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II. Zivilrechtliche Abteilung, Beschwerde in Zivilsachen 5A.867/2012
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Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal

{T 0/2}
5A_867/2012

Arrêt du 7 mars 2013
IIe Cour de droit civil

Composition
MM. et Mme les Juges fédéraux von Werdt, Président, Hohl et Marazzi.
Greffière: Mme Hildbrand

Participants à la procédure
A.________,
représenté par Me Christian Lüscher, avocat,
recourant,

contre

1. B.________,
2. C.________,
tous les deux représentés par Me Serge Rouvinet, avocat,
intimés.

Objet
mainlevée provisoire de l'opposition,

recours contre l'arrêt de la Chambre civile de la Cour de justice du canton de
Genève du 19 octobre 2012.

Faits:

A.
A.a Le 4 avril 2001, X.________ et ses trois enfants, A.________, B.________ et
C.________, ont conclu un pacte successoral. X.________ a institué seuls et
uniques héritiers son fils B.________ et sa fille C.________; A.________ a
renoncé à tous droits légaux et réservataires dans la succession de sa mère
(clause 3 al. 3 et 4) et s'est engagé à continuer à verser à celle-ci ou à ses
ayants droit l'intérêt hypothécaire de premier rang sur la somme de 200'000 fr.
(clause 3 al. 5).

Le 15 juillet 2009, la mère a mis en demeure son fils de lui verser les
intérêts dus, soit un arriéré de 46'950 fr.
A.b Pour cette créance, arrondie à 46'900 fr. et avec intérêts à 5% dès le 1er
janvier 2005, A.________ a été mis en poursuite par sa mère le 24 août 2009.
Dans une lettre à son fils du 30 novembre 2009, celle-ci lui a toutefois
indiqué renoncer à sa poursuite et déclaré annuler le commandement de payer.
Puis, par une lettre adressée et reçue par l'Office des poursuites le 8
décembre 2009, X.________ a déclaré retirer sa poursuite. La validité de cette
renonciation et de ce retrait est contestée.
A.c Après le décès de X.________, intervenu le 23 avril 2010, ses héritiers,
B.________ et C.________ ont requis à nouveau, pour cette même créance, la
poursuite de A.________. Celui-ci a fait opposition au commandement de payer la
somme de 46'900 fr. avec intérêts à 5% dès le 1er janvier 2005 (Poursuite n°
1). La Cour de justice du canton de Genève a, par arrêt du 9 décembre 2011,
annulé le jugement de première instance et refusé la mainlevée provisoire de
l'opposition.

B.
En 2012, toujours pour cette même créance, B.________ et C.________ ont requis
à nouveau la poursuite de A.________. Celui-ci a fait opposition au
commandement de payer la somme de 46'900 fr. avec intérêts à 5% l'an dès le 1er
janvier 2005 (poursuite n° 2).

Statuant le 27 juillet 2012, le Tribunal de première instance du canton de
Genève a prononcé la mainlevée provisoire de l'opposition formée au
commandement de payer, considérant que le débiteur avait, dans le cadre du
pacte successoral, pris l'engagement de continuer à verser à sa mère ou à ses
ayants droit l'intérêt hypothécaire de 1er rang grevant le bien immobilier
appartenant à sa mère et que les documents bancaires produits permettaient sans
difficulté de déterminer le montant desdits intérêts hypothécaires. Par arrêt
du 19 octobre 2012, la Cour de justice du canton de Genève a rejeté le recours
formé par A.________.

C.
Contre cet arrêt, A.________ interjette un recours en matière civile au
Tribunal fédéral, concluant, principalement, à sa réforme en ce sens que la
requête de mainlevée est rejetée et, subsidiairement, à son annulation et au
renvoi de la cause à l'autorité cantonale. Il invoque la violation de l'art. 82
al. 1 LP, une constatation arbitraire des faits, la violation de l'art. 82 al.
2 LP et des art. 18 et 115 CO et de l'art. 513 al. 1 CC

Sur requête du recourant, l'effet suspensif a été attribué au recours.

Invités à se déterminer, les intimés ont conclu au rejet du recours et à la
confirmation de l'arrêt attaqué et la Cour de justice s'est référée aux
considérants de son arrêt.

