Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

II. Zivilrechtliche Abteilung, Beschwerde in Zivilsachen 5A.768/2012
Zurück zum Index II. Zivilrechtliche Abteilung, Beschwerde in Zivilsachen 2012
Retour à l'indice II. Zivilrechtliche Abteilung, Beschwerde in Zivilsachen 2012


Wichtiger Hinweis:
Diese Website wird in älteren Versionen von Netscape ohne graphische Elemente
dargestellt. Die Funktionalität der Website ist aber trotzdem gewährleistet.
Wenn Sie diese Website regelmässig benutzen, empfehlen wir Ihnen, auf Ihrem
Computer einen aktuellen Browser zu installieren.
Zurück zur Einstiegsseite Drucken
                                                               Grössere Schrift

Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal

{T 0/2}
5A_768/2012

Arrêt du 17 mai 2013
IIe Cour de droit civil

Composition
MM. et Mme les Juges fédéraux
von Werdt, Président, Hohl et Marazzi.
Greffière: Mme de Poret Bortolaso.

Participants à la procédure
Mme A.X.________,
représentée par Me Anne Reiser, avocate,
recourante,

contre

M. B.X.________,
représenté par Me Sabrina Cellier, avocate,
intimé.

Objet
requête fondée sur l'art. 170 al. 2 CC,

recours contre l'arrêt de la Chambre civile de la Cour de justice du canton de
Genève du 14 septembre 2012.

Faits:

A.
Mme A.X.________, née en 1961, et M. B.X.________, né en 1958, se sont mariés
le 4 juin 1997 à Genève sans conclure de contrat de mariage.

Les époux, qui ont deux enfants encore mineurs, ont mis un terme à leur vie
commune en septembre 2009.

Les modalités de leur séparation sont réglées par le prononcé de mesures
protectrices de l'union conjugale.

B.
Le 2 septembre 2011, Mme A.X.________ a introduit par-devant le Tribunal de
première instance une procédure de protection dans les cas clairs, fondée sur
l'art. 170 CC, concluant à ce qu'il soit ordonné à son époux, ainsi qu'à divers
établissements (bancaires et publics notamment), assurances ou régies
immobilières entre autres, de produire une série de documents permettant de
déterminer la situation financière de son mari ainsi que les objets garnissant
l'ancien domicile conjugal. La liste des renseignements dont la production est
requise comporte près de 90 pages.

Par jugement du 10 mai 2012, le Tribunal de première instance a déclaré la
requête irrecevable. Cette décision a été confirmée par arrêt de la Cour de
justice du 14 septembre 2012.

C.
Agissant par la voie du recours en matière civile, Mme A.X.________ conclut à
l'annulation de ce dernier arrêt et sollicite la production des documents qui
font l'objet de la requête déposée devant la première instance. Elle invoque la
violation des art. 257 CPC et 170 CC, celle de l'interdiction de discrimination
(art. 8 Cst.), en relation avec une violation de son droit d'être entendue, du
droit d'accès à la justice (art. 29 Cst.) et du droit au mariage (art. 14
Cst.), ainsi qu'enfin la violation de sa liberté personnelle (10 Cst.).

Invités à se déterminer, l'intimé a conclu au rejet du recours, tandis que la
cour cantonale s'est référée aux considérants de son arrêt.

Considérant en droit:

1.
Le recours est dirigé contre une décision d'irrecevabilité mettant fin à la
procédure, soit une décision finale au sens de l'art. 90 LTF (cf. ATF 134 III
426 consid. 1.1; 133 III 629 consid. 2.2; 133 V 477 consid. 4.1.1). Celle-ci a
été rendue dans une cause de nature civile (art. 72 al. 1 LTF) et pécuniaire,
d'une valeur litigieuse estimée supérieure à 30'000 fr. (art. 74 al. 1 let. b
LTF), par une autorité supérieure cantonale statuant sur recours (art. 75 LTF).
La recourante, qui a qualité pour recourir (art. 76 al. 1 LTF), a agi en temps
utile (art. 100 al. 1 LTF).

