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II. Sozialrechtliche Abteilung, Beschwerde in öffentlich-rechtlichen Angelegenheiten 9C 265/2012
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Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal

{T 0/2}
9C_265/2012

Arrêt du 12 octobre 2012
IIe Cour de droit social

Composition
MM. et Mme les Juges fédéraux U. Meyer, Président, Kernen et Pfiffner Rauber.
Greffier: M. Piguet.

Participants à la procédure
Office de l'assurance-invalidité du canton de Genève, rue de Lyon 97, 1203
Genève,
recourant,

contre

F.________,
représentée par Me Michael Weissberg, avocat,
intimée.

Objet
Assurance-invalidité,

recours contre le jugement de la Cour de justice de la République et canton de
Genève, Chambre des assurances sociales, du 21 mars 2012.

Faits:

A.
F.________ souffre d'une paralysie totale des deux membres inférieurs
consécutive à une poliomyélite survenue au cours de son enfance, de lésions
dégénératives du coude gauche et de l'épaule droite ainsi que d'une scoliose
paralytique, justifiant l'octroi depuis 1960 de prestations de
l'assurance-invalidité.
En raison de l'aggravation de son état de santé, elle s'est vu allouer une
rente entière de l'assurance-invalidité à compter du 1er janvier 1990 ainsi
qu'une allocation pour impotence de degré moyen depuis le 1er mai 1992 et de
degré grave depuis le 1er décembre 2001. La nature des atteintes a également
justifié la remise de divers moyens auxiliaires. Avec le temps, l'assurée s'est
ainsi retrouvée en possession d'un fauteuil roulant électrique et de deux
fauteuils roulants manuels, l'un utilisé à son domicile, l'autre placé dans sa
voiture afin de lui permettre d'accéder aux endroits non accessibles à son
fauteuil roulant électrique.
Au mois de juillet 2010, l'assurée a demandé à l'Office de
l'assurance-invalidité du canton de Genève (ci-après: l'office AI) le
renouvellement du fauteuil roulant manuel de modèle "Sopur EASY 200" qu'elle
utilisait à son domicile, en joignant à sa demande un devis d'un montant de
5'895 fr. 40 portant sur un fauteuil de modèle "küschall Ultra-Light".
Invitée à rendre un préavis, la Fédération suisse de consultation en moyens
auxiliaires pour personnes handicapées et âgées (FSCMA) a indiqué que, pour
autant que l'assurée pût bénéficier d'un deuxième fauteuil roulant manuel (ce
qui était laissé à l'appréciation de l'office AI), le renouvellement du
fauteuil "Sopur EASY 200" par un fauteuil "küschall Ultra-Light" semblait
simple et adéquat.
Par décision du 30 juin 2011, l'office AI a refusé la prise en charge d'un
deuxième fauteuil roulant manuel, au motif que l'assurée ne remplissait plus,
selon les directives administratives applicables, les conditions d'octroi pour
un deuxième fauteuil roulant manuel.

B.
Par jugement du 21 février 2012, la Cour de justice de la République et canton
de Genève, Chambre des assurances sociales, a admis le recours formé par
l'assurée, annulé la décision du 30 juin 2011 et constaté, implicitement, que
celle-ci avait droit au remplacement du fauteuil roulant "Sopur EASY 200" par
un modèle "küschall Ultra-Light".

C.
L'office AI interjette un recours en matière de droit public contre ce jugement
dont il demande l'annulation.
F.________ conclut au rejet du recours, tandis que l'Office fédéral des
assurances sociales a renoncé à se déterminer.

Considérant en droit:

1.
Le recours en matière de droit public peut être formé pour violation du droit,
tel qu'il est délimité par les art. 95 et 96 LTF. Le Tribunal fédéral applique
le droit d'office (art. 106 al. 1 LTF), sans être limité par les arguments de
la partie recourante ou par la motivation de l'autorité précédente. Le Tribunal
fédéral n'examine en principe que les griefs invoqués, compte tenu de
l'exigence de motivation prévue à l'art. 42 al. 2 LTF, et ne peut aller au-delà
des conclusions des parties (art. 107 al. 1 LTF). Il fonde son raisonnement sur
les faits retenus par la juridiction de première instance (art. 105 al. 1 LTF)
sauf s'ils ont été établis de façon manifestement inexacte ou en violation du
droit au sens de l'art. 95 LTF (art. 105 al. 2 LTF). La partie recourante qui
entend s'écarter des faits constatés doit expliquer de manière circonstanciée
en quoi les conditions de l'art. 105 al. 2 LTF sont réalisées sinon un état de
fait divergent ne peut être pris en considération. Aucun fait nouveau ni preuve
nouvelle ne peut être présenté à moins de résulter de la décision de l'autorité
précédente (art. 99 al. 1 LTF).

