Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
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II. Sozialrechtliche Abteilung, Beschwerde in öffentlich-rechtlichen Angelegenheiten 9C 215/2012
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Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal

{T 0/2}
9C_215/2012

Arrêt du 21 août 2012
IIe Cour de droit social

Composition
MM. les Juges fédéraux U. Meyer, Président,
Borella et Kernen.
Greffier: M. Bouverat.

Participants à la procédure
Office de l'assurance-invalidité du canton de Genève, rue de Lyon 97, 1203
Genève,
recourant,

contre

P.________,
représenté par Me Eric Maugué, avocat,
intimé.

Objet
Assurance-invalidité,

recours contre le jugement de la Cour de justice de la République et canton de
Genève, Chambre des assurances sociales, du 31 janvier 2012.

Faits:

A.
A.a P.________ a travaillé en qualité de maçon. Victime le 7 mars 1994 d'un
accident ayant entraîné des lésions oculaires, il s'est annoncé le 17 octobre
1995 auprès de l'Office de l'assurance-invalidité du canton de Genève
(ci-après: l'office AI).
Par décisions des 17 février et 14 avril 1998, l'administration a alloué à
l'assuré une rente entière d'invalidité à partir du 1er mars 1995. Le droit aux
prestations a été maintenu au terme de deux procédures de révision ouvertes
respectivement en 2004 et 2008 (communications des 20 août 2004 et 1er octobre
2008).
La Caisse nationale suisse en cas d'accidents (ci-après: la CNA) a, par
décision sur opposition du 22 août 2005 confirmant une décision du 8 septembre
2000, mis l'intéressé au bénéfice d'une rente d'invalidité de
l'assurance-accident fondée sur un taux d'invalidité de 25 % à partir du 1er
mai 2000 ainsi que d'une indemnité pour atteinte à l'intégrité. Il ressort de
ce document que la CNA a requis une appréciation ophtalmologique de sa division
médicale (avis du docteur B.________) et confié à la Clinique X.________ le
soin de réaliser une expertise sur la personne de P.________ (rapport du
professeur K.________ et du docteur H.________).
A.b Le 18 décembre 2008, l'office AI a reçu un rapport de contrôle de chantier
établi par la Commission paritaire genevoise des métiers du bâtiment dont il
ressortait que l'assuré avait effectué le 7 novembre précédent des travaux de
serrurerie pour le compte d'une entreprise de finitions. Considérant que
P.________ avait repris l'exercice d'une activité lucrative, l'administration a
suspendu le versement de la rente par décision incidente du 25 mars 2009.
L'office AI a fait alors réaliser deux expertises sur la personne de l'assuré:
la première, ophtalmologique, confiée au docteur O.________, spécialiste FMH en
ophtalmologie (rapports des 11 septembre 2009 et 13 juillet 2010) et la
seconde, neurologique, au docteur E.________, spécialiste FMH en neurologie
(rapport du 21 juin 2010). L'administration a supprimé par décision du 3
novembre 2010 la rente de l'assuré avec effet au 7 novembre 2008.

B.
Par jugement du 31 janvier 2012, la Cour de justice de la République et canton
de Genève, Chambre des assurances sociales, a admis le recours de l'assuré et
annulé cette décision.

C.
L'office AI interjette un recours en matière de droit public contre ce jugement
dont il demande l'annulation. Il conclut au maintien de sa décision du 3
novembre 2010.
L'intimé conclut au rejet du recours tandis que l'Office fédéral des assurances
sociales a renoncé à se déterminer.

Considérant en droit:

1.
Le recours en matière de droit public peut être formé pour violation du droit,
tel qu'il est délimité par les art. 95 et 96 LTF. Le Tribunal fédéral applique
le droit d'office (art. 106 al. 1 LTF), sans être limité par les arguments du
recourant ou par la motivation de l'autorité précédente. Toutefois, compte tenu
de l'exigence de motivation prévue à l'art. 42 al. 2 LTF, il n'examine en
principe que les griefs invoqués et ne peut aller au-delà des conclusions des
parties (art. 107 al. 1 LTF). Il fonde son raisonnement sur les faits retenus
par la juridiction de première instance (art. 105 al. 1 LTF) sauf s'ils ont été
établis de façon manifestement inexacte ou en violation du droit au sens de
l'art. 95 LTF (art. 105 al. 2 LTF). Le recourant qui entend s'écarter des faits
constatés doit expliquer de manière circonstanciée en quoi les conditions de
l'art. 105 al. 2 LTF sont réalisées sinon un état de fait divergent ne peut
être pris en considération.

