Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
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Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

II. Sozialrechtliche Abteilung, Beschwerde in öffentlich-rechtlichen Angelegenheiten 9C 209/2012
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Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal

{T 0/2}
9C_209/2012

Arrêt du 26 juin 2012
IIe Cour de droit social

Composition
MM. et Mme les Juges U. Meyer, Président,
Borella et Glanzmann.
Greffier: M. Piguet.

Participants à la procédure
Service des prestations complémentaires, route de Chêne 54, 1208 Genève,
recourant,

contre

A.________, agissant par B.________,
intimée.

Objet
Prestation complémentaire à l'AVS/AI,

recours contre le jugement de la Cour de justice de la République et canton de
Genève, Chambre des assurances sociales, du 7 février 2012.

Faits:

A.
A.________ est au bénéfice depuis le 1er octobre 1997 d'une rente entière de
l'assurance-invalidité ainsi que de prestations complémentaires à cette rente
et d'un subside à l'assurance-maladie.
Par courriers des 14 septembre, 15 octobre et 15 novembre 2010, le Service des
prestations complémentaires de la République et canton de Genève (ci-après: le
SPC) a réclamé de l'intéressée la production de plusieurs pièces
justificatives, requête à laquelle elle n'a répondu que de manière partielle le
15 décembre 2010. Par courrier du 26 janvier 2011, le SPC lui a accordé un
dernier délai pour faire parvenir les documents manquants, en l'avertissant
qu'à défaut, il se verrait dans l'obligation de supprimer le droit aux
prestations et d'examiner la question de la restitution totale des prestations
versées au cours des cinq dernières années.
Par décisions du 28 février 2011, le SPC a, d'une part, supprimé à compter de
cette date le droit de l'assurée aux prestations complémentaires et au subside
de l'assurance-maladie, et, d'autre part, réclamé, après révision du dossier,
le remboursement de la somme de 18'824 fr. au titre des prestations
complémentaires perçues en trop au cours de la période courant du 1er avril
2006 au 28 février 2011.
Par courrier du 1er mai 2011, A.________, agissant par l'intermédiaire de sa
fille B.________, a demandé la restitution du délai pour former opposition et,
dans le même temps, formé opposition contre les décisions du 28 février 2011.
Estimant qu'il n'existait aucun motif pour restituer le délai d'opposition,
l'assurée n'ayant pas été dans l'impossibilité de défendre elle-même ses
intérêts ou de mandater un tiers à cette fin, le SPC a, par décision du 4
juillet 2011, déclaré irrecevable l'opposition pour cause de tardiveté.

B.
A.________ a déféré cette décision devant la Cour de justice de la République
et canton de Genève, Chambre des assurances sociales. Dans le cadre de
l'instruction de ce recours, la juridiction cantonale a entendu en audience
l'assurée, sa fille, la doctoresse N.________, psychiatre traitant, P.________,
aide familiale, et I.________, infirmier en charge de l'assurée depuis
plusieurs années au centre de consultation X.________. Par jugement du 7
février 2012, la Cour de justice a admis le recours formé par A.________,
annulé "la décision du SPC du 28 février 2011, en tant qu'elle porte sur la
suppression des prestations pour le futur, et sa décision sur opposition du 4
juillet 2011" (chiffre 3 du dispositif) et renvoyé "le dossier au SPC pour
qu'il se prononce, d'une part, sur les prestations due[s] à l'intéressée entre
le 1er mars et le 30 juin 2011 et d'autre part, sur l'opposition de
l'intéressée contre sa décision du 28 février 2011" (chiffre 4 du dispositif).

C.
Le SPC interjette un recours en matière de droit public contre ce jugement,
dont il conclut à l'annulation partielle, en tant qu'il concerne le droit aux
prestations complémentaires fondées sur le droit fédéral. Il demande qu'il soit
constaté que l'opposition formée contre les décisions du 28 février 2011 est
irrecevable, motif pris de sa tardiveté, et que les conditions d'une
restitution du délai au sens de l'art. 41 LPGA ne sont pas réunies.
A.________ conclut au rejet du recours, tandis que l'Office fédéral des
assurances sociales a renoncé à se déterminer.

