Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
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Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

II. Sozialrechtliche Abteilung, Beschwerde in öffentlich-rechtlichen Angelegenheiten 9C 28/2012
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Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal

{T 0/2}
9C_28/2012

Arrêt du 20 juin 2012
IIe Cour de droit social

Composition
MM. les Juges U. Meyer, Président,
Borella et Kernen.
Greffier: M. Hichri.

Participants à la procédure
S.________, représenté par Me Pierre Seidler, avocat,
recourant,

contre

Office de l'assurance-invalidité du canton du Jura, rue Bel-Air 3, 2350
Saignelégier,
intimé.

Objet
Assurance-invalidité,

recours contre le jugement du Tribunal cantonal de la République et canton du
Jura, Cour des assurances, du 23 novembre 2011.

Faits:

A.
Par décision du 17 mars 2011, l'Office de l'assurance-invalidité du canton du
Jura (ci-après: l'office AI) a nié le droit à toute prestation à S.________.
L'office AI s'est notamment fondé sur le rapport d'expertise du docteur
E.________, spécialiste FMH en psychiatrie et psychothérapie, du 28 juin 2010,
qu'il avait mandaté pour examiner l'assuré. Il s'est également référé à l'avis
du 1er mars 2011 du docteur L.________ du Service médical régional de
l'assurance-invalidité (SMR). Il en a déduit que les troubles psychiques
présentés par l'assuré n'entraînaient aucune incapacité de travail.

B.
L'assuré a déféré cette décision au Tribunal cantonal de la République et
canton du Jura, Cour des assurances, qui l'a débouté par jugement du 23
novembre 2011.

C.
S.________ interjette un recours en matière de droit public contre ce jugement
dont il requiert l'annulation. Sous suite de frais et dépens, il conclut
principalement à ce que l'office AI soit condamné à lui verser "les prestations
légales découlant de la LAI" et, subsidiairement, au renvoi du dossier à
l'office AI pour complément d'instruction sous la forme d'une expertise
médicale.
Le Tribunal fédéral a renoncé à ordonner un échange d'écritures.

Considérant en droit:

1.
Saisi d'un recours en matière de droit public (art. 82 ss LTF), le Tribunal
fédéral exerce un pouvoir d'examen limité. Il applique le droit d'office (art.
106 al. 1 LTF) et statue sur la base des faits retenus par l'autorité
précédente (art. 105 al. 1 LTF). Il peut néanmoins rectifier ou compléter
d'office l'état de fait du jugement entrepris si des lacunes ou des erreurs
manifestes lui apparaissent aussitôt (art. 105 al. 2 LTF). Il examine en
principe seulement les griefs motivés (art. 42 al. 2 LTF) et ne peut pas aller
au-delà des conclusions des parties (art. 107 al. 1 LTF). Le recourant ne peut
critiquer la constatation des faits importants pour le sort de l'affaire que si
ceux-ci ont été établis en violation du droit ou de façon manifestement
inexacte (art. 97 al. 1 LTF).

2.
Le litige porte sur le droit du recourant à des prestations de
l'assurance-invalidité et plus précisément sur sa capacité de travail.
Le jugement entrepris expose correctement les dispositions légales et la
jurisprudence applicables à la notion d'invalidité et en matière d'appréciation
des preuves. Il suffit d'y renvoyer.

3.
La juridiction cantonale a considéré que le rapport d'expertise du docteur
E.________ du 28 juin 2010, qui avait conclu à une capacité totale de travail
de l'assuré, répondait aux exigences jurisprudentielles (à ce sujet ATF 125 V
351). L'expert avait examiné le patient, considéré ses plaintes, pris
connaissance des avis émis par les différents médecins qui avaient été appelés
à s'en occuper, établi l'anamnèse, étudié le dossier médical et posé un
diagnostic, de sorte que son rapport avait valeur probante, indépendamment de
la durée de l'examen et du nombre de lignes contenues dans le rapport en
relation avec les plaintes de l'assuré.
Les premiers juges ont aussi constaté que les autres médecins consultés avaient
reconnu chez l'assuré l'existence d'un trouble de l'adaptation avec réaction
mixte anxio-dépressive, respectivement d'un trouble dépressif, mais que leurs
avis avaient divergé au sujet du caractère invalidant de cette symptomatologie;
à l'exception du docteur C.________, spécialiste FMH en psychiatrie et
psychothérapie, qui ne s'était pas prononcé, ces médecins avaient considéré que
le recourant disposait encore d'une certaine capacité de travail dans une
activité adaptée, de sorte que leurs avis n'étaient pas de nature à mettre en
doute les conclusions de l'expert. L'autorité juridictionnelle cantonale a donc
suivi l'avis du docteur E.________ et conclu que la capacité de travail de
l'assuré n'était pas amoindrie.

