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II. Sozialrechtliche Abteilung, Beschwerde in öffentlich-rechtlichen Angelegenheiten 9C 136/2012
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Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal

{T 0/2}
9C_136/2012

Arrêt du 20 août 2012
IIe Cour de droit social

Composition
MM. et Mme les Juges fédéraux U. Meyer, Président, Kernen et Glanzmann.
Greffier: M. Piguet.

Participants à la procédure
R.________,
représenté par Me Jean-Claude Morisod, avocat,
recourant,

contre

Office AI du canton de Fribourg,
route du Mont-Carmel 5, 1762 Givisiez,
intimé.

Objet
Assurance-invalidité,

recours contre le jugement du Tribunal cantonal du canton de Fribourg, Cour des
assurances sociales, du 22 décembre 2011.

Faits:

A.
R.________ travaillait comme contremaître pour le compte de l'entreprise de
construction X.________ SA. Souffrant de lombalgies et de cervicalgies
chroniques, il a déposé le 22 mai 1998 une demande de prestations de
l'assurance-invalidité.
Estimant que l'assuré était en mesure d'exercer à plein temps une activité
adaptée à ses limitations fonctionnelles somatiques, l'Office AI du canton de
Fribourg (ci-après: l'office AI) a, compte tenu d'un degré d'invalidité de 44
%, alloué à l'assuré un quart de rente d'invalidité à partir du 1er novembre
1998 (décisions des 13 et 25 novembre 2002).
A la suite du recours formé par l'assuré devant la Cour des assurances sociales
du Tribunal administratif du canton de Fribourg, (aujourd'hui: le Tribunal
cantonal du canton de Fribourg), l'office AI a reconnu la nécessité de procéder
à une expertise pluridisciplinaire dont il a confié la réalisation à la
Clinique Y.________. Dans leur rapport du 24 mars 2004, complété le 6 juillet
suivant, les docteurs P.________, spécialiste en médecine interne générale,
S.________, spécialiste en rhumatologie et en médecine interne générale, et
D.________, spécialiste en psychiatrie et psychothérapie, ont retenu les
diagnostics - avec répercussion sur la capacité de travail - de trouble
somatoforme douloureux persistant sous forme principalement de lombosciatalgies
gauches pseudoradiculaires, d'épisode dépressif moyen avec syndrome somatique
et de troubles dégénératifs et statiques radiologiquement modérés du rachis
lombaire; la capacité de travail était globalement de l'ordre de 50 % dans une
activité physiquement adaptée. Considérant cette expertise incomplète, l'office
AI a sollicité la doctoresse C.________ afin qu'elle établisse une nouvelle
expertise psychiatrique. Dans son rapport du 2 février 2006, ce médecin a
retenu les diagnostics - avec répercussion sur la capacité de travail - de
trouble somatoforme douloureux persistant et de trouble dépressif récurrent,
épisode actuel moyen; la capacité de travail était de 50 %, avec un rendement
ne dépassant pas 50 %.
Déniant, malgré les pièces médiales complémentaires produites par l'assuré,
tout caractère invalidant au trouble somatoforme douloureux persistant,
l'Office AI a, par décision du 28 mai 2009, confirmé ses décisions initiales et
alloué à l'assuré un quart de rente d'invalidité à compter du 1er novembre
1998.

B.
Par jugement du 22 décembre 2011, la Cour des assurances sociales du Tribunal
cantonal du canton de Fribourg a rejeté le recours formé par l'assuré contre
cette décision.

C.
R.________ interjette un recours en matière de droit public contre ce jugement
dont il demande la réforme. Il conclut à l'octroi d'une rente entière
d'invalidité à compter du 1er novembre 1998.

