Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

II. Sozialrechtliche Abteilung, Beschwerde in öffentlich-rechtlichen Angelegenheiten 9C 997/2012
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Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal

{T 0/2}
9C_997/2012

Arrêt du 10 avril 2013
IIe Cour de droit social

Composition
MM. et Mme les Juges fédéraux Kernen, Président, Borella et Pfiffner Rauber.
Greffier: M. Berthoud.

Participants à la procédure
O.________, représenté par Me Mauro Poggia, avocat,
recourant,

contre

Office cantonal genevois de l'assurance-invalidité, rue des Gares 12, 1201
Genève,
intimé.

Objet
Assurance-invalidité,

recours contre le jugement de la Cour de justice de la République et canton de
Genève, Chambre des assurances sociales, du 1er novembre 2012.

Faits:

A.
O.________ a travaillé en qualité de conseiller en assurances pour la compagnie
X.________ jusqu'en août 2003. Le 11 novembre 2003, il a déposé une demande de
rente de l'assurance-invalidité, invoquant des cervicalgies, des dorsalgies,
des douleurs à la cheville gauche et un stress post-traumatique depuis le 22
novembre 2002.
Par décision du 27 avril 2006, confirmée sur opposition le 26 février 2007,
l'Office de l'assurance-invalidité du canton de Genève (l'office AI) a mis
l'assuré au bénéfice d'une rente entière d'invalidité du 1er novembre 2003 au
31 décembre 2004. Par jugement du 9 juillet 2008, le Tribunal cantonal des
assurances sociales de la République et canton de Genève a annulé ces décisions
(sic) dans la mesure où elles reconnaissent une capacité de travail entière
dans toutes activités à partir du mois d'octobre 2004, puis a renvoyé la cause
à l'office AI pour expertise pluridisciplinaire de type COMAI. Dans leur
rapport d'expertise interdisciplinaire (rhumatologique et psychiatrique) du 9
mars 2009, les docteurs V.________ (spécialiste en psychiatrie et
psychothérapie) et C.________ (spécialiste en rhumatologie, médecine physique
et réadaptation), du Centre d'expertise médicale Z.________ (fonctionnant en
tant que COMAI), ont attesté que la capacité de travail de l'assuré dans une
activité adaptée à ses limitations fonctionnelles pourrait être totale, en
précisant que la capacité de travail était réduite à 70 % pour des raisons
psychiques. De son côté, la doctoresse K.________, spécialiste ORL et
médecin-adjointe à l'Hôpital W.________, a attesté dans un rapport du 10
décembre 2008 que l'assuré souffre d'une maladie de Ménière et qu'il présente
une atteinte auditive de 24,9 % à droite et de 94,5 % à gauche; à son avis,
l'assuré devrait exercer une activité professionnelle qui puisse se développer
dans le silence, un travail d'agent d'assurance ne paraissant pas adéquat.
Par décision du 4 mai 2009, l'office AI a confirmé la décision qu'il avait
rendue le 27 avril 2006 et rejeté la demande. En se référant aux conclusions du
SMR du 24 novembre 2005, il a retenu que l'état de santé de l'assuré ne s'était
pas aggravé et que ce dernier présentait un trouble somatoforme non
incapacitant.

B.
O.________ a déféré cette décision au tribunal cantonal (aujourd'hui: Cour de
justice de la République et canton de Genève, Chambre des assurances sociales),
en concluant à son annulation et à l'octroi d'une rente entière d'invalidité
depuis le 1er janvier 2005. Il a produit deux rapports du docteur N.________,
spécialiste en psychiatrie et psychothérapie, des 2 avril 2008 et 19 mai 2009,
ainsi qu'un rapport de consultation technique en matière médicolégale du 7
juillet 2011, réalisé par le docteur S.________, médecin chirurgien et
spécialiste en médecine du travail, à la demande du Tribunal de U.________
(Italie).
L'office AI a conclu au rejet du recours, en se référant à un rapport de la
doctoresse H.________, médecin au SMR, du 23 juin 2009.
Par ordonnance du 4 avril 2011, la juridiction cantonale a mis en oeuvre une
expertise pluridisciplinaire qu'elle a confiée aux docteurs B.________ (pour la
partie rhumatologique), L.________ (pour la partie psychiatrique) et I.________
(pour la partie oto-neurologique). Le rapport d'expertise a été déposé le 31
janvier 2012. Le 19 avril 2012, le tribunal a entendu les docteurs I.________
et L.________.
Par jugement du 1er novembre 2012, le tribunal cantonal a admis très
partiellement le recours en ce sens que le droit à la rente entière a été
prolongé jusqu'au 31 janvier 2005. Les premiers juges ont précisé qu'il
incombera à l'office AI de rendre une décision pour la période postérieure au
mois de mai 2009, le cas échéant en procédant à un complément d'instruction sur
le plan otologique.

