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II. Sozialrechtliche Abteilung, Beschwerde in öffentlich-rechtlichen Angelegenheiten 9C 267/2012
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Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal

{T 0/2}
9C_267/2012

Arrêt du 26 novembre 2012
IIe Cour de droit social

Composition
MM. et Mme les Juges fédéraux U. Meyer, Président, Kernen et Glanzmann.
Greffier: M. Piguet.

Participants à la procédure
E.________,
représenté par Me Tarkan Göksu, avocat,
recourant,

contre

Office de l'assurance-invalidité du canton de Fribourg,
route du Mont-Carmel 5, 1762 Givisiez,
intimé.

Objet
Assurance-invalidité,

recours contre le jugement du Tribunal cantonal du canton de Fribourg, Chambre
des assurances sociales, du 9 février 2012.

Faits:

A.
E.________, ressortissant étranger, musicien de profession, est arrivé en
Suisse en 1995. Après avoir travaillé quelques mois en 2000 et 2001 pour le
compte de l'entreprise X.________, il a bénéficié de prestations de
l'assurance-chômage, puis de l'aide sociale. Dans les années 2005 et 2006, il a
donné une série de concerts à travers l'Europe au profit d'une fondation pour
l'enfance.
Le 9 novembre 2006, il a été heurté par une voiture alors qu'il traversait un
passage pour piétons. Cet accident a causé un traumatisme cranio-cérébral
sévère, une fracture frontale embarrée ouverte, une contusion cérébrale
bifrontale et une fracture de la clavicule. Souffrant de séquelles de cet
accident, l'intéressé a déposé le 26 octobre 2007 une demande de prestations de
l'assurance-invalidité. L'instruction médicale menée par l'Office de
l'assurance-invalidité du canton de Fribourg (ci-après: l'office AI) a établi
que l'assuré présentait une incapacité de travail de 50 % dans toute activité
en raison d'une modification durable de sa personnalité et de troubles
cognitifs dans le cadre d'un syndrome post-commotionnel. Par décision du 31
juillet 2009, l'office AI a alloué à l'assuré une demi-rente d'invalidité à
compter du 1er novembre 2007.

B.
Par jugement du 9 février 2012, la Cour des assurances sociales du Tribunal
cantonal du canton de Fribourg a rejeté le recours formé par l'assuré le 9
septembre 2009 contre cette décision.

C.
E.________ interjette un recours en matière de droit public contre ce jugement
dont il demande l'annulation. Il conclut principalement à l'octroi d'une rente
entière d'invalidité et subsidiairement au renvoi de la cause à la juridiction
cantonale pour instruction complémentaire et nouvelle décision. Il assortit son
recours d'une requête d'assistance judiciaire.
L'office AI conclut au rejet du recours, tandis que l'Office fédéral des
assurances sociales a renoncé à se déterminer.

Considérant en droit:

1.
Le recours en matière de droit public peut être formé pour violation du droit,
tel qu'il est délimité par les art. 95 et 96 LTF. Le Tribunal fédéral applique
le droit d'office (art. 106 al. 1 LTF), sans être limité par les arguments de
la partie recourante ou par la motivation de l'autorité précédente. Par
exception à ce principe, il ne peut entrer en matière sur la violation d'un
droit constitutionnel ou sur une question relevant du droit cantonal ou
intercantonal que si le grief a été invoqué et motivé de manière précise par la
partie recourante (art. 106 al. 2 LTF). Le Tribunal fédéral n'examine en
principe que les griefs invoqués, compte tenu de l'exigence de motivation
prévue à l'art. 42 al. 2 LTF, et ne peut aller au-delà des conclusions des
parties (art. 107 al. 1 LTF). Il fonde son raisonnement sur les faits retenus
par la juridiction de première instance (art. 105 al. 1 LTF) sauf s'ils ont été
établis de façon manifestement inexacte ou en violation du droit au sens de
l'art. 95 LTF (art. 105 al. 2 LTF). La partie recourante qui entend s'écarter
des faits constatés doit expliquer de manière circonstanciée en quoi les
conditions de l'art. 105 al. 2 LTF sont réalisées sinon un état de fait
divergent ne peut être pris en considération.

