Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
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Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

II. Sozialrechtliche Abteilung, Beschwerde in öffentlich-rechtlichen Angelegenheiten 9C 620/2012
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Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal

{T 0/2}
9C_620/2012

Arrêt du 16 octobre 2012
IIe Cour de droit social

Composition
MM. et Mme les Juges fédéraux U. Meyer, Président, Borella et Pfiffner Rauber.
Greffier: M. Piguet.

Participants à la procédure
Fonds de prévoyance du Crédit Agricole (suisse) SA, chemin de Bérée 46-48, 1010
Lausanne,
représenté par Me Jacques-André Schneider, avocat,
recourant,

contre

Office cantonal AI du Valais,
avenue de la Gare 15, 1950 Sion,
intimé,

T.________, représenté par Me David Providoli, avocat,
Caisse de pensions de la Banque Cantonale Vaudoise, Place Saint-François 14,
1003 Lausanne,
parties intéressées.

Objet
Assurance-invalidité,

recours contre le jugement du Tribunal cantonal du canton du Valais, Cour des
assurances sociales, du 18 juin 2012.

Faits:

A.
T.________, né en 1974, a été engagé à compter du 1er février 2008 par le
Crédit Agricole (Suisse) SA. En incapacité de travail depuis le 3 mars 2008 en
raison de problèmes de nature dépressive, il a vu son contrat de travail être
résilié avec effet au 14 mars 2008.
Le 10 novembre 2009, T.________ a déposé une demande de prestations de
l'assurance-invalidité. Après instruction du cas, l'Office cantonal AI du
Valais (ci-après: l'office AI) a, dans un projet d'acceptation de rente du 22
octobre 2010, informé l'assuré qu'elle entendait lui allouer une rente entière
d'invalidité à compter du 1er mai 2010.
Par courrier du 24 novembre 2010, le Fonds de prévoyance du Crédit Agricole
(Suisse) SA (ci-après: le Fonds de prévoyance) a interpellé l'office AI et émis
des réserves quant à la date retenue pour fixer le début de l'incapacité de
travail, soit le 3 mars 2008, estimant que l'assuré était déjà atteint dans sa
santé avant qu'il ne débute son activité pour le compte du Crédit Agricole
(Suisse) SA.
Par décision du 1er septembre 2011, l'office AI a confirmé la teneur de son
projet de décision du 22 octobre 2010 et alloué à l'assuré une rente entière
d'invalidité à compter du 1er mai 2010. Selon les motifs retenus, l'assuré
présentait une incapacité de travail totale depuis le 29 février 2008 et
pouvait prétendre, dans l'absolu, à une rente entière d'invalidité dès le 1er
février 2009; dans la mesure toutefois où le droit à la rente ne pouvait
prendre naissance au plus tôt qu'à l'échéance d'un délai de six mois après le
dépôt de la demande de prestations et que l'assuré avait déposé sa demande le
10 novembre 2009, il n'avait droit à une rente entière d'invalidité qu'à
compter du 1er mai 2010.

B.
Par jugement du 18 juin 2012, le Tribunal cantonal du canton du Valais, Cour
des assurances sociales, a rejeté le recours formé par le Fonds de prévoyance
contre cette décision.

C.
Le Fonds de prévoyance interjette un recours en matière de droit public contre
ce jugement dont il requiert l'annulation. Il demande principalement de
constater que le début de l'incapacité de travail de T.________ est antérieur à
son affiliation au Fonds de prévoyance et subsidiairement de renvoyer la cause
à la juridiction cantonale pour nouveau jugement au sens des considérants.

Considérant en droit:

1.
Le Tribunal fédéral examine d'office les conditions formelles de validité et de
régularité de la procédure précédente. Il lui appartient notamment d'examiner
la question de savoir si l'autorité de première instance est à juste titre
entrée en matière sur le recours dont elle était saisie. Lorsque l'autorité de
première instance a ignoré qu'une des conditions de recevabilité du recours
faisait défaut et statué sur le fond, il s'agit d'un fait dont il y a lieu de
tenir compte d'office, avec pour conséquence l'annulation du jugement attaqué (
ATF 132 V 93 consid. 1.2 p. 95 et la référence; ULRICH MEYER/JOHANNA DORMANN,
in Basler Kommentar zum Bundesgerichtsgesetz, 2ème éd. 2011, n° 8 ad art. 106).

