Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
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II. Sozialrechtliche Abteilung, Beschwerde in öffentlich-rechtlichen Angelegenheiten 9C 861/2012
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Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal

{T 0/2}
9C_861/2012

Arrêt du 6 février 2013
IIe Cour de droit social

Composition
MM. et Mme les Juges fédéraux Kernen, Président, Meyer et Glanzmann.
Greffière: Mme Moser-Szeless.

Participants à la procédure
Office de l'assurance-invalidité du canton de Genève, rue des Gares 12, 1201
Genève,
recourant,

contre

R.________, représentée par Me Eric Maugué, avocat,
intimée.

Objet
Assurance-invalidité (rente d'invalidité; reconsidération),

recours contre le jugement de la Cour de justice de la République et canton de
Genève, Chambre des assurances sociales, du 19 septembre 2012.

Faits:

A.
A.a R.________, ressortissante espagnole née en 1967 et titulaire d'un
Certificat fédéral de capacité (CFC) de vendeuse, a travaillé au service de
X.________ à plein temps à partir du 9 octobre 1989, en qualité de
collaboratrice. Elle exerçait en parallèle une activité accessoire de concierge
auprès de la Régie Y.________ SA.
Le 3 janvier 2002, R.________ a présenté une demande de prestations de
l'assurance-invalidité, en invoquant subir une incapacité de travail entière
depuis le 5 février 2001, puis partielle (50 %) dès le 1er novembre 2001 en
raison de troubles rhumatologiques. Par la suite, elle a conclu un nouveau
contrat de travail avec son employeur à un taux de 50 %. Le 17 décembre 2002,
l'Office de l'assurance-invalidité du canton de Genève (ci-après: l'office AI)
a alloué à l'assurée une demi-rente d'invalidité, fondée sur un taux
d'invalidité de 50 %, à partir du 1er février 2002.
A.b Saisie d'une demande de révision présentée par l'assurée le 2 avril 2004,
l'office AI a pris différents renseignements médicaux et économiques; il a été
informé par l'employeur de l'assurée qu'elle n'avait pas pu reprendre le
travail depuis le 3 novembre 2003, puis que les rapports de travail allaient
être résiliés au 31 mai 2006.
Par décision du 25 novembre 2009, l'office AI a reconsidéré son prononcé
initial et réduit la rente de l'intéressée à un quart de rente dès le 1er
janvier 2010, fondé sur un degré d'invalidité de 41 %.
A.c Cette décision a été annulée sur recours de l'assurée par le Tribunal
cantonal des assurances sociales de la République et canton de Genève
(aujourd'hui, Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre des
assurances sociales), qui a renvoyé la cause à l'administration pour la mise en
oeuvre d'une expertise interdisciplinaire (jugement du 15 avril 2010). Celle-ci
a été confiée au Centre d'expertise médical Z.________, qui a rendu ses
conclusions le 13 mai 2011.
Par décision du 14 mars 2012, l'office AI a refusé à R.________ le droit à des
mesures d'orientation ou de reclassement professionnels et derechef réduit la
rente à un quart de rente dès le 1er janvier 2010. En bref, il a retenu que son
prononcé initial du 17 décembre 2002 était entaché d'erreurs manifestes dans
l'évaluation de l'invalidité et devait être reconsidéré: le revenu d'invalide
avait à tort été déterminé en fonction d'une convention collective de travail;
le revenu sans invalidité relatif à l'activité de collaboratrice avait été
surévalué, alors que le salaire tiré de l'activité accessoire n'avait pas été
pris en compte; l'abattement de 25 % sur le revenu d'invalide n'était pas
justifié (seul 15 % était admissible).

B.
Statuant le 19 septembre 2012 sur le recours interjeté par l'assurée contre
cette décision, la Cour de justice genevoise, Chambre des assurances sociales,
l'a partiellement admis dans le sens des considérants. Annulant la décision du
14 mars 2012 en tant qu'elle réduit la rente à un quart de rente à compter du
1er janvier 2010, elle a condamné l'office AI à payer à la recourante le
complément différentiel depuis cette date.

