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II. Sozialrechtliche Abteilung, Beschwerde in öffentlich-rechtlichen Angelegenheiten 9C 713/2012
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Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal

{T 0/2}
9C_713/2012

Arrêt du 28 janvier 2013
IIe Cour de droit social

Composition
MM. et Mme les Juges fédéraux Kernen, Président, Borella et Pfiffner Rauber.
Greffière: Mme Moser-Szeless.

Participants à la procédure
R.________,
représenté par Me Jean-Daniel Kramer, avocat,
recourant,

contre

Caisse interprofessionnelle neuchâteloise de compensation pour l'industrie, le
commerce et les arts et métiers CICICAM CINALFA, Rue de la Serre 4, 2000
Neuchâtel,
intimée,

Caisse nationale suisse d'assurance en cas d'accidents, Fluhmattstrasse 1, 6004
Lucerne,
U.________,
I.________,
A.________,
E.________,

Objet
Assurance-vieillesse et survivants,

recours contre le jugement du Tribunal cantonal de la République et canton de
Neuchâtel, Cour de droit public, du 10 août 2012.

Faits:

A.
R.________ exploite sous la raison individuelle N.R.________, une entreprise
X.________ à B.________. En sa qualité d'employeur, il est affilié à la Caisse
interprofessionnelle neuchâteloise de compensation pour l'industrie, le
commerce et les arts et métiers CICICAM-CINALFA (ci-après: la caisse).
A la suite d'un contrôle d'employeur exécuté à sa demande par la Caisse
nationale suisse d'assurance en cas d'accidents (CNA), qui a rendu son rapport
de révision le 29 septembre 2010, la caisse a constaté que R.________ n'avait
pas déclaré les rétributions versées à U.________ de 2005 à 2009, à I.________
en 2009, à A.________ en 2009 et à E.________ en 2008 et 2009. De son côté, la
CNA a rendu quatre décisions sur opposition le 2 novembre 2011 (dont copie a
été adressée à l'entreprise N.R.________, par lesquelles elle a confirmé
respectivement à U.________, I.________, A.________ et E.________ qu'elle les
considérait comme des personnes exerçant une activité lucrative dépendante.
Le 8 décembre 2010, la caisse a réclamé à R.________ des cotisations paritaires
sur les sommes versées aux quatre prénommés, pour la période du 1er janvier
2005 au 31 décembre 2009, pour un montant total de 68'219 fr. 85 (y compris les
intérêts moratoires). R.________ ayant contesté cette décision, la caisse a
confirmé son point de vue par décision sur opposition du 9 décembre 2011.

B.
Statuant le 10 août 2012 sur le recours formé par R.________ contre cette
décision, le Tribunal cantonal de la République et canton de Neuchâtel, Cour de
droit public, l'a rejeté.

C.
Agissant par la voie du recours en matière de droit public, R.________ demande
principalement au Tribunal fédéral d'annuler, sous suite de frais et dépens, le
jugement cantonal ainsi que les décisions des 9 décembre 2011 et 8 décembre
2010, et de constater à la forme une violation de son droit d'être entendu et
de la maxime inquisitoire. A titre subsidiaire, il réitère quant au fond sa
conclusion en annulation du jugement cantonal et des décisions administratives.
La caisse conclut au rejet du recours.
U.________, I.________, A.________ et E.________ n'ont pas fait usage de la
faculté qui leur a été donnée de s'exprimer sur le recours. L'Office fédéral
des assurances sociales et la CNA renoncent également à se déterminer.

Considérant en droit:

1.
Le recours en matière de droit public (art. 82 s. LTF) peut être formé
notamment pour violation du droit fédéral (art. 95 let. a LTF). Le Tribunal
fédéral statue sur la base des faits établis par l'autorité précédente (art.
105 al. 1 LTF) et peut rectifier ou compléter d'office les constatations de
celle-ci si les faits ont été établis de façon manifestement inexacte ou en
violation du droit au sens de l'art. 95 LTF (art. 105 al. 2 LTF). La correction
du vice doit être susceptible d'influer sur le sort de la cause (art. 97 al. 1
LTF). Le Tribunal fédéral applique le droit d'office (art. 106 al. 1 LTF).

