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II. Sozialrechtliche Abteilung, Beschwerde in öffentlich-rechtlichen Angelegenheiten 9C 472/2012
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Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal

{T 0/2}
9C_472/2012

Arrêt du 31 octobre 2012
IIe Cour de droit social

Composition
MM. les Juges fédéraux U. Meyer, Président,
Borella et Kernen.
Greffière: Mme Moser-Szeless.

Participants à la procédure
Fondation de prévoyance en faveur du personnel de X.________ SA, représenté par
Me Bernard Katz, avocat,
recourant,

contre

Z.________,
représentée par Me Corinne Monnard Séchaud, avocate,
intimée.

Objet
Prévoyance professionnelle (intérêt),

recours contre le jugement du Tribunal cantonal du canton de Vaud, Cour des
assurances sociales, du 12 avril 2012.

Faits:

A.
Un litige porté à deux reprises devant le Tribunal des assurances du canton de
Vaud (aujourd'hui, Tribunal cantonal du canton de Vaud, Cour des assurances
sociales), puis le Tribunal fédéral (arrêts B 27/05 du 26 juillet 2006 et
9C_347/2008 du 21 octobre 2008) oppose Z.________ à la Fondation de prévoyance
en faveur du personnel de X.________ SA (ci-après: la fondation), à laquelle
elle a été affiliée par son ancien employeur pour la prévoyance
professionnelle. En dernier lieu, à la suite du second arrêt du Tribunal
fédéral, la Cour des assurances sociales du Tribunal cantonal vaudois a fixé à
117'205 fr. le montant total des rentes d'invalidité dues par la fondation à
Z.________ pour les années 1997 à 2004, par jugement du 3 novembre 2009, entré
en force.
Le 18 décembre 2009, Z.________ a mis la fondation en demeure de lui payer la
somme de 117'205 fr. avec intérêts à 5 % l'an dès le 13 avril 2004. Le capital
réclamé a été versé le 8 janvier 2010, tandis que la fondation a refusé
d'allouer les intérêts moratoires à l'intéressée (courrier du 6 janvier 2010).

B.
Par demande du 25 mai 2010, Z.________ a requis de la Cour des assurances
sociales du Tribunal cantonal vaudois que la fondation soit reconnue lui devoir
"le paiement de 25'311 fr. 72", correspondant à des intérêts moratoires.
Statuant le 12 avril 2012, la juridiction cantonale a partiellement admis la
demande et condamné la fondation à payer à l'intéressée la somme de 22'826 fr.
75.

C.
Agissant par la voie du recours en matière de droit public, la fondation
demande au Tribunal fédéral, principalement, de réformer le jugement cantonal
en ce sens qu'elle "n'est pas la débitrice de Z.________ de la somme de CHF
22'826 fr. 75" et de n'allouer aucun dépens à la prénommée. A titre
subsidiaire, elle conclut à l'annulation du jugement entrepris et au renvoi de
la cause à l'autorité judiciaire cantonale pour nouvelle décision dans le sens
des considérants.
Le Tribunal fédéral a renoncé à procéder à un échange d'écritures.

Considérant en droit:

1.
Le recours en matière de droit public (art. 82 ss LTF) peut être formé pour
violation du droit au sens des art. 95 et 96 LTF. Le Tribunal fédéral applique
le droit d'office (art. 106 al. 1 LTF), n'examine en principe que les griefs
invoqués (art. 42 al. 2 LTF) et fonde son raisonnement sur les faits retenus
par la juridiction de première instance (art. 105 al. 1 LTF), sauf s'ils ont
été établis de façon manifestement inexacte ou en violation du droit au sens de
l'art. 95 LTF, auquel cas il peut les rectifier ou les compléter d'office (art.
105 al. 2 LTF).

2.
Est seul litigieux en l'espèce le point de savoir si la recourante est tenue de
verser à l'intimée des intérêts moratoires - fixés à 22'826 fr. 75 par la
juridiction cantonale - sur le montant des rentes d'invalidité de la prévoyance
professionnelle qu'elle lui a allouées à la suite du jugement cantonal du 3
novembre 2009.

