Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
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Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

II. Zivilrechtliche Abteilung, Beschwerde in Zivilsachen 5A.609/2012
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Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal

{T 0/2}
5A_609/2012

Arrêt du 21 septembre 2012
IIe Cour de droit civil

Composition
Mme et MM. les Juges fédéraux Hohl, Présidente,
von Werdt et Herrmann.
Mme la Greffière Mairot.

Participants à la procédure
Dame A.________,
représentée par Me Matthieu Genillod, avocat,
recourante,

contre

A._______,
représenté par Me Laurent Etter, avocat,
intimé.

Objet
effet suspensif (mesures protectrices de l'union conjugale),

recours contre la décision du Juge délégué de la Cour d'appel civile du
Tribunal cantonal du canton de Vaud
du 6 août 2012.

Faits:

A.
Les époux A.________ se sont mariés le 5 janvier 1986 à Lausanne. Ils ont eu
deux enfants : B.________, née en 1995, et C.________, née en 2006.

L'épouse a déposé une requête de mesures protectrices de l'union conjugale le
26 juillet 2011. Lors de l'audience du 8 septembre suivant, les parties sont
notamment convenues, «dans l'attente de l'avis de l'expert et sauf urgence», de
confier la garde de C.________ à la mère et celle de B.________ au père; la
jouissance du logement conjugal a été attribuée à celui-ci.

Par prononcé du 11 octobre 2011, le Service de protection de la jeunesse (SPJ)
a été mandaté aux fins d'établir un rapport d'enquête sur la situation des
enfants et de les entendre au plus vite. Il a rendu son rapport d'évaluation le
8 mai 2012, après entretiens avec les membres de la famille sur une période
allant du 21 octobre au 23 novembre 2011 et après audition d'autres
intervenants. Par courrier du 31 mai 2012, la mère a critiqué ce rapport,
sollicitant une actualisation et un complément de celui-ci. Le 25 mai 2012, la
Consultation «Les Boréales» a délivré un rapport sur la situation des enfants.
Ceux-ci ont par ailleurs été entendus par un juge délégué le 30 mai 2012. Les
parents ont quant à eux été entendus à l'audience du 7 juin 2012, ainsi qu'une
amie de la mère, en qualité de témoin. Les parties se sont encore déterminées
sur le rapport des «Boréales» les 28 et 29 juin ainsi que le 2 juillet 2012.

B.
Par ordonnance de mesures protectrices de l'union conjugale du 12 juillet 2012,
la Présidente du Tribunal d'arrondissement de l'Est vaudois (ci-après: la
Présidente du Tribunal d'arrondissement) a, notamment, confié la garde des deux
enfants à leur père, institué une mesure de curatelle d'assistance éducative au
sens de l'art. 308 al. 1 CC et ordonné une expertise pédopsychiatrique par une
fondation, avec pour mission de se déterminer sur la situation des enfants, sur
les capacités éducatives respectives des parents et sur les relations de
ceux-ci avec leurs enfants.
Chaque partie a appelé de cette décision. Dans son recours du 26 juillet 2012,
la mère a notamment conclu, en substance, à l'annulation de l'ordonnance
querellée dans la mesure où celle-ci confiait la garde de la cadette des
enfants au père. Elle a en outre requis que l'exécution des mesures
provisionnelles prises soit suspendue.

Par décision du 6 août 2012, le Juge délégué de la Cour d'appel civile du
Tribunal cantonal du canton de Vaud (ci-après : le Juge délégué) a rejeté la
requête d'effet suspensif précitée.

C.
Par acte du 24 août 2012, l'épouse exerce un recours en matière civile au
Tribunal fédéral. Elle conclut principalement à la réforme de la décision du 6
août 2012 en ce sens que l'effet suspensif est accordé à son recours en appel.
Subsidiairement, elle demande le renvoi de la cause à l'autorité de première
instance pour nouvelle instruction et nouvelle décision dans le sens des
considérants.

Des déterminations n'ont pas été demandées.

Considérant en droit:

1.
La décision querellée refuse de suspendre l'exécution d'un jugement de mesures
protectrices de l'union conjugale, objet d'un appel - notamment - de la
recourante, attribuant la garde des deux enfants du couple à l'intimé. Il
s'agit là d'une décision incidente en matière civile (art. 72 al. 1 LTF; ATF
120 Ia 260 consid. 2b; arrêts 5A_834/2010 du 17 décembre 2010 consid. 1; 5D_16/
2008 du 10 mars 2008 consid. 4).
Hormis les décisions mentionnées à l'art. 92 al. 1 LTF, une décision
préjudicielle ou incidente peut être entreprise immédiatement si elle peut
causer un préjudice irréparable (art. 93 al. 1 let. a LTF) ou si l'admission du
recours peut conduire immédiatement à une décision finale qui permet d'éviter
une procédure probatoire longue et coûteuse (art. 93 al. 1 let. b LTF). Selon
la jurisprudence, la décision entreprise entraîne un préjudice irréparable, la
garde étant en effet arrêtée pour la durée de la procédure et, même si la
recourante obtient finalement gain de cause au fond, aucune réparation ne sera
possible pour la période écoulée (ATF 137 III 475 consid. 1 et les références).
Le Tribunal cantonal n'a pas statué sur recours mais en qualité d'instance
cantonale unique sur l'effet suspensif requis dans le cadre d'une procédure
d'appel; le recours en matière civile est cependant admissible en vertu de
l'art. 75 al. 2 LTF (ATF 138 III 41 consid. 1.1; 137 III 424 consid. 2.2).
Interjeté en temps utile par une partie qui a succombé dans ses conclusions en
instance cantonale, contre une décision rendue dans une contestation non
pécuniaire, le recours est également recevable au regard des art. 46 al. 2 et
100 al. 1 ainsi que 76 LTF.