Considérant en droit:

1.
Le point de départ du présent litige est constitué par la décision sur
opposition du 4 juillet 2011 rendue par le recourant, par laquelle il a déclaré
irrecevable l'opposition formée par l'intimée. Le litige soumis à la
juridiction cantonale portant donc exclusivement sur une décision de non-entrée
en matière, seule devait être examinée la question de savoir si c'est à juste
titre que le recourant avait rejeté la demande en restitution du délai
d'opposition et déclaré irrecevable l'opposition formée par l'intimée (ATF 121
V 157 consid. 2b p. 159; voir également arrêt U 185/95 du septembre 1996
consid. 1a et les références, in SVR 1997 UV n° 66 p. 225). Aussi, comme le
relève le recourant dans son mémoire de recours, la juridiction cantonale ne
pouvait pas se prononcer sur le fond du litige, soit sur le point de savoir si
le droit aux prestations complémentaires devait être supprimé. En tant que le
jugement attaqué annule la décision du 28 février 2011 portant sur la
suppression des prestations pour le futur, il doit être annulé.

2.
Le recours en matière de droit public peut être formé pour violation du droit,
tel qu'il est délimité par les art. 95 et 96 LTF. Le Tribunal fédéral applique
le droit d'office (art. 106 al. 1 LTF), sans être limité par les arguments de
la partie recourante ou par la motivation de l'autorité précédente. Le Tribunal
fédéral n'examine en principe que les griefs invoqués, compte tenu de
l'exigence de motivation prévue à l'art. 42 al. 2 LTF, et ne peut aller au-delà
des conclusions des parties (art. 107 al. 1 LTF). Il fonde son raisonnement sur
les faits retenus par la juridiction de première instance (art. 105 al. 1 LTF)
sauf s'ils ont été établis de façon manifestement inexacte ou en violation du
droit au sens de l'art. 95 LTF (art. 105 al. 2 LTF). La partie recourante qui
entend s'écarter des faits constatés doit expliquer de manière circonstanciée
en quoi les conditions de l'art. 105 al. 2 LTF sont réalisées sinon un état de
fait divergent ne peut être pris en considération. Aucun fait nouveau ni preuve
nouvelle ne peut être présenté à moins de résulter de la décision de l'autorité
précédente (art. 99 al. 1 LTF).

3.
Est litigieux en l'espèce le point de savoir si l'intimée peut être mise au
bénéfice d'une restitution du délai pour former opposition.

3.1 Selon l'article 41 LPGA, si le requérant ou son mandataire a été empêché,
sans sa faute, d'agir dans le délai fixé, celui-ci est restitué pour autant
que, dans les 30 jours à compter de celui où l'empêchement a cessé, le
requérant ou son mandataire ait déposé une demande motivée de restitution et
ait accompli l'acte omis. Par empêchement non fautif d'accomplir un acte de
procédure, il faut comprendre non seulement l'impossibilité objective ou la
force majeure - par exemple en raison d'une maladie psychique entraînant une
incapacité de discernement (ATF 108 V 226 consid. 4 p. 228: voir également
arrêt I 468/05 du 12 octobre 2005 consid. 3.1) -, mais également
l'impossibilité subjective due à des circonstances personnelles ou une erreur
excusables. La maladie peut être considérée comme un empêchement non fautif et,
par conséquent, permettre une restitution d'un délai de recours, si elle met la
partie recourante ou son représentant légal objectivement ou subjectivement
dans l'impossibilité d'agir par soi-même ou de charger une tierce personne
d'agir en son nom dans le délai (ATF 119 II 86 consid. 2 p. 87; 112 V 255;
arrêt 8C_767/2008 du 12 janvier 2009, consid. 5.3.1).