2.
Le litige porte sur la suppression, par la voie de la révision (art. 17 LPGA),
du droit à la rente entière d'invalidité de l'intimé. Les premiers juges ont
correctement exposé les conditions d'application de cette disposition légale
ainsi que les principes jurisprudentiels relatifs à l'appréciation de la valeur
probante des rapports médicaux. Il suffit donc d'y renvoyer.

3.
3.1 La Cour de justice a considéré que l'état de santé de l'intimé ne s'était
pas amélioré entre le moment de l'octroi de la rente entière d'invalidité et
celui de la suspension, respectivement de la suppression de celle-ci. Dans son
rapport du 11 septembre 2009, le docteur O.________ avait en effet attesté que
les séquelles ophtalmologiques et neurologiques de l'accident subi en 1994 par
l'intimé étaient à même d'entraîner une incapacité de travail totale et estimé
que l'état de santé de l'intéressé était demeuré stationnaire depuis la
survenance de cet événement. Il avait confirmé cette dernière conclusion en
juillet 2010, après avoir été informé que l'intimé avait fait l'objet d'un
contrôle sur un chantier, tout en précisant que la prise en charge de la
douleur du point de vue neurologique pourrait avoir amélioré la situation. De
son côté, le docteur E.________ avait certes considéré que l'intimé avait
présenté une pleine capacité de travail depuis mars 2000 au plus tard. Cet
expert avait toutefois fondé son opinion sur le fait que l'intéressé avait pu
effectuer des travaux de serrurerie et il n'avait pas fait état d'une
atténuation des douleurs - qu'il avait qualifiées d'emblée de relativement
modérées - grâce à un traitement des troubles neurologiques. L'avis de ce
médecin ne constituait dès lors qu'une appréciation différente d'une situation
médicale demeurée globalement inchangée depuis 1994. En outre, la seule
présence de l'intimé sur un chantier ne signifiait pas qu'il avait repris une
activité lucrative; on ne pouvait dès lors pas en déduire que les conséquences
de ses atteintes à la santé avaient subi un changement important. Partant, les
conditions d'une révision du droit à la rente n'étaient pas remplies.

3.2 Le recourant reproche à la juridiction cantonale d'avoir procédé à une
constatation manifestement inexacte des faits pertinents consécutive à une
mauvaise appréciation des preuves. Le rapport du docteur O.________ ne
revêtirait pas pleine valeur probante, contrairement à celui du docteur
E.________ dont il ressortirait une amélioration de l'état de santé de l'intimé
justifiant une suppression de sa rente. Les premiers juges auraient en outre
ignoré le contenu de certains documents médicaux versés au dossier de la CNA et
n'auraient pas tiré les conséquences qui s'imposaient de la présence de
l'intimé sur un chantier - soit l'existence d'une pleine capacité de travail
dans une activité adaptée.

3.3 L'intimé soutient que les premiers juges ont procédé à une appréciation
correcte des preuves.

4.
En l'espèce, au regard du dossier et de la cause, la question essentielle à
résoudre est celle de savoir si à fin 2008 (ouverture de la procédure de
révision du droit à la rente consécutive à la dénonciation par la Commission
paritaire genevoise des métiers du bâtiment), les conséquences de l'accident
subi par l'intimé en 1994, telles qu'elles se présentaient au début de l'année
1998 (octroi de la rente initiale), s'étaient modifiées notablement de manière
à influer sur son degré d'invalidité et, partant, son droit aux prestations.

4.1 Force est de constater en premier lieu que la juridiction cantonale a omis
de procéder à toute description de l'état de santé de l'intimé au moment de
l'octroi des prestations, se contentant d'examiner les rapports des experts
mandatés postérieurement à la suspension de la rente en mars 2009. Dès lors que
les premiers juges n'ont pas procédé à la comparaison des états de faits
déterminants pour la révision du droit à la rente, la cause devrait leur être
renvoyée sans autre pour examen de cette question et nouveau jugement. Il y a
cependant lieu d'y renoncer pour les motifs qui suivent.

