Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
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Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

II. Zivilrechtliche Abteilung, Beschwerde in Zivilsachen 5A.583/2012
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Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal

{T 0/2}
5A_583/2012

Arrêt du 6 décembre 2012
IIe Cour de droit civil

Composition
Mme et MM. les Juges fédéraux Hohl, Présidente,
L. Meyer et Herrmann.
Greffière: Mme de Poret Bortolaso.

Participants à la procédure
A.________,
représenté par Me Freddy Rumo, avocat,
recourant,

contre

B.________ SA,
représentée par Me Jean-Claude Schweizer, avocat,
intimée.

Objet
Revendication du propriétaire,

recours contre l'arrêt du Tribunal cantonal du canton de Neuchâtel, Cour
d'appel civile, du 12 juin 2012.

Faits:

A.
A.a C.________, épouse de A.________ détenait l'intégralité du capital-actions
de D.________ SA, société de droit suisse ayant pour but la prise de
participations financières en tant que holding dans toutes sociétés
industrielles, financières, commerciales et immobilières.

A ce titre, D.________ SA disposait intégralement du capital-actions de
E.________ SA, devenue en 2005 B.________ SA, société qui avait pour but la
recherche, la conception, le développement et la fabrication de mécanismes
d'horlogerie spéciaux et compliqués. Elle détenait également l'intégralité du
capital-actions de F.________ SA, dont l'objectif était la commercialisation de
tous produits manufacturés ou non dans le domaine de l'horlogerie.

De juin 1994 à janvier 2004, A.________ était l'administrateur unique avec
signature individuelle de E.________ SA; de septembre 1989 à janvier 2004, il
était en outre l'administrateur unique avec signature individuelle de
F.________ SA.

Initialement domiciliées rue ..., B.________ et F.________ SA ont emménagé rue
... à X.________ en février 2004. A compter du mois de septembre 2004 et
jusqu'à la fin de l'année 2007, elles ont loué ensemble des locaux sis à cette
adresse.

Le 24 août 2001, C.________ et un groupe d'investisseurs ont conclu un contrat
aux termes duquel la première vendait au second le capital-actions de
D.________ SA, ce à raison de 40% cédés immédiatement, 40% faisant l'objet d'un
droit d'achat ultérieur échelonné et les 20% restants d'un droit de préemption.
Le contrat s'est concrétisé par une dernière vente conclue le 29 juin 2006,
A.________ et le groupe d'investisseurs réglant dans une convention du même
jour divers points les opposant encore.
A.b En 2003, ayant traité avec A.________ et sur ses indications, G.________ SA
a livré trois machines Tornos M7 ainsi que diverses fournitures à la rue ... à
X.________.
Quatre factures ont été établies au nom de F.________ SA et adressées à
l'adresse précitée, pour le montant total de 163'207 fr. 70. Ce montant a été
payé par acomptes successifs versés de main à main par A.________ à un
représentant de la venderesse.

Par courrier du 11 mai 2005, A.________ a informé B.________ SA de son
intention de récupérer - sic - les machines et outillages livrés par G.________
SA en 2003. Cette démarche est restée sans suite.

B.
Par demande déposée le 30 novembre 2007 devant l'une des Cours civiles du
Tribunal cantonal de Neuchâtel, A.________ a ouvert action à l'encontre de
B.________ SA, concluant à ce que celle-ci soit condamnée à lui restituer les
machines et l'outillage objets de sa revendication du 11 mai 2005, sous
commination des suites pénales prévues en cas d'insoumission par l'art. 291
(recte: 292) CP.

Sa demande a été rejetée par jugement du 24 août 2011.

Statuant par arrêt du 12 juin 2012, la Cour d'appel civile du Tribunal cantonal
a rejeté l'appel interjeté par A.________ et confirmé le jugement de première
instance.

C.
Agissant le 15 août 2012 par la voie du recours en matière civile au Tribunal
fédéral, A.________ conclut à l'annulation de l'arrêt querellé, à sa réforme
dans le sens des conclusions de sa demande ou au renvoi de la cause à
l'instance cantonale pour nouvelle décision au sens des motifs.

Des déterminations n'ont pas été demandées.

