Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
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Strafrechtliche Abteilung, Beschwerde in Strafsachen 6B.369/2012
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Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal

{T 0/2}
6B_369/2012

Arrêt du 28 septembre 2012
Cour de droit pénal

Composition
MM. et Mme les Juges fédéraux Schneider, Juge présidant, Jacquemoud-Rossari et
Denys.
Greffière: Mme Livet.

Participants à la procédure
1. A.X.________,
2. B.X.________,
3. C.X.________,
4. D.X.________,
tous les quatre représentés par Me Robert Assael, avocat,
recourants,

contre

1. F.________, représenté par Me Yvan Jeanneret, avocat,
2. Ministère public de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B,
1213 Petit-Lancy,
intimés.

Objet
Modification et complément de l'accusation; prétentions civiles,

recours contre l'arrêt de la Cour de justice du canton de Genève, Chambre
pénale d'appel et de révision, du 30 avril 2012.

Faits:

A.
Par jugement du 6 septembre 2011, le Tribunal de police du canton de Genève a
reconnu F.________ coupable d'homicide par négligence et l'a condamné à 360
jours-amende à 30 fr. le jour, avec sursis durant 3 ans. Il a alloué une
indemnité pour tort moral de 40'000 fr. à A.X.________, de 40'000 fr. à
B.X.________ et de 20'000 fr. à C.X.________.

B.
Par arrêt du 30 avril 2012, la Chambre pénale d'appel et de révision a rejeté
l'appel formé par A.X.________, B.X.________, C.X.________ et D.X.________ en
tant qu'il portait sur l'élargissement de l'accusation et sur les prétentions
pour tort moral. Il en ressort les faits suivants.

Circulant le 10 mai 2008 vers 19h00 à une vitesse trop élevée, F.________ a
perdu la maîtrise de sa voiture et est entré en collision avec E.X.________,
qui circulait normalement en sens inverse sur un deux-roues. E.X.________ est
décédé à 21h25 malgré les tentatives de réanimation des médecins.

C.
A.X.________, B.X.________, C.X.________ et D.X.________ forment un recours en
matière pénale au Tribunal fédéral contre cet arrêt, concluant, sous suite de
dépens, à ce que l'acte d'accusation soit complété avec les infractions
réprimées par les art. 129 CP et 90 ch. 2 LCR et la cause ainsi rejugée, à ce
que F.________ soit condamné à payer 50'000 fr. à A.X.________, 50'000 fr. à
B.X.________, 30'000 fr. à C.X.________, 20'000 fr. à D.X.________, chaque
montant avec intérêt à 5 % l'an dès le 11 mai 2008.

Des déterminations n'ont pas été requises.

Considérant en droit:

1.
Les recourants concluent tout d'abord à une aggravation de l'acte d'accusation.
Ils se limitent à invoquer une violation des art. 6 et 333 CPP sans dire en
quoi la cour cantonale aurait violé les dispositions en cause. Insuffisamment
motivé, le grief est irrecevable au regard de l'art. 42 al. 2 LTF.
Il est également irrecevable pour un autre motif. Aux termes de l'art. 81 al. 1
let. b ch. 5 LTF, la partie plaignante qui a participé à la procédure de
dernière instance cantonale est habilitée à recourir au Tribunal fédéral, si la
décision attaquée peut avoir des effets sur le jugement de ses prétentions
civiles. Au 1er janvier 2011, le champ d'application de cette disposition,
visant auparavant uniquement la victime, a été étendu à la partie plaignante.
La condition que la décision attaquée puisse avoir des effets sur le jugement
des prétentions civiles a toutefois été maintenue. La jurisprudence rendue sous
l'ancien droit concernant cette exigence garde donc toute sa portée (ATF 137 IV
246 consid. 1.3.1 p. 247). En l'espèce, on ne voit pas en quoi l'extension de
l'acte d'accusation aux infractions de mise en danger de la vie d'autrui (art.
129 CP) et de violation grave des règles de la circulation (art. 90 ch. 2 LCR)
par rapport à l'homicide par négligence (art. 117 CP) retenu permettrait aux
recourants d'obtenir une décision plus favorable et d'avoir un effet sur le
sort de leurs prétentions civiles. Les recourants ne s'expriment pas à ce
propos et ne démontrent par conséquent pas que tel pourrait être le cas. Il n'y
dès lors pas lieu d'entrer en matière sur le grief.