2.
La décision refusant l'effet suspensif, comme celle d'exécution provisoire, et
celle de retrait ou d'octroi de l'effet suspensif (ATF 137 III 475 consid. 2;
134 II 192 consid. 1.5 et les références), est une décision de mesures
provisionnelles au sens de l'art. 98 LTF, de sorte que seule la violation de
droits constitutionnels peut être invoquée.
Le Tribunal fédéral n'examine de tels griefs que s'ils ont été invoqués et
motivés (art. 106 al. 2 LTF), à savoir expressément soulevés et exposés de
manière claire et détaillée (ATF 136 I 65 consid. 1.3.1; 134 V 53 consid. 3.3;
133 IV 286 consid. 1.4). Il n'entre pas en matière sur les critiques de nature
appellatoire (ATF 133 III 589 consid. 2; cf. ATF 136 I précité et 134 II 244
consid. 2.1). Le recourant qui se plaint d'arbitraire ne saurait, dès lors, se
borner à critiquer la décision attaquée comme il le ferait en instance d'appel,
où l'autorité de recours jouit d'une libre cognition; il ne peut, en
particulier, se contenter d'opposer sa thèse à celle de la juridiction
cantonale, mais doit démontrer, par une argumentation précise, que cette
décision repose sur une application de la loi manifestement insoutenable (ATF
134 II 349 consid. 3 et les références).

3.
Dans un premier grief, la recourante se plaint de la violation de son droit
d'être entendue, considérant que la motivation extrêmement sommaire de la
décision querellée ne répond nullement à l'argumentation formulée à l'appui de
sa requête d'effet suspensif. Elle expose en outre ne pas comprendre à quelles
attestations médicales il est fait référence dans ladite décision.

3.1 La jurisprudence a déduit du droit d'être entendu consacré à l'art. 29 al.
2 Cst. - dont le Tribunal fédéral examine librement le respect (ATF 127 III 192
consid. 3 et les références) - le devoir pour l'autorité de motiver sa
décision, afin que le destinataire puisse la comprendre et la contester
utilement s'il y a lieu, et que la juridiction de recours puisse exercer son
contrôle. Pour répondre à ces exigences, il suffit que le juge mentionne, au
moins brièvement, les motifs qui l'ont guidé et sur lesquels il a fondé sa
décision; il n'a toutefois pas l'obligation d'exposer et de discuter tous les
moyens invoqués par les parties; il n'y a violation du droit d'être entendu que
si l'autorité n'a pas satisfait à son devoir minimum d'examiner et de traiter
les problèmes pertinents (ATF 135 III 670 consid. 3.3.1; 133 III 235 consid.
5.2 et les arrêts cités).

3.2 Se référant au mémoire d'appel de la recourante, le Juge délégué a rejeté
la requête d'effet suspensif «au vu des conclusions du SPJ et des attestations
médicales versées au dossier», considérant que l'intérêt de la cadette des
enfants commandait en l'état un transfert du droit de garde de la mère au père.
Il a ainsi considéré, en définitive, qu'il n'y avait pas lieu de surseoir à
l'exécution de la décision rendue par la Présidente du Tribunal
d'arrondissement, laquelle suivait les conclusions du rapport du SPJ; tenant
également compte «des attestations médicales versées au dossier» et après un
premier examen de celui-ci, il a estimé ne pas avoir de raison de s'écarter du
principe selon lequel l'exécution de telles mesures provisionnelles n'est pas
suspendue par un appel. Ce faisant, le Juge délégué a brièvement exposé les
motifs qui ont guidé sa décision, même s'il n'a pas mentionné et discuté tous
les éléments invoqués par la recourante. La motivation du recours déposé par
celle-ci démontre d'ailleurs qu'elle a compris le raisonnement tenu et été en
mesure de contester la décision querellée, étant au demeurant précisé qu'elle
fait elle aussi référence aux différents intervenants en procédure, et en
particulier à des rapports médicaux comme, par exemple, l'évaluation des
«Boréales». Dans ces conditions, le grief de violation du droit d'être entendu
est infondé.

