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Strafrechtliche Abteilung, Beschwerde in Strafsachen 6B.525/2012
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Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal

{T 0/2}
6B_525/2012

Arrêt du 5 novembre 2012
Cour de droit pénal

Composition
MM. les Juges fédéraux Mathys, Président,
Schneider et Denys.
Greffière: Mme Cherpillod.

Participants à la procédure
X.________, représenté par Me Franck Ammann, avocat,
recourant,

contre

Ministère public central du canton de Vaud, avenue de Longemalle 1, 1020 Renens
VD,
intimé.

Objet
Escroquerie (au procès, au préjudice d'un proche); délai de plainte

recours contre la décision de la Chambre des recours du Tribunal cantonal du
canton de Vaud du 3 mai 2012.

Faits:

A.
Le 23 décembre 2011, X.________ a déposé une dénonciation/plainte pénale pour
escroquerie contre son épouse. Il l'accusait d'avoir dissimulé des avoirs
importants, ce qui lui avait permis d'obtenir, notamment dans le cadre de leur
procédure de divorce, une décision de justice lui octroyant une contribution
d'entretien qu'il jugeait indue.

B.
Par ordonnance du 13 février 2012, le Ministère public de l'arrondissement de
La Côte a refusé d'entrer en matière et laissé les frais à la charge de l'État.

C.
Par arrêt du 3 mai 2012, la Chambre des recours pénale du Tribunal cantonal
vaudois a rejeté le recours formé par X.________. Cette autorité a estimé que
la plainte, nécessaire s'agissant d'une escroquerie au préjudice d'un proche
(art. 146 al. 3 CP), était tardive.

D.
X.________ forme un recours en matière pénale. Il conclut à l'annulation de cet
arrêt et au renvoi de la cause à l'autorité cantonale pour nouvelle décision
dans le sens des considérants.
Aucun échange d'écritures n'a été ordonné.

Considérant en droit:

1.
L'arrêt attaqué confirme le classement d'une procédure pénale ouverte à
l'encontre de l'épouse du recourant. Rendu en matière pénale (art. 78 al. 1
LTF) par une autorité cantonale de dernière instance (art. 80 al. 1 LTF), il
met fin à la procédure pénale (art. 90 LTF). Partant, il peut faire l'objet
d'un recours en matière pénale selon les art. 78 ss LTF.
Le recourant soutient que l'autorité cantonale l'aurait à tort reconnu partie
plaignante. Il ne serait que dénonciateur. Il invoque toutefois que le délai de
plainte n'aurait pas encore commencé à courir. Il ne dit en outre rien des
prétentions civiles qu'il pourrait faire valoir dans le cadre de la procédure
pénale. Sa qualité pour recourir n'est ainsi pas évidente. Cette question peut
toutefois rester ouverte au vu de ce qui suit.

2.
Le recourant estime que l'autorité cantonale a établi de manière manifestement
inexacte les faits en considérant qu'il avait agi en tant que partie
plaignante. C'est dès lors à tort qu'elle lui a refusé cette qualité, qu'il n'a
jamais prétendu avoir.
La qualité avec laquelle un justiciable agit est une question de droit et non
de fait. Sous cet angle, le grief est irrecevable. Même si l'on devait
considérer que c'est la volonté du recourant d'agir en tant que dénonciateur et
non en tant que partie plaignante qui est ici en cause - question de fait et
non de droit - le grief serait également irrecevable, faute pour le recourant
de démontrer comme il le doit (cf. art. 106 al. 2 LTF; ATF 138 I 225 consid.
3.2 p. 228) en quoi cette appréciation - savoir à quel titre il souhaitait agir
- rendrait la décision litigieuse arbitraire (sur cette notion, cf. ATF 138 III
378 consid. 6.1 p. 379 s.). Par surabondance, on relèvera que le recourant fait
lui-même référence à sa "plainte" (recours, p. 7), document dans lequel il
indique en page 1 déposer "plainte pénale".

3.
Le recourant invoque une violation de l'art. 146 CP, estimant que l'escroquerie
qu'il dénonce devait se poursuivre d'office.

