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Strafrechtliche Abteilung, Beschwerde in Strafsachen 6B.17/2012
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Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal

{T 0/2}
6B_17/2012

Arrêt du 30 avril 2012
Cour de droit pénal

Composition
MM. les Juges Schneider, Juge présidant,
Denys et Schöbi.
Greffière: Mme Gehring.

Participants à la procédure
X.________, représenté par Me Alexandre Bernel, avocat,
recourant,

contre

Ministère public central du canton de Vaud, avenue de Longemalle 1, 1020 Renens
VD,
intimé.

Objet
Violation grave des règles de la circulation routière; violation des devoirs en
cas d'accident; dérobade aux mesures visant à déterminer l'incapacité de
conduite; conduite d'un véhicule en état défectueux,

recours contre le jugement de la Cour d'appel pénale du Tribunal cantonal du
canton de Vaud du 7 octobre 2011.

Faits:

A.
Par jugement du 16 juin 2011, le Tribunal de police de l'arrondissement de
Lausanne a reconnu X.________ coupable de violation grave des règles de la
circulation routière, dérobade aux mesures visant à déterminer l'incapacité de
conduire, violation des devoirs en cas d'accident et conduite d'un véhicule en
état défectueux et l'a condamné au paiement d'une peine pécuniaire de 60
jours-amende à 10 fr. le jour avec sursis pendant 3 ans et d'une amende de 500
fr., cette dernière étant assortie d'une peine privative de liberté de
substitution de 5 jours en cas de non-paiement. Ce prononcé est fondé sur les
éléments de fait suivants.
A.a Le 11 décembre 2009 aux environs de 16h00, X.________ circulait au volant
d'un véhicule d'entreprise au moment où il a perdu la maîtrise de celui-ci sur
un tronçon rectiligne. La voiture de livraison a dévié de sa trajectoire,
franchi la ligne de sécurité et empiété sur la voie réservée au trafic inverse,
avant de percuter l'avant gauche de l'automobile conduite par Y.________ qui
circulait normalement. Malgré le choc, X.________ a continué sa route, en
circulant encore sur la voie inverse à sa direction où il a ensuite croisé un
second véhicule. La conductrice de celui-ci a évité la collision en procédant à
un freinage d'urgence et en escaladant sur sa droite un talus longeant la
chaussée. Après avoir effectué une quinzaine de mètres sur la piste gauche,
X.________ a finalement réintégré celle de droite. Sans s'arrêter et avec un
pneu crevé, il a rallié son lieu de travail et informé son employeur des
événements. Celui-ci a alerté la gendarmerie, laquelle a sommé X.________ de
retourner sur les lieux de l'accident afin d'établir un constat. Le prénommé ne
s'est pas exécuté, pas plus qu'il n'a ultérieurement répondu aux appels
téléphoniques des agents. A l'issue de sa journée de travail, il a regagné son
domicile et emprunté le véhicule familial pour se rendre en ville de Lausanne
où il a passé la nuit, ne se présentant au poste de police que le lendemain
matin à 9h30.
A.b Au casier judiciaire de X.________ figurent deux inscriptions, à savoir une
première condamnation à 45 jours d'emprisonnement avec sursis pendant 4 ans
infligée le 26 août 2002 pour violation des règles de la circulation routière
et conducteur pris de boisson, ainsi qu'une seconde à 8 jours-amende à 50 fr.
le jour avec sursis pendant 2 ans et 300 fr. d'amende prononcée le 6 février
2007 pour violence ou menace contre les autorités et les fonctionnaires et
contravention à la loi fédérale sur les stupéfiants.

B.
La Cour d'appel pénale du Tribunal cantonal vaudois a rejeté l'appel de
X.________ par jugement du 7 octobre 2011.

C.
X.________ interjette un recours en matière pénale et un recours
constitutionnel subsidiaire contre le jugement cantonal, concluant à sa
libération de tous les chefs de prévention retenus contre lui, à l'exception de
la violation des devoirs en cas d'accident. Il requiert en outre l'attribution
de l'effet suspensif au recours.

Considérant en droit:

1.
La décision attaquée a été rendue en dernière instance cantonale dans une cause
de droit pénal. Elle peut donc faire l'objet d'un recours en matière pénale au
sens des art. 78 ss LTF, de sorte que le recours constitutionnel subsidiaire
est exclu (art. 113 LTF). Les griefs invoqués seront traités dans le cadre du
recours en matière pénale.

