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Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
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Strafrechtliche Abteilung, Beschwerde in Strafsachen 6B.451/2012
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Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal

{T 0/2}
6B_451/2012

Arrêt du 29 octobre 2012
Cour de droit pénal

Composition
MM. et Mme les Juges fédéraux Mathys, Président,
Jacquemoud-Rossari et Schöbi.
Greffière: Mme Kistler Vianin.

Participants à la procédure
X.________, représenté par Me Alain Dubuis, avocat,
recourant,

contre

Ministère public central du canton de Vaud, avenue de Longemalle 1, 1020 Renens
VD,
intimé.

Objet
Libération conditionnelle; principe de la présomption d'innocence,

recours contre l'arrêt du Tribunal cantonal du canton de Vaud, Chambre des
recours pénale, du 14 juin 2012.

Faits:

A.
Par jugement du 14 septembre 2011, le Juge d'application des peines du canton
de Vaud a libéré conditionnellement X.________ de l'exécution de trois peines
privatives de liberté, totalisant 46 mois, à compter du 15 septembre 2011. Il a
fixé la durée du délai d'épreuve à un an, trois mois et neuf jours, ordonné une
assistance de probation et dit que l'Office d'exécution des peines était chargé
de mettre en oeuvre et de surveiller les conditions de la libération
conditionnelle.

B.
B.a Par arrêt du 3 novembre 2011, la Chambre des recours pénale du Tribunal
cantonal vaudois a admis le recours du Ministère public central du canton de
Vaud et réformé le jugement de première instance en ce sens qu'elle a révoqué
la libération conditionnelle accordée à X.________ et ordonné la réintégration
du condamné.

Contre cet arrêt, X.________ a déposé un recours en matière pénale devant le
Tribunal fédéral. Statuant le 8 mai 2012, la Cour de droit pénal a admis ce
recours, annulé l'arrêt du 3 novembre 2011 et renvoyé la cause à l'autorité
cantonale pour nouvelle décision. Elle a considéré que l'examen auquel la
Chambre des recours pénale cantonale avait procédé pour refuser la libération
conditionnelle se fondait sur des faits non établis (" présomptions ", "
soupçons ") et qu'il ne tenait pas compte de l'ensemble des critères pertinents
posés par la jurisprudence.
B.b Saisie à nouveau, la Chambre des recours pénale du Tribunal cantonal
vaudois a admis le 14 juin 2012 le recours du Ministère public et réformé le
jugement de première instance en ce sens qu'elle a révoqué la libération
conditionnelle et ordonné la réintégration du condamné.

C.
Contre ce dernier arrêt, X.________ dépose un recours en matière pénale devant
le Tribunal fédéral. Dénonçant la violation de la présomption d'innocence et
une mauvaise application de l'art. 86 CP, il conclut, principalement, à la
réforme de l'arrêt attaqué en ce sens que la décision du Juge d'application des
peines octroyant la libération conditionnelle est confirmée et,
subsidiairement, à l'annulation de l'arrêt attaqué. En outre, il sollicite
l'assistance judiciaire.

Il n'a pas été ordonné d'échange d'écritures.

Considérant en droit:

1.
Parallèlement au recours envoyé par son avocat, le recourant a adressé à la
cour de céans des " commentaires complémentaires ", dans lesquels il critique
certains passages du jugement attaqué. Il ne démontre toutefois pas que des
faits, déterminants pour l'issue du litige, auraient été établis de manière
manifestement inexacte ou arbitraire (art. 97 al. 1 et 105 al. 1 LTF; art. 106
al. 2 LTF). Il n'indique pas non plus les règles de droit qui auraient été
violées et en quoi consisterait cette violation (art. 42 LTF). Les "
commentaires complémentaires " du recourant ne satisfont donc pas aux exigences
de motivation de recours au Tribunal fédéral et seront écartés. La cour de
céans examinera uniquement le mémoire déposé par l'avocat, auquel le recourant
renvoie du reste expressément.

2.
Dénonçant la violation de la présomption d'innocence (art. 32 al. 1 Cst. et
art. 6 al. 2 CEDH), le recourant reproche à la cour cantonale d'avoir posé un
pronostic défavorable en se fondant sur des comportements qui ne constituent
pas une infraction pénale et qui n'ont pas fait l'objet d'une condamnation.

2.1 La présomption d'innocence n'interdit pas seulement à l'autorité de
prononcer un verdict de condamnation lorsque la culpabilité de l'accusé ne
repose pas sur une appréciation objective des preuves recueillies. Elle est
aussi méconnue, lorsque sans établissement préalable de la culpabilité du
prévenu et, notamment, sans que ce dernier ait eu l'occasion d'exercer ses
droits de défense, une décision judiciaire le concernant reflète le sentiment
qu'il est coupable, en l'absence d'un constat formel (ATF 124 I 327 consid. 3b
p. 331). Dans son appréciation, l'autorité chargée d'examiner la libération
conditionnelle peut sans doute se fonder sur des faits qui font l'objet d'une
instruction, lorsque ceux-ci sont admis ou constants, mais doit user à cet
égard d'une précaution particulière. Elle ne saurait notamment refuser la
libération conditionnelle au motif qu'elle tient le condamné pour coupable
d'infractions qui n'ont pas fait l'objet d'une condamnation pénale.