2.
Les tribunaux cantonaux ont jugé que la requête formée par la recourante était
irrecevable, les conditions posées pour l'initier (art. 257 CPC) n'étant pas
remplies. Leur conclusion se fonde toutefois sur une motivation qui n'est pas
identique.

2.1 Le Tribunal de première instance a en substance considéré que la demande
présentée par la recourante s'inscrivait dans un complexe de faits relativement
épineux et en partie contesté. Dans ces circonstances, la recourante ne pouvait
se prévaloir de la protection des cas clairs prévue par l'art. 257 CPC et sa
requête devait en conséquence être déclarée irrecevable.

2.2 Procédant à une substitution de motifs, la Cour de justice a observé que la
requête déposée par la recourante avait pour but de collecter les
renseignements devant ensuite lui permettre de déposer une demande en divorce,
par laquelle elle réclamerait nécessairement une contribution à l'entretien des
enfants mineurs dont elle avait la charge. En tant que la procédure des cas
clairs est exclue lorsque la cause est soumise à la maxime d'office et pour les
cas de divorce, elle n'était pas ouverte en l'espèce à la recourante. Le CPC
prévoyait de surcroît, tant dans la procédure sur mesures provisionnelles que
dans celle de divorce, des dispositions spécifiques pour la production des
documents permettant à l'époux d'être renseigné sur la situation financière de
l'autre et au juge de statuer sur les aspects financiers du litige. Or, ce
dernier magistrat était mieux à même d'apprécier la pertinence des documents
dont la production était sollicitée pour l'issue du litige dont il était saisi.

3.
3.1 La recourante soutient en substance que les époux, parents ou non,
devraient pouvoir clarifier leurs droits et obligations découlant du mariage
préalablement à toute action touchant au lien conjugal. Or, la décision
querellée les en empêcherait, ce qui non seulement apparaîtrait contraire à
l'art. 257 CPC, mais également à l'interdiction de discrimination (art. 8 Cst.)
ainsi qu'à l'art. 170 CC, cette dernière disposition ne limitant pas le droit à
l'information d'un époux à l'absence de liens de filiation communs aux époux.
Par ailleurs, en tant que la décision entreprise la contraindrait à divorcer
pour avoir accès à la preuve de ses droits, elle violerait aussi son droit
d'être entendue (art. 29 Cst.), son droit au mariage (art. 14 Cst.), de même
que l'art. 170 CC, le droit aux renseignements entre époux étant indépendant de
l'introduction d'une procédure de divorce. La recourante souligne enfin que la
décision cantonale la priverait de sa liberté de choisir quelle conduite
adopter sur le plan judiciaire (art. 10 Cst.), situation impliquant que son
divorce ne pourrait être qualifié de "cause traitée équitablement et jugée dans
un délai raisonnable, dans laquelle aura été respecté son droit d'être
entendue" (art. 29 Cst.).

3.2 L'intimé soutient quant à lui que la procédure du cas clair serait exclue
pour les demandes de renseignements fondées sur l'art. 170 CC, conclusion qui
serait confirmée par la systématique du CPC. Il observe également que la
recourante disposerait d'autres voies pour agir en demande de renseignements
selon l'art. 170 CC, de sorte qu'elle ne serait pas privée d'obtenir les
informations sollicitées: cette circonstance suffirait à écarter les griefs de
discrimination, violation de sa liberté personnelle et des garanties
procédurales constitutionnelles. L'intimé remarque enfin qu'en tout état de
cause, le litige ne constituerait manifestement pas un cas clair au sens de
l'art. 257 CPC: non seulement l'état de fait serait litigieux, mais le droit
invoqué par la recourante ne serait de surcroît nullement évident.

4.
Saisi d'un recours en matière civile, le Tribunal fédéral applique le droit
d'office (art. 106 al. 1 LTF). Il n'est donc limité ni par les arguments
soulevés dans le recours, ni par la motivation retenue par l'autorité
précédente; il peut admettre un recours pour d'autres motifs que ceux qui ont
été invoqués et le rejeter en adoptant une argumentation différente de celle de
l'autorité précédente (cf. ATF 134 III 102 consid. 1.1; 130 III 297 consid.
3.1).