Considérant en droit:

1.
Le recours a été déposé en temps utile (art. 100 al. 1 LTF) à l'encontre d'une
décision finale (art. 90 LTF; ATF 133 III 399 consid. 1.4) rendue en matière de
poursuite pour dettes (art. 72 al. 2 let. a LTF, en relation avec l'art. 82 LP)
par un tribunal supérieur du canton ayant statué sur recours (art. 75 al. 1 et
2 LTF); la valeur litigieuse est atteinte (art. 74 al. 1 let. b LTF); la
poursuivante, qui a été déboutée de ses conclusions par l'autorité précédente,
a qualité pour recourir (art. 76 al. 1 LTF).

Le recours en matière civile peut être formé pour violation du droit fédéral, y
compris les droits constitutionnels (art. 95 let. a LTF). La décision en
matière de mainlevée, définitive ou provisoire, n'est en effet pas une décision
de mesures provisionnelles au sens de l'art. 98 LTF - contre laquelle seule la
violation des droits constitutionnels peut être invoquée - (ATF 133 III 399
consid. 1.5;135 III 670 consid. 1.3.): le juge de la mainlevée n'examine pas
l'existence de la créance en poursuite, mais celle d'un titre exécutoire,
statuant sur le droit du créancier de poursuivre le débiteur (ATF 132 III 140
consid. 4.1.1).

2.
La procédure de mainlevée provisoire est un incident de la poursuite; elle n'a
pas pour objet de statuer sur la réalité de la prétention en poursuite, mais
uniquement sur la force exécutoire du titre produit par la poursuivante (ATF
136 III 583 consid. 2.3 p. 586-587 et les références citées). Le prononcé de
mainlevée provisoire ne sortit que des effets de droit des poursuites (ATF 100
III 48 consid. 3 p. 50) et ne fonde pas l'exception de chose jugée (res
iudicata) quant à l'existence de la créance (ATF 136 III 583 consid. 2.3 p.
587). La décision du juge de la mainlevée ne prive donc pas les parties du
droit de soumettre à nouveau la question litigieuse au juge ordinaire (art. 79
et 83 al. 2 LP; cf. ATF 136 III 528 consid. 3.2).

3.
3.1 Dans une motivation quelque peu contradictoire, la cour cantonale semble en
définitive avoir considéré que le recourant s'est engagé à verser les intérêts
de premier rang de la dette hypothécaire de sa mère, prestation qui fait partie
de la succession. Elle a constaté que les décomptes bancaires produits pour la
période de janvier 2001 à décembre 2008 font état d'une seule dette
hypothécaire de 500'000 fr., au taux de 3,5 %. A l'instar du premier juge, elle
a estimé que le fait que la somme en capital du crédit soit plus élevée -
500'000 fr. - que celle mentionnée dans le pacte successoral - 200'000 fr. -
est sans importance dès lors que le débiteur doit régler les intérêts
hypothécaires relatifs à la somme de 200'000 fr. Les pièces bancaires
permettent donc de calculer le montant dû au titre desdits intérêts. Elle a
ainsi admis qu'il y avait bien reconnaissance de dette.

Examinant ensuite le moyen libératoire invoqué à titre subsidiaire, à savoir la
renonciation de la mère à recouvrer sa dette, manifestée par son courrier du 30
novembre 2009, la cour cantonale a considéré qu'une telle "révocation"
affaiblit la situation des autres parties au pacte successoral, de sorte
qu'elles auraient dû manifester leur accord par leur signature. Elle en a
conclu que le recourant n'a pas rendu vraisemblable que sa mère pouvait, seule,
valablement résilier la clause du pacte successoral relative aux intérêts dus
par lui. Par ailleurs, l'authenticité de la renonciation de la mère n'a pas été
rendue vraisemblable.

3.2 Le recourant s'en prend tant à l'admission de la reconnaissance de dette
(violation de l'art. 82 al. 1 LP) qu'au rejet de son moyen libératoire
(violation de l'art. 9 Cst, ainsi que des art. 82 al. 2 LP, 18 et 115 CO et 513
al. 1 CC).

4.
Il y a lieu d'examiner tout d'abord la violation de l'art. 82 al. 1 LP, le
recourant soutenant que le pacte successoral et les pièces bancaires ne
constituent pas une reconnaissance de dette.

