Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

Strafrechtliche Abteilung, Beschwerde in Strafsachen 6B.262/2012
Zurück zum Index Strafrechtliche Abteilung, Beschwerde in Strafsachen 2012
Retour à l'indice Strafrechtliche Abteilung, Beschwerde in Strafsachen 2012



Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal

{T 0/2}
6B_262/2012

Arrêt du 4 octobre 2012
Cour de droit pénal

Composition
MM. et Mme les Juges Mathys, Président,
Jacquemoud-Rossari et Denys.
Greffier: M. Rieben.

Participants à la procédure
X.________, représenté par
Me Jean-Samuel Leuba, avocat,
recourant,

contre

Ministère public central du canton de Vaud, avenue de Longemalle 1, 1020 Renens
VD,
intimé.

Objet
Infraction à la loi fédérale sur les étrangers; fixation de la peine;
arbitraire,

recours contre le jugement de la Cour d'appel pénale du Tribunal cantonal du
canton de Vaud du 20 février 2012.

Faits:

A.
Par jugement du 16 novembre 2011, le Tribunal de police de l'arrondissement de
Lausanne a condamné X.________ pour infraction à la loi fédérale du 26 décembre
2005 sur les étrangers (LEtr; RS 142.20) à soixante jours de privation de
liberté.

B.
Par jugement du 20 février 2012, la Cour d'appel pénale du Tribunal cantonal
vaudois a rejeté l'appel formé par X.________ et a confirmé le jugement de
première instance. En bref, la condamnation repose sur les faits suivants:

A la suite de faits survenus en 2002, X.________ a été condamné le 6 avril 2004
par la Cour de cassation pénale du Tribunal cantonal vaudois pour diverses
infractions, parmi lesquelles délit manqué de meurtre, menaces, infractions à
la loi fédérale du 20 juin 1997 sur les armes, les accessoires d'armes et les
munitions (Loi sur les armes, LArm; RS 514.54) et infraction à l'ancienne loi
fédérale du 26 mars 1931 sur le séjour et l'établissement des étrangers (LFSEE;
abrogée par la LEtr entrée en vigueur le 1er janvier 2008) à neuf ans de
réclusion, 300 francs d'amende et à douze ans d'expulsion du territoire suisse.
A cette époque, outre l'expulsion judiciaire désormais abolie, il avait été
frappé d'une interdiction d'entrée en Suisse pour une durée indéterminée. Après
8 ans de prison, il a été expulsé de Suisse le 5 juillet 2010 et renvoyé par
avion à Pristina. X.________ est resté au Kosovo durant trois semaines jusqu'au
début du mois d'août 2010. Durant cette période, il a refait son passeport et a
changé officiellement d'identité, reprenant le nom de son père. En août 2010,
il est revenu en Suisse par voiture, via la France, au mépris de l'interdiction
d'entrée dont il faisait l'objet. Dès cette période et jusqu'au 22 novembre
2010, date de son interpellation, il a séjourné dans notre pays, d'abord chez
un parent, puis chez son amie, qu'il a connue en 2008 lors de sa période de
semi-liberté.

C.
Contre ce dernier jugement, X.________ dépose un recours en matière pénale
devant le Tribunal fédéral. Il conclut principalement à sa réforme en ce sens
qu'il est condamné à un travail d'intérêt général ou à une peine de
jours-amende dont la quotité doit être fixée, la sanction devant être assortie
d'un sursis d'une durée de deux ans. Subsidiairement, il conclut au renvoi de
la cause.

Il n'a pas été ordonné d'échange d'écritures.

Considérant en droit:

1.
Le recourant ne conteste pas le principe de sa condamnation mais le refus du
sursis, d'une part, et soutient, d'autre part, que la décision entreprise viole
l'art. 41 CP en tant qu'elle lui inflige une peine privative de liberté ferme
d'une durée inférieure à six mois en lieu et place d'une peine pécuniaire ou
d'un travail d'intérêt général.

1.1 Selon l'art. 41 al. 1 CP, le juge peut prononcer une peine privative de
liberté ferme de moins de six mois uniquement si les conditions du sursis à
l'exécution de la peine (art. 42 CP) ne sont pas réunies et s'il y a lieu
d'admettre que ni une peine pécuniaire ni un travail d'intérêt général ne
peuvent être exécutés.

