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Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
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Strafrechtliche Abteilung, Beschwerde in Strafsachen 6B.602/2012
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Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal

{T 0/2}
6B_602/2012

Arrêt du 18 décembre 2012
Cour de droit pénal

Composition
MM. et Mme les Juges fédéraux Mathys, Président, Jacquemoud-Rossari et Schöbi.
Greffière: Mme Kistler Vianin.

Participants à la procédure
X.________, actuellement détenue aux Etablissements pénitentiaires
d'Hindelbank, 3324 Hindelbank, représentée par Me Eric Reynaud, avocat,
recourante,

contre

Ministère public central du canton de Vaud, avenue de Longemalle 1, 1020 Renens
VD,
intimé.

Objet
Refus du transfert dans un autre établissement pénitentiaire;

recours contre l'arrêt du Tribunal cantonal du canton de Vaud, Chambre des
recours pénale, du 23 août 2012.

Faits:

A.
Le 12 mars 2012, l'Office d'exécution des peines du canton de Vaud (ci-après:
OEP) a rejeté la requête de X.________ tendant à son transfert dans un autre
établissement que celui d'Hindelbank. Le 30 juillet 2012, le Juge d'application
des peines vaudois a confirmé cette décision. En outre, il a rejeté la
réquisition de X.________ tendant à la production des pièces du dossier
pénitentiaire de sa s?ur.

B.
Par arrêt du 23 août 2012, la Chambre des recours pénale du Tribunal cantonal
vaudois a rejeté le recours formé par X.________ et confirmé la décision de
l'autorité précédente.

Cette décision se fonde notamment sur les éléments suivants:
B.a Par jugement du 11 février 2002, le Tribunal criminel de l'arrondissement
de Lausanne a condamné X.________ à douze ans de réclusion, sous déduction de
la détention préventive, pour assassinat, lésions corporelles graves, voies de
fait qualifiées, séquestration qualifiée, violation du devoir d'assistance ou
d'éducation et dénonciation calomnieuse. Il a suspendu l'exécution de cette
peine au profit d'un internement au sens de l'art. 43 ch. 1 al. 2 aCP. Ce
jugement a été confirmé par la Cour de cassation pénale du Tribunal cantonal
vaudois le 20 septembre 2002 (sauf en ce qui concerne les voies de fait
qualifiées) et par la Cour de cassation pénale du Tribunal fédéral le 13 juin
2003.

Cette condamnation reposait, pour l'essentiel, sur les faits suivants:
X.________ avait trois filles, A.________, née en 1987 et décédée à la fin de
l'année 1998, B.________, née en 1990, et C.________, née en 1994. Entre le 24
et le 31 décembre 1998, X.________ et sa s?ur, Y.________, ont frappé à mort
A.________. Celle-ci avait provoqué la colère de sa mère pour des futilités.
Très en colère, cette dernière a alors commencé à frapper violemment sa fille,
sur tout le corps et notamment le visage, au moyen d'un cordon électrique
doublé muni d'un noeud à l'une de ses extrémités. Après un certain temps, elle
a appelé sa s?ur, Y.________, et celle-ci a également commencé à battre sa
nièce, avec un autre cordon ou une ceinture. Les deux femmes, qui ont ainsi agi
séparément et à tour de rôle pendant une demi-heure en tout cas, ont frappé
A.________ jusqu'à ce que l'enfant, qui pleurait doucement, cessât ses
gémissements et ne bougeât plus. B.________ et C.________ ont assisté à toute
la scène. Après le décès de A.________, les deux femmes n'ont plus quitté
l'appartement, où elles sont restées terrées, volets fermés, avec les deux
fillettes et le cadavre de l'enfant, jusqu'à l'intervention de la police, le
soir du 15 janvier 1999. La responsabilité de X.________ a été considérée comme
fortement diminuée pour tous les actes qui avaient été commis.
B.b X.________ a exécuté la mesure d'internement jusqu'au 19 novembre 2007.
Lors du réexamen des internements imposé par le droit transitoire des nouvelles
dispositions du code pénal, entrées en vigueur le 1er janvier 2007 (art. 2 al.
2 Dispositions finales), le Tribunal correctionnel d'arrondissement de Lausanne
a substitué à l'internement la mesure thérapeutique institutionnelle
(traitement des troubles mentaux) de l'art. 59 CP. A l'appui de cette décision,
l'autorité de jugement notait que l'intéressée avait " amorcé une évolution
sinon remarquable, du moins remarquée, depuis l'année 2004 " et que s'il y
avait eu une période de flottement en 2006, " la thérapie [avait] repris de
plus belle en 2007 et, selon son thérapeute, le traitement n'[était] pas
inutile ". Le jugement précisait néanmoins que la dangerosité de X.________ ne
devait pas être mésestimée, dangerosité maintes fois rappelée par la Commission
interdisciplinaire consultative (ci-après: CIC), d'où l'application de la
précaution sécuritaire de l'alinéa 3 de l'art. 59 CP. La Cour de cassation
pénale du Tribunal cantonal vaudois a confirmé ce jugement par arrêt du 24
janvier 2008.
B.c Il ressort du rapport du Service bernois de psychiatrie légale du 31
octobre 2011 que les entretiens de soutien sans caractère thérapeutique ont été
interrompus " en vertu du comportement de Mme X.________", qui " s'est conduite
de façon très négative à l'égard de l'intervenante ", qu'elle a insultée et
agressée verbalement. Les psychothérapeutes en charge du suivi de la condamnée
ont en outre indiqué que celle-ci ne participait pas non plus aux séances de
thérapie de groupe en raison de difficultés linguistiques et ont préconisé son
transfert dans un autre établissement pénitentiaire.
B.d Dans leur expertise du 23 mai 2012, ordonnée dans la procédure d'examen
annuel de la libération conditionnelle, les experts ont confirmé le diagnostic
de trouble de la personnalité paranoïaque avec une possible limitation
intellectuelle. Selon les experts, il est nécessaire de poursuivre un suivi
psychiatrique au vu de la gravité des troubles et de leurs répercussions. Il
est toutefois difficile de quantifier les chances de succès de la mesure, qui
apparaissent globalement faibles. En effet, le trouble grave de la personnalité
paranoïaque dont souffre X.________ fait partie des maladies psychiatriques
chroniques les plus difficiles à soigner. Les personnes présentant un tel
trouble ont beaucoup de difficultés à se sentir malade et tendent à projeter
leurs difficultés sur les autres, sur l'extérieur, vécu comme malveillant. Leur
traitement nécessite une prise en charge psychothérapeutique, sur une longue,
voire très longue durée, par un seul et même thérapeute soutenu par une équipe
stable. C'est seulement à l'intérieur d'un tel cadre que les rapports à la
violence pourraient, le cas échéant, être progressivement abordés et que le
traitement serait susceptible d'avoir un impact significatif sur le risque de
récidive.