2.
Le recourant conteste sa condamnation pour violation grave des règles de
circulation routière.

2.1 Il fait valoir que l'accident est survenu à la suite du surgissement d'un
chat sur la chaussée et nie avoir franchi la ligne de sécurité. Pour autant, il
ne démontre pas en quoi les considérations des instances cantonales - qui se
sont expressément écartées de ces allégations faute de crédibilité - seraient
insoutenables (cf. art. 105 al. 1 et 2 LTF). Il se borne à relater sa propre
version du litige aux termes d'une démarche appellatoire qui ne remplit pas les
exigences de motivation requises et se révèle par conséquent irrecevable (cf.
art. 106 al. 2 LTF).

2.2 Le recourant conteste en outre l'appréciation des preuves opérée par la
juridiction cantonale pour le motif que sa condamnation pour violation de
l'art. 90 ch. 2 LCR ne serait corroborée par aucun moyen de preuve, le rapport
de gendarmerie établi le 27 décembre 2009 se résumant, selon lui, à un simple
rapport de dénonciation dépourvu de toute valeur probante.

Les rapports de dénonciation constituent des actes par lesquels les
fonctionnaires de police témoignent de ce qu'ils ont personnellement vu,
entendu et fait. Conformément au principe de la liberté de la preuve, ils n'ont
pas de valeur probante particulière. Le juge apprécie leur force librement (cf.
GÉRARD PIQUEREZ/ALAIN MACALUSO, Procédure pénale suisse, 3e éd., n. 1651, p.
565), de sorte que le Tribunal fédéral n'intervient qu'en cas d'appréciation
arbitraire des preuves (sur cette notion, cf. ATF 136 III 552 consid. 4.2 p.
560). En l'occurrence, le recourant ne soutient pas que les magistrats n'ont
manifestement pas compris le sens et la portée de l'une des preuves figurant au
dossier, ni qu'ils ont omis, sans raison sérieuse, de tenir compte d'un moyen
important propre à modifier la décision attaquée ou fait des déductions
insoutenables. Il n'expose pas non plus en quoi les magistrats auraient dû
douter de la fiabilité des dépositions enregistrées par le dénonciateur. Le
grief, à supposer qu'il soit recevable, est rejeté.

3.
3.1 Le recourant invoque une violation de l'art. 91a LCR. D'une part, il
conteste s'être rendu coupable d'une violation des règles de comportement en
cas d'accident fondant l'infraction de dérobade aux mesures visant à déterminer
l'incapacité de conduire. D'autre part, il fait valoir qu'en poursuivant sa
route sans s'arrêter, il n'a pas agi avec le dessein d'échapper à une telle
mesure, mais par crainte de perdre son emploi s'il manquait la séance de
travail prévue en fin d'après-midi ce jour-là.

3.2 Aux termes de l'art. 91a al. 1 LCR, quiconque, en qualité de conducteur de
véhicule automobile, se sera opposé ou dérobé intentionnellement à un
prélèvement de sang, à un alcootest ou à un autre examen préliminaire
réglementé par le Conseil fédéral, qui avait été ordonné ou dont il devait
supposer qu'il le serait, ou quiconque se sera opposé ou dérobé
intentionnellement à un examen médical complémentaire ou aura fait en sorte que
des mesures de ce genre ne puissent atteindre leur but, sera puni d'une peine
privative de liberté de trois ans au plus ou d'une peine pécuniaire.
3.2.1 Selon la jurisprudence - rendue sous l'empire de l'ancien art. 91 al. 3
LCR mais qui demeure applicable au nouvel art. 91a LCR en vigueur depuis le 1er
janvier 2005 (FF 1999 4106), la dérobade aux mesures visant à déterminer
l'incapacité de conduire est liée à la violation des devoirs en cas d'accident.
Dans ce cas, l'art. 51 LCR prévoit que toutes les personnes impliquées devront
s'arrêter immédiatement (al. 1 1ère phrase). Elles sont tenues d'assurer, dans
la mesure du possible, la sécurité de la circulation (al. 1 2ème phrase). S'il
y a des blessés, toutes les personnes impliquées dans l'accident devront leur
porter secours; quant aux autres personnes, elles le feront dans la mesure
qu'on peut exiger d'elles. Ceux qui sont impliqués dans l'accident, mais en
premier lieu les conducteurs de véhicules, avertiront la police. Toutes les
personnes impliquées, y compris les passagers, doivent prêter leur concours à
la reconstitution des faits. Ces personnes ne pourront quitter les lieux sans
l'autorisation de la police, sauf si elles ont besoin de secours, si elles
doivent en chercher ou quérir la police (al. 2). Si l'accident n'a causé que
des dommages matériels, leur auteur en avertira tout de suite le lésé en
indiquant son nom et son adresse. En cas d'impossibilité, il en informera sans
délai la police (al. 3). En cas d'accidents aux passages à niveau, les
personnes qui y sont impliquées avertiront sans délai l'administration du
chemin de fer (al. 4). L'art. 56 al. 2 OCR ajoute que si un lésé veut appeler
la police sans qu'il y ait obligation de l'aviser, les autres personnes
impliquées doivent participer à la constatation des faits jusqu'à ce qu'elles
soient libérées par la police.