C.
O.________ interjette un recours en matière de droit public contre ce jugement
dont il demande l'annulation, avec suite de dépens, en concluant principalement
à la reconnaissance de son droit à une rente entière d'invalidité depuis le 1er
janvier 2005, subsidiairement au renvoi de la cause à l'instance cantonale pour
instruction complémentaire psychiatrique et oto-neurologique, suivi d'une
nouvelle décision.

Considérant en droit:

1.
Le litige porte sur le maintien du droit du recourant à une rente d'invalidité
au-delà du 31 janvier 2005. Singulièrement, est contesté le point de savoir si
l'état de santé du recourant lui permettait, à partir d'octobre 2004, d'exercer
à nouveau une activité lucrative dans une mesure justifiant la suppression par
voie de révision de la rente entière dont il bénéficiait depuis le 1er novembre
2003.
Lorsque l'administration rend une nouvelle décision relative à des prestations
à la suite d'un jugement de renvoi, le champ d'examen ratione temporis du juge
des assurances s'étend jusqu'au jour où cette décision est prise (arrêt 9C_235/
2009 du 30 avril 2009 consid. 3.3), en l'occurrence le 4 mai 2009.
Les premiers juges ont exposé correctement les règles applicables à la solution
du litige, si bien qu'il suffit de renvoyer au jugement attaqué.

2.
2.1 En ce qui concerne le volet psychiatrique, les juges cantonaux ont suivi
les conclusions de l'expertise judiciaire. Ils ont retenu que le recourant
avait présenté un trouble anxio-dépressif dès l'année 2001. De 2003 à 2008,
celui-ci avait évolué en une dysthymie alternant avec un épisode dépressif
léger, voire moyen, sans syndrome somatique entre mai et novembre 2008. Depuis
mars 2011, on se trouvait en présence d'un épisode dépressif moyen avec
syndrome somatique, accompagné de troubles mixtes de la personnalité
décompensés.
De l'avis du tribunal cantonal, seul l'état de stress post-traumatique,
conjugué avec la problématique dépressive, a eu une réelle incidence sur la
capacité de travail du recourant et justifié temporairement l'octroi d'une
rente entière d'invalidité. A compter du moment où l'état de stress
post-traumatique n'avait plus de répercussion sur la capacité de travail (le 11
octobre 2004), il fallait considérer que l'état de santé psychique du recourant
s'était amélioré. Dès lors que seule la problématique dépressive subsistait,
sans présenter de caractère invalidant, la rente devait être supprimée trois
mois après le 11 octobre 2004, soit à partir du 1er février 2005 (art. 88a al.
1 RAI) au lieu du 1er janvier 2005.

2.2 Le recourant soutient qu'il n'avait pas recouvré de capacité de travail en
octobre 2004 et qu'une incapacité totale perdurait depuis lors. A son avis, les
explications de la doctoresse L.________ ne sont pas convaincantes. D'une part,
elles procèdent d'une mauvaise lecture des rapports du docteur N.________;
d'autre part, elles reviennent en définitive à reconnaître, sur le plan
psychique, l'existence d'une pleine capacité de travail à compter du mois
d'octobre 2004 puis d'une incapacité totale dès mars 2011, sans opérer de
nuance entre ces deux époques. Dans la mesure où le docteur N.________ avait
retenu une incapacité totale de travail dans toute activité en 2009 et que les
diagnostics de ce médecin n'ont pas été contestés, son appréciation de
l'incapacité de travail devrait être suivie.
Par ses griefs, le recourant se plaint d'une appréciation arbitraire des
preuves, laquelle aurait abouti à des constats de fait manifestement erronés
(art. 95 let. a et 97 al. 1 LTF).

2.3 En principe, le juge ne s'écarte pas sans motifs impératifs des conclusions
d'une expertise médicale judiciaire, la tâche de l'expert étant précisément de
mettre ses connaissances spéciales à la disposition de la justice afin de
l'éclairer sur les aspects médicaux d'un état de fait donné. Selon la
jurisprudence, peut constituer une raison de s'écarter d'une expertise
judiciaire le fait que celle-ci contient des contradictions, ou qu'une
surexpertise ordonnée par le tribunal en infirme les conclusions de manière
convaincante. En outre, lorsque d'autres spécialistes émettent des opinions
contraires aptes à mettre sérieusement en doute la pertinence des déductions de
l'expert, on ne peut exclure, selon les cas, une interprétation divergente des
conclusions de ce dernier par le juge ou, au besoin, une instruction
complémentaire sous la forme d'une nouvelle expertise médicale (ATF 125 V 351
consid. 3b/aa p. 352 et les références).
Par ailleurs, lorsque, comme en l'occurrence, l'autorité cantonale juge
l'expertise judiciaire concluante et en fait sien le résultat, le Tribunal
fédéral n'admet le grief d'appréciation arbitraire que si l'expert n'a pas
répondu aux questions posées, si ses conclusions sont contradictoires ou si,
d'une quelconque autre façon, l'expertise est entachée de défauts à ce point
évidents et reconnaissables, même sans connaissances spécifiques, que le juge
ne pouvait tout simplement pas les ignorer. Il n'appartient pas au Tribunal
fédéral de vérifier si toutes les affirmations de l'expert sont exemptes
d'arbitraire; sa tâche se limite bien plutôt à examiner si l'autorité intimée
pouvait, sans arbitraire, se rallier au résultat de l'expertise (arrêt 9C_667/
2012 du 16 novembre 2012 consid. 4.1).

