Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

Strafrechtliche Abteilung, Beschwerde in Strafsachen 6B.472/2012
Zurück zum Index Strafrechtliche Abteilung, Beschwerde in Strafsachen 2012
Retour à l'indice Strafrechtliche Abteilung, Beschwerde in Strafsachen 2012



Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal

{T 0/2}
6B_472/2012

Arrêt du 13 novembre 2012
Cour de droit pénal

Composition
MM. les Juges fédéraux Mathys, Président,
Schneider et Denys.
Greffière: Mme Livet.

Participants à la procédure
X.________,
représenté par Me Cyrille Piguet, avocat,
recourant,

contre

Ministère public central du canton de Vaud, Avenue de Longemalle 1, 1020 Renens
VD,
intimé.

Objet
Indemnité pour détention provisoire injustifiée; arbitraire,

recours contre le jugement de la Cour d'appel pénale du Tribunal cantonal du
canton de Vaud du 3 juillet 2012.

Faits:

A.
Par jugement du 24 mars 2011, le Tribunal correctionnel de la Broye et du Nord
vaudois a notamment libéré X.________ des chefs d'accusation de lésions
corporelles simples qualifiées, de mise en danger de la vie d'autrui, de rixe
et d'agression et l'a condamné à une amende de 100 fr. pour contravention à la
LStup. Il a ordonné la relaxation immédiate de X.________ détenu depuis 267
jours, pour autant qu'il ne doive pas être détenu pour une autre cause.
Le Ministère public a fait appel contre ce jugement qu'il a toutefois retiré.
X.________ n'a pas formé d'appel ou d'appel joint. Le jugement de première
instance est devenu définitif et exécutoire.

B.
Le 9 mars 2012, X.________ a adressé au Tribunal d'arrondissement de la Broye
et du Nord vaudois une demande d'indemnité fondée sur l'art. 429 CPP dans
laquelle il a conclu à l'allocation d'un montant de 75'750 fr. 20.
Par décision du 21 mars 2012, le Tribunal d'arrondissement de la Broye et du
Nord vaudois a alloué à X.________, à la charge de l'Etat de Vaud, une
indemnité de 17'053 fr. 20 pour ses frais de défense ainsi qu'une indemnité
pour tort moral de 40'000 francs.

C.
Par jugement du 3 juillet 2012, la Cour d'appel pénale du Tribunal cantonal
vaudois a admis l'appel formé par le Ministère public et a annulé la décision
de première instance.

D.
X.________ forme un recours en matière pénale et un recours constitutionnel
subsidiaire contre ce jugement. Il conclut, sous suite de frais et dépens, à
l'annulation du jugement attaqué et au renvoi de la cause à l'instance
précédente pour nouvelle décision au sens des considérants. Il sollicite par
ailleurs l'assistance judiciaire.
Invités à déposer des observations sur le recours, la cour cantonale y a
renoncé en se référant aux considérants de son jugement, alors que le Ministère
public a conclu à son rejet.

Considérant en droit:

1.
Le jugement attaqué a été rendu, en dernière instance cantonale, dans une cause
de droit pénal. Il peut donc faire l'objet d'un recours en matière pénale au
sens des art. 78 ss LTF, de sorte que le recours constitutionnel subsidiaire
est exclu (art. 113 LTF). Il convient donc d'examiner l'ensemble des griefs
soulevés par le recourant dans la procédure du recours en matière pénale.

2.
Le recourant invoque une violation de l'art. 429 CPP.

2.1 Selon l'alinéa 1 de cette disposition, le prévenu acquitté partiellement ou
totalement a le droit à une indemnité notamment pour ses dépenses occasionnées
par l'exercice raisonnable de ses droits de procédure (let. a) et à une
réparation du tort moral en cas de privation de liberté (let. c). L'alinéa 2
prévoit que l'autorité pénale examine d'office les prétentions du prévenu. Il
résulte de cette disposition qu'il incombe à l'autorité pénale, à tout le
moins, d'interpeller le prévenu sur cette question et, comme le prévoit la loi,
de l'enjoindre au besoin à chiffrer et justifier ses prétentions en
indemnisation (cf. arrêt 1B_475/2011 du 11 janvier 2012 consid. 2.2 et 2.3).

2.2 Aux termes de l'art. 5 al. 3 Cst., les organes de l'État et les
particuliers doivent agir de manière conforme aux règles de la bonne foi. De ce
principe général découle notamment le droit fondamental du particulier à la
protection de sa bonne foi dans ses relations avec l'État, consacré à l'art. 9
in fine Cst., dont le Tribunal fédéral contrôle librement le respect (ATF 138 I
49 consid. 8.3.1 p. 53 et les références citées).

2.3 La cour cantonale a considéré que la demande d'indemnisation du recourant
aurait dû être présentée dans le cadre de la procédure au fond et ne pouvait
pas faire l'objet d'une décision séparée, postérieure au jugement au fond
définitif et exécutoire. Elle a déduit des art. 81 al. 4 let. b et 342 al. 4
CPP que la procédure pénale ne connaissait pas de décision sur le fond
fragmentée ouvrant des possibilités d'appel distinctes et successives, mais
bien un unique jugement au fond comportant le cas échéant deux volets, l'un
pénal, l'autre sur l'indemnisation, si le procès avait fait l'objet d'une
scission. Elle a considéré que le recourant aurait dû faire appel du jugement
d'acquittement rendu le 24 mars 2011 pour se plaindre de l'absence
d'indemnisation. Faute de l'avoir fait, il était forclos à requérir
postérieurement, dans une procédure séparée, une telle indemnisation. L'absence
d'appel équivalait à une renonciation à l'indemnisation.

