Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

Strafrechtliche Abteilung, Beschwerde in Strafsachen 6B.741/2012
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Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal

[8frIR2ALAGK1]     
{T 0/2}
                   
6B_741/2012

Arrêt du 5 septembre 2013

Cour de droit pénal

Composition
MM. et Mme les Juges fédéraux Mathys, Président,
Jacquemoud-Rossari et Denys.
Greffière: Mme Livet.

Participants à la procédure
X.________, représenté par Me Mike Hornung, avocat,
recourant,

contre

Ministère public de la République et canton de Genève,
intimé.

Objet
exequatur,

recours contre l'arrêt de la Cour de justice du canton de Genève, Chambre
pénale d'appel et de révision, du 7 novembre 2012.

Faits:

A. 
Par jugement du 24 mai 2012, le Tribunal d'application des peines et des
mesures du canton de Genève a prononcé l'exequatur de l'arrêt rendu le 25 mai
2010 par la Cour d'appel de Durrës/Albanie reconnaissant X.________ coupable
d'"escroquerie ayant entraîné de graves conséquences" (art. 143 du code pénal
albanais) et le condamnant à une peine privative de liberté de sept ans, avec
la précision que l'exequatur était prononcée à concurrence de cinq ans.

B. 
Par arrêt du 7 novembre 2012, la Chambre pénale d'appel et de révision de la
Cour de justice genevoise a rejeté l'appel formé par X.________, ajoutant que
la peine subie avant jugement sera déduite de la peine à exécuter.

C. 
X.________ forme un recours en matière pénale au Tribunal fédéral contre cet
arrêt, concluant, sous suite de dépens, principalement à sa réforme en ce sens
que l'exequatur est rejetée, subsidiairement à son annulation. Il sollicite par
ailleurs l'effet suspensif et l'assistance judiciaire.

La cour cantonale a déclaré n'avoir pas d'observations particulières à formuler
et a conclu au rejet du recours. Le ministère public s'est déterminé et a
conclu au rejet du recours.

Considérant en droit:

1. 
En vertu de l'art. 105 de la loi fédérale sur l'entraide internationale en
matière pénale (EIMP; RS 351.1), la décision d'exequatur incombe au juge
compétent selon l'art. 32 CPP, qui statue sur l'exécution après avoir renseigné
le condamné sur la procédure et l'avoir entendu en présence de son mandataire.
L'art. 32 CPP définit une compétence à raison du lieu. L'autorité judiciaire
qui doit statuer correspond à l'autorité de recours du canton compétent (cf.
art. 55 al. 4 CPP; HORST SCHMITT, in Basler Kommentar, Schweizerische
Strafprozessordnung, 2011, n° 5 ad art. 55 CPP; MOREILLON/PAREIN-REYMOND, Petit
commentaire, Code de procédure pénale, 2013, n° 5 ad art. 55 CPP; NIKLAUS
SCHMID, Schweizerische Strafprozessordnung, Praxiskommentar, 2009, n° 7 ad art.
55 CPP). La décision rendue n'équivaut pas à une décision d'entraide au sens
étroit qui ne pourrait être soumise que restrictivement au Tribunal fédéral
(cf. art. 84 LTF). Il s'agit bien d'une décision d'exécution susceptible d'un
recours en matière pénale en vertu de l'art. 78 al. 2 let. b LTF (cf. SCHMITT,
op. cit., n° 6 ad art. 55 CPP; MOREILLON/PAREIN-REYMOND, ibidem; SCHMID,
ibidem). Dès lors que l'exequatur implique d'examiner au regard des art. 94 ss
EIMP certaines conditions relevant du droit pénal interne, la compétence pour
traiter le recours en matière pénale revient à la Cour de droit pénal du
Tribunal fédéral (art. 33 let. a RTF; cf. aussi arrêt 6B_300/2013 du 3 juin
2013 consid. 1).

En l'espèce, l'autorité de recours du canton n'a pas statué en instance unique
comme spécifié ci-dessus mais le recourant a bénéficié d'une double instance
cantonale. Il n'en subit aucun préjudice. Contre la décision rendue en dernière
instance cantonale, un recours en matière pénale est ouvert.

2. 
Invoquant en particulier une violation de l'art. 96 let. c EIMP, le recourant
soutient que le jugement albanais ne peut être exécuté en Suisse.

2.1.

