Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
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II. Sozialrechtliche Abteilung, Beschwerde in öffentlich-rechtlichen Angelegenheiten 9C 287/2012
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Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal

{T 0/2}
9C_287/2012

Arrêt du 18 septembre 2012
IIe Cour de droit social

Composition
MM. et Mme les Juges fédéraux U. Meyer, Président, Borella et Glanzmann.
Greffière: Mme Moser-Szeless.

Participants à la procédure
B.________, représentée par Me Fabien Mingard, avocat,
recourante,

contre

Office de l'assurance-invalidité pour le canton de Vaud, avenue du
Général-Guisan 8, 1800 Vevey,
intimé.

Objet
Assurance-invalidité (rente d'invalidité),

recours contre le jugement du Tribunal cantonal du canton de Vaud, Cour des
assurances sociales, du 23 février 2012.

Faits:

A.
B.________, originaire de Serbie et du Monténégro, exerçait l'activité
d'employée de maison au service d'un établissement médico-social à Z.________
depuis 1999. Mise en arrêt de travail à 100 % à partir du mois de février 2005,
elle a présenté une demande de prestations de l'assurance-invalidité le 17 août
suivant. Après avoir recueilli divers avis médicaux, l'Office de
l'assurance-invalidité pour le canton de Vaud (ci-après: l'office AI) a soumis
l'assurée à une expertise pluridisciplinaire auprès du Centre d'observation de
l'assurance-invalidité (COMAI). Les docteurs O.________, spécialiste FMH en
rhumatologie, et C.________, spécialiste FMH en psychiatrie et psychothérapie,
y ont examiné l'assurée, le 18 janvier 2007, en présence de A.________,
interprète. Dans leur rapport du 16 mars 2007, ils ont fait état d'une hernie
discale L3-L4 paramédiane droite sans déficit radiculaire et, comme diagnostics
sans effet sur la capacité de travail, d'un syndrome douloureux chronique
touchant les ceintures scapulaire et pelvienne assimilable à une fibromyalgie,
d'hypertension artérielle, d'hypercholesterolémie et de dysthymie. Ils ont
conclu à une capacité de travail entière de l'assurée dans une activité
permettant d'éviter le port de charges de plus de quinze kilos (limite possible
occasionnellement), le port de charge régulier entre cinq et sept kilos étant
admissible. Selon eux, il existait cependant une baisse de rendement de 20 %
sur le plan psychique.
Accusant réception de l'expertise le 3 mai 2007, B.________ en a contesté la
valeur probante notamment parce que l'interprète mandaté ne parlait pas sa
langue, ce qui l'avait fortement perturbée et déstabilisée. Elle demandait dès
lors qu'une nouvelle expertise pluridisciplinaire ou du moins un complément
d'expertise soient ordonnés. Par courrier du 30 novembre 2007, le COMAI a
répondu à des questions complémentaires de l'office AI sur les langues parlées
par l'interprète, la langue de communication utilisée par celui-ci pour parler
à B.________ lors de l'expertise et d'éventuelles difficultés de compréhension
survenues au cours de celle-ci.
Le 19 mai 2008, l'assurée a transmis à l'administration deux expertises rendues
respectivement par le docteur H.________, spécialiste FMH en médecine interne
et rhumatologie, le 17 décembre 2007, et par le docteur L.________, spécialiste
FMH en psychiatrie et psychothérapie, le 14 avril 2008. Le premier médecin, qui
a précisé que l'expertise avait été menée en présence du mari de B.________,
concluait à une capacité résiduelle de travail dans une activité adaptée de 80
% d'un point de vue essentiellement somatique. Le second faisait état d'une
capacité résiduelle de travail de 50 %, susceptible d'être augmentée
progressivement à 60 % au moins. Par décision du 29 juin 2009, l'office AI a
nié le droit de B.________ à une rente d'invalidité, motif pris d'un taux
d'invalidité (de 20 %) insuffisant pour ouvrir le droit à une telle prestation.

B.
Statuant le 23 février 2012 sur le recours formé par l'assurée contre cette
décision, le Tribunal cantonal du canton de Vaud, Cour des assurances sociales,
l'a rejeté.