2.
2.1 La juridiction cantonale a estimé que l'octroi à l'intimée d'un second
fauteuil manuel était conforme à la loi, dès lors qu'elle en avait besoin pour
se déplacer, établir des contacts avec son entourage ou développer son
autonomie personnelle. En effet, il n'était pas contesté que depuis 2003,
l'intimée ne pouvait plus se mettre debout et devait utiliser un fauteuil
manuel dans son logement et un fauteuil électrique pour se déplacer à
l'extérieur. Or, l'office AI n'avait pas tenu compte de l'impossibilité pour
l'assurée de se déplacer dans les logements des membres de sa famille, de ses
amis et de certains de ses médecins. Ainsi, sans fauteuil manuel, l'intimée ne
pouvait pas se rendre au toilettes ou passer du salon à la table du repas
lorsqu'elle était en visite. Il était également évident qu'elle n'était pas en
mesure de porter le fauteuil roulant manuel qui se trouvait à son domicile,
tout en se déplaçant dans son fauteuil électrique pour se rendre à sa voiture,
puis charger les deux fauteuils dans celle-ci, pour utiliser le fauteuil manuel
chez ses proches, étant précisé qu'elle ne pouvait pas non plus accéder à sa
voiture avec le fauteuil manuel qui était à son domicile, la rampe d'accès à
son garage étant trop raide pour qu'elle puisse la monter avec son fauteuil
manuel. Dans la mesure où l'intimée vivait seule, il était particulièrement
important qu'elle puisse rendre visite à des proches et qu'elle puisse le faire
de façon autonome. Le fauteuil manuel à disposition dans la voiture
correspondait donc bien plus à une nécessité qu'à une amélioration de son
confort personnel.

2.2 L'office recourant reproche à la juridiction cantonale d'avoir violé le
droit fédéral et procédé à une constatation manifestement inexacte des faits
pertinents consécutive à une mauvaise appréciation des preuves, en considérant
que l'intimée avait besoin d'un second fauteuil roulant manuel pour se
déplacer, établir des contacts avec son entourage ou développer son autonomie
personnelle. Avec un fauteuil roulant électrique pour ses déplacements à
l'extérieur et un fauteuil roulant manuel pour ses déplacements à l'intérieur,
l'intimée disposait de l'ensemble des moyens auxiliaires simples et adéquats
pour se déplacer et entretenir des contacts avec son entourage; le
renouvellement d'un second fauteuil roulant manuel excédait le cadre matériel
des prestations pouvant être prises en charge par l'assurance-invalidité et
constituait uniquement une mesure d'amélioration de son confort. Selon la
jurisprudence, un assuré n'avait toutefois aucun droit à se voir accorder un
moyen auxiliaire de l'assurance-invalidité lui permettant de se déplacer dans
tous les lieux ou dans toutes les pièces d'un logement tiers.

3.
3.1 Selon l'art. 8 al. 1 LAI, les assurés invalides ou menacés d'une invalidité
(art. 8 LPGA) ont droit à des mesures de réadaptation pour autant que ces
mesures soient nécessaires et de nature à rétablir, maintenir ou améliorer leur
capacité de gain ou leur capacité d'accomplir leurs travaux habituels (let. a)
et que les conditions d'octroi des différentes mesures soient remplies (let.
b). Les assurés ont notamment droit à l'octroi de moyens auxiliaires, quelles
que soient les possibilités de réadaptation à la vie professionnelle ou à
l'accomplissement de leurs travaux habituels (art. 8 al. 2 LAI).