Considérant en droit:

1.
Le recours en matière de droit public peut être formé pour violation du droit,
tel qu'il est délimité par les art. 95 et 96 LTF. Le Tribunal fédéral applique
le droit d'office (art. 106 al. 1 LTF), sans être limité par les arguments de
la partie recourante ou par la motivation de l'autorité précédente. Le Tribunal
fédéral n'examine en principe que les griefs invoqués, compte tenu de
l'exigence de motivation prévue à l'art. 42 al. 2 LTF, et ne peut aller au-delà
des conclusions des parties (art. 107 al. 1 LTF). Il fonde son raisonnement sur
les faits retenus par la juridiction de première instance (art. 105 al. 1 LTF)
sauf s'ils ont été établis de façon manifestement inexacte ou en violation du
droit au sens de l'art. 95 LTF (art. 105 al. 2 LTF). La partie recourante qui
entend s'écarter des faits constatés doit expliquer de manière circonstanciée
en quoi les conditions de l'art. 105 al. 2 LTF sont réalisées sinon un état de
fait divergent ne peut être pris en considération. Aucun fait nouveau ni preuve
nouvelle ne peut être présenté à moins de résulter de la décision de l'autorité
précédente (art. 99 al. 1 LTF).

2.
S'il n'est pas contesté que le recourant présente, outre certaines limitations
de nature somatique justifiant un changement d'activité et l'octroi pour ce
motif d'un quart de rente d'invalidité, les avis divergent en revanche quant à
l'influence des symptomatologies douloureuse et dépressive sur la capacité de
travail du recourant. Le jugement entrepris expose à cet égard correctement les
dispositions légales et la jurisprudence applicable en matière d'évaluation de
l'invalidité, en particulier les exigences posées pour reconnaître le caractère
invalidant d'un trouble somatoforme douloureux, de sorte qu'il suffit d'y
renvoyer.

3.
3.1 Sur la base de la documentation médicale versée au dossier, la juridiction
cantonale a estimé, à l'instar de l'office intimé, que les conditions posées
par la jurisprudence pour reconnaître un caractère invalidant au trouble
somatoforme présenté par le recourant n'étaient pas remplies et que, partant,
il se justifiait de s'écarter des conclusions médicales auxquelles avaient
abouti les experts de la Clinique Y.________ et la doctoresse C.________.

3.2 Le recourant reproche implicitement à la juridiction cantonale d'avoir
procédé à une constatation manifestement inexacte des faits pertinents,
consécutive à une mauvaise appréciation des preuves. En substance, il lui fait
grief de s'être écartée sans motif impérieux des observations et conclusions
contenues dans les expertises de la Clinique Y.________ et de la doctoresse
C.________. C'est à tort qu'elle aurait nié le caractère invalidant du trouble
somatoforme dont il souffrait, dès lors qu'il présentait une comorbidité
psychiatrique importante et que les critères définis par la jurisprudence pour
reconnaître le caractère invalidant d'un trouble somatoforme douloureux étaient
manifestement remplis.

4.
4.1 Le tableau clinique présenté par le recourant est caractérisé notamment par
la présence de douleurs multiples et diffuses ainsi que d'une symptomatologie
dépressive. Il n'est pas contesté que les douleurs ne trouvent pas leur origine
dans une affection somatique susceptible d'expliquer, à elle seule,
l'importance des plaintes décrites et de l'incapacité de travail alléguée. Dès
lors, comme l'a justement mis en évidence la juridiction cantonale, la question
à examiner est celle de savoir si le recourant souffre d'une atteinte à la
santé psychique invalidante au sens de la loi ou d'un syndrome douloureux dont
les effets ne pourraient plus être surmontés par un effort de volonté
raisonnablement exigible.

4.2 Cela étant, il convient d'exprimer, à la lecture du jugement attaqué, une
certaine réserve quant à la manière dont les premiers juges ont conduit leur
raisonnement et examiné ces questions. Si l'on écarte les passages conséquents
repris des pièces médicales versées au dossier, les constatations de fait de la
juridiction cantonale sont peu nombreuses et, lorsqu'elles ne sont pas ambiguës
("on ne saurait ainsi d'emblée évoquer une comorbidité psychiatrique
particulièrement grave"), résultent plus d'impressions et de jugements de
valeur que d'une analyse objective de la situation ("si la situation du
recourant semble désormais figée depuis plusieurs années, c'est très
probablement avant tout parce qu'il a immédiatement acquis la conviction d'être
invalide", "l'on peut ainsi tout à fait se figurer qu'il a pu adopter la même
attitude [comportement extrêmement démonstratif] face aux psychiatres", "le
manque flagrant de collaboration explique très certainement pourquoi les
traitements médicaux sont restés inefficaces"). Si la motivation retenue par la
juridiction cantonale est discutable, il n'en demeure pas moins que le résultat
auquel elle a abouti n'est pas contraire au droit fédéral.