2.
2.1 Par un moyen de nature formelle qu'il convient d'examiner en premier, le
recourant se plaint d'une double violation de son droit d'être entendu (art. 29
al. 2 Cst.). Il reproche à l'intimée d'avoir rendu une décision (sur
opposition) insuffisamment motivée. Il fait valoir que dans son prononcé du 9
décembre 2011, la caisse ne s'est pas référée aux procès-verbaux de la CNA
concernant les entretiens que celle-ci avait menés avec les quatre personnes
dont elle a ensuite remis en cause le statut d'indépendant, alors que l'intimée
aurait été tenue à tout le moins de résumer leurs déclarations (tendant
justement à démontrer leur statut d'indépendant) et d'expliquer pourquoi elle
avait décidé d'écarter celles-ci.
Le recourant se plaint aussi de n'avoir pas été entendu par l'intimée, dans la
mesure où il n'a pas été associé à la procédure d'instruction menée par la CNA
à la requête de l'intimée. En particulier, le rapport de révision élaboré par
l'assureur-accidents ne lui a pas été soumis pour signature et il n'a jamais vu
le collaborateur de la CNA ayant rédigé ledit rapport.
2.2
2.2.1 La jurisprudence a déduit du droit d'être entendu (art. 29 al. 2 Cst.),
en particulier, le droit pour le justiciable de s'expliquer avant qu'une
décision ne soit prise à son détriment, celui de fournir des preuves quant aux
faits de nature à influer sur le sort de la décision, celui d'avoir accès au
dossier, celui de participer à l'administration des preuves, d'en prendre
connaissance et de se déterminer à leur propos (ATF 135 I 279 consid. 2.3 p.
282; 135 II 286 consid. 5.1 p. 293; 132 V 368 consid. 3.1 p. 370). En
particulier, une condition nécessaire du droit de consulter le dossier est que
l'autorité, lorsqu'elle verse au dossier de nouvelles pièces dont elle entend
se prévaloir dans son jugement, soit tenue d'en aviser les parties. Encore
qu'elle ne soit pas obligée de les renseigner sur chaque production de pièces,
car il suffit qu'elle tienne le dossier à leur disposition (ATF 128 V 278
consid. 5b/bb et les références).
Constitue également un aspect du droit d'être entendu, consacré à l'art. 29 al.
2 Cst., le devoir pour l'autorité de motiver sa décision, afin que le
destinataire puisse la comprendre, la contester utilement s'il y a lieu et que
l'autorité de recours puisse exercer son contrôle. Pour répondre à ces
exigences, il suffit que l'autorité mentionne au moins brièvement les motifs
qui l'ont guidée et sur lesquels elle a fondé sa décision; elle n'a toutefois
pas l'obligation d'exposer et de discuter tous les arguments invoqués par les
parties. Il n'y a violation du droit d'être entendu que si l'autorité ne
satisfait pas à son devoir minimum d'examiner les problèmes pertinents (ATF 129
I 232 consid. 3.2 p. 236; 126 I 97 consid. 2b p. 102 s.).
2.2.2 Le droit d'être entendu est une garantie constitutionnelle de caractère
formel, dont la violation doit en principe entraîner l'annulation de la
décision attaquée indépendamment des chances de succès du recourant sur le fond
(ATF 127 V 431 consid. 3d/aa p. 437).

2.3 Il ressort du dossier de l'intimée qu'en notifiant sa décision initiale au
recourant, elle lui a également transmis une copie du rapport de révision de la
CNA (du 29 septembre 2010). A réception de l'opposition du recourant à son
prononcé, la caisse a ensuite invité l'assureur-accidents à lui faire part de
ses éventuelles observations sur la contestation du recourant (courrier du 1er
février 2011 à l'agence de la CNA à B.________). En réponse (courriel du 8
février 2011), la CNA a indiqué à l'intimée qu'elle allait procéder à une
nouvelle enquête auprès des personnes concernées (à savoir, U.________,
I.________, A.________ et E.________). Par la suite, elle lui a fait parvenir
une copie du dossier relatif à chacune des personnes prénommées, lequel
comprenait notamment les procès-verbaux d'entretien mené par un collaborateur
de la CNA avec elles à partir du mois de février 2011.
Dans la motivation de sa décision sur opposition, l'intimée a brièvement
mentionné "l'enquête effectuée par le contrôleur de la SUVA", pour en déduire
que les quatre intéressés avaient exercé une activité dépendante pour le compte
de l'entreprise N.R.________. Au cours de la procédure cantonale, elle a en
revanche précisé avoir interpellé la collaboratrice de la CNA ayant effectué le
contrôle de l'employeur et lui avoir demandé des éclaircissements. Elle a par
ailleurs exposé les mesures d'enquête auxquelles a procédé la CNA à partir du
début de l'année 2011 et indiqué qu'elle-même "s'est basée sur l'instruction
menée par la SUVA pour rendre la décision contestée du 9 décembre 2011", en
évoquant l'une ou l'autre déclaration des quatre personnes en cause (par
exemple, déclaration de U.________ du 23 février 2011, audition de I.________
des 9 et 23 février 2011).

