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Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
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Strafrechtliche Abteilung, Beschwerde in Strafsachen 6B.34/2012
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Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal

{T 0/2}
6B_34/2012

Arrêt du 4 juin 2012
Cour de droit pénal

Composition
MM. les Juges Mathys, Président,
Denys et Schöbi.
Greffière: Mme Livet.

Participants à la procédure
X.________, représenté par
Me Christian Bruchez, avocat,
recourant,

contre

Ministère public du canton de Genève, case postale 3565, 1211 Genève 3,
intimé.

Objet
Exemption de peine,

recours contre l'arrêt de la Cour de justice du canton de Genève, Chambre
pénale d'appel et de révision, du 29 novembre 2011.

Faits:

A.
Par jugement du 16 mars 2011, le Tribunal de police du canton de Genève a
reconnu X.________ coupable d'instigation à abus de confiance, l'a condamné à
20 jours-amende à 130 fr. le jour avec sursis pendant 3 ans et l'a acquitté du
chef de contravention aux art. 3 et 10 de la loi genevoise sur les
manifestations sur le domaine public. Les droits de la partie civile Y.________
ont été réservés s'agissant de ses frais d'avocat.

B.
Par arrêt du 29 novembre 2011, la Chambre pénale d'appel et de révision de la
Cour de justice genevoise a partiellement admis l'appel de Y.________, condamné
X.________ à payer à cette dernière une indemnité de 10'000 fr. avec intérêt à
5% l'an dès le 17 mars 2011 à titre de participation à ses frais d'avocat avant
procès et confirmé le jugement pour le surplus, rejetant ainsi l'appel formé
par X.________.

En bref, il ressort les éléments suivants de cet arrêt.

A l'automne 2007, dans le cadre de la fermeture d'une filiale de Y.________, le
syndicat Z.________ a revendiqué un plan social. Les négociations ont échoué.
Le 7 novembre 2007, les employés concernés ont entamé une grève. Le recourant,
secrétaire syndical en charge de ce dossier, leur a suggéré de vendre de la
marchandise, mais en acceptant uniquement les paiements en espèces et sans
utiliser les caisses enregistreuses, et de garder la recette de la journée
ainsi que le fond de caisse afin de constituer une monnaie d'échange pour les
négociations futures. En fin de journée, le recourant a pris possession de
l'entier de la recette et du fond de caisse (environ 8'600 fr.), qui a ensuite
été conservé par Z.________. Ce dernier a distribué aux anciens employés de la
filiale 7'100 fr. au titre du plan social non avalisé. Le solde a été remis au
Procureur général, à sa demande, le 23 avril 2008.

Le 4 décembre 2009, Z.________ a restitué 7'100 fr. à Y.________, les parties
requérant en parallèle que le montant remis au Procureur soit versé à la partie
civile, ce qui fut fait le 21 janvier 2010.

C.
X.________ forme un recours en matière pénale. Il conclut, sous suite de frais
et dépens, à l'annulation de l'arrêt en tant qu'il maintient sa condamnation à
une peine pécuniaire de 20 jours-amende à 130 fr. avec sursis pendant 3 ans et
à sa réforme en ce sens qu'il est exempté de toute peine.

Il n'a pas été ordonné d'échange d'écritures.

Considérant en droit:

1.
Le recourant se plaint d'une violation de l'article 53 CP.

1.1 Aux termes de cette disposition, lorsque l'auteur a réparé le dommage ou
accompli tous les efforts que l'on pouvait raisonnablement attendre de lui pour
compenser le tort qu'il a causé, l'autorité compétente renonce à le poursuivre,
à le renvoyer devant le juge ou à lui infliger une peine si les conditions du
sursis à l'exécution de la peine sont remplies (let. a) et si l'intérêt public
et l'intérêt du lésé à poursuivre l'auteur pénalement sont peu importants (let.
b).
Cette norme vise avant tout l'intérêt du lésé qui préfère en général être
dédommagé que de voir l'auteur puni. Cette possibilité fait appel au sens des
responsabilités de l'auteur en le rendant conscient du tort qu'il a causé. Elle
doit contribuer à améliorer les relations entre l'auteur et le lésé et à
rétablir ainsi la paix publique. La réparation du dommage justifie une
exemption de peine et l'intérêt à punir est réduit à néant parce que l'auteur
effectue de façon active une prestation sociale à des fins de réconciliation et
de rétablissement de la paix publique. L'intérêt public à la poursuite pénale
doit être minime, voire inexistant. Il est ainsi tenu compte des cas dans
lesquels aucun particulier n'est lésé. Par ailleurs, cette condition tend à
éviter que les auteurs fortunés puissent monnayer leur sanction (ATF 135 IV 12
consid. 3.4.1 p. 21).

1.2 La réparation du dommage peut revêtir plusieurs formes. Elle peut consister
dans la restitution de l'objet volé ou dans le versement de dommages-intérêts.
Si la réparation effective n'est pas possible, elle ne peut revêtir qu'un
caractère symbolique et consister, par exemple, en un cadeau ou en un travail
accompli en faveur de la victime, ou encore en une prestation à la collectivité
(Message concernant la modification du code pénal suisse [dispositions
générales, entrée en vigueur et application du code pénal] et du code pénal
militaire ainsi qu'une loi fédérale régissant la condition pénale des mineurs,
du 21 septembre 1998, FF 1999 1787 ss, spéc. 1872 ss; HANS WIPRÄCHTIGER,
Revision des Allgemeinen Teils des StGB, Änderung im Schatten des
Sanktionenerechts, RPS 123/2005 p. 403, spéc. 427; v. aussi : FRANZ RIKLIN, in
Basler Kommentar, Strafrecht, 2e éd 2007, no 9 ad. art. 53 CP; TRECHSEL/PAUEN
BORER, in Schweizerisches Strafgesetzbuch, Praxiskommentar, 2008, no 5 ad art.
53 CP). Il n'est pas nécessaire que l'auteur répare entièrement le dommage. Il
suffit qu'il entreprenne tous les efforts que l'on peut exiger de lui, en
tenant compte de ses possibilités et de ses limites. Il appartient à l'autorité
compétente de déterminer si l'auteur a fourni les efforts nécessaires au regard
de l'ensemble des circonstances, notamment de sa culpabilité et de sa situation
financière. Elle dispose à cet égard d'un large pouvoir d'appréciation (v. FF
1999 1787 ss, spéc. 1873; v. aussi : TRECHSEL/PAUEN BORER, op. cit., no 3 ad
art. 53; STRATENWERTH, Schweizerisches Strafrecht, AT II, 2e éd. Berne 2006, §
7 no 11; RIKLIN op. cit., no 8 ad art. 53 CP; WIPRÄCHTIGER, op. cit., p. 427).