4.3 Il n'est pas contesté que le recourant souffre de troubles de la lignée
dépressive. Pour autant, on ne saurait affirmer que ces troubles justifient à
eux seuls la reconnaissance d'une incapacité de travail pour des motifs
psychiatriques (comorbidité psychiatrique). Les renseignements médicaux versés
au dossier ne permettent pas d'établir, au degré de la vraisemblance
prépondérante, l'existence d'une affection psychique qui, en elle-même ou en
corrélation avec l'état douloureux, serait propre, par son importance, à
entraîner une limitation de longue durée de la capacité de travail. Si les
expertises de la Clinique Y.________ et de la doctoresse C.________ mentionnent
l'existence d'un épisode dépressif d'intensité moyenne, elles ne contiennent en
revanche pas de description clinique détaillée permettant de justifier à la
fois le diagnostic posé et l'intensité alléguée. Par ailleurs, il ressort
distinctement des expertises précitées que la symptomatologie dépressive s'est
installée progressivement en réaction à la problématique douloureuse (voir
également le rapport du docteur E.________ du 7 décembre 2006). Or, selon la
doctrine médicale, sur laquelle se fonde le Tribunal fédéral, les états
dépressifs constituent en règle générale des manifestations (réactives)
d'accompagnement des troubles somatoformes douloureux, de sorte qu'ils ne
sauraient, en principe, faire l'objet d'un diagnostic séparé, sauf à présenter
les caractères de sévérité susceptibles de les distinguer sans conteste d'un
tel trouble (ce qui est, par exemple, le cas en présence d'un état dépressif
majeur; ATF 130 V 352 consid. 3.3.1 in fine p. 358; voir également arrêt I 946/
05 du 11 mai 2007 consid. 4.4, in SVR 2007 IV n° 44 p. 144).

