Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

Strafrechtliche Abteilung, Beschwerde in Strafsachen 6B.37/2012
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Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal

{T 0/2}
6B_37/2012

Arrêt du 1er novembre 2012
Cour de droit pénal

Composition
MM. les Juges fédéraux Mathys, Président,
Denys et Schöbi.
Greffière: Mme Paquier-Boinay.

Participants à la procédure
X.________, représenté par Me Robert Assaël,
avocat,
recourant,

contre

1. Ministère public du canton de Genève, case postale 3565, 1211 Genève 3,
2. A.________, représentée par Me Lorella Bertani, avocate,
intimés.

Objet
Actes d'ordre sexuel avec des enfants, etc.;
arbitraire, interdiction du formalisme excessif,

recours contre l'arrêt de la Chambre pénale
d'appel et de révision de la Cour de justice du
canton de Genève, du 14 novembre 2011.

Faits:

A.
Par jugement du Tribunal correctionnel du 26 mai 2011, X.________ a été reconnu
coupable d'actes d'ordre sexuel avec des enfants, de contrainte sexuelle et de
viol. Il a été condamné à une peine privative de liberté de six ans et demi.

B.
Dans un arrêt du 14 novembre 2011, la Chambre pénale d'appel et de révision de
la Cour de justice genevoise constate que l'appel de X.________ contre ce
jugement est réputé retiré conformément à l'art. 407 al. 1 let. a CPP,
l'appelant, pourtant valablement cité à comparaître, ne s'étant pas présenté
aux débats sans excuse valable et ne s'y étant pas fait représenter.

C.
X.________ forme un recours en matière pénale contre cet arrêt. Il conclut à
l'annulation de l'arrêt attaqué et au renvoi de la cause à l'autorité cantonale
pour qu'elle statue à nouveau.

D.
L'autorité cantonale a déclaré n'avoir pas d'observations à formuler.

Pour sa part, le Ministère public a conclu au rejet du recours.

L'intimée a conclu à ce que le recours soit déclaré irrecevable et,
subsidiairement, à ce qu'il soit rejeté. Elle a en outre sollicité l'assistance
judiciaire.

Intervenant à la suite des observations du Ministère public et de l'intimée, le
recourant a déclaré persister dans les termes et conclusions de son recours.

Par ailleurs, l'intimée est intervenue pour faire valoir que la réplique du
recourant devait selon elle être déclarée irrecevable. Enfin, à la suite de la
communication de la réponse du Ministère public, elle réitère, avec suite de
frais et dépens, ses conclusions tendant à ce que les observations du recourant
soient déclarées irrecevables comme le recours lui-même. Subsidiairement, elle
conclut au rejet du recours et à la confirmation de l'arrêt attaqué.

Considérant en droit:

1.
C'est à tort que l'intimée sollicite que soient retranchées les déterminations
sur déterminations déposées par le recourant dès lors qu'elles s'inscrivent
dans l'exercice de son "droit de réplique" (ATF 138 I 154 consid. 2.3.2; 137 I
195 consid. 2.3.1 et les références citées).

2.
Le recourant se plaint d'une violation des art. 407 al. 1 let. a et 201 CPP au
motif que le mandat de comparution à l'audience d'appel qui lui a été adressé
ne le rendait pas attentif aux conséquences d'un défaut.
Conformément à l'art. 407 al. 1 let. a CPP, l'appel est réputé retiré si la
partie qui l'a déclaré fait défaut aux débats d'appel sans excuse valable et ne
se fait pas représenter. Une partie ne sera toutefois déclarée défaillante en
application de cette disposition que si elle a été citée à comparaître
régulièrement (MARLÈNE KISTLER VIANIN, in Commentaire romand, Code de procédure
pénale suisse, 2010, n. 3 ad art. 407; LUZIUS EUGSTER, in Basler Kommentar
StPO, n. 1 ad art. 407). L'art. 201 al. 2 let. f CPP prévoit l'obligation de
mentionner, dans le mandat de comparution, les conséquences juridiques d'une
absence non excusée. Au regard de cette disposition, la doctrine considère en
particulier que la teneur de l'art. 205 al. 4 CPP, qui permet notamment de
sanctionner le défaillant d'une amende, doit être reprise (cf. GREGOR T.
CHATTON, in Commentaire romand, Code de procédure pénale suisse, 2010, n. 25 ad
art. 201). Il n'apparaît en revanche pas que la seule reprise de l'art. 205 al.
5 CPP, qui réserve les dispositions régissant la procédure par défaut, serait
suffisante. Compte tenu des conséquences qu'entraîne une absence non excusée,
le contenu de l'art. 407 al. 1 let. a CPP doit être expressément mentionné. La
formule utilisée par l'autorité cantonale en l'espèce ne satisfait donc pas aux
exigences du droit fédéral. Cela ne signifie pas pour autant que la décision
attaquée doit être annulée. En effet, le recourant était assisté d'un avocat,
qui ne pouvait ignorer le contenu de l'art. 407 al. 1 let. a CPP. Dans de
telles circonstances, même si la convocation était dûment adressée directement
au recourant, avec une copie à son conseil (cf. art. 87 al. 4 CPP), il ne peut
être retenu que le recourant aurait ignoré les conséquences d'un défaut. Il ne
le prétend d'ailleurs lui-même pas. Le grief est donc infondé. L'autorité
cantonale est toutefois invitée à compléter à l'avenir sa formule de
convocation afin qu'elle soit conforme au droit fédéral.