2.4 L'expertise pluridisciplinaire que la juridiction cantonale avait mise en
oeuvre auprès des médecins du Centre d'expertises médicales T.________, par
ordonnance du 4 avril 2011, avait notamment pour but de départager les
conclusions divergentes des médecins (singulièrement du Centre d'expertise
médicale Z.________ et du docteur N.________) qui s'étaient exprimés sur les
atteintes à la santé psychique dont souffrait le recourant et les conséquences
de celles-ci sur la capacité de travail.
Contrairement à ce que le recourant laisse entendre, le rapport d'expertise du
31 janvier 2012 n'est pas entaché de vices qui lui ôteraient toute force
probante. A propos de la doctoresse L.________, on relèvera qu'elle a précisé,
lors de son audition du 19 avril 2012, que l'épisode dépressif moyen n'était
pas incapacitant en 2008, car un syndrome somatique faisait défaut. De la
sorte, l'experte a clairement justifié les raisons pour lesquelles son
appréciation divergeait de celle que le docteur N.________ avait donnée en
2009.
Compte tenu de son pouvoir d'examen restreint, il n'appartient pas au Tribunal
fédéral de procéder une nouvelle fois à l'appréciation des preuves
administrées. Il incombait au recourant d'établir en quoi la juridiction
cantonale aurait mal administré et apprécié les preuves (cf. art. 61 let. c
LPGA), en constatant de manière manifestement inexacte ou en violation du droit
que son état de santé psychique s'était amélioré à compter du mois d'octobre
2004, au point de ne plus présenter, jusqu'au 4 mai 2009, une invalidité
ouvrant droit aux prestations de l'AI. Singulièrement, le recourant devait
démontrer que les premiers juges avaient suivi à tort le raisonnement de
l'experte judiciaire, lorsque cette dernière attestait que l'épisode dépressif
moyen n'était pas incapacitant en 2008 en l'absence d'un syndrome somatique. Il
n'y est pas parvenu.

3.
3.1 A propos du volet otoneurologique, les premiers juges ont retenu que les
affections dont le recourant souffrait en 1997 (maladie de Ménière) ne
s'étaient pas aggravées au point d'être invalidantes en octobre 2004. Pour la
période suivante, jusqu'en mai 2009, les juges cantonaux ont admis que le
recourant disposait encore d'une capacité de travail entière dans une activité
adaptée à ses troubles auditifs. Les juges ont constaté que les experts
n'avaient pas été en mesure de quantifier l'augmentation progressive de
l'incapacité de travail liée aux troubles auditifs, laquelle était devenue
totale en janvier 2012.

3.2 Le recourant reproche à la juridiction cantonale de n'avoir pas ordonné de
plus amples investigations sur cette question, violant ainsi le principe de la
maxime inquisitoire. A son avis, les premiers juges se sont réfugiés à tort
derrière le principe selon lequel le doute ne devrait pas lui profiter (cf. ATF
126 V 319 consid. 5a p. 322).

3.3 A l'instar de ce qui a été exposé pour les troubles psychiques, le
recourant n'a non plus établi que les premiers juges auraient mal administré et
apprécié les preuves en constatant, de manière manifestement inexacte ou en
violation du droit, que ses problèmes auditifs n'avaient pas encore atteint, le
4 mai 2009, un seuil invalidant dans une activité adaptée à ses problèmes
auditifs. Dès lors que les faits retenus par la juridiction cantonale
apparaissaient comme les plus vraisemblables, au degré de la vraisemblance
prépondérante, cette autorité ne pouvait pas statuer en faveur du recourant
comme il le lui reproche (cf. ATF 126 précité).

4.
Le recourant, qui succombe, supportera les frais de la procédure (art. 66 al. 1
LTF).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté.

2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 500 fr., sont mis à la charge du recourant.

3.
Le présent arrêt est communiqué aux parties, à la Cour de justice de la
République et canton de Genève, Chambre des assurances sociales, et à l'Office
fédéral des assurances sociales.

Lucerne, le 10 avril 2013
Au nom de la IIe Cour de droit social
du Tribunal fédéral suisse

Le Président: Kernen

Le Greffier: Berthoud