3.1 En vertu de l'art. 146 al. 1 CP, celui qui, dans le dessein de se procurer
ou de procurer à un tiers un enrichissement illégitime, aura astucieusement
induit en erreur une personne par des affirmations fallacieuses ou par la
dissimulation de faits vrais ou l'aura astucieusement confortée dans son erreur
et aura de la sorte déterminé la victime à des actes préjudiciables à ses
intérêts pécuniaires ou à ceux d'un tiers sera puni d'une peine privative de
liberté de cinq ans au plus ou d'une peine pécuniaire.
Aux termes de l'art. 146 al. 3 CP, l'escroquerie commise au préjudice des
proches ou des familiers ne sera poursuivie que sur plainte.

3.2 Au vu des termes "ne" (sera poursuivie) "que" (sur plainte) figurant à
l'alinéa 3 de l'art. 146 CP, une escroquerie "commise au préjudice des proches"
peut être poursuivie uniquement sur plainte. Celle-ci est dans ce cas une
condition de punissabilité.

3.3 Le recourant estime que l'art. 146 al. 1 CP serait seul applicable en cas
d'escroquerie au procès. La victime de l'escroquerie serait la personne
trompée, soit la justice, et non le tiers dont les intérêts pécuniaires sont
lésés, soit la partie adverse, en l'espèce lui-même. L'infraction n'aurait
ainsi pas été commise au préjudice d'un proche, si bien qu'il pouvait agir en
tant que dénonciateur et l'infraction être poursuivie en vertu de l'art. 146
al. 1 CP.
L'escroquerie, sanctionnée par l'art. 146 CP, est classée dans les infractions
contre le patrimoine (art. 137 à 172ter CP) et non dans celles visant à
protéger l'administration de la justice (art. 303 à 311 CP), comme par exemple
la fausse déclaration d'une partie en justice (art. 306 CP). Le seul bien
juridique protégé par l'art. 146 CP est le patrimoine (ATF 122 IV 197 consid.
2c p. 203; MARKUS BOOG, Die Rechtsprechung des Bundesgerichts zum Begriff des
Vermögensschadens beim Betrug, 1991, p. 7 s. et auteurs cités). La personne aux
dépens de laquelle est commise l'escroquerie, soit le titulaire du bien
juridique protégé, est ainsi celle dont les intérêts pécuniaires sont lésés,
non l'éventuel dupé afin de causer cette atteinte. Que l'art. 146 al. 1 CP
utilise le terme "victime" pour désigner la personne dupée ne change rien à ce
que cette disposition vise à sanctionner l'atteinte au patrimoine à la suite de
la tromperie. En cas d'escroquerie au procès, le lésé est donc la partie dont
le patrimoine est atteint et non la justice. Une escroquerie dite au procès
tombe dès lors également sous le coup de l'art. 146 al. 3 CP, lorsqu'elle est
commise au préjudice d'une partie adverse qui s'avère être un proche.

3.4 Le recourant soutient que la notion de proche, utilisée à l'art. 146 al. 3
CP et définie par l'art. 110 al. 1 CP, ne comprendrait plus celle d'époux
séparés depuis plus de deux ans. Il estime que la jurisprudence doit être
modifiée en ce sens.
En vertu de l'art. 110 al. 1 CP, les proches d'une personne sont son conjoint,
son partenaire enregistré, ses parents en ligne directe, ses frères et soeurs
germains, consanguins ou utérins ainsi que ses parents, frères et soeurs et
enfants adoptifs. Pour aucune des personnes citées, l'existence de (bons)
rapports n'est nécessaire. Dans ces conditions, on ne voit pas que la seule
survenance de tensions, une procédure de divorce même bien avancée ou la
possibilité prévue par la loi d'obtenir le divorce après une séparation de deux
ans permette de s'écarter du texte clair de cette disposition. A la teneur
actuelle de l'art. 110 al. 1 CP, le conjoint est un proche jusqu'au prononcé de
divorce (YVAN JEANNERET, in Commentaire romand, Code pénal I, 2009, n° 2 ad
art. 110 al. 1 CP; GÜNTER STRATENWERTH/WOLFGANG WOHLERS, Schweizerisches
Strafgesetzbuch, Handkommentar, 2e éd. 2009, n. 2 ad art. 110 CP; STEFAN
TRECHSEL ET AL., Schweizerisches Strafgesetzbuch, Praxiskommentar, 2008, n. 2
ad art. 110 CP).