C.
L'office AI interjette un recours en matière de droit public contre ce
jugement, dont il demande l'annulation.
R.________ conclut au rejet du recours, tandis que l'Office fédéral des
assurances sociales a renoncé à se déterminer.

Considérant en droit:

1.
Le recours en matière de droit public (art. 82 ss LTF) peut être formé pour
violation du droit au sens des art. 95 et 96 LTF. Le Tribunal fédéral applique
le droit d'office (art. 106 al. 1 LTF), n'examine en principe que les griefs
invoqués (art. 42 al. 2 LTF) et fonde son raisonnement sur les faits retenus
par la juridiction de première instance (art. 105 al. 1 LTF), sous réserve des
cas prévus à l'art. 105 al. 2 LTF. Le recourant ne peut critiquer la
constatation de faits importants pour le jugement de la cause que si ceux-ci
ont été établis en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF ou de manière
manifestement inexacte (art. 97 al. 1 LTF), c'est-à-dire de manière arbitraire
et si la correction du vice est susceptible d'influer sur le sort de la cause (
ATF 134 V 53 consid. 4.3 p. 62 et les références).

2.
Au regard des motifs et conclusions du recours, le litige porte sur la
réduction, par la voie de la reconsidération (art. 53 al. 2 LPGA), de la
demi-rente d'invalidité initialement allouée à l'intimée à un quart de rente
dès le 1er janvier 2010. A cet égard, le jugement entrepris expose de manière
complète les règles légales et les principes jurisprudentiels sur la
reconsidération d'une décision entrée en force. Il suffit d'y renvoyer.

3.
Examinant chacun des motifs indiqués par l'office AI pour justifier la
reconsidération de la décision du 17 décembre 2002, les premiers juges ont
retenu que ni la référence au salaire du secteur de la vente pour déterminer le
salaire avec invalidité (47'265 fr.) - qui correspondait à quelques centaines
de francs près à celui résultant des salaires statistiques de l'Enquête suisse
sur la structure des salaires (ESS) 2002 (47'788 fr.) -, ni l'abattement de 25
% sur celui-ci ne relevaient d'erreurs manifestes. Sur ce point, ils ont
considéré que l'abattement, qui constituait une question d'appréciation, avait
été examiné et déterminé par le recourant sur la base de la situation de fait
et de droit de l'époque, sans qu'il eût fait un usage manifestement
insoutenable de son pouvoir d'appréciation ou ignoré voire manqué de preuves
quant aux faits essentiels. En ce qui concerne le revenu sans invalidité, la
juridiction cantonale a constaté que le salaire de 70'307 fr. retenu à l'époque
correspondait au revenu réalisé par l'assurée auprès de X.________ (réactualisé
à 2002), de sorte qu'il n'avait pas été surévalué. En revanche, l'office AI
avait omis de prendre en compte le revenu accessoire réalisé par l'assurée
(7'861 fr. après adaptation en 2002), de sorte que le revenu sans invalidité
s'élevait à 78'168 fr.
Aussi, les premiers juges ont-ils procédé à une nouvelle comparaison des
revenus en tenant compte du salaire sans invalidité rectifié, ainsi que de
l'abattement de 25 % sur le salaire d'invalide; ils ont fixé à 55 % le taux
d'invalidité qu'aurait dû retenir l'administration. Ils ont dès lors conclu que
la reconsidération de la décision du 17 décembre 2002 était contraire au droit.