3.2 Est capable de discernement au sens du droit civil celui qui a la faculté
d'agir raisonnablement (art. 16 CC). Cette disposition comporte deux éléments,
un élément intellectuel, la capacité d'apprécier le sens, l'opportunité et les
effets d'un acte déterminé, et un élément volitif ou caractériel, la faculté
d'agir en fonction de cette compréhension raisonnable, selon sa libre volonté (
ATF 134 II 235 consid. 4.3.2 p. 239; 124 III 5 consid. 1a p. 8; 117 II 231
consid. 2a p. 232). La capacité de discernement est relative: elle ne doit pas
être appréciée dans l'abstrait, mais concrètement, par rapport à un acte
déterminé, en fonction de sa nature et de son importance, les facultés requises
devant exister au moment de l'acte (ATF 134 II 235 consid. 4.3.2 p. 239; 118 Ia
236 consid. 2b in fine p. 238).

3.3 Une personne n'est privée de discernement que si sa faculté d'agir
raisonnablement est altérée, en partie du moins, par l'une des causes énumérées
à l'art. 16 CC, dont la maladie mentale, la faiblesse d'esprit ou une autre
altération, semblable, de la pensée, à savoir des états anormaux suffisamment
graves pour avoir, dans le cas particulier et le secteur d'activité en cause,
effectivement altéré la faculté d'agir raisonnablement. Par maladie mentale, il
faut entendre des troubles psychiques durables et caractérisés, ayant sur le
comportement extérieur du sujet des conséquences évidentes, qualitativement et
profondément déconcertantes pour un profane averti (ATF 117 II 231 consid. 2a
in fine p. 233/234; 85 II 452 consid. 3a p. 460; 62 II 263 p. 264).

3.4 La preuve de la capacité de discernement pouvant se révéler difficile à
apporter, la pratique considère que celle-ci doit en principe être présumée,
sur la base de l'expérience générale de la vie. Cette présomption n'existe
toutefois que s'il n'y a pas de raison générale de mettre en doute la capacité
de discernement de la personne concernée, ce qui est le cas des adultes qui ne
sont pas atteints de maladie mentale ou de faiblesse d'esprit, à savoir des
états anormaux suffisamment graves pour altérer effectivement la faculté d'agir
raisonnablement en relation avec l'acte considéré. Pour ces derniers, la
présomption est inversée et va dans le sens d'une incapacité de discernement (
ATF 134 II 235 consid. 4.3.3 p. 240 et les références).

3.5 Les constatations relatives à l'état de santé mentale d'une personne, la
nature et l'importance d'éventuels troubles de l'activité de l'esprit, le fait
que la personne concernée pouvait se rendre compte des conséquences de ses
actes et pouvait opposer sa propre volonté aux personnes cherchant à
l'influencer relèvent de l'établissement des faits. En revanche, la conclusion
que le juge en a tirée quant à l'application de l'une ou l'autre des deux
règles dégagées par la jurisprudence relève du droit et le Tribunal fédéral la
revoit librement (ATF 124 III 5 consid. 4; 117 II 231 consid. 2c).

4.
4.1 Se fondant sur les observations rapportées par la doctoresse N.________
ainsi que sur les témoignages de l'aide familiale et de l'infirmier, la
juridiction cantonale a considéré qu'en raison d'une dégradation de son état de
santé psychique survenue durant la période courant du mois de décembre 2010 au
mois d'avril 2011, l'intimée avait été empêchée, sans faute de sa part, de
s'opposer aux décisions du 28 février 2011 et de charger une tierce personne
d'agir en son nom, n'étant plus en mesure, faute de capacité volitive, de
s'exprimer par elle-même et d'entreprendre les démarches nécessaires en vue de
la résolution de ses problèmes.