2.1.1. En vertu de l'art. 1 al. 1 let. d EIMP, la coopération internationale en
matière pénale inclut l'exécution de décisions pénales étrangères, régie par
les art. 94 ss EIMP. L'art. 2 EIMP énumère les situations où la coopération est
irrecevable en introduisant notamment une clause générale qui permet à la
Suisse de refuser la coopération lorsque la procédure à l'étranger présente
d'autres défauts graves (let. d). Cela peut être le cas d'un jugement rendu par
défaut dans l'Etat requérant si le condamné n'a en particulier pas bénéficié
des garanties minimales de la défense. Il convient de procéder à une
appréciation au regard des standards déduits des art. 29 al. 1 Cst. et 6 CEDH
(cf. ROBERT ZIMMERMANN, La coopération judiciaire internationale en matière
pénale, 3 ^e éd. 2009, n ^o 680 ss, spéc. 687). En matière d'exécution de
jugement étranger, l'art. 96 let. c EIMP prévoit expressément que le juge
refuse l'exequatur en totalité ou en partie s'il estime que le condamné a de
bonnes raisons de s'opposer à l'exécution d'une décision ou d'une ordonnance
pénale rendue par défaut qui n'est plus susceptible de recours ou d'opposition
selon le droit de l'Etat requérant. L'art. 40 de l'ordonnance sur l'entraide
internationale en matière pénale (OEIMP; RS 351.11) précise que les décisions
pénales rendues dans l'Etat de condamnation sur opposition ou appel de la
personne condamnée ne sont pas considérées comme des jugements par défaut.

2.1.2. Selon la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme,
l'art. 6 CEDH garantit à l'accusé le droit d'être jugé en sa présence. Il
s'ensuit qu'une procédure par défaut n'est compatible avec cette disposition
que si le condamné a la possibilité de demander qu'une juridiction statue à
nouveau, après l'avoir entendu, sur le bien-fondé de l'accusation, en fait
comme en droit (arrêt de la CourEDH Sejdovic contre Italie du 1 ^er mars 2006, 
Recueil CourEDH 2006-II p. 201 § 81 s. et les arrêts cités).

Ce principe supporte cependant quelques atténuations. D'abord, la Cour
européenne reconnaît que, devant les juridictions supérieures, la comparution
de l'accusé ne revêt pas nécessairement la même importance qu'en première
instance (cf. arrêt de la CourEDH Kamasinski contre Autriche du 19 décembre
1989, série A vol. 168 § 1060). Ensuite, elle admet que la CEDH n'empêche pas
une personne de renoncer de son plein gré aux garanties d'un procès équitable
de manière expresse ou tacite, en particulier à son droit d'être jugé en
contradictoire. Elle exige seulement que la renonciation au droit de participer
à l'audience se trouve établie de manière non équivoque et qu'elle ait été
entourée du minimum de garanties correspondant à sa gravité (arrêt Sejdovic, §
86 et les arrêts cités). Enfin, sous réserve que les sanctions procédurales
prévues ne soient pas disproportionnées et que l'accusé ne soit pas privé du
droit d'être représenté par un avocat, la Cour européenne juge que le
législateur national doit pouvoir décourager les absences injustifiées aux
audiences (arrêt Sejdovic, § 92 et les arrêts cités, en particulier arrêt de la
CourEDH Poitrimol contre France du 23 novembre 1993, série A vol. 277 A § 35).
Dès lors, la Cour européenne des droits de l'homme admet qu'une personne
condamnée par défaut se voie refuser la possibilité d'être jugée en
contradictoire si les trois conditions cumulatives suivantes sont remplies:
premièrement, il est établi que cette personne avait reçu sa citation à
comparaître; deuxièmement, elle n'a pas été privée de son droit à l'assistance
d'un avocat dans la procédure par défaut; et, troisièmement, il est démontré
qu'elle avait renoncé de manière non équivoque à comparaître ou qu'elle avait
cherché à se soustraire à la justice (cf. arrêts de la CourEDH Medenica contre
Suisse du 14 juin 2001, Recueil CourEDH 2001-VI § 55 ss et Sejdovic, § 105 ss,
a contrario). A propos de cette dernière condition, la Cour européenne a
précisé qu'il ne devait pas incomber à l'accusé de prouver qu'il n'entendait
pas se dérober à la justice ou que son absence s'expliquait par un cas de force
majeure, mais qu'il était loisible aux autorités nationales d'évaluer si les
excuses fournies par l'accusé pour justifier son absence étaient valables ou si
les éléments versés au dossier permettaient de conclure que l'absence de
l'accusé aux débats était indépendante de sa volonté (arrêt Sejdovic, § 88 et
les arrêts cités; cf. aussi arrêts 6B_268/2011 du 19 juillet 2011 consid. 1.1;
6B_860/2008 du 10 juillet 2009 consid. 4.1).