3.5 A raison, le recourant ne conteste plus qu'il avait connaissance des
éléments prétendument dissimulés par son épouse plus de trois mois avant le
dépôt de sa plainte. Il invoque en revanche qu'il s'agirait d'un délit continu,
si bien que le délai de trois mois prévu par l'art. 31 CP n'était pas échu au
moment du dépôt de plainte.
Une infraction est dite continue lorsque les actes créant la situation illégale
forment une unité avec ceux qui la perpétuent ou avec l'omission de la faire
cesser, pour autant que le comportement visant au maintien de l'état de fait
délictueux soit expressément ou implicitement contenu dans les éléments
constitutifs du délit. Le délit continu se caractérise par le fait que la
situation illicite créée par un état de fait ou un comportement contraire au
droit se poursuit. Il est réalisé sitôt accompli le premier acte délictueux,
mais n'est achevé qu'avec la fin ou la suppression de l'état contraire au droit
(ATF 135 IV 6 consid. 3.2 p. 9; 132 IV 49 consid. 3.1.2.2 p. 55). Tel est
notamment le cas de la séquestration et de l'enlèvement qualifié au sens des
art. 183 al. 2 et 184 al. 4 CP, de la violation de domicile au sens de l'art.
186 CP, de l'enlèvement de mineur au sens de l'art. 220 CP, de l'entrave à
l'action pénale au sens de l'art. 305 CP, de l'occupation illicite d'ouvriers
ou de la violation d'une obligation d'entretien au sens de l'art. 217 CP (ATF
132 IV 49 consid. 3.1.2.2 et 3.1.2.3 p. 55). Dans ces cas, le délai de
prescription - et donc par analogie celui de plainte pénale - ne commence à
courir que du jour où les agissements coupables ont cessé (ATF 132 IV 49
consid. 3.1.2.3 p. 55).
Le comportement que le recourant reproche à son épouse - consistant à ne rien
faire pour détromper la justice sur sa prétendue situation financière, après
l'avoir convaincue d'une fortune peu élevée - n'est contenu ni expressément ni
implicitement dans les éléments constitutifs du crime d'escroquerie sanctionné
par l'art. 146 CP. On ne saurait dès lors parler ici de délit continu, aussi
longtemps que l'épouse se tait et ce même si l'époux paie la pension fixée par
la justice. Le délai de plainte commençait ainsi à courir au plus tard au
moment où la décision relative à la pension due par la recourante a été rendue,
respectivement est devenue définitive. Tel a été le cas à réception de l'arrêt
5A_667/2007 du Tribunal fédéral du 7 octobre 2008. Le délai de plainte de trois
mois était ainsi échu au jour du dépôt de la plainte pénale, soit le 23
décembre 2011.

3.6 Il résulte de ce qui précède que l'infraction dénoncée par le recourant se
poursuivait uniquement sur plainte (art. 146 al. 3 CP) et que celle-ci a été
déposée tardivement. Dans ces circonstances, le Ministère public et la cour
cantonale pouvaient sans violer le droit refuser d'entrer en matière sur la
dénonciation/plainte du recourant.

4.
Il s'ensuit que le recours doit être rejeté, dans la mesure de sa recevabilité,
aux frais du recourant qui succombe (art. 66 al. 1 LTF).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.

2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 2'000 fr., sont mis à la charge du recourant.

3.
Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Chambre des recours pénale
du Tribunal cantonal du canton de Vaud.

Lausanne, le 5 novembre 2012

Au nom de la Cour de droit pénal
du Tribunal fédéral suisse

Le Président: Mathys

La Greffière: Cherpillod