de son intention de se venger de l'absence de
confrontation avec la plaignante, illustrant ses propos en mettant en lien un
article de presse relatif à la tuerie de Newtown. Les 16 et 17 janvier 2013, il
a encore écrit des propos injurieux et menaçants, et déclaré sur un réseau
social: "Demain c'est mon jour, ils vont prendre leurs responsabilités".
Le ton et le contenu de ces différentes déclarations, ainsi que le déplacement
en voiture de Marseille à Yverdon - alors que le recourant risquait de devoir
purger une peine de prison - pour y rencontrer le Procureur en charge du
dossier, pouvaient légitimement susciter des craintes sur les intentions du
recourant. Celui-ci explique qu'il désirait simplement s'entretenir avec le
magistrat, mais ce n'est pas ce qui ressort de ses propos, lesquels contiennent
des menaces de mort explicites. Comme le relève le Ministère public, le
recourant avait déjà forcé le père de la plaignante, en mars 2012, à
s'expliquer avec lui en le menaçant avec un pied-de-biche. Le recourant prétend
aussi qu'il croyait avoir droit à une confrontation avec la plaignante et qu'il
aurait désormais compris que cela n'était pas possible. Il n'en demeure pas
moins que si son attitude était dictée par la frustration ou un sentiment
d'injustice, la situation n'a pas fondamentalement changé de ce point de vue
compte tenu des condamnations déjà rendues à son encontre et de la procédure
actuellement ouverte contre lui. Ses intentions - réelles ou supposées -
concernant une confrontation avec la plaignante ne sont dès lors pas
déterminantes.

3.3 En l'état, l'existence d'un risque de passage à l'acte, au sens de l'art.
221 al. 2 CPP, repose sur des éléments objectifs suffisants. Comme le relève la
cour cantonale, il y aura lieu de procéder à une nouvelle évaluation du risque
sur le vu des conclusions de l'expert psychiatre.

4.
Le recours doit par conséquent être rejeté. Le recourant a demandé l'assistance
judiciaire, et les conditions en sont réunies. Me Oppliger est désigné comme
avocat d'office du recourant, rétribué par la caisse du Tribunal fédéral. Il
n'est pas perçu de frais judiciaires (art. 64 al. 1 LTF).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté.

2.
La demande d'assistance judiciaire est admise; Me Yann Oppliger est désigné
comme avocat d'office du recourant et une indemnité de 1'500 fr. lui est
allouée à titre d'honoraires, à payer par la caisse du Tribunal fédéral. Il
n'est pas perçu de frais judiciaires.

3.
Le présent arrêt est communiqué au mandataire du recourant, au Ministère public
central et au Tribunal cantonal du canton de Vaud, Chambre des recours pénale.

Lausanne, le 9 avril 2013
Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse

Le Président: Fonjallaz

Le Greffier: Kurz