Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

Strafrechtliche Abteilung, Beschwerde in Strafsachen 6B.659/2012
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Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal

{T 0/2}
6B_659/2012

Arrêt du 8 avril 2013
Cour de droit pénal

Composition
MM. les Juges fédéraux Mathys, Président,
Denys et Oberholzer.
Greffière: Mme Livet.

Participants à la procédure
1. X.________,
2. Y.________,
tous les 2 représentés par Me Thomas Barth, avocat,
recourants,

contre

Ministère public de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213
Petit-Lancy,
intimé.

Objet
Allocation au lésé (art. 73 CP); arbitraire, violation du principe de célérité,

recours contre l'arrêt de la Cour de justice du canton de Genève, Chambre
pénale d'appel et de révision, du 25 septembre 2012.

Faits:

A.
Par jugement du 1er juin 2012, le Tribunal d'application des peines et des
mesures genevois (ci-après: TAPEM) a rejeté les requêtes en allocation au lésé
de X.________ et de Y.________.

B.
Le 25 septembre 2012, la Chambre pénale d'appel et de révision de la Cour de
justice genevoise a rejeté l'appel formé par X.________ et Y.________ contre ce
jugement.

En substance, il ressort les éléments suivants de cet arrêt.

Le 25 juin 2010, la Cour correctionnelle genevoise a condamné A.________ à une
peine privative de liberté de trois ans, onze mois et douze jours, pour abus de
confiance aggravés, faux dans les titres et gestion déloyale aggravée commis en
sa qualité de gérant de fortune au détriment de nombreux clients dont
X.________ et Y.________, constitués parties civiles dans la procédure qui en
comptait trente-sept. La cour correctionnelle a fait droit aux conclusions
civiles déposées par un grand nombre de parties civiles ayant fait constater
leurs créances par le biais de conclusions en condamnation ou moyennant des
conclusions d'accord résultant de transactions passées avec le condamné. La
cour correctionnelle a procédé à l'allocation aux lésés en ayant fait la
demande et remplissant les conditions de l'art. 73 CP, d'un montant de
10'204'835 fr., (correspondant à une créance compensatrice à concurrence de la
valeur des biens connus de l'accusé de 600'000 fr. d'une part et, d'autre part,
aux avoirs bancaires confisqués) lequel a été réparti au marc le franc.

La cour correctionnelle a constaté que X.________ et Y.________ n'avaient pas
pris de conclusion en allocation moyennant cession de leur créance à l'Etat à
due concurrence, de sorte qu'ils n'ont pas fait partie des allocataires. Le
dispositif de l'arrêt a en revanche donné acte à A.________ de ce qu'il
reconnaissait devoir à chacun d'entre eux la somme de 564'735 fr. 45, plus
intérêts à 5% l'an du 16 décembre 1999 au 25 septembre 2007, conformément aux
conclusions d'accord du 31 mai 2010 produites par leur conseil lors de
l'audience de jugement.
Après le rejet des recours déposés par le condamné, un tiers saisi et deux
parties civiles autre que X.________ et Y.________, l'arrêt du 25 juin 2010 est
devenu définitif et exécutoire.

C.
X.________ et Y.________ forment un recours en matière pénale devant le
Tribunal fédéral contre l'arrêt du 25 septembre 2012. Ils concluent,
principalement, à sa réforme en ce sens qu'une allocation au lésé leur est
attribuée à concurrence chacun d'un montant de 564'735 fr. 45 sur la base des
biens et avoirs saisis et de la créance compensatrice prononcée contre
A.________ ou à charge de l'Etat de Genève, en due proportion des allocations
prononcées en faveur des autres parties lésées, acte leur étant donné qu'ils
cèdent à l'Etat de Genève une part correspondante de leur créance pour tout
montant effectivement recouvré. Subsidiairement, ils concluent à la
constatation de la violation du principe de célérité et à l'allocation d'une
indemnité de 10'000 fr. à la charge de l'Etat de Genève, réservant une action
en responsabilité subséquente. Plus subsidiairement, ils concluent à
l'annulation de l'arrêt entrepris et au renvoi de la cause à l'autorité
précédente pour nouvelle décision.

Ils requièrent par ailleurs l'assistance judiciaire.

Il n'a pas été ordonné d'échange d'écritures.

Considérant en droit:

1.
Les décisions en matière de confiscation et d'allocation au lésé sont des
décisions pénales (art. 78 al. 1 LTF; arrêts 6B_17/2011 du 18 juillet 2011
consid. 1; 6B_53/2009 du 24 août 2009 consid. 1.2 et les références citées).
Dirigé contre un jugement final (art. 90 LTF) rendu par une autorité cantonale
de dernière instance (art. 80 LTF), le recours est en principe recevable. Les
recourants ont qualité pour dénoncer une violation de l'art. 73 CP (art. 81 al.
1 LTF; cf. ATF 136 IV 29 consid. 1.9 p. 40; arrêt 6B_403/2008 du 24 novembre
2008 consid. 1).

2.
Les recourants consacrent plusieurs pages de leur mémoire de recours à une
présentation personnelle des faits. Ils ne formulent de la sorte aucun grief
recevable au regard des art. 42 al. 2 et 106 al. 2 LTF.

