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Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
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Strafrechtliche Abteilung, Beschwerde in Strafsachen 6B.255/2012
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Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal

{T 0/2}
6B_255/2012

Arrêt du 28 février 2013
Cour de droit pénal

Composition
MM. les Juges fédéraux Mathys, Président,
Denys et Oberholzer.
Greffière: Mme Paquier-Boinay.

Participants à la procédure
X.________, représenté par
Me Marc von Niederhäusern, avocat,
recourant,

contre

1. Ministère public du canton de Neuchâtel, rue du Pommier 3, 2000 Neuchâtel,
2. Y.________ Assurances, représenté par
Me Marc-André Nardin, avocat,
intimés.

Objet
Tentative d'escroquerie; arbitraire,

recours contre le jugement de la Cour pénale du Tribunal cantonal du canton de
Neuchâtel du 12 mars 2012.

Faits:

A.
Par jugement du 15 septembre 2011, le Tribunal de police des Montagnes et du
Val-de-Ruz a condamné X.________, pour deux tentatives d'escroquerie, à 240
jours-amende à 10 fr. le jour avec sursis pendant 2 ans ainsi qu'à une amende
additionnelle de 800 fr., correspondant à 8 jours de peine privative de liberté
de substitution.
Ce jugement a été rendu suite au renvoi ordonné par arrêt de la Cour de
cassation pénale du canton de Neuchâtel du 23 février 2011 consécutif à un
pourvoi en cassation dirigé contre un premier jugement, du 19 février 2009, du
Tribunal correctionnel du district de la Chaux-de-Fonds. Cette dernière
autorité avait retenu trois tentatives d'escroquerie à l'encontre de
X.________, qu'elle avait condamné à une peine privative de liberté de 12 mois
avec sursis pendant 3 ans et à une amande additionnelle de 1'500 francs. Dans
l'arrêt de renvoi, la Cour de cassation retenait deux tentatives d'escroquerie
à l'assurance relativement à des sinistres survenus les 27 mai 2001 et 18
février 2006 et renvoyait la cause en première instance pour nouvelle fixation
de la peine.

B.
Statuant le 12 mars 2012, la Cour pénale du Tribunal cantonal neuchâtelois a
rejeté l'appel formé par X.________ contre le jugement du 15 septembre 2011 du
Tribunal de police des Montagnes et du Val-de-Ruz, qu'elle a confirmé.

C.
X.________ forme un recours en matière pénale contre ce jugement. Il conclut,
sous suite de frais et dépens, à son acquittement et éventuellement au renvoi
de l'affaire à l'une des deux autorités précédentes.

Considérant en droit:

1.
En tant que le recourant conteste l'arrêt du 12 mars 2012, il s'en prend à une
décision finale (cf. art. 90 LTF) prise par une autorité cantonale de dernière
instance (cf. art. 80 al. 1 LTF) dans une affaire pénale (cf. art. 78 al. 1
LTF). Le recours en matière pénale est donc en principe recevable. Le recourant
s'en prend aussi à l'arrêt de renvoi rendu le 23 février 2011 par lequel la
Cour de cassation pénale avait alors notamment admis sa culpabilité
relativement à deux tentatives d'escroquerie et renvoyé l'affaire à l'autorité
de première instance pour nouvelle fixation de la peine. Il s'agissait d'une
décision incidente qui n'était pas susceptible de recours immédiat au Tribunal
fédéral faute de réaliser l'une des exceptions prévues à l'art. 93 al. 1 let. a
et b LTF. Une telle décision peut être attaquée par un recours contre la
décision finale dans la mesure où elle influe sur le contenu de celle-ci (cf.
art. 93 al. 3 LTF). Tel est le cas en l'espèce, de sorte que le recours est
recevable en tant que le recourant conteste les deux escroqueries mises à sa
charge.