4.1 Au sens de l'art. 82 al. 1 LP, constitue une reconnaissance de dette, en
particulier l'acte authentique ou sous seing privé signé par le poursuivi, d'où
ressort sa volonté de payer au poursuivant, sans réserve ni condition, une
somme d'argent déterminée, ou aisément déterminable, et exigible (ATF 136 III
624 consid. 4.2.2, 627 consid. 2 et les arrêts cités). Le montant déterminable
peut résulter du rapprochement de plusieurs pièces, à condition que les
éléments nécessaires en résultent. Cela signifie que l'acte signé par le
poursuivi doit faire référence ou renvoyer de manière claire et directe à des
pièces qui permettent de chiffrer la dette (ATF 132 III 480 consid. 4.1 p. 481
et les références citées; 5P.380/2005 consid. 4.2; 5A_652/2011 consid. 3.2.1).
Il doit en effet exister un lien manifeste et non équivoque entre la
reconnaissance de dette et les autres pièces, et le montant dû doit pouvoir
être calculé facilement sur la base de ces pièces (DANIEL STAEHELIN, in: Basler
Kommentar, SchKG I, 2e éd., 2010, n° 15 ad art. 82).

4.2 La clause 3 al. 5 du pacte successoral a la teneur suivante:

"Par contre, Monsieur A.________ reconnaît continuer devoir à sa mère ou ses
ayants droits, l'intérêt de 1er rang calculé par le créancier hypothécaire de
sa mère sur la somme en capital de deux cent mille francs et ce à compter du 2e
trimestre 2001, dit intérêt qu'il s'engage à acquitter régulièrement, jusqu'au
décès de sa mère, date à laquelle il sera libéré de cet engagement."

Chaque décompte d'intérêts de la Banque D.________, adressé à la mère du
recourant, fait état d'un capital de 500'000 fr., et pour 180 jours à un taux
d'intérêt de 3,5%, d'un montant d'intérêts dû de 8'750 fr.

4.3 Il est évident que la clause litigieuse du pacte successoral, seul document
signé, ne se réfère, ni ne renvoie à aucune pièce. Il n'existe pas de lien
manifeste et univoque entre elle et les décomptes bancaires invoqués par les
créanciers: le pacte ne chiffre pas le taux de l'hypothèque de 1er rang,
n'indique pas le nom du créancier hypothécaire et concerne un capital de
200'000 fr. alors que chaque décompte bancaire de la Banque D.________ indique
un taux de 3,5% pour un capital de 500'000 fr., sans que l'on sache s'il s'agit
bien du créancier hypothécaire visé dans le pacte, si le taux de 3,5% est bien
le taux d'une hypothèque de premier rang et si le crédit dont le montant est
supérieur est bien celui visé dans le pacte.

Pour valoir reconnaissance de dette, il faudrait que la clause du pacte indique
comme créancier hypothécaire la Banque D.________, que les décomptes bancaires,
adressés à la mère, précisent que le taux de 3,5% réclamé l'est pour une
hypothèque de premier rang et qu'ils concernent un capital de 200'000 fr. A
défaut, comme le soutient le recourant, même si sa mère n'était propriétaire
que d'un seul immeuble, on ne peut exclure que les décomptes concernent un
crédit garanti par une hypothèque d'un autre rang.

En tant que les intimés soutiennent que leur frère connaissait parfaitement le
créancier hypothécaire de sa mère et le taux de 3,5% appliqué par celui-ci, ils
font valoir des faits qui ne ressortent pas du rapprochement du pacte et des
pièces produites, et qui donc ne pourraient être pris en considération dans la
procédure de mainlevée que si le débiteur ne les contestait pas. Tel n'étant
pas le cas, ils doivent être soumis au juge ordinaire (cf. supra consid. 2).

5.
Le recours devant être admis pour ce motif, il est superflu d'examiner les
autres griefs de fait et le grief relatif au moyen libératoire soulevés par le
recourant.

6.
En conclusion, le présent recours est admis et l'arrêt attaqué doit être annulé
et réformé en ce sens que la requête de mainlevée dans la poursuite n° 2 est
rejetée. Les frais judiciaires et les dépens doivent être mis à la charge des
intimés, qui ont conclu au rejet du recours (art. 66 al. 1 et 68 al. 1 LTF).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est admis et l'arrêt attaqué est réformé en ce sens que la requête
de mainlevée dans la poursuite n° 2 est rejetée.

2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 3'000 fr., sont mis solidairement à la charge
des intimés.

3.
Une indemnité de 3'500 fr., à payer au recourant à titre de dépens, est mise
solidairement à la charge des intimés.

4.
Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Chambre civile de la Cour
de justice du canton de Genève.

Lausanne, le 7 mars 2013
Au nom de la IIe Cour de droit civil
du Tribunal fédéral suisse

Le Président: von Werdt

La Greffière: Hildbrand