Considérant en droit:

1.
L'arrêt entrepris rejette l'action en revendication (art. 641 al. 2 CC)
introduite par le recourant et tranche ainsi une contestation de nature civile
(art. 72 al. 1 LTF). Il s'agit d'une décision finale (art. 90 LTF), prise en
dernière instance cantonale et sur recours par le tribunal supérieur du canton
de Neuchâtel (art. 75 LTF), dans une affaire pécuniaire dont la valeur
litigieuse est supérieure à 30'000 fr. (art. 74 al. 1 let. b LTF). Le
recourant, qui a succombé dans ses conclusions devant l'instance précédente, a
qualité pour recourir (art. 76 al. 1 LTF); il a en outre agi dans le délai
légal (art. 100 al. 1 et art. 46 al. 1 let. b LTF), de sorte que le recours en
matière civile est en principe recevable.

2.
Le Tribunal fédéral ne peut s'écarter des faits établis par l'autorité
précédente que si ceux-ci ont été établis de façon manifestement inexacte ou en
violation du droit au sens de l'art. 95 LTF (art. 105 al. 2 LTF) et si la
correction du vice est susceptible d'influer sur le sort de la cause (art. 97
al. 1 LTF). Le recourant qui soutient que les faits ont été établis d'une
manière manifestement inexacte (art. 97 al. 1 LTF), à savoir arbitraire au sens
de l'art. 9 Cst. (ATF 134 IV 36 consid. 1.4.1; 133 II 249 consid. 1.2.2), doit
satisfaire au principe d'allégation (art. 106 al. 2 LTF; ATF 133 III 393
consid. 6, 638 consid. 2; 133 II 249 consid. 1.4.2). Il ne saurait, dès lors,
se borner à critiquer la décision attaquée comme il le ferait en instance
d'appel, où l'autorité de recours jouit d'une libre cognition; il ne peut, en
particulier, se contenter d'opposer sa thèse à celle de la juridiction
cantonale, mais doit démontrer, par une argumentation précise, que cette
décision repose sur une application de la loi ou une appréciation des preuves
manifestement insoutenables. Les critiques de nature appellatoire sont
irrecevables (ATF 133 III 589 consid. 2 et les arrêts cités).

3.
Dans un premier grief, le recourant soutient que les principes liés à la
possession et au droit de propriété auraient été faussement appliqués.
3.1
3.1.1 L'action en revendication fondée sur l'art. 641 al. 2 CC vise à permettre
au propriétaire dépossédé d'une chose d'en obtenir la restitution contre
quiconque la détient sans droit. Elle ne peut être intentée que contre celui
qui possède l'objet au moment de l'ouverture de l'action, le demandeur pouvant
agir, en cas de possession multiple, contre le possesseur médiat, le possesseur
immédiat ou contre les deux (notamment: PAUL-HENRI STEINAUER, Les droits réels,
tome I, 5e éd. 2012, n. 1020 s. [cité: STEINAUER I]; ARTHUR MEIER-HAYOZ, Berner
Kommentar, 5e éd. 1981, n. 60 ad art. 641 CC).

Le possesseur d'une chose en est présumé propriétaire (art. 930 al. 1 CC);
celui qui, sans la volonté d'en être propriétaire, possède une chose mobilière,
peut invoquer la présomption de propriété de la personne dont il tient cette
chose de bonne foi (art. 931 al. 1 CC). Le possesseur d'une chose mobilière
peut ainsi opposer à toute action dirigée contre lui la présomption qu'il est
au bénéfice d'un droit préférable (art. 932 CC). Le possesseur étant présumé
titulaire du droit qu'il prétend avoir, il peut donc se limiter, dans un
premier temps, à invoquer sa possession s'il est actionné en restitution de
l'objet. C'est alors au demandeur d'établir que ce droit n'existe pas
(STEINAUER I, n. 452).
3.1.2 L'acquisition dérivée de la propriété mobilière suppose un titre
d'acquisition valable, suivi d'une opération d'acquisition, à savoir un acte de
disposition et un transfert de possession, quel qu'en soit le mode (STEINAUER,
Les droits réels, tome II, 4e éd. 2012, n. 2008 ss [cité: STEINAUER II]).
L'acquisition est parfaite lorsque le transfert de la possession à l'acquéreur
complète l'opération d'acquisition par laquelle l'aliénateur exécute
l'obligation résultant pour lui du titre d'acquisition (art. 714 al. 1 CC; ATF
131 III 217 consid. 4.1; arrêts 5C.182/2005 du 2 décembre 2005 consid. 3 non
publié aux ATF 132 III 155; 5C.170/2005 du 7 décembre 2005 consid. 2.2 publié
in: SJ 2006 I 265). Conformément au principe de la publicité des droits réels,
le transfert de la possession est ainsi l'acte matériel propre à produire les
effets voulus par le contrat réel, à savoir le transfert de la propriété à
l'acquéreur (arrêt 5C.170/2005 précité et la référence).