Le non-respect, intentionnel ou par négligence, des règles précitées est
constitutif d'une violation des devoirs en cas d'accident au sens de l'art. 92
LCR. En cas de violation intentionnelle et si les autres conditions posées par
la loi sont remplies, il peut également y avoir dérobade au sens de l'art. 91a
LCR. Cependant, toutes les règles de comportement en cas d'accident ne fondent
pas, en cas de violation, une condamnation pour dérobade aux mesures visant à
déterminer l'incapacité de conduire. Celle-là est circonscrite à la violation
des règles de comportement prescrites afin d'élucider les causes de l'accident
et ainsi, le cas échéant, à déterminer l'état du conducteur (ATF 126 IV 53
consid. 2a). En effet, ce n'est qu'en cas d'accident, où des éclaircissements
sur le déroulement des événements s'avèrent nécessaires, que l'on peut dire que
le conducteur devait s'attendre avec une haute vraisemblance à ce qu'une mesure
visant à établir son alcoolémie soit ordonnée. Ainsi, les éléments constitutifs
de la dérobade sont au nombre de deux: (1) l'auteur doit violer une obligation
d'aviser la police en cas d'accident, alors que cette annonce est destinée à
l'établissement des circonstances de l'accident et est concrètement possible;
(2) l'ordre de se soumettre à une mesure d'investigation de l'état d'incapacité
de conduire doit apparaître objectivement comme hautement vraisemblable au vu
des circonstances. Déterminer si une prise de sang aurait été ordonnée avec une
haute vraisemblance est fonction des circonstances concrètes. Celles-ci ont
trait d'une part à l'accident, sa gravité ainsi que la manière dont il s'est
déroulé, et d'autre part à l'état et au comportement du conducteur tant avant
l'accident qu'après celui-ci, jusqu'au dernier moment où l'annonce aurait pu
être faite (ATF 126 IV 53 consid. 2a).
3.2.2 Sur le plan subjectif, la dérobade est une infraction intentionnelle, le
dol éventuel suffisant. Tel est le cas lorsque le conducteur connaissait les
faits fondant son obligation d'avertir la police et la haute vraisemblance de
l'ordre de prise de sang et que l'omission de l'annonce à la police - qui était
sans autre possible - ne peut raisonnablement s'expliquer que par l'acceptation
du risque d'une entrave à la prise de sang (ATF 131 IV 36 consid. 2.2.1 p. 39).

3.3 Contrairement à ce que l'autorité cantonale a retenu in casu, la règle de
comportement prévue à l'art. 51 al. 3 LCR n'est pas applicable en cas
d'accident impliquant deux véhicules entrés en collision frontale. Le champ
d'application de cette disposition est circonscrit aux accidents lors desquels
le lésé impliqué ne participe pas au trafic (ATF 131 IV 36 consid. 3.4.1 p.
44).