2.
Est litigieux en l'espèce le calcul du degré d'invalidité du recourant,
singulièrement la manière dont le revenu sans invalidité a été déterminé.

2.1 D'après les constatations de la juridiction cantonale, le recourant avait
indiqué à plusieurs reprises qu'il était musicien de profession, qu'il avait
produit des CD que l'on trouvait encore sur Internet et qu'il avait effectué en
2005 et en 2006 une tournée en Europe (bien qu'une documentation y relative fît
défaut dans le dossier). Contrairement à ce qu'il laissait entendre, il n'était
pas avéré qu'il vivait aisément de sa musique avant l'accident de novembre
2006, bien qu'il soit étonnant que l'office AI n'ait pas instruit davantage ce
point. En tous les cas, le recourant n'avait pas apporté la preuve que, avant
la survenance de son accident, ces revenus avaient été plus élevés que le
revenu de valide retenu par l'office AI. Quand bien même on pouvait se demander
si les pièces produites par le recourant au cours de la procédure permettaient
de prouver que la situation économique avait évolué, il n'y avait pas lieu
d'examiner cette question car, en tout état de cause, le point de vue du
recourant était mal fondé, respectivement le résultat retenu par l'autorité
(perte de gain de 50 %) pouvait être confirmé pour une autre raison. Dans la
mesure où la capacité de travail résiduelle de l'intéressé était encore de 50 %
dans son ancienne activité, le revenu qu'il pouvait obtenir en mettant à profit
sa capacité résiduelle de travail correspondait en effet à une incapacité de
gain de 50 % (comparaison en pour-cent).

2.2 En substance, le recourant reproche à la juridiction cantonale d'avoir
procédé à une constatation manifestement inexacte des faits pertinents
consécutive à une mauvaise appréciation des preuves et violé la maxime
inquisitoire (art. 61 let. c LPGA). Il lui fait plus particulièrement grief de
n'avoir pas requis la traduction des pièces qu'il avait produites, lesquelles
étaient pourtant susceptibles d'établir le revenu qu'il aurait pu obtenir en
qualité de musicien professionnel. En procédant à une comparaison en pour-cent,
la juridiction cantonale avait par ailleurs violé l'art. 16 LPGA, car elle
aurait dû effectuer une comparaison des revenus tenant compte des gains qu'il
aurait réalisés en 2007, soit au moment de la naissance du droit à la rente.

3.
3.1 Chez les assurés actifs, le degré d'invalidité doit être déterminé sur la
base d'une comparaison des revenus. Pour cela, le revenu que l'assuré aurait pu
obtenir s'il n'était pas invalide est comparé avec celui qu'il pourrait obtenir
en exerçant l'activité qui peut raisonnablement être exigée de lui après les
traitements et les mesures de réadaptation, sur un marché du travail équilibré
(art. 28a al. 1 LAI en corrélation avec l'art. 16 LPGA). La comparaison des
revenus s'effectue, en règle générale, en chiffrant aussi exactement que
possible les montants de ces deux revenus et en les confrontant l'un avec
l'autre, la différence permettant de calculer le taux d'invalidité. Dans la
mesure où ces revenus ne peuvent être chiffrés exactement, ils doivent être
estimés d'après les éléments connus dans le cas particulier, après quoi l'on
compare entre elles les valeurs approximatives ainsi obtenues. Lorsqu'on
procède à une évaluation, celle-ci ne doit pas nécessairement consister à
chiffrer des valeurs approximatives; une comparaison de valeurs exprimées
simplement en pour-cent peut aussi suffire. Le revenu hypothétique réalisable
sans invalidité équivaut alors à 100 %, tandis que le revenu d'invalide est
estimé à un pourcentage plus bas, la différence en pour-cent entre les deux
valeurs exprimant le taux d'invalidité (comparaison en pour-cent; ATF 114 V 310
consid. 3a p. 313 et les références).