Au sujet de la langue, les experts ont déclaré ce qui suit: " Le fait que le
suivi psychothérapeutique ne puisse pas s'effectuer dans sa langue maternelle
complique les choses, mais, de notre point de vue, ne constitue pas le problème
principal. En effet, une partie non négligeable des difficultés rencontrées
dans la thérapie sont liées directement à la pathologie présentée par Madame
X.________ et sont susceptibles de se retrouver dans n'importe quel type de
thérapie et dans n'importe quelle langue. En théorie, plus Madame X.________ se
trouve dans un environnement capable de la comprendre et où elle se sent
comprise, moins elle est susceptible de se retrouver dans des situations "
faisant le lit " de l'interprétativité paranoïaque. "
B.e Dans sa prise de position du 12 décembre 2011, la Direction de la Prison de
la Tuilière s'est opposée au transfert de X.________ en ses murs, expliquant
que son arrivée pourrait s'avérer néfaste pour sa s?ur. Elle s'est cependant
déclarée disposée à réexaminer la situation, une fois que cette dernière serait
autorisée à intégrer une institution non pénitentiaire.

C.
Contre ce dernier arrêt, X.________ dépose un recours en matière pénale devant
le Tribunal fédéral. Elle conclut, principalement, à la réforme de l'arrêt
attaqué en ce sens qu'elle est transférée dans l'établissement pénitentiaire de
la Tuilière et, à titre subsidiaire, à l'annulation dudit arrêt et au renvoi de
la cause à l'autorité précédente pour nouveau jugement. En outre, elle
sollicite l'assistance judiciaire.

Il n'a pas été ordonné d'échange d'écritures.

D.
Par courrier du 4 décembre 2012, l'OEP a transmis au Tribunal fédéral une copie
de ses lettres à la recourante et aux Etablissements d'Hindelbank, les
informant qu'il était en train d'examiner l'opportunité d'un transfert de la
recourante à Lonay, car la s?ur de la recourante serait placée dans un autre
établissement.