4.
Dans un premier grief, le recourant remet en cause la valeur probante de
l'expertise médicale du docteur E.________ du 28 juin 2010.

4.1 Le recourant affirme tout d'abord que les plaintes qu'il a exprimées devant
l'expert n'ont été retranscrites que succinctement par celui-ci, malgré
l'extrême importance qu'ont ces indications dans une expertise psychiatrique,
invoquant à cet égard l'arrêt 9C_203/2011 du 22 novembre 2011 consid. 4.3. En
l'espèce, le rapport d'expertise contient six lignes à ce sujet dans lesquelles
l'expert a rapporté, entre autres éléments, un sentiment d'injustice à la suite
du licenciement de l'assuré en février 2009, des angoisses nocturnes, une
fatigue et des préoccupations en relation avec la santé de l'épouse. Il ne
saurait donc être reproché à l'expert de ne pas avoir exposé les plaintes de
l'assuré, ce d'autant moins que ce dernier n'explique pas quel élément aurait
été omis. Par ailleurs, l'arrêt qu'il invoque ne lui est d'aucun secours. Dans
celui-ci, le Tribunal fédéral avait rappelé qu'une évaluation psychiatrique
comportait une importante marge d'appréciation pour l'exercice de laquelle les
impressions directes que se faisait l'expert de la personne soumise à l'examen
psychiatrique étaient essentielles, de sorte que ce dernier devait en principe
être effectué sur la base d'une consultation médicale et qu'aucun psychiatre ne
pouvait "valider" l'avis d'un collègue sans avoir examiné lui-même l'assuré.
Or, dans le cas présent, l'expert s'est entretenu personnellement avec le
recourant.
S'appuyant sur les avis médicaux du docteur I.________, spécialiste FMH en
médecine interne, et médecin-traitant, des 10 août et 23 octobre 2010, le
recourant avance encore que les conclusions de l'expert ne tenaient pas compte
de sa situation conjugale dramatique et qu'un entretien d'une heure n'avait pas
permis de refléter sa situation psychique globale et changeante. Ces griefs
sont infondés. Le recourant perd en effet de vue que l'expert a expressément
mentionné et pris en considération le contexte familial difficile actuel, à
savoir que l'épouse se déplaçait en chaise roulante en raison d'une maladie
dégénérative et que l'assuré s'était fait licencier en février 2009. Quant au
temps consacré pour l'entretien, il y a lieu de rappeler que la durée d'un
examen n'est pas un critère permettant en soi de juger de la valeur probante
d'un rapport médical (arrêt 9C_382/2008 du 22 juillet 2008 consid. 2 et l'arrêt
cité).