3.2 En règle générale, le revenu hypothétique de la personne valide se
détermine en établissant au degré de la vraisemblance prépondérante ce qu'elle
aurait effectivement pu réaliser au moment déterminant si elle était en bonne
santé. Le revenu sans invalidité doit être évalué de la manière la plus
concrète possible; c'est pourquoi il se déduit en principe du salaire réalisé
en dernier lieu par l'assuré avant l'atteinte à la santé, en tenant compte de
l'évolution des salaires jusqu'au moment de la naissance du droit à la rente (
ATF 129 V 222 consid. 4.3.1 p. 224 et la référence). Si un assuré, en mesure
sur le plan de la santé d'exercer une activité lucrative à plein temps, décide
de son propre gré de réduire son horaire de travail pour s'accorder plus de
loisirs ou pour poursuivre sa formation (ou son perfectionnement professionnel)
ou si le marché du travail ne lui permet pas d'avoir une activité à plein
temps, l'assurance-invalidité n'a pas à intervenir (ATF 131 V 51 consid. 5.1.2
p. 53 et les références). C'est pourquoi par revenu que l'assuré aurait pu
obtenir s'il n'était pas invalide au sens de l'art. 16 LPGA, il faut entendre
le gain qu'il réaliserait effectivement s'il était en bonne santé, et non pas
ce qu'il pourrait gagner dans le meilleur des cas. Si, en se basant sur les
circonstances du cas particulier, il y a lieu d'admettre que l'assuré, en
l'absence d'atteinte à la santé, se serait contenté d'un gain modeste, il faut
prendre en compte ce revenu, même s'il aurait pu bénéficier de meilleures
conditions de rémunération (ATF 125 V 146 consid. 5c/bb p. 157 et les
références); il convient toutefois de renoncer à s'y référer lorsqu'il ressort
de l'ensemble des circonstances du cas particulier que l'assuré ne se serait
pas contenté d'une telle rémunération de manière durable ou lorsque le dernier
salaire obtenu ne correspond manifestement pas à ce que l'assuré aurait été en
mesure de réaliser - au degré de la vraisemblance prépondérante - s'il n'était
pas devenu invalide (cf. arrêt I 12/90 du 15 octobre 1991 consid. 4a, in RCC
1992 p. 94; voir également arrêt B 80/01 du 17 octobre 2003 consid. 5.2.2). Il
y a alors lieu en principe de se rapporter aux données statistiques résultant
de l'Enquête suisse sur la structure des salaires (ESS) éditée par l'Office
fédéral de la statistique (cf. arrêt I 377/98 du 28 juillet 1999 consid. 3b, in
VSI 1999 p. 246).

3.3 A la question de savoir s'il y a lieu de prendre en considération un
changement hypothétique d'activité, la jurisprudence retient que des
possibilités théoriques de développement professionnel ou d'avancement ne
doivent être prises en considération que lorsqu'il est très vraisemblable
qu'elles seraient advenues. Il convient, à cet égard, d'exiger la preuve
d'indices concrets que l'assuré aurait obtenu dans les faits un avancement ou
une augmentation corrélative de ses revenus, s'il n'était pas devenu invalide.
Des indices concrets en faveur de l'évolution de la carrière professionnelle
doivent exister, par exemple, lorsque l'employeur a laissé entrevoir une telle
perspective d'avancement ou a donné des assurances en ce sens. De simples
déclarations d'intention de l'assuré ne suffisent pas. L'intention de
progresser sur le plan professionnel doit, bien plus, déjà s'être manifestée
par des étapes concrètes, telles que la fréquentation de cours, le début
d'études ou la passation d'examens (arrêt B 80/01 du 17 octobre 2003 consid.
5.2.2 et les références).