C.
B.________ interjette un recours en matière de droit public contre ce jugement,
dont elle demande l'annulation. Sous suite de frais et dépens, elle conclut au
renvoi de la cause à la juridiction cantonale "pour nouvel arrêt dans le sens
des considérants", à savoir pour complément d'instruction, sous la forme, cas
échéant, d'une nouvelle expertise réalisée en présence d'un interprète français
/serbo-croate. Elle sollicite par ailleurs l'assistance judiciaire, ce qui lui
a été refusé par ordonnance du 18 mai 2012.
Le Tribunal fédéral a renoncé à procéder à un échange d'écritures.

Considérant en droit:

1.
Le recours en matière de droit public (art. 82 ss LTF) peut être formé pour
violation du droit au sens des art. 95 et 96 LTF. Le Tribunal fédéral applique
le droit d'office (art. 106 al. 1 LTF), n'examine en principe que les griefs
invoqués (art. 42 al. 2 LTF) et fonde son raisonnement sur les faits retenus
par la juridiction de première instance (art. 105 al. 1 LTF), sauf s'ils ont
été établis de façon manifestement inexacte ou en violation du droit au sens de
l'art. 95 LTF, auquel cas il peut les rectifier ou les compléter d'office (art.
105 al. 2 LTF).

2.
Le jugement entrepris expose de manière complète les règles légales et la
jurisprudence applicables au litige, qui porte sur le droit de la recourante à
une rente d'invalidité. Il suffit d'y renvoyer.

3.
Invoquant une appréciation arbitraire des preuves, la recourante reproche aux
premiers juges d'avoir suivi les conclusions du rapport du COMAI du 16 mars
2007 "au détriment des autres avis médicaux", alors que l'expertise reposait
sur une incompréhension entre les médecins du COMAI et elle-même, en raison de
la langue parlée avec l'interprète. Selon elle, la juridiction cantonale a fait
preuve d'arbitraire en considérant que rien ne laissait supposer que
l'interprète et l'assurée n'avaient pas parlé la même langue ou que la
traduction avait été faussée, en se fondant sur les réponses du directeur du
COMAI (du 30 novembre 2007), sans analyser les éléments qu'elle avait mis en
avant à cet égard. Le Tribunal cantonal vaudois aurait par ailleurs apprécié la
fiabilité de la manière dont les propos de la recourante avaient été rapportés
aux divers experts avec des différences inexplicables, écartant l'expertise du
docteur H.________ au motif que son époux avait fait office de traducteur,
tandis qu'il avait suivi les conclusions du COMAI sans retenir un motif
identique - le traducteur ne parlait pas sa langue - à l'encontre de celles-ci.

4.
4.1 Dans le contexte d'examens médicaux nécessaires pour évaluer de manière
fiable l'état de santé de l'assuré et ses répercussions éventuelles sur la
capacité de travail, en particulier d'un examen psychiatrique, la meilleure
compréhension possible entre l'expert et la personne assurée revêt une
importance spécifique. Il n'existe cependant pas de droit inconditionnel à la
réalisation d'un examen médical dans la langue maternelle de l'assuré ou à
l'assistance d'un interprète. En définitive, il appartient à l'expert, dans le
cadre de l'exécution soigneuse de son mandat, de décider si l'examen médical
doit être effectué dans la langue maternelle de l'assuré ou avec le concours
d'un interprète. Le choix de l'interprète, ainsi que la question de savoir si,
le cas échéant, certaines phases de l'instruction médicale doivent être
exécutées en son absence pour des raisons objectives et personnelles, relèvent
également de la décision de l'expert. Ce qui est décisif dans ce contexte,
c'est l'importance de la mesure au regard de la prestation entrant en
considération. Il en va ainsi de la pertinence et donc de la valeur probante de
l'expertise en tant que fondement de la décision de l'administration, voire du
juge. Les constatations de l'expert doivent dès lors être compréhensibles, sa
description de la situation médicale doit être claire et ses conclusions
motivées (arrêt I 245/00 du 30 décembre 2003, publié in VSI 2004 p. 144 consid.
4; arrêt 8C_913/2010 du 18 avril 2011 consid. 3.3.1 et les arrêts cités).