2.
Le recourant reproche en premier lieu à l'autorité cantonale d'avoir violé
l'art. 404 CPP au motif qu'elle estime ne pas pouvoir entrer en matière sur la
réalisation des infractions retenues car elle se considère comme liée par
l'arrêt rendu après cassation. Il allègue qu'elle a ainsi méconnu le fait que
son pouvoir d'examen était entier lors du second recours alors qu'il ne l'était
pas lors du premier recours en cassation.

2.1 Il y a lieu de relever à titre préliminaire que c'est à juste titre que
l'autorité cantonale a, conformément à l'art. 453 CPP, statué en application du
CPP, ce qui n'est au demeurant pas remis en cause par le recourant.

2.2 Il ressort de l'arrêt attaqué que l'autorité cantonale a admis que l'appel
dont elle était saisie était mal fondé car on ne pouvait reprocher à l'autorité
à laquelle la cause avait été renvoyée par l'arrêt du 23 février 2011 de
n'avoir pas réexaminé le principe de la culpabilité du recourant pour les deux
tentatives d'escroquerie dont il était encore reconnu coupable. Or, cette
autorité était liée par les motifs de l'arrêt de renvoi qui confirmait cette
culpabilité, de même qu'à sa suite l'autorité d'appel (cf. MARLÈNE KISTLER
VIANIN, in Commentaire romand CPP, n. 16 ad art. 409). Il n'appert nullement
que l'autorité cantonale aurait ainsi méconnu son pouvoir d'examen. Ce grief
est dès lors mal fondé.

3.
Le recourant soutient que sa condamnation pour tentative d'escroquerie en
relation avec le sinistre de mai 2001 viole l'art. 146 CP car sa déclaration à
l'assurance est entachée d'un simple mensonge, de sorte que l'élément
constitutif de l'astuce n'est pas réalisé.
Aux termes de l'art. 146 CP, se rend coupable d'escroquerie celui qui, dans le
dessein de se procurer ou de procurer à un tiers un enrichissement illégitime,
a astucieusement induit en erreur une personne par des affirmations
fallacieuses ou par la dissimulation de faits vrais, ou l'a astucieusement
confortée dans son erreur et a de la sorte déterminé la victime à des actes
préjudiciables à ses intérêts pécuniaires ou à ceux d'un tiers.
Pour qu'il y ait escroquerie, une simple tromperie ne suffit pas; il faut
encore qu'elle soit astucieuse.
L'astuce est réalisée lorsque l'auteur recourt à un édifice de mensonges, à des
manoeuvres frauduleuses ou à une mise en scène, mais aussi lorsqu'il donne
simplement de fausses informations, si leur vérification n'est pas possible, ne
l'est que difficilement ou ne peut raisonnablement être exigée, de même que si
l'auteur dissuade la dupe de vérifier ou prévoit, en fonction des
circonstances, qu'elle renoncera à le faire (ATF 135 IV 76 consid. 5.2 p. 81
s.; 133 IV 256 consid. 4.4.3 p. 264). L'astuce n'est toutefois pas réalisée si
la dupe pouvait se protéger avec un minimum d'attention ou éviter l'erreur avec
le minimum de prudence que l'on pouvait attendre d'elle. Il n'est cependant pas
nécessaire qu'elle ait fait preuve de la plus grande diligence ou qu'elle ait
recouru à toutes les mesures de prudence possibles pour éviter d'être trompée.
L'astuce n'est exclue que si la dupe est coresponsable du dommage parce qu'elle
n'a pas observé les mesures de prudence élémentaires qui s'imposaient (ATF 122
IV 246 consid. 3a p. 247); une coresponsabilité de la dupe n'exclut l'astuce
que dans des cas exceptionnels (ATF 135 IV 76 consid. 5.2 p. 81).
En l'espèce, le recourant admet lui-même avoir « un peu trop poussé » le
dommage annoncé. L'autorité cantonale a considéré qu'il avait agi en partant de
l'idée qu'eu égard au montant du dommage, de l'ordre de 5'000 fr., la compagnie
d'assurances ne procéderait pas à des vérifications, par ailleurs fort
difficiles à mettre en oeuvre. Il s'agit d'éléments qui relèvent de
l'établissement des faits, qui ne peuvent être revus par le Tribunal fédéral
que sous l'angle de l'arbitraire (ATF 135 IV 152 consid. 2.3.2 p. 156) et à
condition que ce grief soit soulevé et motivé d'une manière satisfaisant aux
exigences de l'art. 106 al. 2 LTF, ce qui n'est pas le cas en l'espèce. L'état
de fait suffit pour admettre que l'élément constitutif de l'astuce est réalisé.
Ce grief est donc mal fondé dans la mesure où il est recevable.