1.2 En l'espèce, il convient préalablement de déterminer si les conditions du
sursis sont réunies ou non, point déterminant au regard de l'art. 41 al. 1 CP,
étant précisé que cette question se pose dans les mêmes termes, au plan
subjectif, quel que soit le type de sanction. Le sursis s'examine ainsi selon
les critères posés par l'art. 42 CP, qui ont été rappelés dans l'arrêt publié
aux ATF 135 IV 180 consid. 2.1; il y est renvoyé. Il est acquis que le
recourant remplit les conditions objectives à l'octroi du sursis. Seule se pose
la question de savoir si un pronostic défavorable peut être posé.
1.2.1 La cour cantonale a retenu qu'à l'issue de l'exécution de la très lourde
peine à laquelle il avait été condamné, le recourant était brièvement retourné
dans son pays pour obtenir de nouveaux papiers d'identité et, malgré
l'interdiction d'entrer et de séjourner en Suisse, il y était revenu de façon
clandestine. Une telle façon d'agir dénotait un mépris singulier pour les lois
et une totale insensibilité à la sanction pénale si l'on rapprochait cette
nouvelle infraction de la condamnation précédente. La cour cantonale a
considéré que seul un pronostic défavorable pouvait être posé et que, par
conséquent, un sursis était exclu.

1.2.2 Le recourant se plaint d'une constatation incomplète, partant arbitraire,
des faits au motif que la cour cantonale a ignoré les éléments relatifs à sa
situation personnelle, professionnelle, familiale, ou encore son comportement
dans le cadre de la présente procédure.

Dans le recours en matière pénale, les constatations de fait de la décision
entreprise lient le Tribunal fédéral (art. 105 al. 1 LTF). Il n'en va
différemment que si le fait a été établi en violation du droit ou de manière
manifestement inexacte au sens des art. 97 al. 1 et 105 al. 2 LTF, soit pour
l'essentiel de façon arbitraire au sens de l'art. 9 Cst. (cf. ATF 137 I 58
consid. 4.1.2 p. 62; sur la notion d'arbitraire, voir ATF 138 I 49 consid. 7.1
p. 51; 138 V 74 consid. 7 p. 82). Ce moyen d'ordre constitutionnel (art. 106
al. 2 LTF) suppose une argumentation claire et détaillée (ATF 133 IV 286
consid. 1.4 p. 287), circonstanciée (ATF 136 II 101 consid. 3, p. 105). Les
critiques de nature appellatoire sont irrecevables (ATF 137 II 353 c. 5.1 p.
356 et les références citées).

La cour cantonale a relevé que le recourant bénéficiait d'un emploi au Kosovo,
qu'il avait le projet d'épouser son amie, domiciliée en Suisse, tout en
rappelant que les démarches administratives nécessaires à ce mariage en étaient
au stade d'un recours à la Cour de droit administratif et public au Tribunal
cantonal (CDAP) à l'encontre du refus du Service de la population d'autoriser
l'entrée ou le séjour du recourant en Suisse. Elle a par ailleurs relevé qu'il
avait requis un sauf-conduit pour se présenter à l'audience d'appel. En outre,
lorsqu'il affirme qu'il n'a jamais caché aux autorités suisses sa présence sur
le territoire helvétique, il s'écarte des faits retenus de nature à lier le
Tribunal fédéral (art. 105 al. 1 LTF), selon lesquels il est entré
clandestinement en Suisse sous une nouvelle identité. Le fait qu'il ait déposé
des papiers en vue de se marier n'est pas de nature à remettre en cause cette
appréciation, ce d'autant qu'il agissait sous une nouvelle identité. Le grief
relatif à la constatation incomplète, respectivement arbitraire, des faits doit
être ainsi rejeté.
1.2.3 Le recourant affirme que la cour cantonale a fondé le pronostic
défavorable sur la seule base de sa précédente condamnation en 2004.