2.2. Il ressort des constatations cantonales que la procédure étrangère dirigée
contre le recourant a fait l'objet d'un premier jugement de condamnation le 14
septembre 2004, confirmé en appel le 17 octobre 2005, qui a été annulé le 4
avril 2007 par la Cour suprême d'Albanie qui a considéré que le recourant
n'avait pas été cité régulièrement. Dans le cadre de la reprise, il est apparu,
notamment sur la base d'une note de la police adressée au tribunal, que le
recourant résidait en Suisse, son avocat ignorant cependant son adresse. Le
tribunal a constaté le défaut du recourant et a poursuivi l'audience, la
défense de celui-ci étant assurée par ledit avocat. Par jugement du 12 mai
2008, le tribunal a reconnu le recourant coupable non pas d'escroquerie mais de
"non-dénonciation au crime" selon l'art. 300 du code pénal albanais et l'a
condamné à une amende de 1'000'000 ALL. A la suite de l'appel du ministère
public, la cour d'appel a constaté que le recourant faisait défaut mais qu'il
était défendu par l'avocat précité qui était un avocat de choix, l'a reconnu
coupable d'"escroquerie ayant entraîné de graves conséquences" selon l'art. 143
du code pénal albanais et l'a condamné à une peine de sept ans de prison (cf.
arrêt attaqué, p. 3 et 4).

2.3. La cour cantonale a exposé que le recourant avait été défendu durant toute
la procédure de 2004 à 2010 par le même avocat, qu'il n'avait jamais informé
les autorités de poursuite pénale albanaise du fait qu'il habitait en Suisse,
que ses déclarations selon lesquelles il ignorait l'existence de la procédure
n'étaient pas crédibles, qu'il avait choisi de ne pas participer
personnellement à cette procédure au vu du risque d'arrestation qui existait,
mais de s'y faire représenter, qu'il devait en assumer les conséquences,
d'autant que son avocat avait exercé de façon suffisante les droits de la
défense (cf. arrêt attaqué p. 10).

2.4. Contrairement à ce que semble supposer la cour cantonale, la première
phase de la procédure albanaise n'est pas déterminante dès lors que la Cour
suprême de ce pays a retenu un vice dans la convocation et a renvoyé la cause
en première instance pour une nouvelle procédure. Il convient donc uniquement
de considérer la situation à partir de cette phase. Au moment de la reprise de
la procédure, il ressort des constatations cantonales que la juridiction
albanaise de première instance savait que le recourant se trouvait en Suisse et
qu'il n'était pas atteignable à l'adresse de sa mère en Albanie. Son avocat
ignorait son adresse en Suisse. Il n'apparaît pas que des démarches auraient
été entreprises pour atteindre le recourant. Il n'apparaît pas plus que son
avocat aurait eu un quelconque contact avec celui-ci. Dans ces conditions, il
n'est pas établi de manière non équivoque que le recourant aurait renoncé au
droit de participer à la procédure après avoir valablement reçu sa citation à
comparaître. Rien n'atteste non plus que le recourant aurait entretenu un
contact avec son avocat. Les éléments du dossier ne permettent pas de retenir
que le recourant a bénéficié d'une procédure admissible au regard des exigences
jurisprudentielles précitées (cf. supra consid. 2.1.2). Il s'ensuit que
l'exequatur doit être refusée en vertu de l'art. 96 let. c EIMP. L'arrêt
attaqué sera réformé en conséquence, la cause étant par ailleurs renvoyée à
l'autorité précédente pour nouvelle décision sur les frais et indemnité de la
procédure cantonale.

3. 
Vu l'issue de la procédure, il n'est pas perçu de frais (art. 66 al. 4 LTF) et
le canton de Genève versera en mains du conseil du recourant une indemnité de
dépens pour la procédure devant le Tribunal fédéral (art. 68 al. 1 et 2 LTF).
La requête d'assistance judiciaire est ainsi sans objet.

La cause étant jugée, la requête d'effet suspensif est sans objet.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1. 
Le recours est admis et l'arrêt attaqué est réformé en ce sens que la requête
d'exequatur est rejetée.

2. 
La demande d'assistance judiciaire est sans objet.

3. 
Il n'est pas perçu de frais judiciaires.

4. 
Le canton de Genève versera à l'avocat du recourant une indemnité de 3'000 fr.
à titre de dépens pour la procédure devant le Tribunal fédéral.

5. 
La cause est renvoyée à l'autorité précédente pour nouvelle décision sur les
frais de procédure et dépens des instances cantonales.

6. 
Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Cour de justice du canton
de Genève, Chambre pénale d'appel et de révision.

Lausanne, le 5 septembre 2013

Au nom de la Cour de droit pénal
du Tribunal fédéral suisse

Le Président: Mathys

La Greffière: Livet

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