4.2 Le recourant reproche en substance à la juridiction cantonale d'avoir
procédé à une constatation manifestement inexacte des faits pertinents
consécutive à une mauvaise appréciation des preuves. Il estime que rien ne
permettait de conclure que l'état de santé de l'intimée était d'une sévérité
telle à réception des décisions du 28 février 2011 - une éventuelle incapacité
de discernement n'ayant pas pu être établie - qu'elle était dans
l'impossibilité de défendre elle-même ses intérêts ou de mandater un tiers à
cette fin. Ce faisant, le recourant se borne à ne proposer que sa propre
appréciation des faits, sans tenter d'établir que celle effectuée par la
juridiction cantonale serait arbitraire. On rappellera qu'il n'appartient pas
au Tribunal fédéral de rechercher les raisons éventuelles pour lesquelles le
jugement attaqué devrait être annulé, mais à la partie recourante d'établir en
quoi l'appréciation opérée par l'autorité cantonale serait manifestement
inexacte ou incomplète (cf. supra consid. 2). Or, le recourant ne prend à aucun
moment position sur les motifs du jugement attaqué et ne discute d'aucune façon
la question de l'absence de capacité volitive de l'intimée. Dans ces
conditions, il n'y a pas lieu de s'écarter de l'appréciation des faits
effectuée par les premiers juges.

4.3 Au surplus, on ajoutera que le recourant focalise son argumentation sur la
capacité générale de discernement de l'intimée, estimant, à la lumière des
actes courants de la vie qu'elle parvenait à accomplir, qu'elle était à même,
nonobstant certaines difficultés, de gérer ses affaires administratives, ou du
moins de mandater un tiers pour ce faire. Ce faisant, le recourant méconnaît la
jurisprudence selon laquelle la capacité de discernement ne doit pas être
appréciée dans l'abstrait, mais concrètement, par rapport à un acte déterminé,
en fonction de sa nature et de son importance. En l'occurrence, il s'agissait
de déterminer si l'intimée était en mesure de réagir de manière conforme à ce
que l'on était en droit d'attendre d'elle. Or, la juridiction cantonale a
considéré que les décisions du 28 février 2011 étaient venues interférer si
brutalement avec le fonctionnement extrêmement ritualisé de l'intimée, mis
notamment en évidence par les témoignages de l'aide familiale et de
l'infirmier, qu'elle n'avait plus été en mesure d'agir. Faute de dire en quoi
cette appréciation devrait être qualifiée d'arbitraire, les considérations du
recourant ne sont pas de nature à remettre en cause le jugement entrepris.

5.
5.1 Sur le vu de ce qui précède, le jugement entrepris ne viole pas le droit
fédéral et doit être confirmé en tant qu'il a pour objet la question de la
restitution du délai pour former opposition. Ce nonobstant, le recours doit
être très partiellement admis et le jugement attaqué annulé dans la mesure où
il annule la décision du 28 février 2011 portant sur la suppression des
prestations pour le futur (cf. supra consid. 1).

5.2 Vu l'issue du litige, les frais de justice seront supportés pour quatre
cinquièmes par le recourant et pour un cinquième par l'intimée.

5.3 Le présent arrêt rend en outre sans objet la requête d'effet suspensif
déposée par le recourant.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est très partiellement admis au sens des considérants.

2.
Le dispositif du jugement de la Cour de justice de la République et canton de
Genève, Chambre des assurances sociales, du 7 février 2012 est modifié comme
suit:
3. Annule la décision sur opposition du Service des prestations complé-
mentaires du 4 juillet 2011.
4. Renvoie le dossier au Service des prestations complémentaires pour qu'il se
prononce sur l'opposition de l'intéressée contre sa décision du 28 février
2011.

3.
Les frais judiciaires, arrêtés à 500 fr., sont mis pour 400 fr. à la charge du
recourant et pour 100 fr. à la charge de l'intimée.

4.
Le présent arrêt est communiqué aux parties, à la Cour de justice de la
République et canton de Genève, Chambre des assurances sociales, et à l'Office
fédéral des assurances sociales.

Lucerne, le 26 juin 2012
Au nom de la IIe Cour de droit social
du Tribunal fédéral suisse

Le Président: Meyer

Le Greffier: Piguet