2.2 Lors de l'émission de son pronostic, la cour cantonale a analysé le
comportement du recourant depuis sa libération. Premièrement, elle a décrit la
page d'accueil de deux sites internet, dont le recourant admet être l'auteur et
dont les noms contiennent celui d'un avocat avec lequel le recourant est en
conflit. On y voit une tête de vache, un poulet rôti et des canettes de bière.
Un clic sur la deuxième image renvoie à la première page du site officiel de
l'avocat en question. La cour cantonale a relevé qu'un client qui chercherait
des informations sur l'étude de cet avocat en surfant sur le web risquait fort
de tomber sur l'un de ces deux sites, dont le contenu ne correspondait pas à
l'image de sérieux qu'un justiciable était en droit d'attendre d'un cabinet
d'avocats et qui lui laisserait donc une impression défavorable. Elle en a
déduit que le recourant continuait à s'en prendre à l'avocat en question de
manière attentatoire à la personnalité, mais elle a réservé toute qualification
de ces actes.

En second lieu, elle a constaté que le recourant avait distribué des documents
lors du procès de Y.________ à propos de son expulsion de la salle d'audience
et en a repris le contenu; elle a également mentionné les propos figurant sur
un site internet auquel renvoyait ces documents (" Les pièces mentionnées et
publiées sur internet prouvent que Z.________ a été dénoncé dans l'intérêt
public comme fraudeur judiciaire de fait ").

Dans son argumentation, la cour cantonale s'est contentée de rapporter des
faits - que le recourant ne conteste du reste pas - afin de démontrer qu'il ne
s'était pas remis en cause. Elle a clairement précisé qu'elle ne se prononçait
pas sur la qualification pénale de ces actes, de sorte qu'elle n'a pas porté
atteinte à la présomption d'innocence. Le grief du recourant doit être rejeté.

3.
Le recourant dénonce la violation de l'art. 86 CP. En particulier, il reproche
à la cour cantonale de ne pas avoir examiné l'impact d'une exécution complète
de la peine sur sa prétendue dangerosité.

3.1 Selon l'art. 86 al. 1 CP, l'autorité compétente libère conditionnellement
le détenu qui a subi les deux tiers de sa peine, mais au moins trois mois de
détention, si son comportement durant l'exécution de la peine ne s'y oppose pas
et s'il n'y a pas lieu de craindre qu'il ne commette de nouveaux crimes ou de
nouveaux délits.

Cette disposition renforce le principe selon lequel la libération
conditionnelle est la règle et son refus l'exception. Elle n'exige plus qu'il
soit à prévoir que le condamné se conduira bien en liberté (cf. art. 38 ch. 1
al. 1 aCP), mais pose comme condition qu'il ne soit pas à craindre qu'il ne
commette de nouveaux crimes ou délits. Autrement dit, il n'est plus nécessaire,
pour l'octroi de la libération conditionnelle, qu'un pronostic favorable puisse
être posé; il suffit que le pronostic ne soit pas défavorable (ATF 133 IV 201
consid. 2.2 p. 203).

Les critères déterminants pour le diagnostic développés par la jurisprudence
restent valables sous le nouveau droit. Il s'agit d'effectuer une appréciation
globale des chances de réinsertion sociale du condamné, en prenant en
considération les antécédents de l'intéressé, sa personnalité, son comportement
en général et dans le cadre des délits qui sont à l'origine de sa condamnation
et, surtout, le degré de son éventuel amendement ainsi que les conditions dans
lesquelles il est à prévoir qu'il vivra (ATF 133 IV 201 consid. 2.3 p. 203/204
et les arrêts cités).

Par sa nature même, le pronostic ne saurait être tout à fait sûr; force est de
se contenter d'une certaine probabilité; un risque de récidive est inhérent à
toute libération, conditionnelle ou définitive (ATF 119 IV 5 consid. 1b p. 7).
Pour déterminer si l'on peut courir le risque de récidive, il faut non
seulement prendre en considération le degré de probabilité qu'une nouvelle
infraction soit commise, mais également l'importance du bien qui serait alors
menacé. Ainsi, le risque de récidive que l'on peut admettre est moindre si
l'auteur s'en est pris à la vie ou à l'intégrité corporelle de ses victimes que
s'il a commis par exemple des infractions contre le patrimoine (ATF 133 IV 201
consid. 2.3 p. 203 et les arrêts cités).