Cette critique est infondée. La cour cantonale s'est livrée à une appréciation
de l'ensemble des circonstances qui ont entouré le retour du recourant en
Suisse au mépris de l'interdiction d'entrée dont il faisait l'objet. Elle a
ainsi pris en considération la longue peine qu'il avait purgée, près de huit
ans, le bref laps de temps durant lequel il était resté au Kosovo après son
renvoi de Suisse, le fait qu'il avait mis à profit ce temps pour obtenir une
nouvelle identité ainsi que son retour clandestin en Suisse.
1.2.4 Le recourant expose encore que la cour cantonale n'a pas pris en
considération dans l'appréciation du pronostic sa situation personnelle au
moment du jugement, ni l'état d'esprit qu'il avait manifesté en retournant dans
son pays d'origine pour y travailler ainsi que sa prise de conscience et son
amendement qui se sont manifestés par son respect pour l'ordre juridique suisse
en répondant aux convocations de la police et en se présentant devant les
juridictions de jugement au bénéfice d'un sauf-conduit.

Pour émettre le pronostic, le juge doit se livrer à une appréciation
d'ensemble, tenant compte des circonstances de l'infraction, des antécédents de
l'auteur, de sa réputation et de sa situation personnelle au moment du
jugement, notamment de l'état d'esprit qu'il manifeste. Il doit tenir compte de
tous les éléments propres à éclairer l'ensemble du caractère de l'accusé et ses
chances d'amendement. Il ne peut accorder un poids particulier à certains
critères et en négliger d'autres qui sont pertinents (ATF 134 IV 1 consid.
4.2.1 p. 5). Dans l'émission du pronostic, le juge dispose d'un large pouvoir
d'appréciation, de sorte que le Tribunal fédéral n'intervient qu'en cas d'excès
ou d'abus de celui-ci (ATF 128 IV 193 consid. 3a p. 198; 119 IV 195 consid. 3b
p. 198; arrêt 6B_494/2011 du 4 octobre 2011 consid. 3.2).

Comme relevé supra (consid.1.2.2), les circonstances invoquées par le recourant
n'ont pas été ignorées par la cour cantonale. Toutefois, celle-ci a
manifestement considéré qu'en dépit de ces éléments, le pronostic était
défavorable, la façon d'agir du recourant dénotant un mépris singulier pour les
lois et une totale insensibilité à la sanction pénale. Compte tenu de la
proximité dans le temps entre sa sortie de prison et son retour en Suisse sous
une nouvelle identité, de ses lourds antécédents, et des conditions de son
retour en Suisse, la cour cantonale pouvait inférer de ces circonstances qu'il
était insensible à la sanction pénale. La nouvelle stabilité professionnelle du
recourant et son bon comportement depuis son interpellation dans le cadre de la
présente procédure ne sauraient suffire à renverser ce pronostic, en
particulier en raison du caractère très récent de ces facteurs qui ne permet
pas d'apprécier la réalité et la mesure de l'amendement du recourant. Au
surplus, il n'y a rien d'exceptionnel à ce qu'il se soit présenté aux audiences
de jugement de première instance et d'appel dès lors que l'on peut attendre de
tout prévenu qu'il donne suite aux convocations.
1.2.5 En définitive, les éléments invoqués par l'autorité cantonale lui
permettaient donc, sans abus du pouvoir d'appréciation, de poser un pronostic
défavorable sur le comportement à venir du recourant et de lui refuser le
sursis.

1.3 Dès lors que le pronostic est défavorable et que, par conséquent, un sursis
est exclu, la première condition de l'art. 41 al. 1 CP est réalisée. Il
convient ensuite d'examiner la seconde condition de la disposition précitée, à
savoir de déterminer si une peine pécuniaire, respectivement un travail
d'intérêt général, peuvent être exécutés.