2.
En l'espèce, le bien-fondé de la rente de l'assurance-invalidité allouée à
l'assuré n'a à aucun moment été contesté. L'objet de la seule question déférée
par le recourant à la juridiction cantonale et examinée par celle-ci concernait
la survenance de l'incapacité de travail à l'origine de l'invalidité (au sens
de l'art. 23 LPP) et, indirectement, le point de savoir s'il était tenu à
prestations. L'objet du litige pose indirectement la question de la qualité
pour recourir devant le tribunal cantonal des assurances d'une institution de
prévoyance professionnelle dans le cadre d'une procédure en matière
d'assurance-invalidité, lorsque la contestation ne porte pas sur le droit à la
rente tel qu'il a été fixé par les organes de l'assurance-invalidité, mais
uniquement sur la question - propre au domaine de la prévoyance professionnelle
- de la survenance de l'incapacité de travail à l'origine de l'invalidité (au
sens de l'art. 23 LPP).

2.1 Le droit fédéral reconnaît, à certaines conditions, la qualité pour
recourir d'un assureur tiers, lorsque la décision d'un assureur touche
l'obligation d'un autre assureur d'allouer des prestations. D'après l'art. 49
al. 4 LPGA, l'assureur qui rend une décision touchant l'obligation d'un autre
assureur d'allouer des prestations est ainsi tenu de lui en communiquer un
exemplaire. Cet autre assureur dispose alors des mêmes voies de droit que
l'assuré (voir également l'art. 57a al. 2 LAI). La jurisprudence a précisé
qu'un assureur est touché par une décision rendue par un autre assureur,
lorsqu'il se trouve dans un rapport particulier et spécialement étroit avec
l'objet du litige et que, partant, ses intérêts de fait ou de droit sont
particulièrement affectés par la décision (ATF 132 V 74 consid. 3.1 p. 77).

2.2 Ainsi que cela ressort des art. 23, 24 al. 1 et 26 al. 1 LPP, il existe un
lien fonctionnel étroit entre le premier pilier (assurance-invalidité) et le
deuxième pilier (prévoyance professionnelle) de la prévoyance invalidité. Ce
lien tend, d'une part, à assurer une coordination matérielle étendue entre les
premier et deuxième piliers et, d'autre part, à libérer autant que possible les
organes de la prévoyance professionnelle d'importantes et coûteuses démarches
portant sur les conditions, l'étendue et le début du droit aux prestations
d'invalidité du deuxième pilier (ATF 133 V 67 consid. 4.3.2 p. 69; 132 V 1
consid. 3.2 p. 4). Aussi bien en matière de prévoyance obligatoire qu'en
matière de prévoyance plus étendue (lorsque l'institution de prévoyance a
décidé réglementairement d'étendre la prévoyance au-delà des exigences
minimales fixées dans la loi), l'évaluation de l'invalidité effectuée par les
organes de l'assurance-invalidité a, en l'absence de dispositions
réglementaires contraires, force contraignante pour les organes de la
prévoyance professionnelle; elle est donc de nature à régir aussi bien le
principe que le montant ou la durée de l'obligation de prester de l'institution
de prévoyance et, partant, à la toucher directement dans ses intérêts de droit
et de fait. C'est pourquoi il convient d'accorder aux organes de la prévoyance
professionnelle aussi bien la qualité pour s'exprimer dans la cadre de la
procédure de préavis (art. 57a al. 2 LAI) que pour former un recours contre une
décision des organes de l'assurance-invalidité (art. 49 al. 4 et 59 LPGA) qui
statue sur le droit à la rente ou fixe le degré d'invalidité de la personne
assurée; pour les mêmes raisons, il convient de leur reconnaître qualité pour
interjeter un recours en matière de droit public contre une décision d'un
tribunal cantonal des assurances en la matière (ATF 132 V 1 consid. 3.3.1 p.
5).