L'acquisition dérivée de la propriété mobilière peut toutefois s'opérer
indépendamment d'un transfert de possession, de par la loi. Il s'agit
généralement d'acquisitions qui se produisent à l'occasion d'une succession
universelle ou suite à des enchères volontaires (STEINAUER II, n. 2062 ss).
3.2
3.2.1 Il sied avant tout de relever en l'espèce que le Tribunal cantonal a
confirmé la qualité pour défendre de l'intimée en rappelant que, dans la mesure
où elle partageait les même locaux que F.________ SA au moment de
l'introduction de l'action et que les machines litigieuses se trouvaient dans
lesdits locaux, les deux sociétés pouvaient apparaître comme possesseur des
objets revendiqués par le recourant. Celui-ci était ainsi fondé à agir contre
l'intimée.
3.2.2 La cour cantonale a ensuite relevé que l'instruction de la cause avait
permis d'établir que des contrats de vente avaient été conclus entre la société
G.________ SA, en qualité de venderesse, et F.________ SA, en qualité
d'acheteuse, contrats portant sur l'acquisition des machines et de l'outillage
objets de la revendication. Les circonstances de la conclusion des contrats
permettaient de surcroît de retenir que le recourant avait traité avec la
venderesse à titre d'administrateur unique avec signature individuelle de
F.________ SA (livraison auprès du siège de la société, factures libellées à
son nom, absence de protestation du recourant). Dès lors que les machines
avaient été livrées à l'adresse occupée par cette dernière société, leur
possession était ainsi passée de la venderesse à celle-ci en parfaite exécution
des règles découlant du contrat de vente. Que l'opération eût été mal
comptabilisée auprès de la société intéressée ne changeait rien aux effets de
droits réels découlant des achats successifs. Il s'ensuivait que l'intimée, en
tant que copossesseur des machines objets de la revendication, pouvait opposer
avec succès la propriété de cette société à la revendication introduite par le
recourant. Ce dernier échouait quant à lui à apporter la preuve d'un droit
préférable à celui de F.________ SA: il n'avait jamais été possesseur des
machines litigieuses, ni n'avait démontré ou offert de prouver qu'il se serait
trouvé dans la situation d'acquérir la possession sans remise de la chose;
enfin, le fait que le recourant eût prétendument payé le prix des machines de
ses propres deniers était insuffisant à lui conférer, sur le vu des
circonstances de l'espèce, un titre de propriété préférable à celui de
F.________ SA.