A titre de sanctions, le nouveau droit fait de la peine pécuniaire (art. 34 CP)
et du travail d'intérêt général (art. 37 CP) la règle dans le domaine de la
petite criminalité, respectivement de la peine pécuniaire et de la peine
privative de liberté la règle pour la criminalité moyenne. Dans la conception
de la nouvelle partie générale du Code pénal, la peine pécuniaire constitue la
sanction principale. Les peines privatives de liberté ne doivent être
prononcées que lorsque l'Etat ne peut garantir d'une autre manière la sécurité
publique. Quant au travail d'intérêt général, il suppose l'accord de l'auteur.
En vertu du principe de la proportionnalité, il y a en règle générale lieu,
lorsque plusieurs peines entrent en considération et apparaissent sanctionner
de manière équivalente la faute, de choisir celle qui restreint le moins
sévèrement la liberté personnelle de l'intéressé, respectivement qui le touche
le moins durement. La peine pécuniaire et le travail d'intérêt général
représentent des atteintes moins importantes et constituent ainsi des peines
plus clémentes. Cela résulte également de l'intention essentielle, qui était au
coeur de la révision de la partie générale du Code pénal en matière de
sanction, d'éviter les courtes peines de prison ou d'arrêt, qui font obstacle à
la socialisation de l'auteur, et de leur substituer d'autres sanctions. Pour
choisir la nature de la peine, le juge doit prendre en considération
l'opportunité de la sanction déterminée, ses effets sur l'auteur et son milieu
social, ainsi que son efficacité préventive (ATF 134 IV 97 consid. 4 p. 100 ss;
arrêt 6B_128/2011 du 14 juin 2011 consid. 3.1).
1.3.1 La cour cantonale a motivé le refus de la peine pécuniaire par des
considérations de prévention spéciale en relevant qu'après huit ans de
réclusion, le recourant n'avait pas hésité à récidiver en commettant une
infraction crasse à la LEtr, ce qui dénotait un individu se croyant au-dessus
des lois et insensible aux sanctions pénales les plus lourdes.

Certes, comme le relève le recourant, les faits qui ont fondé sa condamnation
antérieure remontent à plus de dix ans, toutefois cette circonstance n'est pas
déterminante sur l'efficacité préventive du choix de la peine à prononcer à son
encontre dans le cas d'espèce. Il est constant que le recourant a commis la
nouvelle infraction dans les semaines qui ont suivi sa libération. Or, c'est
cette proximité temporelle qui permet de retenir que la cour cantonale pouvait
sans violer le droit fédéral considérer que, là où l'effet dissuasif d'une
longue peine de privation de liberté avait échoué, une peine pécuniaire ferme
n'entrait pas en considération, le comportement du recourant attestant un total
mépris des règles en vigueur.
1.3.2 Selon la jurisprudence, le prononcé d'un travail d'intérêt général n'est
justifié qu'autant que l'on puisse au moins prévoir que l'intéressé pourra, cas
échéant après l'exécution, poursuivre son évolution en Suisse. Lorsqu'il est
d'avance exclu que l'étranger demeure en Suisse, ce but ne peut être atteint.
Aussi, lorsqu'il n'existe, au moment du jugement, aucun droit de demeurer en
Suisse, ou lorsqu'il est établi qu'une décision définitive a été rendue sur son
statut en droit des étrangers et qu'il doit quitter la Suisse, le travail
d'intérêt général ne constitue pas une sanction adéquate, il est exclu (arrêt
6B_128/2011 du 14 juin 2011 consid. 3.5.2; 6B_541/2007 du 13 mai 2008 consid.
4.2.4).

En l'espèce, la cour cantonale a exclu le travail d'intérêt général au motif
que le recourant faisait l'objet d'une décision d'interdiction d'entrée en
Suisse entrée en force. Cette décision ne souffre aucune critique et est
conforme à la jurisprudence mentionnée. Le fait qu'aucune nouvelle décision
définitive n'ait été rendue par la CDAP au moment du jugement cantonal (consid.
1.2.2) n'est pas de nature à remettre en cause cette appréciation. Au moment du
prononcé du jugement cantonal, le recourant ne bénéficiait d'aucun droit de
pénétrer et de séjourner en Suisse.

1.4 Il résulte de ce qui précède que la seule perspective de devoir exécuter
une peine pécuniaire n'a aucun effet dissuasif sur le recourant et que le
travail d'intérêt général est exclu pour des raisons tenant à son statut en
Suisse. Dans ces conditions, le cour cantonale n'a pas violé le droit fédéral
en prononçant une courte peine privative de liberté à l'encontre du recourant.

1.5 Le recourant, qui succombe, supporte les frais de justice (art. 66 al. 1
LTF).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté.

2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 4'000 fr., sont mis à la charge du recourant.

3.
Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Cour d'appel pénale du
Tribunal cantonal du canton de Vaud.

Lausanne, le 4 octobre 2012

Au nom de la Cour de droit pénal
du Tribunal fédéral suisse

Le Président: Mathys

Le Greffier: Rieben