4.2 Le recourant reproche ensuite à l'expert d'avoir omis de décrire le
résultat des tests effectués. Cet argument est infondé. En effet, le médecin a
observé la présence de signes anxieux d'un degré moyen et dépressifs d'un degré
plutôt léger ainsi que des mécanismes de défense psychologiques sous forme
d'agression passive et de projection. Il a ensuite expliqué ces notions,
l'origine de la personnalité dépendante et les répercussions sur le
comportement de l'assuré; la constellation familiale durant l'enfance de
celui-ci avait vraisemblablement favorisé le développement d'une personnalité
dépendante, l'assuré ayant besoin d'être rassuré et supportant mal les
séparations. Ces dernières avaient ainsi entraîné, d'une part, un épisode
dépressif avec 3 semaines d'incapacité de travail en 2002 après le décès du
beau-père qui représentait une figure paternelle et, d'autre part, un trouble
de l'adaptation avec réaction mixte anxieuse et dépressive avec prise en charge
psychiatrique à la suite d'un licenciement en février 2009. L'expert ne s'est
donc pas limité à formuler des considérations théoriques comme le soulève le
recourant. Au demeurant, dans le cadre d'un examen psychiatrique, les procédés
d'évaluation schématiques n'ont qu'une fonction complémentaire et ne peuvent se
substituer à l'examen clinique, avec anamnèse, description des symptômes et
observation du comportement de l'assuré (arrêt du Tribunal fédéral I 391/06 du
9 août 2006 consid. 3.2.2). Ils ne sauraient donc revêtir une importance
déterminante quant à l'évaluation de l'état psychiatrique d'un assuré.
Ensuite, et contrairement à ce soutient le recourant, l'expert a indiqué les
raisons pour lesquelles il n'y avait pas de signes ou de symptômes d'un trouble
dépressif récurrent d'une gravité telle qu'elle pourrait justifier une
incapacité de travail. En effet, le médecin a constaté que la tristesse
fluctuante avec une humeur légèrement dépressive n'était pas accompagnée
d'idées noires, d'envies suicidaires ou de signes ou symptômes d'un
ralentissement psychomoteur. Il n'a pas non plus remarqué d'autres aspects tels
une euphorie, un stress post-traumatique à la suite d'un accident survenu le 10
juillet 2006, des signes ou symptômes parlant en faveur d'une claustrophobie,
d'une agoraphobie ou d'une phobie sociale. Il a également nié l'existence d'un
trouble psychotique. Le recourant perd ainsi de vue que l'expert a écarté
nombre d'aspects parlant en faveur d'une dépression.
Le recourant affirme encore que les conclusions du rapport d'expertise sont
douteuses, dès lors qu'il contient une contradiction entre les observations
faites et le diagnostic posé. Or, l'expert a observé des troubles de la
concentration et de la mémoire de fixation et diagnostiqué des troubles de
l'adaptation, réaction mixte anxieuse et dépressive, secondaire au licenciement
en février 2009 et aux problèmes du conjoint (F43.22) ainsi qu'une personnalité
dépendante (F60.7). Il a retenu toutes ces affections en estimant qu'elles
n'entraînaient aucune incapacité de travail. Les conclusions sont donc claires,
contrairement à ce que le recourant tend à faire croire.

4.3 Vu ce qui précède, la juridiction cantonale a considéré à juste titre que
le rapport d'expertise avait valeur probante. Le grief encore invoqué par le
recourant selon lequel un rapport psychiatrique dépourvu de valeur probante ne
peut être avalisé par un médecin du SMR sans consultation médicale devient donc
sans objet et n'a pas à être examiné.

5.
Dans un deuxième grief, le recourant reproche aux premiers juges d'être tombés
dans l'arbitraire, dès lors qu'ils se sont exclusivement fondés sur le rapport
d'expertise en ignorant tous les autres rapports médicaux sans motifs
pertinents.
A cet égard, le Tribunal fédéral n'examine le résultat de l'appréciation des
preuves à laquelle a procédé l'autorité cantonale de recours que sous l'angle
restreint de l'arbitraire. L'appréciation des preuves est arbitraire lorsque
l'autorité ne prend pas en compte, sans raison sérieuse, un élément de preuve
propre à modifier la décision, lorsqu'elle se trompe manifestement sur son sens
et sa portée, ou encore lorsque, en se fondant sur les éléments recueillis,
elle en tire des constatations insoutenables (ATF 129 I 8 consid. 2.1 p. 9;
arrêt du Tribunal fédéral 1B_149/2011 du 4 mai 2011 consid. 4.1, non publié in
ATF 137 IV 186; arrêt du Tribunal fédéral 4A_189/2011 du 4 juillet 2011 consid.
2, non publié in ATF 137 III 389).

5.1 La juridiction cantonale a constaté que l'ensemble du corps médical
consulté avait reconnu la reprise d'une activité comme possible, certes à
différents degrés, et que le dernier avis recueilli, soit celui du psychiatre
de l'Hôpital X.________, allait en faveur d'une reprise d'activité à 50 % dès
le 22 novembre 2010 avec une augmentation progressive, en dépit de nouvelles
périodes d'incapacités de travail sporadiques. Au vu de cette situation, les
premiers juges ont écarté les avis médicaux selon lesquels l'assuré disposait
d'une capacité de travail diminuée pour se fonder sur le rapport d'expertise du
docteur E.________ qui reconnaissait une capacité totale de travail.