4.
Dans un second grief, la recourante se plaint d'arbitraire dans l'application
de l'art. 315 al. 5 CPC. Elle reproche à l'autorité cantonale d'avoir suivi les
conclusions d'un rapport obsolète et lacunaire du SPJ. Selon elle,
l'investigation de ce service a été précipitée, le rapport litigieux ayant été
établi sur une très courte période, soit du 21 octobre au 23 novembre 2011, au
surplus sans qu'elle ait été rencontrée à son domicile. Le rapport, lacunaire,
ne se prononcerait pas sur certains points, comme la «parentification» de
l'aînée, laquelle entretiendrait une relation fusionnelle avec son père. La
recourante soutient aussi que certains médecins lui reconnaissent une pleine
capacité éducative, et considère que les «prétendues» observations d'autres
intervenants, ainsi que l'évaluation des «Boréales» telle qu'elle a été prise
en considération, ne sont pas déterminantes en l'espèce, la complexité de la
situation exigeant une grande prudence et des investigations supplémentaires.

4.1 Selon l'art. 315 al. 4 let. b CPC, l'appel n'a pas d'effet suspensif
lorsqu'il a pour objet des décisions portant sur des mesures provisionnelles.
L'exécution des mesures provisionnelles peut exceptionnellement être suspendue
si la partie concernée risque de subir un préjudice difficilement réparable
(art. 315 al. 5 CPC). Les mesures protectrices de l'union conjugale constituent
des mesures provisionnelles au sens de l'art. 315 al. 4 let. b et al. 5 CPC (
ATF 137 III 478 consid. 4.1 et les nombreuses références).
La notion de préjudice difficilement réparable se retrouve dans les conditions
matérielles du prononcé de mesures provisionnelles (cf. art. 261 al. 1 let. b
CPC) et dans celles de la suspension de l'exécution de ces mesures durant la
procédure d'appel (cf. art. 315 al. 5 CPC). Dans les deux cas, le préjudice
difficilement réparable peut être de nature factuelle; il concerne tout
préjudice, patrimonial ou immatériel, et peut même résulter du seul écoulement
du temps pendant le procès. Le dommage est constitué, pour celui qui requiert
les mesures provisionnelles, par le fait que, sans celles-ci, il serait lésé
dans sa position juridique de fond et, pour celui qui recourt contre le
prononcé de telles mesures, par les conséquences matérielles qu'elles
engendrent (ATF 138 III 378 consid. 6.3 et les références; 5A_194/2012 du 8 mai
2012 consid. 5.1.2).
Saisie d'une demande d'effet suspensif, l'autorité de recours doit faire preuve
de retenue et ne modifier la décision de première instance que dans des cas
exceptionnels; elle dispose cependant d'un large pouvoir d'appréciation
permettant de tenir compte des circonstances concrètes du cas d'espèce (ATF 137
III 475 consid. 4.1).

4.2 La décision querellée confirme l'appréciation de la Présidente du Tribunal
d'arrondissement, qui a considéré que le bien de la cadette commandait que la
garde de celle-ci soit confiée au père. Dans son ordonnance, la première juge a
tenu compte de l'ensemble des éléments du dossier et, notamment, de l'audition
des enfants. Les conclusions du rapport du SPJ - dont l'élaboration a nécessité
plus de temps que ne le relève la recourante -, corroborées par d'autres
éléments de preuve, ont donc été suivies, dans l'intérêt de l'enfant concerné.
Il a en particulier été tenu compte de la nécessité de réunir à nouveau la
fratrie, vu les excellentes et intenses relations entre s?urs, et de réintégrer
la cadette au sein du domicile conjugal. La recourante, qui reprend l'essentiel
de la motivation de son mémoire d'appel, entend en fin de compte substituer son
appréciation à celle du juge cantonal, proposant sa perception de différents
éléments du dossier et mettant l'accent sur sa lecture des avis exprimés par
les intervenants. Cette argumentation n'est pas de nature à démontrer
l'arbitraire de la décision querellée, le fait d'opposer sa propre pesée des
intérêts en présence n'étant pas suffisante à cet égard (consid. 2). Autant que
recevable, le grief doit par conséquent être rejeté. Au surplus, la recourante
n'explique pas plus avant sa conclusion subsidiaire tendant - dans le cadre de
l'examen de l'effet suspensif déjà - au renvoi de la cause en première instance
pour nouvelle instruction; en particulier, elle ne remet pas en cause
l'appréciation des autorités cantonales, qui considèrent que l'intérêt des
enfants commande un transfert de la garde, et la réintégration de la cadette au
sein du domicile conjugal, avant la rentrée scolaire d'août 2012, soit dès le
1er août 2012.

5.
En conclusion, le recours doit être rejeté, dans la mesure de sa recevabilité.
Les frais judiciaires seront par conséquent mis à la charge de la recourante,
qui succombe (art. 66 al. 1 LTF). Il n'est pas alloué de dépens à l'intimé, qui
n'a pas été invité à répondre.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.

2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 1'000 fr., sont mis à la charge de la
recourante.

3.
Le présent arrêt est communiqué aux parties et au Juge délégué de la Cour
d'appel civile du Tribunal cantonal du canton de Vaud.

Lausanne, le 21 septembre 2012
Au nom de la IIe Cour de droit civil
du Tribunal fédéral suisse

La Présidente: Hohl

La Greffière: Mairot