3.
Les recourants invoquent une violation de l'art. 73 CP, dont ils se plaignent
d'une application arbitraire.

3.1 Aux termes de l'art. 73 al. 1 CP, si un crime ou un délit a causé à une
personne un dommage qui n'est couvert par aucune assurance et s'il y a lieu de
craindre que l'auteur ne réparera pas le dommage ou le tort moral, le juge
alloue au lésé, à sa demande, jusqu'à concurrence des dommages-intérêts ou de
la réparation morale fixés par un jugement ou par une transaction, les objets
et les valeurs patrimoniales confisqués ou le produit de leur réalisation, sous
déduction des frais (let. b) ou les créances compensatrices (let. c).

Conformément au texte de la loi, l'allocation au lésé n'est accordée que sur
requête de celui-ci et n'intervient jamais d'office. Lorsque plusieurs lésés
peuvent prétendre à une allocation, il appartient à chacun d'entre eux d'en
faire la demande. Il n'existe aucune solidarité entre l'ensemble des lésés (ATF
122 IV 365 consid. 2 p. 374 s.). Lorsqu'il existe plusieurs lésés, le juge ne
tiendra compte, pour l'allocation, que de ceux qui ont expressément formulé une
demande sur la base de l'art. 73 CP, à l'instar du juge civil ou du juge pénal
appelé à statuer sur des prétentions civiles (NIKLAUS SCHMID, Kommentar,
Einziehung, Organisiertes Verbrechen, Geldwäscherei, vol. I, 2ème éd. 2007, no
74 ad art. 73 CP). La doctrine est d'avis que le juge doit rendre le lésé
attentif à la possibilité offerte par l'art. 73 CP, tout du moins lorsque ce
dernier n'a pas de connaissances juridiques suffisantes ou n'est pas assisté
d'un avocat (cf. MADELEINE HIRSIG-VOUILLOZ, in Commentaire romand, Code pénal
I, 2009, no 21 ad art. 73 CP; FLORIAN BAUMANN, in Basler Kommentar Strafrecht
I, 2007, no 20 ad art. 73 CP; NIKLAUS SCHMID, op. cit., no 75 ad art. 73 CP).
La jurisprudence n'admet un devoir d'assistance du juge que lorsque le lésé
n'est pas versé dans la matière juridique, ni assisté d'un avocat (cf. arrêt
6B_190/2010 du 16 juillet 2010 consid. 2.1 i.f.).

En vertu du principe de l'économie de la procédure, l'allocation doit, en
principe, être ordonnée en même temps que la décision qui en constitue son
fondement (cf. art. 73 al. 3 CP a contrario). Dans les cas où ce n'est pas
possible, l'allocation peut faire l'objet d'une procédure ultérieure dont les
modalités sont réglées par les cantons (art. 73 al. 3 CP). Une telle procédure
est envisageable lorsqu'un lésé qui fait valoir une demande d'allocation selon
l'art. 73 CP ne s'annonce que postérieurement, c'est-à-dire à un moment où, par
exemple, la confiscation des objets et valeurs patrimoniales au sens des art.
69 à 72 CP a déjà été ordonnée ou lorsque la peine pécuniaire ou l'amende a
déjà été perçue par l'autorité compétente. Une décision ultérieure est
toutefois possible, pour autant que les biens en question n'aient pas déjà fait
l'objet d'une allocation, entrée en force, à d'autres lésés (arrêt 6B_53/2009
du 24 août 2009 consid. 2.6 et les références citées).

3.2 En substance, la cour cantonale a retenu que les recourants réunissaient
les conditions leur permettant de requérir l'allocation au lésé au sens de
l'art. 73 CP. La loi n'obligeait pas les recourants à agir dans la procédure au
fond. Toutefois, en l'absence de solidarité entre les lésés, ils prenaient le
risque de ne pouvoir être désintéressés que sur le reliquat, dès lors que
d'autres lésés avaient formulés, antérieurement, soit dans la procédure au
fond, une demande d'allocation. Les recourants avaient participé à la procédure
au fond, assistés d'un avocat, et savaient que les avoirs saisis étaient
insuffisants pour désintéresser tous les lésés. Ce qui empêchait l'allocation
n'était pas le fait que les recourants avaient agi ultérieurement, mais
l'absence de reliquat à leur attribuer.