4.
S'agissant du dégât d'eau du 18 février 2006, le recourant soutient que les
autorités cantonales ont abusé de leur pouvoir d'appréciation et fait preuve
d'arbitraire tout en violant la présomption d'innocence et le principe « in
dubio pro reo ».
La présomption d'innocence, garantie par les art. 32 al. 1 Cst., 10 CPP, 14
par. 2 du Pacte ONU II et 6 par. 2 CEDH, ainsi que son corollaire, le principe
in dubio pro reo, concernent tant le fardeau de la preuve que l'appréciation
des preuves (ATF 120 Ia 31 consid. 2c p. 36 et les références citées).
Comme principe présidant à l'appréciation des preuves, la présomption
d'innocence est violée si le juge du fond se déclare convaincu de faits
défavorables à l'accusé sur lesquels, compte tenu des éléments de preuve qui
lui sont soumis, il aurait au contraire dû, objectivement, éprouver des doutes
(ATF 124 IV 86 consid. 2a p. 88; 120 Ia 31 consid. 2c p. 37). Il importe peu
qu'il subsiste des doutes seulement abstraits et théoriques, qui sont toujours
possibles, une certitude absolue ne pouvant être exigée. Il doit s'agir de
doutes sérieux et irréductibles, c'est-à-dire de doutes qui s'imposent à
l'esprit en fonction de la situation objective. Dans cette mesure, la
présomption d'innocence se confond avec l'interdiction générale de l'arbitraire
(art. 9 Cst.). En bref, pour qu'il y ait arbitraire, il ne suffit pas que la
décision attaquée apparaisse discutable ou même critiquable; il faut qu'elle
soit manifestement insoutenable et cela non seulement dans sa motivation, mais
aussi dans son résultat (ATF 138 V 74 consid. 7 p. 82; 137 I 1 consid. 2.4 p.
5; 136 III 552 consid. 4.2 p. 560). L'invocation de l'arbitraire suppose une
argumentation claire et détaillée (art. 106 al. 2 LTF; ATF 134 I 83 consid.
3.2). Les critiques de nature appellatoire sont irrecevables (ATF 137 IV 1
consid. 4.2.3 p. 5; 137 II 353 consid. 5.1 p. 365).
Le 20 février 2006, le recourant a informé son assurance que le samedi matin 18
février il avait constaté qu'une fuite avait causé des dégâts pour un montant
de l'ordre de 80'000 fr. dans son magasin.
Les autorités cantonales sont parvenues à la conclusion que c'est le recourant
lui-même qui avait arrosé son magasin.
Le recourant critique les éléments sur lesquels l'autorité cantonale fonde sa
conviction et soutient qu'aucun d'eux n'est propre à établir sa culpabilité de
sorte qu'en vertu du principe « in dubio pro reo » c'est la version qui lui est
la plus favorable qui devait être retenue.
Il ressort de l'arrêt attaqué qu'un important écoulement d'eau s'est produit
pendant une certaine durée avant de se tarir spontanément. L'instruction a
permis d'écarter l'hypothèse de travaux sur l'installation d'eau à l'étage
supérieur au commerce du recourant et les locaux situés à cet étage ont été
inspectés sans qu'aucune trace d'inondation n'y soit décelée. Par ailleurs, le
recourant, qui a constaté le sinistre le samedi matin, n'a entrepris aucune
démarche avant le lundi matin, date à laquelle il en a informé la gérance.
Compte tenu d'une part du fait que le sinistre ne s'explique par aucune cause
autre que l'intervention du recourant et d'autre part de la réaction pour le
moins curieuse du recourant qui n'a rien entrepris pour rétablir la situation