1.3 En résumé, la cour cantonale a considéré que le recourant n'avait consenti
aucun effort particulier pour réparer le tort causé. Le montant indûment
prélevé avait été remboursé par Z.________. Ce remboursement était intervenu
plus de deux ans après les faits. Le recourant n'avait rien entrepris en vue de
la réparation du préjudice correspondant aux frais d'avocat. Ayant soutenu
avoir utilisé un moyen d'action parmi d'autres, il n'avait pas pris pleinement
conscience de l'illicéité et de la gravité de ses agissements, nonobstant les
quelques regrets exprimés. Sa culpabilité et l'infraction étaient graves. Il y
avait un intérêt public de prévention générale à rappeler que la défense
d'intérêts collectifs et légitimes ne justifiait pas le recours à des moyens
illicites et que l'interdiction de ceux-ci visait à préserver la paix du
travail.

1.4 Le recourant soutient tout d'abord avoir réparé complètement le dommage. Il
en conclut que la cour cantonale a recherché en vain s'il avait consenti un
effort particulier et refusé pour ce motif l'exemption de peine.

L'arrêt entrepris ne constate pas que tout le préjudice de la partie civile
aurait été compensé, puisqu'il porte, au contraire, condamnation du recourant à
une indemnité correspondant aux frais d'avocat de la partie civile avant
procès. A cet égard, on peut rappeler que, selon la jurisprudence, les frais
d'intervention avant procès de la partie civile doivent être traités comme les
dommages qui résultent directement d'une atteinte à l'intégrité corporelle ou
aux choses (v. ATF 117 II 101 consid. 4; arrêt 4C.51/2000 du 7 août 2000
consid. 2, in SJ 2000 I 153). Dans la perspective de l'art. 53 CP, ces frais
constituent un élément du dommage. Le recourant objecte certes que la partie
civile n'a fait valoir ses frais d'avocat qu'à fin 2009 à concurrence de
quelques 20'000 fr., qu'elle n'a chiffré ses conclusions à 39'500 fr. qu'en
première instance, qu'elle n'a produit certaines pièces qu'en appel et que ses
conclusions n'ont été allouées qu'à concurrence de 10'000 francs. Il n'en
demeure pas moins que l'ensemble du dommage n'a pas été réparé et que c'est
donc à bon droit que la cour cantonale a examiné si le recourant avait fourni
tous les efforts que l'on pouvait raisonnablement attendre de lui pour
compenser le tort causé.

A ce sujet, selon les constatations cantonales, qui lient le Tribunal fédéral
(art. 105 al. 1 LTF), ce n'est pas le recourant qui a remboursé à Y.________ le
montant indûment prélevé, mais Z.________. Il ne ressort pas du dossier que le
recourant aurait effectué une quelconque prestation en faveur de Z.________ en
compensation du paiement effectué. Contrairement à ce qu'affirme le recourant,
il n'appartenait pas à la cour cantonale d'établir si un éventuel arrangement
interne avait été conclu entre lui et Z.________. En effet, le fardeau de la
preuve d'un fait justificatif, tout comme d'ailleurs celui de la preuve
libératoire en matière d'infraction contre l'honneur, incombe à l'accusé (arrêt
6B_461/2008 du 4 septembre 2008 consid. 3.3.4 et 6B_869/2010 du 16 septembre
2011 consid. 4.5). A cela s'ajoute que le remboursement des sommes soustraites
à la partie civile est intervenu après deux ans, période durant laquelle le
recourant n'a entamé aucuns pourparlers en vue d'un quelconque dédommagement
que ce soit concernant le montant indûment prélevé ou les frais d'avocat. Ces
derniers n'ont certes été chiffrés qu'à fin 2009 et pour un montant qui a, par
la suite, été réduit par l'autorité cantonale. Il n'en demeure pas moins que le
recourant n'a jamais formulé la moindre proposition pour l'indemnisation même
partielle de ce poste du dommage. Fondée sur ces différents éléments, la cour
cantonale n'a ni excédé ni abusé de son large pouvoir d'appréciation en
refusant d'exempter le recourant de toute peine. Cela conduit au rejet du
recours sans qu'il soit nécessaire d'examiner si les conditions de l'article 53
let. b CP sont quant à elles réalisées.

2.
Le recours doit ainsi être rejeté. Le recourant, qui succombe, doit supporter
les frais judiciaires (art. 66 al. 1 LTF).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté.
2. Les frais judiciaires, arrêtés à 2'000 fr., sont mis à la charge du
recourant.

3.
Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Cour de justice du canton
de Genève, Chambre pénale d'appel et de révision.

Lausanne, le 4 juin 2012

Au nom de la Cour de droit pénal
du Tribunal fédéral suisse

Le Président: Mathys

La Greffière: Livet