Considérant en droit:

1.
Le recours en matière pénale est ouvert à l'encontre d'une décision relative à
l'exécution des peines (art. 78 al. 2 let. b LTF). Il suppose que le recourant
fasse valoir qu'il dispose d'un intérêt juridique à l'annulation ou à la
modification de la décision attaquée (art. 81 al. 1 let. b LTF) ; un intérêt
général ou de fait est insuffisant (ATF 133 IV 228 consid. 2.3 p. 230 s.). Le
détenu n'a pas, en principe, le droit de choisir le lieu de l'exécution de la
sanction. En l'espèce, la recourante fait toutefois valoir que son maintien à
la prison d'Hindelbank ne lui permet pas d'exécuter sa mesure thérapeutique
institutionnelle dans des conditions acceptables puisqu'elle se trouve dans un
environnement linguistique qu'elle ne comprend pas ou très peu. Dans cette
mesure, elle a un intérêt juridique à la modification ou à l'annulation de
l'arrêt attaqué et, partant, la qualité pour recourir.

2.
Dénonçant une violation de son droit d'être entendue, la recourante se plaint
du rejet de sa requête tendant à la production du dossier de sa s?ur.

2.1 Le droit d'être entendu, tel qu'il est garanti par l'art. 29 al. 2 Cst.,
comprend le droit pour l'intéressé de prendre connaissance du dossier (ATF 126
I 7 consid. 2b p. 10), de s'exprimer sur les éléments pertinents avant qu'une
décision ne soit prise touchant sa situation juridique, de produire des preuves
pertinentes, d'obtenir qu'il soit donné suite à ses offres de preuves
pertinentes, de participer à l'administration des preuves essentielles ou à
tout le moins de s'exprimer sur son résultat, lorsque cela est de nature à
influer sur la décision à rendre (ATF 135 II 286 consid. 5.1 p. 293; 132 II 485
consid. 3.2 p. 494).

Le dossier pénitentiaire de la s?ur de la recourante ne fait toutefois pas
partie du dossier à consulter. Dans un tel cas, le requérant doit faire valoir
un intérêt digne de protection à cette consultation, et ni un intérêt public ni
l'intérêt prépondérant d'un tiers ne doivent s'y opposer.

2.2 En l'espèce, la présence de la s?ur à la prison de Lonay constitue certes
un des éléments pris en compte dans la décision de refuser le transfert de la
recourante à la Tuilière. Cette présence n'est toutefois pas contestée, et les
indications sur l'évolution du traitement de sa parente ou son achèvement
n'apporteraient pas d'éléments déterminants pour la prise de décision. La cour
de céans ne voit dès lors pas quel est l'intérêt de la recourante à consulter
le dossier de sa s?ur, consultation qui, en outre, porterait atteinte à la
protection de la personnalité de cette dernière. C'est donc à juste titre que
la cour cantonale a refusé la production du dossier pénitentiaire de la s?ur.

3.
Dénonçant une violation de l'art. 16 al. 2 du Concordat sur l'exécution des
peines privatives de liberté et des mesures concernant les adultes et les
jeunes adultes dans les cantons latins, la recourante reproche à la cour
cantonale d'avoir abusé de son pouvoir d'appréciation en considérant que son
transfert à la prison de la Tuilière ne pouvait apporter d'éléments positifs
dans l'exécution du traitement psychiatrique institutionnel. Se fondant sur
l'expertise du 23 mai 2012, elle fait valoir que les difficultés linguistiques
qu'elle rencontre dans l'établissement actuel nuirait à l'évolution de sa
thérapie. Elle souligne en outre la rupture de confiance entre elle et ses
thérapeutes bernois, qui ont considéré la poursuite du traitement comme
inutile.

3.1 Le traitement institutionnel au sens de l'art. 59 CP s'effectue dans un
établissement fermé lorsqu'il y a lieu de craindre que le condamné ne s'enfuie
ou ne commette de nouvelles infractions (art. 59 al. 3 CP). Il peut aussi être
effectué dans un établissement pénitentiaire au sens de l'art. 76 al. 2 CP,
dans la mesure où le traitement thérapeutique nécessaire est assuré par du
personnel qualifié.

L'art. 16 du Concordat sur l'exécution des peines privatives de liberté et des
mesures concernant les adultes et les jeunes adultes dans les cantons latins
prévoit que les autorités compétentes désignées par le canton auxquelles
incombe l'exécution du jugement ou de la décision procèdent selon leur libre
appréciation au placement de la personne concernée dans l'établissement ou la
section d'établissement approprié (al. 1). Elles se fondent sur les indications
contenues dans le jugement ou la décision, ainsi que sur les différents
éléments qui leur sont fournis ou qu'elles requièrent suivant les cas auprès
d'une commission, d'une personne désignée comme expert ou de l'autorité
judiciaire (al. 2). Conformément à l'art. 95 let. e LTF, le Tribunal fédéral
est habilité à examiner la bonne application du droit concordataire
(intercantonal; art. 95 let. e LTF).