au plus vite, il n'était pas manifestement insoutenable de considérer que
c'était bien lui qui était à l'origine de l'inondation. Peu importe qu'une
expertise, dont se prévaut le recourant, n'exclue pas l'hypothèse d'un
écoulement à travers le plafond. La seule circonstance que la composition
chimique de l'eau prélevée dans le magasin du recourant après les faits puisse
résulter d'un passage à travers le plafond ne suffit pas pour que l'on doive
exclure l'hypothèse, concevable également, qu'elle provienne du fait que l'eau
en question a été giclée contre le plafond. De même, les témoignages invoqués
par le recourant ne suffisent pas à remettre en question l'appréciation des
preuves à laquelle a procédé l'autorité cantonale. C'est à juste titre que
celle-ci relève que leur crédibilité est sérieusement compromise par les
contradictions qu'ils comportent avec la propre version des faits du recourant.
Dans ces circonstances, il n'y a pas lieu d'examiner séparément chacun des
éléments invoqués par le recourant dans une argumentation par ailleurs
largement appellatoire. Dès lors que, considérée dans son ensemble,
l'appréciation des preuves de l'autorité cantonale n'apparaît pas manifestement
insoutenable, à tout le moins dans son résultat, cela suffit pour écarter le
grief d'arbitraire et partant de violation de la présomption d'innocence.
Mal fondé, ce grief doit également être rejeté dans la mesure de sa
recevabilité.
5. Le recourant reproche enfin à l'autorité cantonale d'avoir violé son droit
d'être entendu ainsi que son droit à un procès équitable en refusant l'audition
d'un témoin qui aurait, selon lui, permis d'établir que dans le cadre du
sinistre annoncé le 20 octobre 2006 il n'avait pas tenté d'escroquer
l'assurance. Comme le relève le recourant lui-même, aucune infraction n'a été
retenue dans ce cas au motif que l'élément constitutif de l'astuce n'était pas
réalisé.
Conformément à l'art. 81 let. b LTF, la qualité pour former un recours en
matière pénale est notamment subordonnée à la condition que l'intéressé ait un
intérêt juridique à l'annulation ou à la modification de la décision attaquée.
C'est en regard du dispositif de l'arrêt attaqué qu'il faut déterminer si tel
est le cas (cf. MARC THOMMEN in Basler Kommentar, Bundesgerichtsgesetz, 2e éd.
2011, n° 13 ad art. 81 LTF). En effet, le recours en matière pénale n'est pas
ouvert pour se plaindre de la seule motivation de l'arrêt attaqué (ATF 123 IV
17 consid. 2e et les arrêts cités). Ainsi, le recourant, qui a été libéré de
tout chef d'accusation pour les faits en question par l'arrêt de renvoi du 23
février 2011, n'est pas légitimé à attaquer la motivation de l'arrêt cantonal
sur ce point. Ce dernier grief est donc irrecevable.

6.
Mal fondé, le recours doit être rejeté dans la mesure où il est recevable et le
recourant, qui succombe, supportera les frais de justice (art. 64 al. 1 LTF).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.

2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 4000 fr., sont mis à la charge du recourant.

3.
Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Cour pénale du Tribunal
cantonal du canton de Neuchâtel.

Lausanne, le 28 février 2013

Au nom de la Cour de droit pénal
du Tribunal fédéral suisse

Le Président: Mathys

La Greffière: Paquier-Boinay