2.4 Dans ces circonstances, il apparaît, d'une part, que ce n'est qu'au stade
de la procédure de recours cantonale que l'intimée a fourni une motivation plus
complète de la décision du 9 décembre 2011 sous la forme de sa réponse au
recours; elle s'est alors référée de manière détaillée aux déclarations des
personnes entendues par la CNA, alors qu'elle n'avait mentionné que de façon
générale l'enquête menée par celle-ci dans son prononcé sur opposition.
Par ailleurs, l'intimée a fondé sa décision sur des pièces qu'elle a versées au
dossier - à une date qui ne ressort du reste pas des documents qu'elle a
produits en instance cantonale - sans en aviser le recourant au préalable. A
cet égard, contrairement à ce qu'a retenu la juridiction cantonale, il
n'appartenait pas au recourant de demander "la transmission des dossiers
constitués par la CNA concernant U.________, I.________, A.________ ainsi que
E.________, dans lesquels se trouvaient en particulier leurs déclarations
faites à l'assureur-accidents". Il incombait, à l'inverse, à l'intimée dans la
procédure distincte de celle menée par la CNA, de respecter le droit d'être
entendu du recourant et de l'avertir, si ce n'est du détail des mesures
d'instruction (déléguées à la CNA) en cours, du moins du résultat de celles-ci.
Le recourant avait certes reçu une copie des décisions rendues par la CNA à
l'égard des quatre personnes prénommées dans le cadre de la procédure initiée
par l'assureur-accidents, mais il n'avait pas à s'attendre à ce que l'intimée
reprenne entièrement à son compte les démarches de celui-ci, ni à s'enquérir du
résultat de l'instruction de la CNA pour anticiper en quelque sorte l'action et
la décision de la caisse. Compte tenu de l'importance accordée par l'intimée
aux auditions menées par l'assureur-accidents, dont elle s'est prévalue par la
suite pour motiver (après coup) sa décision, elle aurait été tenue d'attirer
l'attention du recourant sur le résultat de l'instruction, pour que celui-ci
pût décider de consulter les pièces y relatives, respectivement se déterminer à
leur sujet.
En conséquence, la manière de procéder de l'intimée consacre une violation du
droit d'être entendu du recourant, qui ne peut pas être considérée comme
réparée en instance cantonale (sur les conditions d'une telle réparation, voir
ATF 133 I 201 consid. 2.2 p. 204; 127 V 431 consid. 3d/aa p. 437), dès lors que
les premiers juges ont nié toute violation de la garantie constitutionnelle en
cause et rejeté la demande du recourant d'entendre les personnes interrogées
par la CNA (cf. réplique du 22 mars 2012).

2.5 Sans se prononcer sur le fond du litige, il se justifie dès lors d'annuler
le jugement entrepris et la décision sur opposition de l'intimée, et de lui
renvoyer la cause, afin qu'elle donne la possibilité au recourant de se
déterminer sur les pièces du dossier qu'elle a constitué, puis rende une
décision motivée à satisfaction de droit. Le recours se révèle dès lors bien
fondé.

3.
Vu l'issue de la procédure, l'intimée, qui succombe, supportera les frais de la
procédure (art. 66 al. 1 LTF) et versera au recourant une indemnité de dépens
(art. 68 al. 1 LTF).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est admis. La décision du Tribunal cantonal de la République et
canton de Neuchâtel, Cour de droit public, du 10 août 2012 et la décision sur
opposition de la Caisse interprofessionnelle neuchâteloise de compensation pour
l'industrie, le commerce et les arts et métiers CICICAM-CINALFA du 9 décembre
2011 sont annulées. La cause est renvoyée à ladite caisse pour qu'elle procède
conformément aux considérants.

2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 500 fr., sont mis à la charge de l'intimée.

3.
L'intimée versera au recourant la somme de 2'800 fr. à titre de dépens pour la
procédure devant le Tribunal fédéral.

4.
La cause est renvoyée au Tribunal cantonal de la République et canton de
Neuchâtel, Cour de droit public pour nouvelle décision sur les dépens de la
procédure antérieure.

5.
Le présent arrêt est communiqué aux parties, à la Caisse nationale suisse
d'assurance en cas d'accidents, à U.________, à I.________, à A.________, à
E.________, au Tribunal cantonal de la République et canton de Neuchâtel, Cour
de droit public, et à l'Office fédéral des assurances sociales.

Lucerne, le 28 janvier 2013

Au nom de la IIe Cour de droit social
du Tribunal fédéral suisse

Le Président: Kernen

La Greffière: Moser-Szeless