3.
A juste titre, la recourante ne nie pas qu'un intérêt moratoire est en principe
dû sur des prestations d'invalidité de la prévoyance professionnelle (en vertu
du règlement de l'institution de prévoyance ou, à défaut, de l'art. 104 al. 1
CO [ATF 119 V 131] et non pas, comme elle l'affirme, de l'art. 26 LPGA, cette
disposition n'étant pas applicable à la prévoyance professionnelle [cf. art. 2
LPGA]).
En revanche, invoquant une violation des art. 114 (sur l'extinction des
accessoires d'une obligation) et 115 CO (sur la remise conventionnelle d'une
dette d'intérêts), la recourante prétend qu'elle ne peut être tenue en l'espèce
à verser des intérêts moratoires, dont elle ne conteste au demeurant pas le
montant déterminé par la juridiction cantonale. Le point de savoir si ces
dispositions relatives à l'extinction des obligations sont applicables
(directement ou par analogie) dans le domaine de la prévoyance professionnelle
et donc, en grande partie, du droit public fédéral, ainsi que le sont, par
exemple, l'art. 104 CO déjà mentionné ou l'art. 120 CO (cf. ATF 128 V 224
consid. 3b p. 228) n'a pas à être tranché. Il résulte en effet de ce qui suit
que les griefs de la recourante doivent en tout état de cause être rejetés.

4.
4.1 Se plaignant, dans un premier grief, de la violation de l'art. 114 CO, la
recourante soutient que le paiement du montant dû à titre de prestations de la
prévoyance professionnelle à l'intimée en date du 8 janvier 2010 a éteint tant
la créance principale que les accessoires, soit les intérêts. Aussi, quand
l'intimée a déposé sa demande en paiement par requête du 25 mai 2010, sa
créance accessoire était-elle éteinte.

4.2 Aux termes de l'art. 114 CO, lorsque l'obligation principale s'éteint par
le paiement ou d'une autre manière, les cautionnements, gages et autres droits
accessoires s'éteignent également (al. 1). Les intérêts courus antérieurement
ne peuvent plus être réclamés que si ce droit a été stipulé ou résulte des
circonstances (al. 2).

4.3 Selon les constatations de la juridiction cantonale, que la recourante ne
conteste pas et qui lient le Tribunal fédéral (supra consid. 1), l'intimée a
réclamé le paiement d'intérêts moratoires à la recourante en date du 18
décembre 2009, en requérant le versement de la créance principale assortie
d'intérêts. Le paiement du capital (correspondant aux arriérés de rentes fixés
par le jugement cantonal du 3 novembre 2009) est intervenu le 8 janvier 2010,
sans que l'intimée n'ait déclaré accepter sans réserve le capital.
Comme l'a retenu à juste titre la juridiction cantonale, ces circonstances
suffisent pour admettre que la créance relative aux intérêts moratoires ne
s'est pas éteinte avec l'obligation principale, en dérogation à l'art. 114 al.
2 CO, l'examen de cette dérogation ne devant pas être soumis à des conditions
trop strictes (VIKTOR AEPLI, Commentaire zurichois, Das Erlöschen der
Obligationen, vol. V/1h, 3ème éd. 1991, n°s 42 et 51 ad art. 114 CO; RAINER
GONZENBACH/DEBORA GABRIEL-TANNER, Commentaire bâlois, Obligationenrecht I, 5ème
éd. 2011, n° 8 ad art. 114 CO). En sa qualité de créancière, l'intimée a en
effet indiqué qu'elle entendait obtenir les intérêts moratoires en sus du
capital en cause et donc émis une réserve à cet égard (cf. VIKTOR AEPLI, op.
cit., n° 56 ad art. 114 CO). Les intérêts moratoires n'ayant par conséquent pas
suivi le sort de la créance principale, l'intimée pouvait valablement en
réclamer le paiement par la voie judiciaire, en introduisant une demande en
justice postérieurement au paiement du 8 janvier 2010. Le grief tiré de la
violation de l'art. 114 CO est, partant, mal fondé.

5.
5.1 La recourante affirme ensuite que l'intimée a sciemment renoncé au
versement d'intérêts moratoires, de sorte que les règles de la bonne foi
s'opposent en l'occurrence au paiement de ceux-ci. Selon elle, c'est de manière
à la fois arbitraire et en violation de l'art. 115 CO que la juridiction
cantonale a constaté que l'intimée n'avait pas expressément renoncé au
versement d'intérêts moratoires et fait droit aux prétentions de celle-ci.