4.
Ainsi, la jurisprudence exige que le revenu hypothétique de la personne valide
soit déterminé en établissant au degré de la vraisemblance prépondérante ce
qu'elle aurait effectivement pu réaliser au moment de la naissance du droit à
la rente si elle était restée en bonne santé. En l'espèce, la juridiction
cantonale n'a pas respecté le cadre défini par la jurisprudence. Le
raisonnement tenu par la juridiction cantonale est contradictoire, dans la
mesure où, d'un côté, il suggère - sans tenter d'en établir le bien-fondé (cf.
infra consid. 5) - que le recourant aurait pu reprendre une activité de
musicien professionnel et, d'un autre côté, il fixe le degré d'invalidité en
procédant à une comparaison en pour-cent. Car de deux choses l'une: soit la
juridiction cantonale considérait que le recourant aurait exercé au moment de
la naissance du droit à la rente une activité de musicien professionnel (et il
y avait lieu de se fonder sur les gains qu'il aurait pu réaliser dans le cadre
de cette activité), soit elle considérait que ce fait n'avait pas été établi au
degré de la vraisemblance prépondérante (et elle pouvait alors procéder à une
comparaison en pour-cent). En effet, ce n'est que dans l'hypothèse où il
n'était pas possible de chiffrer concrètement le revenu hypothétique de la
personne valide que la juridiction cantonale pouvait procéder à une comparaison
en pour-cent. En tout état de cause, la juridiction cantonale ne pouvait éluder
la question du statut précis du recourant au moment déterminant en se
retranchant derrière l'existence d'une motivation alternative. En procédant de
cette manière, les premiers juges ont par conséquent violé le droit fédéral.

5.
En ne procédant pas à l'examen du statut professionnel du recourant, la
juridiction cantonale n'a manifestement pas instruit la cause de manière
conforme aux exigences induites par l'application de la maxime inquisitoire. Au
cours de la procédure, le recourant a constamment soutenu qu'il aurait exercé
la profession de musicien professionnel au moment de la naissance du droit à la
rente. A l'époque où est survenu l'accident, il était prévu, selon ses dires,
qu'il donne une série de concerts à travers l'Europe et qu'il enregistre un CD.
Afin de prouver ces faits, il avait produit une série de documents rédigés dans
sa langue maternelle (contrats, confirmations d'engagement). La juridiction
cantonale n'a cherché à aucun moment à vérifier le bien-fondé des allégations
du recourant. Or, le recours devant le tribunal cantonal des assurances est une
voie de droit ordinaire possédant un effet dévolutif complet: un recours
présenté dans les formes requises a pour effet de transférer à la juridiction
cantonale la compétence de statuer sur la situation juridique objet de la
décision attaquée. Conformément à la maxime inquisitoire applicable (art. 61
let. c LPGA), il appartient alors à l'autorité de recours d'établir d'office
l'ensemble des faits déterminants pour la solution du litige et d'administrer,
le cas échéant, les preuves nécessaires.

6.
Sur le vu de ce qui précède, le jugement entrepris doit être annulé et la cause
renvoyée à la juridiction cantonale pour qu'elle en reprenne l'examen. Il lui
appartiendra d'examiner, en faisant procéder le cas échéant à leur traduction,
si les pièces produites par le recourant au cours de la procédure permettent
d'établir au degré de la vraisemblance prépondérante que le recourant aurait
exercé la profession de musicien professionnel au moment de la naissance du
droit à la rente s'il était demeuré en bonne santé et, le cas échéant, de
déterminer le revenu qu'il aurait pu réaliser en exerçant cette activité et de
calculer le degré d'invalidité.

7.
Vu l'issue du litige, les frais et les dépens de la procédure sont mis à la
charge de l'office intimé (art. 66 al. 1 et 68 al. 1 LTF), ce qui rend sans
objet la demande d'assistance judiciaire présentée par le recourant.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est partiellement admis et le jugement du Tribunal cantonal du
canton de Fribourg, Chambre des assurances sociales, du 9 février 2012 est
annulé. La cause est renvoyée à la juridiction de première instance pour
complément d'instruction au sens des considérants et nouveau jugement. Le
recours est rejeté pour le surplus.

2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 500 fr., sont mis à la charge de l'intimé.

3.
L'intimé versera au recourant la somme de 2'800 fr. à titre de dépens pour la
dernière instance.

4.
Le présent arrêt est communiqué aux parties, au Tribunal cantonal de l'Etat de
Fribourg, Chambre des assurances, et à l'Office fédéral des assurances
sociales.

Lucerne, le 26 novembre 2012
Au nom de la IIe Cour de droit social
du Tribunal fédéral suisse

Le Président: Meyer

Le Greffier: Piguet