4.1 A l'instar des droits fondés sur les art. 400 al. 1 CO, 607 al. 3 et 610
al. 2 CC, le droit aux renseignements et pièces fondé sur l'art. 170 al. 2 CC,
est un droit matériel et non un droit de nature procédurale (arrêt 5C.157/2003
du 22 janvier 2004 consid. 3.1 publié in: SJ 2004 I 477 et les nombreuses
références). Le demandeur peut d'une part le faire valoir préjudiciellement,
soit dans sa demande en divorce, à l'appui d'une prétention au fond
(liquidation du régime matrimonial ou fixation des contributions d'entretien
après divorce), soit dans sa requête de mesures protectrices ou de mesures
provisionnelles pour la durée de la procédure de divorce, à l'appui des mesures
sollicitées; il peut d'autre part faire valoir ce droit à titre principal, dans
une procédure indépendante (arrêt 5C.157/2003 précité consid. 3.3).

En tant que le droit aux renseignements et pièces est un droit matériel, la
jurisprudence rendue sous l'empire des droits de procédure cantonaux est encore
valable: sauf lorsqu'il est invoqué à l'appui d'une requête de mesures
protectrices ou de mesures provisionnelles, le juge statue ainsi sur ce droit
matériel avec l'autorité de la chose jugée, après un examen complet en fait et
en droit (cf. ATF 126 III 445 consid. 3b; 120 II 352 consid. 2a; 117 II 554
consid. 2d; arrêt 5C.157/2003 précité consid. 3.1 et 3.3).

4.2 Depuis l'entrée en vigueur du CPC, lorsqu'elle est formée en tant que
demande indépendante, la demande de renseignements fondée sur l'art. 170 al. 2
CC suit les règles de la procédure sommaire (art. 271 let. d CPC). Vu la nature
du droit invoqué, la procédure de mesures provisionnelles des art. 261 ss CPC
est exclue (cf. ATF 138 III 728 consid. 2.7 rendu dans le contexte de l'art.
400 al. 1 CO). La question de savoir si la procédure de protection dans les cas
clairs, soumise à la procédure sommaire (art. 257 al. 1 CPC), peut coexister
parallèlement à la procédure sommaire ordinaire prévue par l'art. 271 let. d
CPC peut néanmoins rester ouverte en tant que les conditions permettant de
retenir l'existence d'un cas clair au sens de l'art. 257 al. 1 CPC ne sont
manifestement pas réunies en l'espèce.
4.2.1 La procédure de protection dans les cas clairs prévue par l'art. 257 CPC
permet à la partie demanderesse d'obtenir une décision ayant l'autorité de la
chose jugée et la force exécutoire, lorsque la situation de fait et de droit
n'est pas équivoque (Message du Conseil fédéral relatif au CPC, FF 2006 p.
6959; ATF 138 III 620 consid. 5.1.1).

La procédure dans les cas clairs est recevable lorsque l'état de fait n'est pas
litigieux ou est susceptible d'être immédiatement prouvé (art. 257 al. 1 let. a
CPC) et que la situation juridique est claire (art. 257 al. 1 let. b CPC).

Selon la jurisprudence, l'état de fait n'est pas litigieux lorsqu'il n'est pas
contesté par le défendeur; il est susceptible d'être immédiatement prouvé
lorsque les faits peuvent être établis sans retard et sans trop de frais. En
règle générale, la preuve est rapportée par la production de titres,
conformément à l'art. 254 al. 1 CPC. La preuve n'est pas facilitée: le
demandeur doit ainsi apporter la preuve certaine (" voller Beweis ") des faits
justifiant sa prétention; la simple vraisemblance (" Glaubhaftmachen ") ne
suffit pas. Si le défendeur fait valoir des objections et exceptions motivées
et concluantes (" substanziiert und schlüssig "), qui ne peuvent être écartées
immédiatement et qui sont de nature à ébranler la conviction du juge, la
procédure du cas clair est par conséquent irrecevable (ATF 138 III 620 consid.
5.1.1 et les arrêts cités).