3.3 Le raisonnement de la cour cantonale ne prête pas le flanc à la critique.
Les recourants ont participé à la procédure au fond et ils étaient assistés
d'un avocat. Ils avaient conscience que les avoirs n'étaient pas suffisants
pour couvrir l'entier des prétentions civiles émises par les différents lésés.
En n'émettant aucune prétention en allocation en même temps que les autres
lésés, ils prenaient le risque que l'entier des avoirs soit alloué aux lésés en
ayant fait la demande. A juste titre, ils ne prétendent pas que le juge du fond
aurait dû attirer leur attention sur les conséquences de leur comportement dès
lors qu'ils étaient assistés d'un avocat lors de la procédure au fond.
Contrairement à ce que semble prétendre les recourants, le fait que la
distribution des deniers soit intervenue postérieurement à leur demande n'est
pas déterminant. Est seul déterminant le caractère définitif et exécutoire de
la décision allouant les avoirs au lésé, soit le jugement de la cour
correctionnelle. Ce jugement n'a pas fait l'objet d'un recours de la part des
recourants sur la question de l'allocation au lésé. Ils n'étaient ainsi plus
fondés à le remettre en question dans le cadre de la procédure ultérieure. Dès
lors que les recourants ont participé à la procédure au fond, qu'ils étaient
assistés d'un avocat, qu'ils savaient que les avoirs n'étaient pas suffisants
pour couvrir l'entier des prétentions civiles des lésés, qu'ils n'ont pas
contesté la décision au fond sur la question de l'allocation, ils doivent
assumer le fait qu'il n'existe aucun reliquat sur les avoirs. Mal fondé, leur
grief doit être rejeté.

4.
Invoquant l'art. 29 al. 1 Cst., les recourants reprochent aux autorités
cantonales d'avoir violé le principe de célérité.

4.1 Le Tribunal fédéral n'examine les moyens fondés sur la violation de droits
fondamentaux que s'ils ont été invoqués et motivés de manière précise (art. 106
al. 2 LTF). L'acte de recours doit, à peine d'irrecevabilité, contenir un
exposé succinct des droits constitutionnels ou des principes juridiques violés
et préciser en quoi consiste la violation (cf. ATF 136 II 489 consid. 2.8 p.
494; 134 II 349 consid. 3 p. 351).

4.2 L'art. 29 al. 1 Cst. garantit notamment à toute personne, dans une
procédure judiciaire ou administrative, le droit à ce que sa cause soit traitée
dans un délai raisonnable. A l'instar de l'art. 6 par. 1 CEDH qui n'offre à cet
égard pas une protection plus étendue, cette disposition consacre le principe
de la célérité, en ce sens qu'elle prohibe le retard injustifié à statuer.
Viole la garantie ainsi accordée, l'autorité qui ne rend pas une décision qu'il
lui incombe de prendre dans le délai prescrit par la loi ou dans le délai que
la nature de l'affaire et les circonstances font apparaître comme raisonnable.
Le caractère raisonnable du délai s'apprécie selon les circonstances
particulières de la cause, eu égard en particulier à la complexité de
l'affaire, au comportement du requérant et à celui des autorités compétentes,
ainsi qu'à l'enjeu du litige pour l'intéressé (ATF 135 I 265 consid. 4.4 p.
277; 130 I 312 consid. 5.1 p. 331).

4.3 Les recourants ne démontrent pas qu'ils auraient invoqué ce grief devant la
cour cantonale et il ne paraît pas que tel soit le cas. Il apparaît ainsi
douteux que leur grief soit recevable sous l'angle de l'exigence de
l'épuisement préalable des voies de droit cantonales (art. 80 al. 1 LTF).
Quoiqu'il en soit, leur grief est de toute façon infondé dans la mesure où il
est recevable. Les recourants prétendent que les autorités cantonales auraient
violé le principe de célérité dès lors que le TAPEM aurait mis 21 mois à
statuer sur leur requête ultérieure en allocation, laissant ainsi les avoirs
être distribués aux autres lésés dans l'intervalle. Ce faisant, ils se bornent
à contester la durée de la procédure sans établir l'existence de longues
périodes d'inactivité fautive des autorités cantonales. Ils ne démontrent pas
non plus être intervenus de quelque manière que ce soit lorsque les autorités
cantonales n'auraient pas, selon eux, fait preuve de la diligence requise et il
n'incombe pas à la cour de céans de rechercher d'office dans le dossier l'une
ou l'autre intervention en ce sens émanant des recourants. Il n'apparaît donc
pas que l'on puisse reprocher de temps morts aux autorités cantonales. A elles
seules, les affirmations non étayées des recourants ne suffisent pas à faire
admettre une durée déraisonnable de la procédure qui se serait éternisée sans
motifs suffisants. Une violation du principe de la célérité n'est dès lors pas
démontrée à suffisance de droit. Au demeurant, le fait que les autorités
cantonales statuent plus rapidement n'aurait pas empêché la distribution des
deniers dès lors que celle-ci est intervenue sur la base d'une décision
définitive et exécutoire.

5.
Le recours était d'emblée dénué de chances de succès. L'assistance judiciaire
doit être refusée (art. 64 al. 1 LTF). Les recourants supportent les frais de
la cause, par moitié chacun, qui seront fixés en tenant compte de leur
situation économique, qui n'apparaît pas favorable (art. 65 al. 2 et 66 al. 1
LTF).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.

2.
La demande d'assistance judiciaire est rejetée.

3.
Les frais judiciaires, arrêtés à 1600 fr., sont mis à la charge des recourants,
par moitié chacun.

4.
Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Cour de justice du canton
de Genève, Chambre pénale d'appel et de révision.

Lausanne, le 8 avril 2013

Au nom de la Cour de droit pénal
du Tribunal fédéral suisse

Le Président: Mathys

La Greffière: Livet