2.4 On déduit de l'art. 429 CPP, en particulier de l'intervention d'office de
l'autorité pénale exigée à l'alinéa 2, que celle-ci doit traiter avec le
jugement pénal la question des prétentions en indemnités du prévenu acquitté.
Cette solution est corroborée par l'art. 81 al. 4 let. b CPP qui prévoit en
particulier que le dispositif du jugement doit contenir le prononcé relatif aux
indemnités. Tout au plus, l'autorité pénale peut-elle décider de scinder les
débats en application de l'art. 342 CPP et de statuer sur la question de
l'indemnisation dans un second temps, après s'être prononcée sur la
culpabilité. Conformément à l'art. 342 al. 4 CPP, ce n'est qu'ensuite du
prononcé du jugement complet que la voie de recours (l'appel) sera ouverte.
En l'espèce, contrairement à ce qu'impose l'art. 429 al. 2 CPP, l'autorité de
jugement n'a pas examiné d'office la question des indemnités et a rendu son
jugement du 24 mars 2011 sans statuer à cet égard. Certes, le recourant aurait
été légitimé à se plaindre d'une telle omission dans le cadre d'un appel dirigé
contre le jugement d'acquittement du 24 mars 2011 (cf. WEHRENBERG/BERNHARD, in
Basler Kommentar, Schweizerische Strafprozessordnung, 2011, no 32 ad art. 429
CPP). Toutefois, contrairement à l'approche de la cour cantonale, on ne saurait
déduire de l'absence d'appel, une renonciation du recourant à une
indemnisation.
La renonciation à une indemnisation est certes possible (cf. WEHRENBERG/
BERNHARD, op. cit., no 31 ad art. 429 CPP; NIKLAUS SCHMID, Schweizerische
Strafprozessordnung : Praxiskommentar, 2009, no 12 ad art. 429 CPP). Aucune
renonciation expresse n'existe en l'occurrence. Un comportement passif peut le
cas échéant équivaloir à une renonciation lorsque le prévenu ne réagit pas à
l'invitation faite par l'autorité selon l'art. 429 al. 2 CPP de chiffrer et
justifier ses prétentions (cf. WEHRENBERG/BERNHARD, ibidem). En l'espèce, à
défaut de toute intervention de l'autorité, une renonciation ne saurait se
déduire de la seule absence d'appel du recourant contre le jugement du 24 mars
2011.
De surcroît, la violation par l'autorité de jugement de l'examen d'office
auquel elle était tenue selon l'art. 429 al. 2 CPP ne saurait avoir pour
conséquence de priver le recourant de son droit à une indemnisation. Le
principe de la bonne foi implique que le recourant n'a pas à subir de préjudice
en raison de l'erreur de l'autorité de jugement. Seule une négligence
procédurale grossière du recourant ou de son avocat pourrait faire échec au
principe de la bonne foi (cf. ATF 138 I 49 consid. 8.3.1 p. 53 précité). En
l'occurrence, le CPP était en vigueur depuis moins de trois mois lorsque le
jugement du 24 mars 2011 a été rendu. La phase de l'instruction de la cause
avait été menée sous l'égide du droit cantonal de procédure. Aucune
jurisprudence n'existait quant à la procédure à suivre pour une indemnisation.
Dans de telles circonstances, aucune négligence ne peut être opposée au
recourant ou à son conseil de n'avoir pas formé appel contre le jugement du 24
mars 2011 pour se plaindre du non-traitement de l'indemnisation.
Il s'ensuit que la cour cantonale a violé l'art. 429 CPP en retenant que le
recourant avait renoncé à toute indemnisation. La situation particulière du cas
d'espèce implique de reconnaître au recourant de pouvoir faire valoir ses
prétentions en indemnisation dans une procédure séparée au sens des art. 363 ss
CPP, faute pour celles-ci d'avoir été traitées dans le jugement du 24 mars
2011.

3.
Au vu de ce qui précède, le recours doit être admis, l'arrêt attaqué annulé et
la cause renvoyée à l'autorité précédente pour nouveau jugement au sens des
considérants.

4.
Le recourant obtient gain de cause. Il ne supporte pas de frais (art. 65 al. 2
et 66 al. 1 LTF). Il peut prétendre à de pleins dépens (art. 68 al. 1 LTF). La
requête d'assistance judiciaire est sans objet (art. 64 al. 2 LTF).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est admis, le jugement attaqué est annulé et la cause renvoyée à la
cour cantonale pour nouveau jugement.

2.
Il n'est pas perçu de frais judiciaires.

3.
L'Etat de Vaud versera au conseil du recourant la somme de 3000 fr. à titre de
dépens.

4.
La demande d'assistance judiciaire est sans objet.

5.
Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Cour d'appel pénale du
Tribunal cantonal du canton de Vaud.

Lausanne, le 13 novembre 2012

Au nom de la Cour de droit pénal
du Tribunal fédéral suisse

Le Président: Mathys

La Greffière: Livet