Dans l'émission du pronostic, l'autorité compétente dispose d'un large pouvoir
d'appréciation, de sorte que le Tribunal fédéral n'intervient que si elle l'a
excédé ou en a abusé, notamment lorsqu'elle a omis de tenir compte de critères
pertinents et s'est fondée exclusivement sur les antécédents du condamné (ATF
133 IV 201 consid. 2.3 p. 204).

3.2 En l'espèce, le recourant a subi les deux tiers de sa peine depuis le 15
septembre 2011, et il n'est pas contesté que son comportement en détention peut
être qualifié de bon. Les deux premières conditions de la libération
conditionnelle sont donc réalisées. Seul reste litigieux le pronostic sur son
comportement futur.
3.2.1 Les antécédents du recourant sont mauvais. Outre les condamnations qui
sont à l'origine des peines pour lesquelles il demande sa libération
conditionnelle, le recourant a occupé régulièrement les autorités judiciaires
vaudoises depuis 2002, pour des infractions telles que la diffamation, la
calomnie, l'injure, les menaces et la contrainte. Il ressort des jugements, de
ses actions et des rapports d'évaluation que le recourant est mû par un profond
ressentiment à l'égard de la justice en général et de certains juges en
particulier. Il donne l'image d'un homme rigide et " empêtré " dans une logique
personnelle imperméable, qui ne se remet pas en question et qui est toujours
révolté contre le système judiciaire. C'est ainsi qu'il conteste toujours le
bien-fondé de la plupart de ses condamnations, qu'il refuse d'indemniser ses
victimes, qu'il n'a pas reconsidéré la question de la pertinence du maintien de
certains sites internet et qu'il continue même de créer des nouveaux sites.
Compte tenu de ses antécédents, de son parcours de vie depuis 2002, de sa
personnalité et de son comportement depuis sa libération, le pronostic est
défavorable.
L'ensemble des intervenants à la procédure a du reste posé un pronostic
défavorable quant au comportement futur du recourant. C'est ainsi que le
premier juge a considéré que le pronostic qui découlait de l'amendement était
clairement défavorable (même s'il a ordonné la libération conditionnelle en
raison de l'effet dissuasif qu'exercerait la menace d'une révocation de cette
libération). Selon la direction des EPO, le pronostic quant à la récidive est
plutôt défavorable (bien qu'elle ait préavisé en faveur de l'octroi d'une
libération conditionnelle estimant qu'un refus serait de nature à exacerber son
sentiment d'injustice). Enfin, l'office d'exécution des peines qualifie
également le pronostic de défavorable, se fondant notamment sur le casier
judiciaire de X.________, le constat de l'absence totale d'amendement ou de
remise en question chez celui-ci et l'absence de volonté d'indemniser les
victimes de ses agissements.
3.2.2 Selon la jurisprudence, il y a lieu de rechercher si la libération
conditionnelle, éventuellement assortie de règles de conduite et d'un
patronage, ne favoriserait pas mieux la resocialisation de l'auteur que
l'exécution complète de la peine (ATF 124 IV 193 consid. 4d/aa/bb p. 198 ss).

Lors de l'examen du pronostic, la cour cantonale a relevé qu'une éventuelle
règle de conduite imposée au recourant ne permettrait pas de préserver
d'éventuelles victimes de ses atteintes. Elle a considéré que l'épée de "
damoclès " consistant en la révocation de la libération conditionnelle ne
serait d'aucune efficacité, puisque, bien que la procédure de libération
conditionnelle était encore en cours, il n'a pas reconsidéré son comportement,
créant de nouveaux sites internet et distribuant des tracts dans le procès
Y.________. Enfin, elle a noté que sa libération n'augmenterait pas ses chances
de réinsertion, puisque le recourant était retraité. Elle en a conclu que
l'octroi de la libération conditionnelle n'était pas de nature à diminuer le
risque de récidive. Le raisonnement de la cour cantonale ne suscite pas de
critique.
3.2.3 En définitive, la cour cantonale n'a pas violé son pouvoir d'appréciation
en refusant au recourant la libération conditionnelle. Le pronostic est
clairement défavorable et l'octroi de la libération conditionnelle ne
diminuerait pas le risque de récidive. Mal fondé, le grief tiré de la violation
de l'art. 86 CP doit être rejeté.

4.
Le recours doit être rejeté.

Comme ses conclusions étaient vouées à l'échec, l'assistance judiciaire ne peut
être accordée (art. 64 al. 1 LTF). Le recourant devra donc supporter les frais
(art. 66 al. 1 LTF), dont le montant sera toutefois fixé en tenant compte de sa
situation financière.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté.

2.
La demande d'assistance judiciaire est rejetée.

3.
Les frais judiciaires, arrêtés à 1'600 fr., sont mis à la charge du recourant.

4.
Le présent arrêt est communiqué aux parties et au Tribunal cantonal du canton
de Vaud, Chambre des recours pénale.

Lausanne, le 29 octobre 2012

Au nom de la Cour de droit pénal
du Tribunal fédéral suisse

Le Président: Mathys

La Greffière: Kistler Vianin