La situation juridique est claire lorsque l'application de la norme au cas
concret s'impose de façon évidente au regard du texte légal ou sur la base
d'une doctrine et d'une jurisprudence éprouvées (ATF 138 III 123 consid. 2.1.2,
620 consid. 5.1.2, 728 consid. 3.3). En règle générale, la situation juridique
n'est pas claire si l'application d'une norme nécessite l'exercice d'un certain
pouvoir d'appréciation de la part du juge ou que celui-ci doit rendre une
décision en équité, en tenant compte des circonstances concrètes de l'espèce (
ATF 138 III 123 consid. 2.1.2; arrêt 4A_273/2012 du 30 octobre 2012 consid.
5.1.2 non publié in: ATF 138 III 620).
4.2.2 La protection dans les cas clairs est exclue pour les affaires qui sont
soumises à la maxime d'office (art. 257 al. 2 CPC), à savoir notamment dans la
procédure applicable aux enfants dans les affaires de droit de la famille
(FRANÇOIS BOHNET, in: Bohnet et al. [éd.], Code de procédure civile commenté,
n. 17 ad art. 257 CPC); elle n'est pas non plus ouverte dans la procédure de
divorce (Message, ibid.; parmi plusieurs: SUTTER-SOMM/LÖTSCHER, in: Sutter-Somm
et al. [éd.], Kommentar zur Schweizerischen Zivilprozessordunung [ZPO], 2e éd.,
n. 37 ad art. 257 CPC; FRANCESCO TREZZINI, in: Cocchi et al. [éd.], Commentario
al Codice di diritto processuale civile svizzero, 2011, p. 1136; TARKAN GÖKSU,
in: Brunner et al. [éd.], Schweizerische Zivilprozessordnung Kommentar, n. 13
ad art. 257 CPC).

4.3 Il est en l'espèce indéniable que la recourante dispose d'un droit aux
renseignements et aux pièces fondé sur l'art. 170 CC, qu'elle peut faire valoir
dans une procédure indépendante. C'est donc à tort que la cour cantonale exclut
toute procédure indépendante et renvoie l'intéressée à faire valoir son droit à
l'appui de sa procédure de divorce ou de mesures provisionnelles, considérant
que le juge des affaires matrimoniales est mieux à même de statuer sur la
pertinence des éléments pour l'issue de la procédure familiale.

Il est cependant évident que l'état de fait allégué n'est pas liquide. Les
conclusions prises par la recourante sont listées sur près de 90 pages et
visent - notamment - à obtenir de nombreuses pièces ou attestations de plus
d'une dizaine d'établissements bancaires, d'administrations, d'autorités
judiciaires, d'assurances, de régies immobilières, voire d'une étude de
notaires, documents censés établir la situation financière de l'intimé et,
entre autres, fournir des renseignements sur des comptes dont il serait ayant
droit économique. L'étendue et la complexité des renseignements requis
suffisent ainsi à dénier au cas d'espèce son caractère liquide: dans le cadre
de l'art. 257 CPC, il n'appartient pas au juge d'instruire et de faire un tri
entre ce qui doit être admis ou rejeté, les conclusions devant en effet pouvoir
être admises dans leur intégralité, sous peine d'irrecevabilité. La recourante
se méprend ainsi lorsqu'elle croit que le droit fondé sur l'art. 170 CC doit
nécessairement faire l'objet de la procédure de protection des cas clairs
prévue à l'art. 257 CPC: si les conditions de recevabilité de cette dernière
disposition ne sont pas remplies, le requérant doit alors agir par la voie de
la procédure sommaire de l'art. 271 let. d CPC.

5.
En définitive, le recours est rejeté aux frais de son auteur (art. 66 al. 1
LTF), lequel versera une indemnité de dépens à son adverse partie (art. 68 al.
1 et 2 LTF).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté.

2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 3'000 fr., sont mis à la charge de la
recourante.

3.
Une indemnité de 3'500 fr., à verser à l'intimé à titre de dépens, est mise à
la charge de la recourante.

4.
Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Chambre civile de la Cour
de justice du canton de Genève.

Lausanne, le 17 mai 2013
Au nom de la IIe Cour de droit civil
du Tribunal fédéral suisse

Le Président: von Werdt

La Greffière: de Poret Bortolaso

Navigation

Neue Suche

ähnliche Leitentscheide suchen
ähnliche Urteile ab 2000 suchen

Drucken nach oben