4.2 Le point de savoir si, au regard des circonstances concrètes du cas
d'espèce et des aspects rappelés ci-avant, la compréhension linguistique entre
l'expert et la personne assurée est suffisante pour garantir une expertise
revêtant un caractère à la fois complet, compréhensible et concluant relève de
l'appréciation des preuves et, partant, d'une question de fait que le Tribunal
fédéral examine uniquement à l'aune de l'inexactitude manifeste et de la
violation du droit au sens de l'art. 95 LTF (consid. 1 supra; consid. 3.3.2 de
l'arrêt 8C_913/2008 cité).
A cet égard, l'appréciation des preuves est arbitraire lorsque l'autorité ne
prend pas en compte, sans raison sérieuse, un élément de preuve propre à
modifier la décision, lorsqu'elle se trompe manifestement sur son sens et sa
portée, ou encore lorsque, en se fondant sur les éléments recueillis, elle en
tire des constatations insoutenables (ATF 134 V 53 consid. 4.3 p. 62 et les
arrêts cités). L'appréciation des preuves doit être arbitraire non seulement en
ce qui concerne les motifs évoqués par la juridiction cantonale pour écarter un
moyen de preuve, mais également dans son résultat (ATF 137 I 1 consid. 2.4 p.
5; 136 I 316 consid. 2.2.2 p. 318 s.).

4.3 En l'occurrence, et quoi qu'en dise la recourante, les constatations des
premiers juges quant à l'absence d'indice d'une traduction faussée de ses
propos par l'interprète ayant assisté les experts du COMAI et à la
communication par le biais d'une langue commune entre l'assurée et l'interprète
ne sont pas arbitraires.
4.3.1 La recourante a certes fait valoir déjà en procédure administrative,
quelques temps après l'examen au COMAI, qu'elle s'était trouvée "très perturbée
tout au long des entretiens" d'expertise, parce que l'interprète de langue
albanaise avait montré des signes d'agressivité et d'énervement à son égard, en
raison de la surprise qu'elle avait manifestée en voyant que ce n'était pas un
traducteur serbo-croate (tel qu'elle l'avait requis) qui se chargeait de
l'interprétation (courrier du 22 février 2007). Elle s'est toutefois limitée,
dans un premier temps, à en informer l'intimé, tout en lui indiquant rester
dans l'attente du rapport d'expertise. Ce n'est qu'une fois l'expertise rendue
(le 16 mars 2007) que la recourante a soutenu, dans un second temps, n'avoir
pas pu répondre librement et exhaustivement aux questions qui lui avaient été
posées, parce qu'elle s'était sentie intimidée et menacée par l'interprète
(courrier du 3 mai 2007). Une telle manière de procéder apparaît douteuse au
regard du principe de la bonne foi en procédure (art. 5 al. 3 Cst), selon
lequel la partie qui s'aperçoit qu'une règle de procédure est violée à son
détriment ne saurait laisser la procédure suivre son cours sans réagir, dans le
but, par exemple, de se réserver un moyen de nullité pour le cas où le jugement
à intervenir ne la satisferait pas (ATF 127 II 227 consid. 1b i.f. p. 230; voir
aussi ATF 111 V 149 consid. 4c i.f. p. 150).
4.3.2 A la lecture de l'expertise du COMAI, on ne relève par ailleurs aucun
indice selon lequel au cours de l'anamnèse, de la réalisation de l'examen
clinique ou du status psychique, un aspect déterminant pour constater
l'existence d'une atteinte à la santé psychique ou somatique, poser un
diagnostic y relatif, ou évaluer la capacité de travail du point de vue
médical, aurait été omis en raison d'une incompréhension linguistique entre
l'assurée et l'interprète ou des problèmes de traduction. Le docteur O.________
a certes évoqué "une incompréhension linguistique" pour expliquer en partie "la
mauvaise collaboration de l'assurée", mais il a précisé qu'une telle attitude
se manifestait "dans l'espoir de nous convaincre de la réalité de ses
plaintes", les symptômes d'une hernie discale L3-L4 étant "noyés dans cet
amoncellement de signes de non organicité" et la collaboration de l'assurée
étant "discutable" ("manifestations intempestives à la douleur évoquée ou
provoquée sous forme de grimaces, soupirs et tentatives d'esquive"). De son
côté, indiquant que l'entretien avait lieu en présence d'un interprète
professionnel, le docteur C.________ a relevé que la recourante entrait en
contact avec facilité, captait les questions de l'expert en français assez
rapidement et voulait y répondre en français, étant toutefois très vite
limitée. Il a encore précisé que l'interprète avait dû à plusieurs reprises
insister pour obtenir plus d'informations et de détails, les descriptions
restant cependant très globales. Ces précisions quant à l'attitude de l'assurée
ou l'intervention de l'interprète ne laissent pas apparaître des problèmes
d'ordre linguistique qui auraient empêché les experts d'accomplir dûment leur
mandat.
A ce sujet, la recourante affirme en procédure fédérale que le fait qu'elle a
dû communiquer en albanais "a forcément donné lieu à des incompréhensions et
problèmes de traduction tant il est vrai qu'elle ne manie pas cette langue
comme la sienne". Se contentant de cette simple allégation, elle ne cherche
toutefois pas à établir, par une argumentation précise se rapportant
concrètement aux constatations des experts, en quoi les prétendus problèmes de
communication et de traduction auraient été de nature à modifier les
observations des docteurs O.________ et C.________ ou à influencer la qualité
et le résultat de leur appréciation. Le grief tiré d'une incompréhension
linguistique ne suffit par conséquent pas pour remettre en cause l'appréciation
de la juridiction cantonale quant à la valeur probante de l'expertise du COMAI.

