Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

Strafrechtliche Abteilung, Beschwerde in Strafsachen 6B.603/2012
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Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal

{T 0/2}
6B_603/2012, 6B_610/2012, 6B_616/2012

Arrêt du 14 février 2013
Cour de droit pénal

Composition
MM. et Mme les Juges fédéraux Mathys, Président,
Schneider, Jacquemoud-Rossari, Denys et Oberholzer.
Greffière: Mme Cherpillod.

Participants à la procédure
6B_603/2012
1. Direction de la sécurité et de la justice du canton de Fribourg, Grand-Rue
27, 1700 Fribourg,
2. Etat de Fribourg, agissant par le Conseil d'Etat du canton de Fribourg, case
postale, 1701 Fribourg,
recourants,

6B_610/2012
Ministère public de l'Etat de Fribourg, case postale 156, 1702 Fribourg,
recourant,

6B_616/2012
Direction de la sécurité et de la justice du canton de Fribourg, Grand-Rue 27,
1700 Fribourg,
recourante,

contre

X.________, représenté par Me Dominique Morard, avocat,
intimé.

Objet
Exécution des peines et des mesures,

recours contre l'arrêt de la Cour administrative du Tribunal cantonal du canton
de Fribourg du 4 septembre 2012.

Faits:

A.
Par arrêt du 6 septembre 2010, la Cour d'appel pénal du Tribunal cantonal
fribourgeois a condamné X.________ pour actes d'ordre sexuel avec une enfant,
contrainte sexuelle, tentative de viol, pornographie et contravention à la loi
fédérale sur les transports publics à une peine privative de liberté de cinq
ans, sous déduction de 390 jours de détention subie avant jugement dès le 24
janvier 2008, et 100 fr. d'amende, la peine étant assortie d'une mesure
thérapeutique institutionnelle en établissement fermé (art. 59 al. 1 et 3 CP).
Cet arrêt est entré en force le 12 novembre 2010.

Le 1er décembre 2010, le Service de l'application des sanctions pénales et des
prisons (SASPP) a ordonné la mise en ?uvre de la mesure thérapeutique. Faute de
notification régulière, la décision est demeurée sans effet.

Le 17 février 2011, X.________ a formé une demande de libération conditionnelle
fondée sur l'exécution des 2/3 de la peine conformément à l'art. 86 CP.

Par décision du 29 juillet 2011, le SASPP a ordonné à nouveau l'exécution de la
mesure thérapeutique institutionnelle, mandatant à cet effet le service médical
des Etablissements de la plaine de l'Orbe. Par décision du 18 août 2011, il a
rejeté la requête de libération conditionnelle de la mesure thérapeutique
institutionnelle et confirmé la poursuite du traitement en milieu fermé.

X.________ a recouru contre les deux décisions du SASPP. Par décision du 25
novembre 2011, la Direction de la sécurité et de la justice du canton de
Fribourg a rejeté son recours.

B.
Par arrêt du 4 septembre 2012, la Cour administrative du Tribunal cantonal
fribourgeois a partiellement admis le recours de X.________ contre la décision
de la Direction de la sécurité et de la justice. Déniant la compétence de
l'administration pour statuer en application de l'art. 62d al. 1 CP, elle a
annulé la décision en tant qu'elle refusait la libération conditionnelle de la
mesure thérapeutique et a renvoyé la cause à la Direction de la sécurité et de
la justice pour qu'elle la transmette à une autorité indépendante, en relevant
qu'à défaut de législation cantonale spécifique, il s'agissait du juge pénal
qui avait ordonné la mesure thérapeutique institutionnelle.

C.
Le Ministère public (réf. 6B_610/2012) et la Direction de la sécurité et de la
justice du canton de Fribourg (réf. 6B_616/2012) forment séparément un recours
en matière pénale au Tribunal fédéral contre cet arrêt, concluant à son
annulation et au renvoi de la cause en instance cantonale. L'Etat de Fribourg,
agissant par le Conseil d'Etat et la Direction de la sécurité et de la justice
(réf. 6B_603/2012), dépose également un recours intitulé recours en matière de
droit public, à l'appui duquel il prend des conclusions similaires à celles
articulées dans les recours en matière pénale.
Par ordonnance du 2 novembre 2012, le Président de la Cour de droit pénal du
Tribunal fédéral a joint ces trois recours et a refusé la requête d'effet
suspensif qu'ils contenaient.