2.3 Toutefois, la force contraignante des décisions rendues par les organes de
l'assurance-invalidité ne s'étend, à l'égard des organes de la prévoyance
professionnelle, qu'aux constatations et appréciations qui, dans le cadre de la
procédure en matière d'assurance-invalidité, jouent un rôle véritablement
déterminant pour statuer sur le droit à la rente; sans quoi, il appartient aux
organes de la prévoyance professionnelle d'examiner librement les conditions du
droit à la rente (arrêt B 50/99 du 14 août 2000 consid. 2b).

2.4 En vertu de l'art. 29 al. 1 LAI (dans sa teneur en vigueur depuis le 1er
janvier 2008), la rente d'invalidité ne peut être versée au plus tôt qu'à
l'échéance d'une période de six mois à compter de la date à laquelle la
personne assurée a fait valoir son droit à des prestations de
l'assurance-invalidité. Dans la mesure où le droit à la rente présuppose que la
personne assurée a présenté une incapacité de travail d'au moins 40 % en
moyenne durant une année sans interruption notable (art. 28 al. 1 let. b LAI),
il n'y a en principe aucune raison, du point de vue de l'assurance-invalidité,
d'examiner l'évolution de la capacité de travail au-delà d'une période de six
mois précédant le dépôt de la demande. En tant qu'elles ont pour objet une
période antérieure, les constatations et autres appréciations des organes de
l'assurance-invalidité n'ont, de fait, aucune force contraignante pour les
organes de la prévoyance professionnelle (voir également les arrêts 9C_414/2007
du 25 juillet 2008 consid. 2.4, I 349/05 du 21 avril 2006 consid. 2.3 et I 204/
04 du 16 septembre 2004).

2.5 D'après le dispositif de la décision du 1er septembre 2011 de
l'assurance-invalidité, qui seul lie les parties à la procédure, l'assuré a
droit à une rente entière d'invalidité à compter du 1er mai 2010. Sous partie
intitulée " Résultat de nos constatations ", la décision contient néanmoins la
constatation que le délai de carence de l'art. 28 al. 1 let. b LAI a commencé à
courir le 29 février 2008. Dans la mesure où cette date ne jouait aucun rôle
pour fixer la naissance du droit à la rente de l'assurance-invalidité de
l'assuré (puisque celle-ci a été déterminée uniquement sur la base de l'art. 29
al. 1 LAI), elle n'avait aucun caractère contraignant pour les organes de la
prévoyance professionnelle. Faute d'intérêt juridiquement protégé à
l'annulation ou à la modification de la décision attaquée, le recourant ne
disposait par conséquent pas de la qualité pour recourir contre cette décision.

2.6 De fait, l'autorité de première instance aurait normalement dû, au regard
des griefs soulevés devant elle, ne pas entrer en matière sur le recours formé
par le recourant. Il convient par conséquent de corriger d'office cette erreur
et d'annuler le jugement attaqué. Pour les mêmes motifs, il n'y a pas lieu
d'entrer en matière sur le recours en matière de droit public qu'il a interjeté
pour ce qui est de la question de droit matériel.

3.
Le recourant, qui succombe, supportera les frais judiciaires afférents à la
présente procédure (art. 66 al. 1, 1ère phrase, LTF). Le présent arrêt rend par
ailleurs sans objet la requête d'effet suspensif déposée par le recourant.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté au sens des considérants dans la mesure où il est
recevable.

2.
Le jugement du Tribunal cantonal du canton du Valais, Cour des assurances
sociales, du 18 juin 2012 est annulé.

3.
Les frais judiciaires, arrêtés à 500 fr., sont mis à la charge du recourant.

4.
Le présent arrêt est communiqué aux parties, à T.________, à la Caisse de
pensions de la Banque Cantonale Vaudoise, au Tribunal cantonal du canton du
Valais, Cour des assurances sociales, et à l'Office fédéral des assurances
sociales.

Lucerne, le 16 octobre 2012
Au nom de la IIe Cour de droit social
du Tribunal fédéral suisse

Le Président: Meyer

Le Greffier: Piguet