2.
Les recourants se plaignent du montant de l'indemnité pour tort moral allouée
(recourants 1, 2 et 3), respectivement du refus d'allocation d'une telle
indemnité (recourante 4).
2.1
2.1.1 Aux termes de l'art. 47 CO, applicable en l'espèce par le renvoi de
l'art. 62 al. 1 LCR, le juge peut, en tenant compte de circonstances
particulières, allouer à la victime de lésions corporelles ou, en cas de mort
d'homme, à la famille une indemnité équitable à titre de réparation morale.
L'ampleur de la réparation morale prévue par cette disposition légale dépend
avant tout de la gravité des souffrances physiques ou psychiques consécutives à
l'atteinte subie par l'ayant droit et de la possibilité d'adoucir sensiblement,
par le versement d'une somme d'argent, la douleur morale qui en résulte. Sa
détermination relève du pouvoir d'appréciation du juge. En raison de sa nature,
l'indemnité pour tort moral, qui est destinée à réparer un dommage ne pouvant
que difficilement être réduit à une simple somme d'argent, échappe à toute
fixation selon des critères mathématiques, de sorte que son évaluation en
chiffres ne saurait excéder certaines limites. L'indemnité allouée doit
toutefois être équitable. Le juge en proportionnera donc le montant à la
gravité de l'atteinte subie et évitera que la somme accordée n'apparaisse
dérisoire à la victime; s'il s'inspire de certains précédents, il veillera à
les adapter aux circonstances actuelles pour tenir compte de la dépréciation de
la monnaie. La fixation de l'indemnité pour tort moral est une question
d'application du droit fédéral, que le Tribunal fédéral examine librement. Dans
la mesure où cette question relève pour une part importante de l'appréciation
des circonstances, le Tribunal fédéral intervient, certes avec retenue,
notamment si l'autorité cantonale a mésusé de son pouvoir d'appréciation en se
fondant sur des considérations étrangères à la disposition applicable, en
omettant de tenir compte d'éléments pertinents ou encore en fixant une
indemnité inéquitable parce que manifestement trop faible ou trop élevée.
Toutefois, comme il s'agit d'une question d'équité - et non d'une question
d'appréciation au sens strict, qui limiterait son pouvoir d'examen à l'abus ou
à l'excès du pouvoir d'appréciation -, il examine librement si la somme allouée
tient suffisamment compte de la gravité de l'atteinte ou si elle est
disproportionnée par rapport à l'intensité des souffrances morales causées à
l'ayant droit (ATF 129 IV 22 consid. 7.2 p. 36/37; arrêt 6B_199/2007 du 13 mai
2008 consid. 6.1).
2.1.2 Pour fixer le montant de l'indemnité prévue à l'art. 47 CO, la
comparaison avec d'autres affaires doit se faire avec prudence, dès lors que le
tort moral touche aux sentiments d'une personne déterminée dans une situation
donnée et que chacun réagit différemment au malheur qui le frappe. Cela étant,
une comparaison n'est pas dépourvue d'intérêt et peut être, suivant les
circonstances, un élément utile d'orientation (cf. ATF 125 III 269 consid. 2a
p. 274). Pour la perte d'un enfant mineur, les tribunaux allouent généralement
à chacun des deux parents une indemnité de 30'000 fr. (cf. HÜTTE/ DUCKSCH/
GUERRERO, Die Genugtuung, Eine tabellarische Übersicht über Gerichtsentscheide,
3e éd., état août 2005, affaires jugées en 2001 ou 2002: III/3 à III/4;
affaires jugées de 2003 à 2005: III/4 à III/6). Des montants supérieurs ont
parfois été accordés à des mères de jeunes enfants qui avaient assisté à
l'accident, notamment 40'000 fr. à celle d'un enfant de deux ans et demi, qui
s'était, en plus, intensivement occupée de celui-ci durant les neuf mois qui
s'étaient écoulés entre l'accident et le décès (cf. HÜTTE/DUCKSCH/GUERRERO, op.
cit., affaires jugées en 2001 et 2002: III/6). Les frères et soeurs comptent
parmi les membres de la famille qui peuvent prétendre à une indemnité pour tort
moral (ATF 118 II 404 consid. 3b/cc p. 409). Ce droit dépend cependant des
circonstances. À cet égard, le fait que la victime vivait sous le même toit que
le frère ou la soeur revêt une grande importance. En principe, un frère ou une
soeur a droit à une indemnité si la victime vivait sous le même toit. En
revanche, un frère ou une soeur qui ne faisait plus ménage commun avec la
victime n'a droit à une indemnité pour tort moral que si il ou elle entretenait
des rapports étroits avec cette dernière et si, en outre, la disparition de
celle-ci lui a causé une douleur qui sort de l'ordinaire (ATF 89 II 396 consid.
3 p. 400 s.; arrêt 6S.700/2001 du 7 novembre 2002, consid. 4.3, publié in Pra
2003 no 122 p. 652, et les références citées). Sauf circonstances spécifiques
très exceptionnelles, le montant de l'indemnité allouée à un frère ou à une
soeur n'excède pas 10'000 fr. (cf. HÜTTE/DUCKSCH/GUERRERO, op. cit., affaires
jugées en 2001 et 2002: V/1 à V/4; affaires jugées de 2003 à 2005: V/1 à V/4;
arrêt 6B_199/2007 du 13 mai 2008 consid. 6.2).