4.4 En l'absence d'une comorbidité psychiatrique importante par sa gravité, son
acuité et sa durée, il convient, conformément à la jurisprudence, d'examiner la
situation à la lumière des critères fixés par la jurisprudence pour juger du
caractère invalidant des syndromes somatiques à l'étiologie incertaine. On
remarquera à titre préliminaire que les différents médecins interrogés au cours
de la procédure, s'ils ont décrit de manière circonstanciée l'étiologie des
troubles, n'ont pas fournis d'explications précises et détaillées sur les
raisons qui les ont conduits à estimer que le recourant ne disposait plus des
ressources nécessaires pour surmonter les effets du processus douloureux (sur
les exigences en matière de motivation, voir arrêt 8C_802/2007 du 5 mai 2008
consid. 5.3 et les références), ce qui amoindrit notablement la portée de leurs
conclusions. Or, si l'on considère la situation dans son ensemble, il y a lieu
de constater la présence d'un certain nombre d'éléments qui empêchent de
conclure au caractère invalidant de la symptomatologie douloureuse.
Bien que le processus maladif dure désormais depuis de nombreuses années et
qu'il soit venu se greffer sur des plaintes préexistantes liées à des troubles
dégénératifs débutants de la colonne lombaire, le recourant n'a pas fait, quoi
qu'il en dise, l'objet d'un suivi thérapeutique soutenu et approprié (sur cet
aspect de la problématique, voir arrêt 9C_662/2009 du 17 août 2010 consid. 3.2,
in SVR 2011 IV n° 26 p. 73). La doctoresse C.________ a ainsi souligné que la
symptomatologie dépressive n'avait pas été traitée convenablement ("pas de
suivi psychiatrique régulier et posologie d'antidépresseur pas adéquate"). Le
docteur E.________ - qui n'a vu selon ses dires le recourant qu'à cinq reprises
(courrier du 12 octobre 2009) - a certes avancé que l'échec des traitements
précédemment tentés et le manque de collaboration apparent étaient une
conséquence de la structure particulière de la personnalité du recourant
(personnalité psychosomatique). Les éclaircissements apportés par ce médecin ne
permettent toutefois pas d'expliquer l'attitude de déni prolongé - mise
notamment en évidence par la doctoresse C.________ - adoptée par le recourant
par rapport à la spécificité de ses troubles et son implication limitée à la
recherche de solutions à ses problèmes. Il ressort en effet du dossier que les
plaintes alléguées ne sont pas corrélées avec une demande de soins
particulièrement importante, le recourant ne voyant son médecin traitant qu'à
raison d'une consultation tous les trois mois. A ces éléments, il convient
d'ajouter les divers éléments de discordances mis en évidence au cours des
examens cliniques dont le recourant a fait l'objet (rapport du 24 mars 2004 de
la Clinique Y.________; voir également le rapport du 12 octobre 2001 du docteur
B.________). De plus, le recourant ne semble pas présenter un retrait social
évident et objectif. S'il n'est pas contesté qu'il a adopté un mode de vie très
replié depuis qu'il a cessé de travailler et que sa famille proche est
retournée au Portugal, on ne saurait parler, à la lumière du quotidien tel que
décrit par le recourant dans son recours, d'une perte d'intégration sociale
dans toutes les manifestations de la vie, celui-ci conservant une existence
relativement bien organisée et continuant à entretenir un réseau social
constitué d'amis.
Au vu des éléments qui précèdent, il n'est pas possible de considérer comme
établi, au degré de la vraisemblance prépondérante, que le recourant a épuisé -
même partiellement - l'ensemble des ressources psychiques qui lui permettraient
de surmonter ses douleurs.

4.5 Cela étant, l'existence d'une atteinte à la santé psychique ouvrant le
droit à des prestations d'assurance doit être niée. L'office recourant n'a dès
lors pas violé le droit fédéral en considérant que la capacité de travail
découlant des seules atteintes à la santé somatique était entière dans une
activité adaptée à ses limitations fonctionnelles.

5.
Comme en procédure cantonale, le recourant conclut également à ce que les frais
d'établissement des rapports médicaux du docteur E.________ des 7 décembre 2006
et 12 octobre 2009 qu'il a requis au cours de la procédure soient mis à la
charge de l'office intimé. En vertu de l'art. 45 al. 1 LPGA, les frais
occasionnés par les mesures d'instruction indispensables à l'appréciation du
cas sont pris en charge par l'assureur. Tel est notamment le cas lorsque l'état
de fait médical ne peut être établi de manière concluante que sur la base de
documents recueillis et produits par la personne assurée, si bien que l'on peut
reprocher à l'assureur de n'avoir pas établi, en méconnaissance de la maxime
inquisitoire applicable, les faits déterminants pour la solution du litige (ATF
115 V 62; arrêt I 1008/06 du 24 avril 2007 consid. 3.1). Dès lors que les
documents médicaux en question ne se sont pas révélés déterminants pour l'issue
du litige, cette conclusion doit être rejetée.

6.
Mal fondé, le présent recours doit être rejeté selon la procédure simplifiée de
l'art. 109 al. 2 let. a LTF, sans qu'il y ait lieu d'ordonner un échange
d'écritures. Vu l'issue du recours, les frais judiciaires doivent être mis à la
charge du recourant qui succombe (art. 66 al. 1 LTF).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté.

2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 500 fr., sont mis à la charge du recourant.

3.
Le présent arrêt est communiqué aux parties, au Tribunal cantonal du canton de
Fribourg, Cour des assurances sociales, et à l'Office fédéral des assurances
sociales.

Lucerne, le 20 août 2012
Au nom de la IIe Cour de droit social
du Tribunal fédéral suisse

Le Président: Meyer

Le Greffier: Piguet