3.2 La recourante fonde sa demande de transfert, essentiellement sur des motifs
linguistiques. Certes, dans leurs conclusions, les experts ont admis que le
suivi psychothérapeutique serait meilleur s'il pouvait s'effectuer dans la
langue maternelle (espagnole) de la recourante. Ils ont toutefois ajouté qu'une
partie non négligeable des difficultés rencontrées dans la thérapie étaient
liées directement à la pathologie de la recourante (expertise p. 15).
L'expertise du 23 mai 2012 (p. 5) rappelle du reste que la recourante a
notamment été suivie à Hindelbank par une psychologue et un médecin maîtrisant
l'espagnol jusqu'au moment où elle a refusé de collaborer avec ceux-ci, ce qui
démontre que le fait que ce suivi ne peut pas s'effectuer dans la langue
maternelle de l'intéressée ne constitue pas le problème principal.

De toute façon, la recourante est de langue maternelle espagnole et la prison
de la Tuilière ne peut pas non plus lui assurer un traitement dans cette
langue, comme le recommandent les experts. Dans la mesure où la recourante
maîtrise mieux le français que l'allemand, l'établissement d'Hindelbank offre
aussi des thérapies individuelles en français. Ainsi, dans sa lettre du 26
avril 2011, le Service bernois de psychiatrie légale a précisé qu'il disposait
de collaborateurs avec les compétences linguistiques requises et que la
recourante avait également été suivie par une psychologue s'exprimant en
français. Il faut au demeurant admettre que les thérapies de groupe nécessitent
de relativement bonnes connaissances d'allemand, dans la mesure où les autres
participants parlent allemand.

La recourante se plaint en outre de la rupture du lien de confiance d'avec ses
thérapeutes bernois, qui ont considéré que la poursuite du traitement était
inutile. Dans leurs conclusions, les experts ont certes indiqué que la
conviction du thérapeute que le traitement est inefficace peut constituer un
frein au traitement envisagé (expertise p. 15, question 7). Toutefois,
l'établissement d'Hindelbank est au bénéfice d'une expérience de dix ans avec
la recourante, et les changements de thérapeutes peuvent être considérés comme
des éléments défavorables d'un point de vue des perspectives thérapeutiques. En
outre, comme le relève la cour cantonale, l'absence de collaboration de la
recourante est liée à sa pathologie et elle se manifestera aussi bien à Lonay
qu'à Hindelbank.

Au vu de ce qui précède, le maintien de la recourante à Hindelbank ne saurait
entraver son traitement, même si l'on ne peut nier que la prison de Lonay
constituerait un environnement plus favorable à la recourante, en particulier
sur le plan linguistique. Un tel transfert s'avère toutefois à l'heure actuelle
difficile, puisque la s?ur de la recourante, condamnée dans la même affaire,
séjourne actuellement dans l'établissement de la Tuilière. En effet, les
différents intervenants considèrent que le transfert de la recourante dans le
même établissement que sa s?ur entraînerait des interactions nuisibles sur un
plan thérapeutique, tant pour elle que pour sa s?ur (cf. rapport de la CIC du
27 janvier 2012; lettre du 20 février 2012 de l'Office d'exécution des peines
du canton de Vaud; cf. aussi lettre du 12 décembre 2011 de la direction de la
prison de la Tuilière).
Compte tenu de l'ensemble des éléments du dossier, la cour cantonale n'a pas
abusé de son pouvoir d'appréciation en refusant la demande de transfert de la
recourante. Elle a mis en balance les avantages (notamment de la langue) et les
inconvénients (interactions avec sa s?ur) d'un transfert à la prison de Lonay
pour conclure qu'il était préférable de maintenir la recourante à la prison
d'Hindelbank. Il incombera à l'autorité d'exécution de réexaminer la cause en
cas de nouvelle demande de transfert si ces éléments venaient à changer (et
notamment si la s?ur de la recourante devait être déplacée dans un autre
établissement).

4.
Le recours doit être rejeté.
Comme ses conclusions étaient vouées à l'échec, l'assistance judiciaire ne peut
être accordée (art. 64 al. 1 LTF). La recourante devra donc supporter les frais
(art. 66 al. 1 LTF), dont le montant sera toutefois fixé en tenant compte de sa
situation financière.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté.

2.
La demande d'assistance judiciaire est rejetée.

3.
Les frais judiciaires, arrêtés à 800 fr., sont mis à la charge de la
recourante.

4.
Le présent arrêt est communiqué aux parties et au Tribunal cantonal du canton
de Vaud, Chambre des recours pénale.

Lausanne, le 18 décembre 2012

Au nom de la Cour de droit pénal
du Tribunal fédéral suisse

Le Président: Mathys

La Greffière: Kistler Vianin