4.4 En ce qui concerne ensuite le motif pour lequel la juridiction cantonale a
écarté l'expertise du docteur H.________, il n'est pas arbitraire,
contrairement à ce que soutient la recourante. Les premiers juges ont mis en
doute la fiabilité des constatations de l'expert mandaté par la recourante,
parce que les propos de celle-ci, qui ne s'était exprimée qu'en serbo-croate,
avaient en grande partie été traduits par son mari. Même si le docteur
H.________ a effectué une expertise sur le plan rhumatologique et ne s'est
déterminé qu'en fonction de ses connaissances spécialisées dans le domaine
somatique, les doutes exprimés par la juridiction cantonale ne sont pas dénués
de fondement, dès lors que l'expert a lui-même fait état d'une réserve quant à
la fiabilité de l'anamnèse traduite par le mari de l'assurée. La situation ne
saurait être comparée ici, comme le voudrait la recourante, à celle qui
prévalait au COMAI, où la traduction a été assurée par un interprète
professionnel et non par un membre de la famille de l'assurée, dont
l'intervention totalement neutre ne peut être garantie.
Au demeurant, le docteur H.________ ne met en évidence aucun élément objectif
nouveau qu'auraient ignoré les experts du COMAI et qui expliquerait son
appréciation divergente de la capacité résiduelle de travail sur le plan
somatique (qu'il évalue à 80 % compte tenu d'une diminution de rendement de 20
%). En particulier, on ne comprend pas pour quelle raison le rhumatologue
retient finalement "en [se] basant sur les éléments objectifs (cliniques et
radiologiques)" une incapacité de travail en tant que nettoyeuse de 50 % et de
20 % dans une activité adaptée, alors qu'il constate au préalable qu'il y a une
"indiscutable discordance entre les constatations cliniques objectives qui sont
somme toute modestes, les constatations radiologiques (hernie discale lombaire
et discopathies) [étant] banales et sans répercussions neurologiques,
[constatations radiologiques qui peuvent d'ailleurs aussi se rencontrer chez
des sujets asymptomatiques] [...])". Dans ces conditions, on ne saurait
considérer que la juridiction cantonale a fait preuve d'arbitraire en
choisissant de suivre les conclusions des médecins du COMAI et non celles du
docteur H.________, sans qu'on puisse qualifier de "raccourci", comme le fait
en vain la recourante, l'appréciation à laquelle ont procédé les premiers juges
dans ce contexte.

4.5 Enfin, l'argumentation de la recourante tirée d'une prétendue contradiction
dans les conclusions de l'expertise du COMAI tombe à faux. Lorsque les docteurs
O.________ et C.________ concluent à une baisse de rendement allant jusqu'à 20
% sur le plan psychique en raison notamment des "difficultés de mobilisation"
(p. 20 de l'expertise), ils tiennent compte de la possibilité, singulièrement
de la difficulté, pour l'assurée de mobiliser des ressources psychiques
existantes, soit d'un aspect psychique.

5.
Il résulte de ce qui précède que le recours est en tout point mal fondé.

6.
Vu l'issue de la procédure, la recourante doit supporter les frais judiciaires
y afférents (art. 66 al. 1 LTF).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté.

2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 500 fr., sont mis à la charge de la
recourante.

3.
Le présent arrêt est communiqué aux parties, au Tribunal cantonal du canton de
Vaud, Cour des assurances sociales, et à l'Office fédéral des assurances
sociales.

Lucerne, le 18 septembre 2012
Au nom de la IIe Cour de droit social
du Tribunal fédéral suisse

Le Président: Meyer

La Greffière: Moser-Szeless