4.
Le recourant reproche exclusivement à la juridiction cantonale d'avoir
considéré de manière arbitraire que l'abattement de 25 % sur le salaire avec
invalidité ne constituait pas une erreur manifeste justifiant la
reconsidération de la décision initiale de (demi-)rente. En premier lieu, il
soutient que l'administration n'avait à l'époque pas examiné dans quelle mesure
une réduction sur le salaire avec invalidité se justifiait en raison des
différents facteurs déterminants. Or, aucun des critères de déduction n'entrait
alors en ligne de compte, les répercussions des limitations fonctionnelles
présentées par l'assurée sur le revenu d'invalide ayant déjà été incluses dans
le cadre de l'évaluation de la capacité de travail de l'intéressée. De l'avis
du recourant, en n'analysant pas l'abattement à la lumière des circonstances
prévalant à l'époque, la juridiction cantonale avait procédé de façon
arbitraire.
En second lieu, le recourant fait valoir que les premiers juges n'étaient pas
en droit de reprendre tel quel l'abattement de 25 %, qu'il avait initialement
retenu de manière erronée, lorsqu'ils ont effectué la comparaison des revenus
déterminants. Selon la jurisprudence (arrêt 8C_753/2009 du 28 octobre 2009), le
fait que l'administration avait accordé à un assuré une déduction sur le
salaire statistique (trop) généreuse n'avait pas pour conséquence de donner à
celui-ci le droit à la même déduction tout aussi élevée lors d'un examen
ultérieur des prestations. L'autorité cantonale de recours aurait par
conséquent dû calculer le degré d'invalidité en fonction d'un abattement de 15
% sur le revenu d'invalide, ce qui conduisait à un taux d'invalidité de 48 %,
ouvrant le droit à un quart de rente d'invalidité seulement.

5.
5.1
5.1.1 Comme l'a rappelé à juste titre la juridiction cantonale, pour pouvoir
qualifier une décision de manifestement erronée, il ne suffit pas que
l'assureur social ou le juge, en réexaminant l'un ou l'autre aspect du droit à
la prestation d'assurance, procède simplement à une appréciation différente de
celle qui avait été effectuée à l'époque et qui était, en soi, soutenable. Pour
des motifs de sécurité juridique, l'irrégularité doit être manifeste, de
manière à éviter que la reconsidération devienne un instrument autorisant sans
autre limitation un nouvel examen des conditions à la base des prestations de
longue durée. En particulier, les organes d'application ne sauraient procéder
en tout temps à une nouvelle appréciation de la situation après un examen plus
approfondi des faits. Ainsi, une inexactitude manifeste ne saurait être admise
lorsque l'octroi de la prestation dépend de conditions matérielles dont
l'examen suppose un pouvoir d'appréciation, quant à certains de leurs aspects
ou de leurs éléments, et que la décision initiale paraît admissible compte tenu
de la situation antérieure de fait et de droit. S'il subsiste des doutes
raisonnables sur le caractère erroné de la décision initiale, les conditions de
la reconsidération ne sont pas remplies (arrêts 9C_575/2007 du 18 octobre 2007
consid. 2.2; I 907/06 du 7 mai 2007 consid. 3.2.1).
5.1.2 On précisera par ailleurs qu'une déduction sur le montant du salaire
d'invalide résultant des statistiques en raison d'empêchements propres à
l'assuré ne doit pas être opérée automatiquement, mais seulement lorsqu'il
existe des indices qu'en raison d'un ou de plusieurs facteurs, l'intéressé ne
peut mettre en valeur sa capacité résiduelle de travail sur le marché du
travail qu'avec un résultat économique inférieur à la moyenne. Par ailleurs, il
n'y a pas lieu de procéder à des déductions distinctes pour chacun des facteurs
entrant en considération comme les limitations liées au handicap, l'âge, les
années de service, la nationalité ou la catégorie de permis de séjour, ou
encore le taux d'occupation. Il faut bien plutôt procéder à une évaluation
globale, dans les limites du pouvoir d'appréciation, des effets de ces facteurs
sur le revenu d'invalide, compte tenu de l'ensemble des circonstances du cas
concret. Une déduction globale maximale de 25 % sur le salaire statistique
permet de tenir compte des différents éléments qui peuvent influencer le revenu
d'une activité lucrative (ATF 126 V 75 consid. 5b/aa-cc p. 79).