Invités à se déterminer sur le recours 6B_610/2012, la cour cantonale a déclaré
n'avoir pas de remarques particulières alors que l'intimé X.________ a conclu à
l'irrecevabilité du recours, subsidiairement à son rejet. Il a par ailleurs
sollicité l'assistance judiciaire.

Considérant en droit:

1.
Les recours se réfèrent au même complexe de faits, mettent en cause les mêmes
personnes et leur objet est identique. Il se justifie donc de joindre les
causes 6B_603/2012, 6B_610/2012, ainsi que 6B_616/2012 et de statuer sur les
trois recours par un seul arrêt (art. 24 PCF applicable par renvoi de l'art. 71
LTF).

2.
2.1 L'arrêt attaqué revient à dénier la compétence de l'autorité administrative
telle qu'aménagée dans le canton de Fribourg. Le refus de compétence constitue
une décision finale au sens de l'art. 90 LTF.

2.2 Le litige s'inscrit dans la problématique d'exécution d'une mesure. La voie
du recours en matière pénale est ouverte (art. 78 al. 2 let. b LTF) et non
celle du recours en matière de droit public.

2.3 Le Conseil d'Etat et la Direction de la sécurité et de la justice n'ont pas
qualité pour former un recours en matière pénale (ATF 133 IV 121 consid. 1.1 et
1.2 p. 123 s.). Il s'ensuit que les recours dans les causes 6B_603/2012 et
6B_616/2012 sont irrecevables.

Le ministère public a qualité pour recourir (cf. art. 81 al. 1 let. b ch. 3
LTF). Il n'a certes pas formellement participé à la procédure cantonale, comme
l'exige l'art. 81 al. 1 let. a LTF. Il faut toutefois considérer qu'il a été
privé de la possibilité de s'exprimer devant l'autorité précédente, qui ne l'a
pas invité à se déterminer. Dans ces conditions, la qualité pour recourir ne
saurait lui être déniée pour le motif qu'il n'a pas participé à la procédure
cantonale (cf. ATF 135 I 63 consid. 1.1.1 p. 65 s.).

Il résulte de ce qui précède qu'il y a uniquement lieu d'entrer en matière sur
le recours 6B_610/2012, qui contient d'ailleurs des griefs similaires à ceux
émis dans les deux autres causes.

3.
Le recourant se prévaut d'une violation de l'art. 62d CP.

3.1 La cour cantonale a considéré que le SASPP n'était pas une unité
indépendante de la Direction de la sécurité et de la justice et qu'au vu du
système adopté par le législateur fribourgeois, le SASPP ne remplissait pas la
condition d'indépendance exigée par l'art. 5 par. 4 CEDH.

3.2 Aux termes de l'art. 62d al. 1 CP, l'autorité compétente examine, d'office
ou sur demande, si l'auteur peut être libéré conditionnellement de l'exécution
de la mesure ou si la mesure peut être levée et, si tel est le cas, quand elle
peut l'être. Elle prend une décision à ce sujet au moins une fois par an. Au
préalable, elle entend l'auteur et demande un rapport à la direction de
l'établissement chargé de l'exécution de la mesure.
3.2.1 Les art. 62 à 62d CP font référence respectivement au "juge", à
"l'autorité compétente" et à "l'autorité d'exécution". Ainsi, le législateur a
introduit une compétence susceptible de relever suivant la question à résoudre
soit d'une autorité administrative désignée par le droit cantonal, soit d'une
autorité judiciaire (cf. MARIANNE HEER, in Basler Kommentar, Strafrecht I, 2e
éd. 2007, n° 9 ss ad art. 62 CP).