2.2 Les parents et le frère de la victime (recourants 1, 2 et 3) soutiennent
que l'indemnité allouée à chacun d'eux doit être augmentée de 10'000 francs. Il
est établi que les parents et le frère de la victime continuent de ressentir
très douloureusement sa disparition. L'autorité cantonale n'a pas omis
d'éléments pertinents. Contrairement à ce qu'affirme le père de la victime,
elle n'a pas perdu de vue que celui-ci avait mal supporté la durée de la
procédure (cf. arrêt p. 5 let. e.b in fine). La mère est très marquée et a
perdu son travail. Le père présente un stress post-traumatique dont les
séquelles sont probablement irréversibles. Le frère entretenait une relation
très étroite avec la victime, même s'ils ne vivaient plus ensemble. L'accident
s'est déroulé sous ses yeux. Il reste gravement perturbé. Aussi douloureux et
marquants que sont les effets de ce malheur pour les parents et le frère de la
victime, les montants alloués, qui se situent dans la tranche supérieure de
ceux évoqués ci-dessus (supra, consid. 2.1.2), n'apparaissent pas dans les
circonstances d'espèce inéquitables parce que manifestement trop faibles. Le
grief est infondé.

2.3 L'épouse du père du défunt (recourante 4) sollicite l'allocation d'une
indemnité. Elle ne formule guère de développement et il est douteux que son
grief soit recevable sous l'angle de l'art. 42 al. 2 LTF. Supposé recevable, il
serait infondé.

La recourante 4 était la belle-mère de la victime. Il ne paraît pas exclu qu'un
beau-parent puisse émettre une prétention en vertu de l'art. 47 CO (cf. HEIERLI
/SCHNYDER : in Basler Kommentar, 5e éd. 2011, no 9 i.f. ad art. 47 CO).
Toutefois, savoir si sur le principe le beau-parent d'un enfant décédé peut
prétendre à une indemnité pour tort moral est une question qui peut rester
ouverte en l'occurrence. En effet, l'octroi de l'indemnité dépend de toute
façon de l'intensité des relations avec le défunt (cf. ATF 138 III 157 consid.
2.3.3 i.f. p. 161 s.). La cour cantonale a nié l'existence d'une relation d'une
intensité suffisante. Il ressort de l'arrêt attaqué que la victime a vécu
quelque trois ans avec son père et sa belle-mère après le divorce de ses
parents jusqu'en 2001. La relation avait été excellente, voire parfois
fusionnelle. Les contacts ont repris plus tard après une période de froid de
quelques années (cf. arrêt p. 5 let. f.a et p. 6 let. f.b). Il apparaît ainsi
que l'existence d'un ménage commun avait cessé depuis plusieurs années au
moment du décès. Aucune circonstance spécifique n'atteste d'une relation
étroite et intense conforme aux critères ouvrant une réparation du tort moral.
Dans ces conditions, la cour cantonale n'a pas violé le droit fédéral en
excluant l'octroi d'une indemnité.

3.
Le recours doit être rejeté dans la mesure où il est recevable. Les recourants
supportent les frais de la procédure, solidairement entre eux (art. 66 al. 1
LTF).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.

2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 2'000 fr., sont mis à la charge des
recourants, solidairement entre eux.

3.
Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Cour de justice du canton
de Genève, Chambre pénale d'appel et de révision.

Lausanne, le 28 septembre 2012

Au nom de la Cour de droit pénal
du Tribunal fédéral suisse

Le Juge présidant: Schneider

La Greffière: Livet