5.2 Quoi qu'en dise le recourant, l'appréciation à laquelle a procédé la
juridiction cantonale en niant le caractère manifestement erroné de
l'abattement de 25 % retenu au moment de la décision initiale n'est pas
arbitraire.
5.2.1 La déduction sur le salaire d'invalide - pour l'application de laquelle
l'administration dispose précisément d'une marge d'appréciation importante
quant à son étendue (ATF 137 V 71 consid. 5.2 p. 74) -, qui correspond en
l'espèce à la limite maximale admise par la jurisprudence, peut certes sembler
relativement généreuse. Il n'apparaît toutefois pas que le recourant ait à
l'époque fait usage de son pouvoir d'appréciation de façon inadmissible ou en
méconnaissant les critères à la lumière desquels doit être déterminée l'étendue
de l'abattement. Il ressort en effet des constatations de la juridiction
cantonale qu'à l'époque déterminante, le médecin traitant de l'assurée avait
mis en évidence des limitations fonctionnelles (rapport du docteur B.________
du 28 janvier 2002) que l'office AI a pris en compte dans l'évaluation de
l'invalidité. Les restrictions décrites par le médecin traitant ont en effet
été reprises sans aucune réserve par l'administration dans le rapport de la
division de réadaptation (du 2 juillet 2002), en ce qui concerne le métier de
vendeuse considéré comme une activité adaptée. Il se justifiait dès lors de
procéder à un abattement sur le salaire d'invalide - dont le montant retenu
correspondait à peu de chose près au salaire ESS - en raison des circonstances
particulières liées au handicap de l'assurée. Contrairement à ce qu'affirme le
recourant, il n'avait pas déjà tenu compte de celles-ci "par une réduction de
la capacité de travail admise", puisqu'il a déterminé le revenu d'invalide en
fonction d'une capacité de travail de 100 % (et d'un rendement de 100 %) dans
une activité adaptée, comme le montre l'évaluation théorique de salaire à
laquelle a procédé la division de réadaptation professionnelle (rapport du 2
juillet 2002). Le recourant ne saurait donc sérieusement prétendre avoir
doublement pris en considération les limitations de l'assurée dues à son
handicap. Au contraire, il n'a pas fait un usage manifestement erroné de son
pouvoir d'appréciation en appliquant une déduction de 25 % sur le salaire
d'invalide en raison de l'un au moins des facteurs permettant un tel
abattement, à la lumière d'une appréciation globale de la situation (consid.
5.1.2 supra).
5.2.2 En conséquence de ce qui précède, le second argument du recourant tombe
également à faux. Dès lors que l'abattement en cause ne relevait pas d'une
erreur manifeste, la nouvelle comparaison des revenus effectuée par la
juridiction cantonale en fonction d'un revenu sans invalidité rectifié et de
ladite déduction sur le revenu d'invalide n'est également pas critiquable. Au
demeurant, comme le fait valoir à juste titre l'intimée, la jurisprudence
invoquée par le recourant (arrêt 8C_753/2009 cité) ne concerne pas un cas de
reconsidération, mais l'examen d'une nouvelle demande de rente, qui n'est pas
soumise aux conditions particulières de la reconsidération. Le recourant ne
peut donc rien en tirer en sa faveur.

5.3 En conclusion, l'appréciation des premiers juges selon laquelle le
recourant n'était pas en droit de réduire la demi-rente d'invalidité
initialement accordée à l'intimée, n'est aucunement arbitraire, ni autrement
contraire au droit. Le recours se révèle par conséquent mal fondé.

6.
Vu l'issue de la procédure, le recourant supportera les frais de justice y
afférents (art. 66 al. 1 LTF), de même que l'indemnité de dépens pour
l'instance fédérale que peut prétendre l'intimée (art. 68 al. 1 LTF).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté.

2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 500 fr., sont mis à la charge du recourant.

3.
Le recourant versera à l'intimée la somme de 2'500 fr. à titre de dépens pour
la procédure devant le Tribunal fédéral.

4.
Le présent arrêt est communiqué aux parties, à la Cour de justice de la
République et canton de Genève, Chambre des assurances sociales, et à l'Office
fédéral des assurances sociales.

Lucerne, le 6 février 2013
Au nom de la IIe Cour de droit social
du Tribunal fédéral suisse

Le Président: Kernen

La Greffière: Moser-Szeless