4.2 Les premiers juges ont considéré que les conditions d'une révision du droit
n'étaient pas données en se fondant essentiellement sur le rapport d'expertise
du docteur O.________, aux termes duquel l'intimé présentait un état de santé
stationnaire et des séquelles ophtalmologiques et neurologiques de l'accident à
même d'entraîner une incapacité de travail totale; ils ont en revanche écarté
l'avis du docteur E.________ selon lequel l'intimé ne présentait du point de
vue fonctionnel aucune limitation au plan neurologique et était apte à
travailler à 100 % en tout cas depuis mars 2000, voire 1996.
Le rapport d'expertise du docteur O.________ repose sur une anamnèse
extrêmement succincte mais surtout ne mentionne aucun document établi par les
médecins ayant examiné l'intimé - alors que l'accident dont l'expert devait
apprécier les séquelles remontait à 1994 et avaient fait l'objet d'une
importante prise en charge selon les documents de l'assureur accident au
dossier et qu'il lui appartenait d'analyser ces documents, particulièrement
ceux rédigés par les spécialistes et experts mandatés par la CNA dans le cadre
de la procédure relative aux prestations de l'assurance-accidents -, ne fait
pas de distinction, s'agissant de l'influence des troubles de l'intéressé sur
sa capacité de travail entre l'activité habituelle et une autre activité; en
plus l'ophtalmologue en question n'explique pas pourquoi il considère l'intimé
comme incapable d'exercer toute activité lucrative d'un point de vue purement
ophtalmologique. Enfin, la brève appréciation du cas à laquelle procède
l'expert consiste en fait en une simple énumération d'éléments qui
correspondent aux plaintes de l'intimé. Le rapport d'expertise du docteur
O.________ est dès lors dénué de valeur probante suffisante. De son côté, le
docteur E.________ a énuméré les pièces médicales figurant au dossier, exposé
en détail les plaintes de l'intimé, procédé à un examen clinique complet -
lequel a révélé la présence de callosités, en particulier à la main droite,
compatibles avec un travail manuel (rapport du 21 juin 2010, p. 8) - et exclu
l'existence de céphalée et de migraine. Ce spécialiste a en outre expliqué
qu'en dépit de la sensation vertigineuse à caractère ébrieux décrite par
l'intimé, il n'y avait pas d'éléments en faveur d'une vestibulopathie
périphérique, d'un syndrome extrapyramidal, d'un signe médullaire, d'une
atteinte proprioceptive ou d'une ataxie significative; en tout état de cause,
ce tableau n'apparaissait subjectivement qu'à la marche après une ou deux
heures si bien qu'il ne pouvait être considéré comme très invalidant (rapport
du 21 juin 2010, p. 11). Les conclusions du rapport d'expertise établi par ce
médecin, selon lesquelles l'intéressé est capable de travailler à plein temps
dans l'activité habituelle en tout cas depuis 2000 (moment où il a été examiné
sur le plan ophtalmologique à la demande de la CNA) sont convaincantes.
Contrairement à ce qu'ont retenu les premiers juges, le docteur E.________ n'a
pas considéré que l'intimé était apte à travailler en se fondant uniquement sur
le fait qu'il avait été contrôlé sur un chantier. Il s'ensuit que l'instance
cantonale a procédé à une appréciation insoutenable des pièces médicales
figurant au dossier.

4.3 Au vu de l'absence de valeur probante de l'expertise du docteur O.________,
la cause n'est pas encore en état d'être jugée. L'instruction doit être reprise
au plan ophtalmologique avec l'apport des données médicales complètes de
l'assureur accident et la mise en ?uvre d'une nouvelle expertise
ophtalmologique au besoin complétée d'un consilium pluridisciplinaire avec
l'expert neurologue.

5.
Il découle de ce qui précède que le recours est bien fondé. La cause doit être
renvoyée à l'office recourant pour qu'il rende une nouvelle décision au sens
des considérants. Dans ces conditions, il n'y a pas lieu de se prononcer sur
l'appréciation des preuves à laquelle s'est livrée l'instance cantonale
s'agissant des circonstances entourant la présence de l'intimé sur un chantier
- qui paraît pour le moins surprenante et peu compatible avec la jurisprudence
relative aux déclarations de la première heure (cf. ATF 121 V 45 consid. 2a p.
47).

6.
Vu l'issue du litige, l'intimé supportera les frais judiciaires (art. 66 al. 1
LTF).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est admis. Le jugement de la Cour de justice de la République et
canton de Genève, Chambre des assurances sociales, du 31 janvier 2012 et la
décision du recourant du 3 novembre 2010 sont annulés.

2.
La cause est renvoyée au recourant pour instruction complémentaire et nouvelle
décision.

3.
Les frais judiciaires, arrêtés à 500 fr., sont mis à la charge de l'intimé.

4.
Le présent arrêt est communiqué aux parties, à la Cour de justice de la
République et canton de Genève, Chambre des assurances sociales, et à l'Office
fédéral des assurances sociales.

Lucerne, le 21 août 2012
Au nom de la IIe Cour de droit social
du Tribunal fédéral suisse

Le Président: Meyer

Le Greffier: Bouverat