5.2 Selon l'art. 115 CO, il n'est besoin d'aucune forme spéciale pour annuler
ou réduire conventionnellement une créance, lors même que, d'après la loi ou la
volonté des parties, l'obligation n'a pu prendre naissance que sous certaines
conditions de forme.
La remise de dette (art. 115 CO) constitue un contrat bilatéral non formel, par
lequel le créancier et le débiteur conviennent d'éteindre une créance ou un
rapport juridique (ATF 132 III 586 consid. 4.2.3.4 p. 593; ENGEL, Traité des
obligations en droit suisse, 2e éd. 1997, p. 761; GONZENBACH/GABRIEL-TANNER,
op. cit., n°s 1 et 4 ad art. 115 CO). Elle peut donc résulter de l'offre et de
l'acceptation par actes concluants ou le silence (art. 1 al. 2 et art. 6 CO),
considérés selon le principe de la confiance (ATF 110 II 344 consid. 2b p. 345;
52 II 215 consid. 5 p. 220; ENGEL, op. cit., p. 761/762; DENIS PIOTET,
Commentaire romand, Code des obligations I, 2003, n° 22 ad art. 115 CO;
GONZENBACH/GABRIEL-TANNER, op. cit., n° 6 ad art. 115 CO; VON TUHR/ESCHER,
Allgemeiner Teil des Schweizerischen Obligationen-rechts, vol. II, 3e éd. 1974,
p. 175).
C'est toutefois avec la plus grande circonspection que le juge admettra
l'existence d'une offre de remise de dette par actes concluants de la part du
créancier (ATF 109 II 327 consid. 2b p. 329; 52 II 215 consid. 5 in fine p.
222; ENGEL, op. cit., p. 762; GAUCH/SCHLUEP/SCHMID/REY/EMMENEGGER,
Schweizerisches Obligationen-recht, Allgemeiner Teil, vol. II, 9e éd. 2008, n°
3128 et note de bas de page 6; GONZENBACH/GABRIEL-TANNER, op. cit., n° 6 ad
art. 115 CO; PIOTET, op. cit., n° 22 ad art. 115 CO; VON TUHR/ESCHER, op. cit.,
p. 175 note 16), car, en règle générale et sauf circonstances particulières,
nul ne renonce sans contre-prestation à une prétention (AEPLI, op. cit., n° 30
ad art 115 CO). La renonciation du créancier à sa créance ne peut être ainsi
admise que si son attitude, interprétée selon le principe de la confiance, peut
être comprise dans le cas particulier comme manifestant clairement sa volonté
de renoncer définitivement à tout ou partie de sa créance (ATF 110 II 344
consid. 2b p. 345; 109 II 327 consid. 2b p. 329; AEPLI, op. cit., n° 30 ad art
115 CO; GONZENBACH/GABRIEL-TANNER, op. cit., n° 6 ad art. 115 CO). Le temps
plus ou moins long que le créancier laisse s'écouler avant de procéder au
recouvrement de sa créance n'établit pas à lui seul la remise de dette, mais
constitue tout au plus un indice (ATF 54 II 197 consid. 3 p. 202; arrêt 4A_325/
2007 du 15 novembre 2007 consid. 6.2; ENGEL, op. cit., p. 762; AEPLI, op. cit.,
n° 37 ad art 115 CO; GONZENBACH/GABRIEL-TANNER, op. cit., n° 6 ad art. 115 CO).
Quant au désistement d'instance, soit le retrait de sa demande en justice par
le créancier, il constitue un acte unilatéral du droit de procédure et ne
permet pas de présumer qu'il emporte abandon du droit matériel qui a pu être
exercé en justice, même lorsque, selon le droit de procédure applicable, il
entraîne l'autorité matérielle de la chose jugée et empêche ainsi un nouvel
exercice de la même prétention en justice (arrêt 4C.55/2007 du 26 avril 2007
consid. 4.2; PIOTET, op. cit., n° 8 ad art. 115 CO; VON TUHR/ESCHER, op. cit.,
p. 176; GAUCH/SCHLUEP/SCHMID/REY/EMMENEGGER, op. cit., n° 3139; AEPLI, op.
cit., n° 25 ad art 115 CO).