3.2 Aux termes de l'art. 21 LAI, l'assuré a droit, d'après une liste que
dressera le Conseil fédéral, aux moyens auxiliaires dont il a besoin pour
exercer une activité lucrative ou accomplir ses travaux habituels, pour
maintenir ou améliorer sa capacité de gain, pour étudier, apprendre un métier
ou se perfectionner, ou à des fins d'accoutumance fonctionnelle (al. 1, 1ère
phrase). Par ailleurs, l'assuré qui, par suite de son invalidité, a besoin
d'appareils coûteux pour se déplacer, établir des contacts avec son entourage
ou développer son autonomie personnelle, a droit, sans égard à sa capacité de
gain, à de tels moyens auxiliaires conformément à une liste qu'établira le
Conseil fédéral (al. 2). L'assurance prend en charge les moyens auxiliaires
d'un modèle simple et adéquat et les remet en toute propriété ou en prêt ou les
rembourse à forfait. L'assuré supporte les frais supplémentaires d'un autre
modèle (al. 3).

3.3 Selon l'ordonnance du 29 novembre 1976 concernant la remise de moyens
auxiliaires par l'assurance-invalidité (OMAI; RS 831.232.51), édictée par le
Département fédéral de l'intérieur sur délégation de compétence du Conseil
fédéral (art. 14 RAI), l'assurance-invalidité prend notamment en charge les
fauteuils roulants (art. 2 al. 1 OMAI et ch. 9 de l'annexe à l'OMAI), qu'ils
soient sans moteur (ch. 9.01) ou électriques (ch. 9.02). Selon la
jurisprudence, il n'est pas exclu qu'un assuré - eu égard à ses besoins
personnels - puisse se voir remettre deux fauteuils électriques et un fauteuil
sans moteur ou, inversement, deux fauteuils sans moteur et un fauteuil
électrique. Le droit à un fauteuil sans moteur, respectivement à un fauteuil
électrique doit être examiné pour lui-même, au cas par cas, en fonction des
critères des ch. 9.01 et 9.02 de l'annexe à l'OMAI. Il n'est toutefois pas
exclu que l'octroi d'un moyen auxiliaire d'une certaine catégorie ait, selon
les circonstances, une influence sur l'octroi d'un moyen de l'autre catégorie;
tel peut être le cas, par exemple, lorsqu'un fauteuil roulant électrique vient
remplacer dans sa fonction le fauteuil sans moteur précédemment alloué (voir
ATF 133 V 257 consid. 6.3.2. p. 260).

3.4 Comme pour tout moyen auxiliaire, la prise en charge des frais de
renouvellement d'un fauteuil roulant doit répondre aux critères de simplicité
et d'adéquation (art. 8 al. 1 et 21 al. 3 LAI). Ces critères, qui sont
l'expression du principe de la proportionnalité, supposent, d'une part, que la
prestation en cause est propre à atteindre le but fixé par la loi et apparaît
nécessaire et suffisante à cette fin et, d'autre part, qu'il existe un rapport
raisonnable entre le coût et l'utilité du moyen auxiliaire, compte tenu de
l'ensemble des circonstances de fait et de droit du cas particulier (ATF 135 I
161 consid. 5.1 p. 165 et les références; voir également ULRICH MEYER-BLASER,
Zum Verhältnismässigkeitsgrundsatz im staatlichen Leistungsrecht, 1985, p. 82
ss et 123 ss).