3.
Le recourant soutient que c'est en violation de l'art. 407 al. 1 let. a CPP que
l'autorité cantonale a considéré qu'il ne pouvait pas se prévaloir d'une excuse
valable au sens de cette disposition.
Conformément à l'art. 407 al. 1 let. a CPP, l'appel est réputé retiré si la
partie qui l'a déclaré fait défaut aux débats sans excuse valable et ne se fait
pas représenter. La notion d'excuse valable est la même qu'à l'art. 368 al. 3
CPP. Ainsi, conformément à la jurisprudence, l'absence est considérée comme
valablement excusée en cas de force majeure, ce qui suppose une impossibilité
objective de comparaître, ou d'impossibilité subjective, due à des
circonstances personnelles ou à une erreur non imputable au défaillant (ATF 127
I 213 consid. 3a p. 216; 126 I 36 consid. 1b p. 40 et les arrêts cités).
Il n'est pas nécessaire de trancher cette question car le recours doit de toute
manière être admis pour les motifs qui seront exposés au considérant suivant.

4.
Le recourant reproche à l'autorité cantonale d'avoir violé les art. 130 ss CPP
en considérant que son mandataire ne le représentait pas alors qu'il s'agissait
d'un cas de défense obligatoire.
L'art. 130 CPP définit les cas de défense obligatoire. En particulier, le
prévenu doit avoir un défenseur lorsqu'il encourt une peine privative de
liberté de plus d'un an (let. b). L'art. 131 al. 1 CPP prévoit qu'en cas de
défense obligatoire, la direction de la procédure pourvoit à ce que le prévenu
soit assisté aussitôt d'un défenseur. Le prévenu ne peut pas renoncer à cette
assistance (cf. ATF 131 I 350 consid. 2.1 p. 353; voir aussi MAURICE HARARI/
TATIANA ALIBERTI, in Commentaire romand CPP, 2011, n. 3 ad art. 130 et n. 1 ad
art. 131), laquelle peut le cas échéant lui être imposée contre sa volonté
(NIKLAUS RUCKSTUHL, in Basler Kommentar StPO, 2011, n. 1 ad art. 130). Cette
garantie est valable également durant la procédure de recours (ATF 129 I 281
consid. 4.3 p. 287), de sorte que la défense obligatoire doit être assurée
jusqu'à l'achèvement de celle-ci (voir NIKLAUS SCHMID, Schweizerische
Strafprozessordnung, Praxiskommentar, 2009, n. 2 ad art. 130; MAURICE HARARI/
TATIANA ALIBERTI, op. cit., n. 25 ad art. 131).
Vu la peine privative de liberté de six ans et demi prononcée à l'encontre du
recourant, on se trouve dans un cas de défense nécessaire en vertu de l'art.
130 let. b CPP. Par ailleurs, l'autorité a admis que le recourant n'était pas
représenté, motif pour lequel elle a considéré le recours comme retiré en
application de l'art. 407 al. 1 let. a CPP. En procédant de la sorte dans un
cas de défense obligatoire, elle a donc violé les art. 130 et 131 CPP qui lui
imposaient de prendre les mesures nécessaires pour que le recourant fût dûment
représenté, le cas échéant en ordonnant une défense d'office en application de
l'art. 132 al. 1 let. a CPP.

Dans ses observations, l'intimée fait valoir que lors de l'audience du 14
novembre 2011, le mandat du défenseur privé du recourant n'avait été ni retiré
ni décliné, de sorte qu'il y avait lieu de considérer que le recourant était
représenté à cette audience et que les débats pouvaient ainsi être tenus.

Même en considérant que le mandataire du recourant était légitimé à représenter
ce dernier devant l'autorité cantonale, l'arrêt attaqué viole le droit fédéral
car dans cette hypothèse l'autorité cantonale ne pouvait pas faire application
de l'art. 407 al. 1 let. a CPP puisque le recourant était représenté à
l'audience.

Il résulte de ce qui précède que le recours doit être admis, l'arrêt attaqué
annulé et la cause renvoyée à l'autorité cantonale pour qu'elle statue à
nouveau. Dans ces conditions, il n'est pas nécessaire d'examiner le dernier
grief du recourant, tiré d'une violation de l'interdiction du formalisme
excessif.

5.
Les frais judiciaires sont mis pour la moitié à la charge de l'intimée qui
succombe, le canton de Genève n'ayant pas à en supporter (art. 66 al. 1 et 4
LTF). Le recourant peut prétendre à une indemnité de dépens, à la charge, pour
moitié chacun, d'une part du canton de Genève et, d'autre part, de l'intimée
(art. 68 al. 1 et 2 LTF). Enfin, la demande d'assistance judiciaire de
l'intimée pour ses observations doit être rejetée, ses conclusions étant
dénuées de chances de succès (art. 64 al. 1 LTF).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est admis, l'arrêt attaqué est annulé et la cause est renvoyée à
l'autorité cantonale pour nouvelle décision.

2.
La demande d'assistance judiciaire de l'intimée est rejetée.

3.
Une partie des frais judiciaires, arrêtée à 2000 fr., est mise à la charge de
l'intimée.

4.
Le canton de Genève et l'intimée verseront chacun au recourant une indemnité de
1500 fr. à titre de dépens.

5.
Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Chambre pénale de la Cour
de justice du canton de Genève.

Lausanne, le 1er novembre 2012

Au nom de la Cour de droit pénal
du Tribunal fédéral suisse

Le Président: Mathys

La Greffière: Paquier-Boinay