L'art. 62d al. 1 CP dont il est question ici mentionne "l'autorité compétente".
3.2.2 Un courant de doctrine est d'avis que l'autorité qui doit procéder à
l'examen de la libération conditionnelle ou de la levée d'une mesure
thérapeutique en vertu de l'art. 62d al. 1 CP doit être indépendante et revêtir
les garanties d'un tribunal. Donner une telle compétence à une autorité
administrative serait contraire à l'art. 5 par. 4 CEDH (ROTH/THALMANN, in
Commentaire romand, Code pénal I, 2009, n° 8 à 10 ad art. 62 CP). Cette
approche est trop limitative. Le contrôle annuel prévu par l'art. 62d al. 1 CP
doit certes être opéré par une autorité judiciaire (cf. Message du 21 septembre
1998 concernant la modification du code pénal suisse et du code pénal militaire
ainsi qu'une loi fédérale régissant la condition pénale des mineurs, FF 1999 p.
1894 ch. 213.435). Néanmoins, la compétence d'une autorité administrative en
première instance est admissible dès lors qu'une voie de recours avec plein
pouvoir d'examen devant une autorité judiciaire est aménagée et garantit ainsi
l'accès au juge prévu par les art. 31 al. 4 Cst. et 5 par. 4 CEDH (cf.
SCHWARZENEGGER/HUG/JOSITSCH, Strafrecht II, Strafen und Massnahmen, 8e éd.
2007, p. 229-230; TRECHSEL ET AL., Schweizerisches Strafgesetzbuch,
Praxiskommentar, 2e éd. 2013, n° 2 in fine ad art. 62d CP; cf. aussi arrêt
6B_360/2012 du 13 août 2012 consid. 4).
3.2.3 Dans le cadre de l'examen prévu à l'art. 62d al. 1 CP, le canton de
Fribourg a aménagé une voie de recours devant une autorité judiciaire, soit la
Cour administrative du Tribunal cantonal, qui dispose d'un plein pouvoir
d'examen en fait et en droit (cf. art. 77 et 95 al. 3 du Code du 23 mai 1991 de
procédure et de juridiction administrative du canton de Fribourg (CPJA; RS/FR
150.1). Par conséquent, les garanties conventionnelles et constitutionnelles
déduites des art. 31 al. 4 et 5 par. 4 CEDH sont assurées par l'accès à cette
juridiction et ne sont pas en soi violées pour le seul motif qu'une autorité
administrative (le SASPP) se prononce en première instance cantonale. Il est
vrai que la décision du SASPP n'est pas directement attaquable devant la Cour
administrative du Tribunal cantonal mais doit préalablement faire l'objet d'un
recours devant une autorité administrative, soit la Direction de la sécurité et
de la justice. Un tel aménagement des voies de droit est susceptible dans
certaines circonstances d'être à l'origine d'une durée de traitement peu
compatible avec le délai d'une année posé par l'art. 62d CP, qui implique
qu'une autorité judiciaire puisse s'être prononcée. Cet aménagement ne saurait
toutefois en lui-même être déclaré non conforme. Il s'ensuit que le grief tiré
d'une violation de l'art. 62d al. 1 CP doit être admis, l'arrêt attaqué annulé
et la cause renvoyée à l'autorité précédente pour qu'elle reprenne la
procédure.

4.
Il est statué sans frais ni dépens (art. 66 al. 4 et 68 al. 3 LTF). Il y a lieu
de donner suite à la requête d'assistance judiciaire de l'intimé.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Les causes 6B_603/2012, 6B_610/2012 et 6B_616/2012 sont jointes.

2.
Les recours 6B_603/2012 et 6B_616/2012 sont irrecevables.

3.
Le recours 6B_610/2012 est admis, l'arrêt attaqué est annulé et la cause est
renvoyée à l'autorité cantonale pour nouvelle décision.

4.
Il est statué sans frais ni dépens.

5.
La demande d'assistance judiciaire de l'intimé est admise et la Caisse du
Tribunal fédéral versera à Me Dominique Morard une indemnité de 3'000 fr. à
titre d'honoraires d'avocat d'office.

6.
Le présent arrêt est communiqué aux parties et à Ia Cour administrative du
Tribunal cantonal du canton de Fribourg.

Lausanne, le 14 février 2013

Au nom de la Cour de droit pénal
du Tribunal fédéral suisse

Le Président: Mathys

La Greffière: Cherpillod