3.3 Le recourant ne conteste pas ne jamais s'être trouvé en possession des
machines, ni ne démontre avoir pu les acquérir sans transfert de possession.
Pour l'essentiel, il fonde ses prétentions sur des éléments purement factuels.
3.3.1 Le recourant affirme d'abord que ce serait lui, et non F.________ SA, qui
aurait conclu le contrat de vente des machines avec la société venderesse et
reproche ainsi à la cour cantonale d'avoir arbitrairement retenu que ledit
contrat aurait été passé avec F.________ SA, lui-même intervenant en qualité
d'administrateur de la société. Il soutient notamment à ce propos qu'il aurait
personnellement traité avec la venderesse, qu'il ne se serait d'ailleurs pas
permis d'engager la société sans l'avertir ou de débiter ses comptes deux ans
après la vente des actions de l'entreprise, que ce serait en réalité l'employé
de la société venderesse, qui, de sa propre initiative, aurait libellé les
factures au nom de F.________ SA ou encore que, contrairement à ce qui
ressortait des faits cantonaux, il n'était pas partie à la convention du 29
juin 2006 portant sur la vente du solde des actions, raison pour laquelle il
n'aurait émis aucune prétention au moment où les dernières actions du groupe
avaient été vendues. Les critiques du recourant se fondent essentiellement sur
sa propre appréciation des faits, voire sur des circonstances qui ne ressortent
pas de l'arrêt attaqué et dont il ne démontre pas, conformément au principe
d'allégation, qu'elles auraient été arbitrairement établies (consid. 2 supra).
Elles sont en conséquence irrecevables.
3.3.2 Le recourant affirme ensuite s'être acquitté du prix de vente des
machines lui-même, au moyen de ses propres deniers. La cour cantonale a jugé
que ce fait n'avait pas été indubitablement démontré et les arguments qu'avance
à ce propos l'intéressé sont à nouveau insuffisants à faire apparaître
l'arbitraire d'une telle conclusion. Qu'il se fût prétendument acquitté du prix
de vente de mains à mains n'est en effet pas déterminant; s'agissant ensuite de
la supposée comptabilité lacunaire de F.________ SA, la motivation du recourant
est peu compréhensible: il reproche en effet à la cour cantonale de ne pas
avoir requis la production de la comptabilité de l'intimée, à savoir B.________
SA; or, comme l'a à juste titre relevé la cour cantonale, seule la comptabilité
de F.________ SA aurait pu fournir des indications à ce propos, comptabilité
dont le recourant n'a cependant jamais réclamé la production.
3.3.3 Enfin, le recourant assure que la cour cantonale aurait éludé un fait
essentiel, à savoir l'allégation de l'intimée selon laquelle elle lui aurait
remis des fournitures, en contrepartie des machines revendiquées. Même si l'on
admettait que ce fait soit avéré, il permettrait certes d'appuyer les
allégations du recourant selon lesquelles il se serait lui-même acquitté du
prix de vente; il confirmerait toutefois que, dès lors que l'intéressé aurait
perçu une contrepartie, les machines ne lui appartiendraient pas.

4.
Dans un second grief, le recourant critique la répartition des frais et dépens
telle qu'opérée par la cour cantonale.

4.1 Le recourant soutient en substance que le défaut de qualité pour défendre,
soulevé par l'intimée et rejeté par le Tribunal cantonal, aurait pu être traité
de façon incidentielle et conduire ainsi à en mettre à charge de l'intéressée
les frais et dépens, dit incident ayant en effet entraîné une instruction non
négligeable.

S'appuyant sur l'art. 106 CPC, la cour cantonale a considéré qu'indépendamment
du fait que l'un des moyens avancés par l'intimée n'avait pas été retenu,
l'intégralité des frais et dépens devait être mise à la charge du recourant, sa
demande étant intégralement rejetée.

4.2 Le demandeur succombe lorsque sa demande est rejetée (notamment ADRIAN
URWYLER, in: BRUNNER ET AL. (ÉD.), ZPO Kommentar 2011, n. 2 ad art. 106). Ainsi
que l'a relevé à juste titre la juridiction cantonale, peu importe à cet égard
que certains de ses arguments juridiques aient été admis (DENIS TAPPY, in:
FRANÇOIS BORNET ET AL. (ÉD.), Code de procédure civile commenté, 2011, n. 15 ad
art. 106 CPC; DAVID JENNY in: SUTTER-SOMM ET AL. (ÉD.), Kommentar zur
Schweizerischen Zivilprozessordnung (ZPO), 2010, n. 6 ad art. 106 CPC); que la
question de la qualité pour défendre eût pu faire l'objet d'un jugement sur
incident n'est pas non plus déterminant dès lors qu'une telle procédure n'a pas
été ouverte, la problématique de la qualité pour défendre étant développée dans
l'arrêt final.
Partant, le grief est infondé.

5.
En définitive, le recours est rejeté dans la mesure de sa recevabilité. Les
frais judiciaires sont mis à la charge du recourant qui succombe (art. 66 al. 1
LTF); l'intimée ne peut prétendre à aucune indemnité de dépens dès lors qu'elle
n'a pas été invitée à se déterminer sur le fond.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.

2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 5'000 fr., sont mis à la charge du recourant.

3.
Le présent arrêt est communiqué aux parties et au Tribunal cantonal du canton
de Neuchâtel, Cour d'appel civile.

Lausanne, le 6 décembre 2012
Au nom de la IIe Cour de droit civil
du Tribunal fédéral suisse

La Présidente: Hohl

La Greffière: de Poret Bortolaso