5.2 Le recourant n'expose pas en quoi cette appréciation serait manifestement
insoutenable mais substitue son propre point de vue à celui de l'autorité
juridictionnelle de première instance. Il se limite en effet à énoncer les
capacités de travail retenues par les médecins pour en conclure que celle
déterminée par l'expert ne pouvait avoir la préférence de la juridiction
cantonale. Le recourant invoque également en vain la perplexité du docteur
I.________ quant aux conclusions de l'expert. Selon la jurisprudence, une
évaluation médicale complète et approfondie telle que l'expertise critiquée ne
saurait être remise en cause au seul motif qu'un ou plusieurs médecins ont une
opinion divergente. Il ne peut en aller différemment que si lesdits médecins
font état d'éléments objectivement vérifiables ayant été ignorés dans le cadre
de l'expertise et suffisamment pertinents pour en remettre en cause les
conclusions (arrêt 9C_238/2010 du 10 septembre 2010). Tel n'est pas le cas en
l'espèce, puisque le docteur I.________ a uniquement fait part d'une simple
impression sans explications basées sur des éléments objectifs concrets. Le
recourant ne saurait non plus se prévaloir du fait que les mesures de
réadaptation dont il a bénéficié n'ont donné aucun résultat, dès lors que les
données médicales l'emportent sur les constatations qui peuvent être faites à
l'occasion d'un stage d'observation professionnelle, ces dernières étant
susceptibles d'être influencées par des éléments subjectifs liés au
comportement de l'assuré pendant le stage (ATF 125 V 256 consid. 4; arrêts
9C_631/2007 du 4 juillet 2008 consid. 4. 1 et I 573/04 du 10 novembre 2005
consid. 4).
Vu ce qui précède, le grief tiré de l'arbitraire est mal fondé.

6.
Le recourant invoque enfin la violation par les juges cantonaux de la maxime
inquisitoire prévue à l'art. 43 LPGA lorsqu'ils ont refusé d'ordonner une
instruction médicale complémentaire. Ce moyen est également infondé. En effet,
selon la jurisprudence relative à l'appréciation anticipée des preuves, lorsque
l'administration ou le juge, se fondant sur une appréciation consciencieuse des
preuves fournies par les investigations auxquelles ils doivent procéder
d'office, sont convaincus que certains faits présentent un degré de
vraisemblance prépondérante et que d'autres mesures probatoires ne pourraient
plus modifier cette appréciation, il est superflu d'administrer d'autres
preuves (ATF 136 I 229 consid. 5.3 p. 236; 124 V 90 consid. 4b p. 94; 122 V 157
consid. 1d p. 162). En l'espèce, après avoir apprécié les nombreux rapports
médicaux recueillis par l'office AI, les juges cantonaux se sont fondés sur
l'avis probant du docteur E.________ (cf. consid. 4.3 et 5 supra). Il existait
en conséquence suffisamment de rapports pour leur permettre de se forger une
opinion quant à la situation médicale du recourant. Ils n'ont donc pas violé le
droit en refusant d'ordonner une expertise complémentaire.
Le recourant cite encore le rapport de gestion 2009 du Tribunal fédéral
concernant les disfonctionnements institutionnels et organisationnels constatés
dans l'instruction médicale en matière d'assurance-invalidité. Il n'en tire
pour autant aucun grief. Ce point n'a donc pas à être examiné plus en avant.

7.
Il suit de ce qui précède que le Tribunal fédéral n'a pas à s'écarter de
l'appréciation des premiers juges quant à la capacité de travail du recourant
et à l'absence d'invalidité. Le recours est donc mal fondé.

8.
Vu l'issue du litige, les frais de la procédure sont mis à la charge du
recourant (art. 66 al. 1 LTF).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté.

2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 500 fr., sont mis à la charge du recourant.

3.
Le présent arrêt est communiqué aux parties, au Tribunal cantonal de la
République et canton du Jura, Cour des assurances, et à l'Office fédéral des
assurances sociales.

Lucerne, le 20 juin 2012
Au nom de la IIe Cour de droit social
du Tribunal fédéral suisse

Le Président: Meyer

Le Greffier: Hichri