5.3 Constatant tout d'abord que l'intimée n'avait pas renoncé de manière
expresse au versement des intérêts moratoires en cause, la juridiction
cantonale a retenu ensuite qu'une renonciation à la créance d'intérêts ne
résultait pas non plus d'actes concluants de l'intéressée. Celle-ci avait en
effet présenté une prétention en versement des intérêts devant le Tribunal
fédéral, après le second jugement cantonal. A la suite du renvoi de la cause
par la juridiction fédérale, l'autorité judiciaire de première instance n'était
pas entrée en matière sur la question litigieuse pour des motifs d'ordre
formel, ce qui n'empêchait toutefois pas l'intimée de mener une procédure
distincte successive pour réclamer les intérêts moratoires. Il n'existait par
ailleurs aucun élément permettant de déduire de l'attitude de l'intéressée ou
de ses actes qu'elle aurait renoncé à l'intérêt moratoire.

5.4 La recourante ne parvient pas à démontrer le caractère arbitraire de
l'appréciation ainsi opérée par la juridiction cantonale. Les éléments qu'elle
invoque ne peuvent en effet pas être compris de bonne foi, en fonction de
l'ensemble des circonstances, comme une manifestation claire de la volonté de
l'intimée de renoncer définitivement à la créance litigieuse. Ainsi, le fait
que l'intimée n'a pas modifié ses conclusions en demandant l'octroi d'intérêts
moratoires en procédure cantonale, à la suite de l'arrêt du Tribunal fédéral du
21 octobre 2008 - à supposer qu'elle ait été en droit de le faire -, et attendu
jusqu'au 18 décembre 2009 pour faire valoir la prétention litigieuse, ne peut
pas être interprété comme une renonciation tacite à celle-ci. La remise de
dette conventionelle ne saurait en effet résulter du temps plus ou moins long
que la créancière a laissé s'écouler en l'occurrence avant de procéder au
recouvrement de sa créance. Son absence de réaction ensuite du prononcé de
l'arrêt du Tribunal fédéral du 21 octobre 2008 ne permettait pas de présumer
qu'elle entendait abandonner sa créance, puisqu'on ne saurait pas non plus
donner une telle signification au retrait d'une demande en justice (consid. 5.2
supra).
C'est en vain, par ailleurs, que la recourante se réfère à un jugement rendu
par le Tribunal administratif du canton de Neuchâtel le 9 novembre 2006, publié
dans la RJN 2006 p. 84, puisque les considérations de la juridiction
neuchâteloise ne tiennent pas compte de la jurisprudence exposée ci-avant
(consid. 5.2 supra). La situation de l'intimée diffère en outre de celle jugée
dans l'ATF 52 II 215, également citée par la recourante, où la créancière avait
omis dans un chef de conclusions, à la différence d'autres conclusions prises
en même temps, les intérêts moratoires. Comme l'a retenu le Tribunal fédéral
dans cet arrêt du 26 avril 1926, le rapport entre la créance principale et les
intérêts n'est pas absolu au point d'exclure un procès séparé sur ces derniers,
de sorte que la recourante ne peut rien tirer en l'occurrence de la demande en
justice introduite séparément par l'intimée (voir aussi AEPLI, op. cit., n° 39
ad art 115 CO), une fois fixée la créance principale relative aux rentes
d'invalidité de la prévoyance professionnelle.

6.
En conclusion de ce qui précède, le recours est mal fondé, ce qui conduit à son
rejet.

7.
Vu l'issue de la procédure, la recourante supportera les frais de justice y
afférents (art. 66 al. 1 LTF).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté.

2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 500 fr., sont mis à la charge du recourant.

3.
Le présent arrêt est communiqué aux parties, au Tribunal cantonal du canton de
Vaud, Cour des assurances sociales, et à l'Office fédéral des assurances
sociales.

Lucerne, le 31 octobre 2012
Au nom de la IIe Cour de droit social
du Tribunal fédéral suisse

Le Président: Meyer

La Greffière: Moser-Szeless