4.
4.1 En l'occurrence, la question litigieuse porte sur le point de savoir si la
remise d'un second fauteuil roulant manuel est nécessaire pour que l'intimée
puisse, conformément à l'art. 21 al. 2 LAI, se déplacer, établir des contacts
avec son entourage ou développer son autonomie personnelle. Lorsque la loi
précise qu'un assuré a droit aux appareils qui sont nécessaires pour se
"déplacer", cela ne signifie pas que celui-ci doit pouvoir circuler sur tous
les terrains et dans tous les lieux possibles. Comme mis en évidence
précédemment, il doit exister, dans le cadre de l'assurance-invalidité sociale,
un rapport raisonnable entre le but de réadaptation poursuivi, le bénéfice
supposé apporté par le moyen en question et le coût de celui-ci. Dans ce
contexte, la jurisprudence a souligné que les buts légaux de réadaptation que
sont le "déplacement" et l' "établissement de contacts avec son entourage" font
référence aux lieux les plus proches situés hors du domicile dans lesquels
s'établissent les contacts sociaux habituels de la population (ATF 135 I 161
consid. 6 p. 167; voir également arrêt 8C_34/2011 du 13 septembre 2011 consid.
4.3, in SVR 2012 IV n° 20 p. 89). En l'espèce, l'intimée, qui n'exerce plus
d'activité lucrative, s'est vu remettre par l'assurance-invalidité un fauteuil
roulant électrique qui lui permet, sans qu'elle ait besoin de recourir à l'aide
d'une tierce personne, de se déplacer hors de son domicile, de fréquenter la
majorité des lieux publics (commerces, restaurants, cafés, banques, poste,
administrations, médecins, etc.) et, partant, d'entretenir des contacts sociaux
en dehors de son domicile (cf. procès-verbal de comparution personnelle de
l'intimée du 29 novembre 2011).

4.2 Le présent litige soulève la question de savoir si les buts légaux de
réadaptation que sont le "déplacement" et l' "établissement de contacts avec
son entourage" incluent également la possibilité pour la personne assurée de se
rendre chez la plupart de ses amis et proches. Or, il est un fait notoire que,
pour des raisons architecturales, de nombreux lieux, publics ou privés, ne sont
pas ou que très difficilement accessibles aux personnes handicapées se
déplaçant en chaise roulante (manuelle ou électrique). Si cet état de fait est
la source d'inconvénients certains, puisqu'il tend, en comparaison avec la
situation des personnes valides, à restreindre l'autonomie et la qualité du
contact social des personnes à mobilité réduite, la jurisprudence a également
souligné à de nombreuses reprises que l'assurance-invalidité n'avait pas pour
vocation d'assurer les mesures qui étaient les meilleures dans le cas
particulier, mais seulement celles qui étaient nécessaires et propres à
atteindre le but visé (ATF 131 V 167 consid. 4.2 p. 173 et la référence citée;
à propos de l'interdiction de la discrimination à l'égard des personnes
handicapées, voir ATF 134 I 105 consid. 4 p. 108). En l'espèce, il a été
constaté au considérant précédent que l'intimée était en mesure, grâce aux
moyens auxiliaires mis à sa disposition, d'entretenir les contacts sociaux
habituels en dehors de son domicile, excluant par conséquent une intervention
supplémentaire de la part de l'assurance-invalidité sociale. Au demeurant, on
ajoutera que la personne assurée et son entourage ont également le devoir
d'aménager, dans la mesure du possible, l'exercice de leurs relations de
manière à ce que le système de la sécurité sociale soit le moins possible
sollicité (voir arrêt 8C_315/2008 du 3 juin 2009 consid. 3.4.3, in SVR 2009 IV
n° 49 p. 149).

4.3 Sur le vu de ce qui précède, il convient de constater, sans qu'il y ait
lieu d'examiner l'ensemble des griefs soulevés dans le recours, que la
juridiction cantonale a mal apprécié les critères de simplicité et d'adéquation
dans le cadre de l'examen du droit à la prise en charge par
l'assurance-invalidité d'un second fauteuil manuel en faveur de l'intimée. Bien
fondé, le recours doit être admis, le jugement attaqué annulé et la décision de
l'office recourant confirmée.

5.
L'intimée, qui succombe, doit supporter les frais judiciaires (art. 66 al. 1
LTF).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est admis et la décision de la Cour de justice de la République et
canton de Genève, Chambre des assurances sociales, du 21 mars 2012 est annulée.

2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 500 fr., sont mis à la charge de l'intimée.

3.
La cause est renvoyée à la Cour de justice de la République et canton de
Genève, Chambre des assurances sociales, pour nouvelle décision sur les frais
de la procédure antérieure.

4.
Le présent arrêt est communiqué aux parties, à la Cour de justice de la
République et canton de Genève, Chambre des assurances sociales, et à l'Office
fédéral des assurances sociales.

Lucerne, le 12 octobre 2012
Au nom de la IIe Cour de droit social
du Tribunal fédéral suisse

Le Président: Meyer

Le Greffier: Piguet