3.4 Le conducteur peut satisfaire aux conditions objectives de la dérobade en
violant d'autres règles de comportement en cas d'accident destinées à établir
son identité et à clarifier l'état de fait. Ainsi, cette connexité de buts est
également donnée en cas de violation de la règle de comportement prévue à
l'art. 51 al. 1 1ère phrase LCR qui fait obligation aux personnes impliquées
dans un accident de s'arrêter immédiatement, même lorsque celui-ci n'a causé
que des dommages matériels légers (ATF 79 IV 74 ss). Contrairement à l'avis
soutenu par le recourant, ce devoir n'est pas inhérent à l'obligation d'assurer
la sécurité de la circulation routière prévue à l'art. 51 al. 1 2ème phrase
LCR, mais constitue une règle de comportement autonome et indépendante de la
précédente, cela même si elle en constitue la condition sine qua non. Aussi le
recourant ne saurait-il se prévaloir avec succès de la jurisprudence selon
laquelle les règles de comportement en cas d'accident prescrites aux art. 51
al. 1 LCR et 54 OCR pour assurer la sécurité de la circulation ne sont pas
pertinentes au regard de l'art. 91a LCR car elles n'ont pas pour but d'élucider
les causes de l'accident (ATF 125 IV 283 consid. 3).
En l'occurrence, il est constant qu'après avoir percuté et endommagé le
véhicule de Y.________ et celui qu'il conduisait, le recourant a immédiatement
quitté les lieux sans s'arrêter, en infraction du devoir que l'art. 51 al. 1
1ère phrase LCR lui imposait dans le but d'établir les circonstances de
l'accident. Il a ainsi contrevenu à une règle de comportement en cas d'accident
au sens de l'art. 91a LCR. Ses considérations relatives à l'obligation de
participer à l'éclaircissement des causes de l'accident déduite de l'art. 56
al. 2 OCR se révèlent par conséquent sans incidence sur le sort de la cause, de
sorte qu'il n'y a pas lieu d'entrer en matière sur celles-ci.
Selon les constatations cantonales, le véhicule conduit par le recourant a
dévié de sa trajectoire, franchi la ligne de sécurité et empiété sur la voie de
circulation inverse, avant de percuter de front l'avant gauche d'une automobile
qui y circulait normalement. Ce nonobstant, le recourant a poursuivi sa route
sur la piste gauche où il a croisé un second véhicule. Il ne s'est pas arrêté.
Il s'est absenté de son domicile jusqu'au lendemain matin. Ses antécédents
judiciaires font état d'une condamnation prononcée notamment pour conducteur
pris de boisson et d'une autre pour violation de la loi sur les stupéfiants. Au
regard des circonstances de la perte de maîtrise du véhicule que le recourant
conduisait et des antécédents de ce dernier, il était hautement vraisemblable
qu'une prise de sang aurait été ordonnée, ce dont il s'est manifestement douté
au regard de son comportement au cours des heures ayant suivi l'accident. La
peur de perdre son emploi invoquée par le recourant ne saurait constituer un
fait justificatif (cf. art. 17 ou 18 CP) admissible, l'intérêt public sur
lequel reposent les normes de la LCR étant prépondérant.
Sur le vu de ce qui précède, sa condamnation pour dérobade aux mesures visant à
déterminer l'incapacité de conduire ne viole pas le droit fédéral.

3.5 L'infraction étant réalisée, l'argumentation du recourant relative au fait
de ne pas s'être conformé aux injonctions de la police l'enjoignant de
retourner sur les lieux de l'accident est sans incidence sur le sort de la
cause, de sorte qu'il n'y a pas lieu de se prononcer sur celle-ci .

4.
Le recourant invoque une violation de l'art. 93 ch. 2 al. 1 LCR. Il allègue
avoir circulé avec un véhicule présentant des défectuosités de peu de gravité -
soit un pneu crevé et non pas éclaté comme retenu par la juridiction cantonale,
hypothèse corroborée selon lui par le fait qu'un pneu éclaté ne lui aurait
permis de rouler que sur quelques mètres et non pas sur une distance telle que
celle effectuée. Le recourant tente en vain d'établir une distinction entre un
pneu crevé ou éclaté. Selon les constatations cantonales, il est établi qu'il a
conduit un véhicule dont un des pneus était crevé. Il a en outre admis avoir
poursuivi sa route à faible allure car son pneu était crevé (cf. jugement
attaqué consid. 6.2). Cela étant, il a conduit sur la voie publique un véhicule
dont il savait qu'il n'était pas en parfait état de fonctionnement et ne
répondait pas aux prescriptions (cf. art. 29 LCR). Partant, l'application de
l'art. 93 ch. 2 al. 1 LCR ne viole pas le droit fédéral. Le grief est rejeté.

5.
Sous lettre D., le recourant se limite à tirer les conséquences juridiques de
l'admission des griefs précités sur la peine, les frais et les dépens. Vu
l'issue du litige, il n'y a pas lieu d'entrer en matière sur ces points.

6.
Il résulte de ce qui précède que le recours doit être rejeté dans la mesure où
il est recevable. Le recourant, qui succombe, supporte les frais judiciaires
(art. 66 al. 1 LTF).

7.
Le prononcé sur le recours rend la requête d'effet suspensif sans objet.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.

2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 4'000 fr., sont mis à la charge du recourant.

3.
Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Cour d'appel pénale du
Tribunal cantonal du canton de Vaud.

Lausanne, le 30 avril 2012

Au nom de la Cour de droit pénal
du Tribunal fédéral suisse

Le Juge présidant: Schneider

La Greffière: Gehring