Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
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Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

II. Zivilrechtliche Abteilung, Beschwerde in Zivilsachen 5A.535/2012
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Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal

{T 0/2}
5A_535/2012

Arrêt du 6 décembre 2012
IIe Cour de droit civil

Composition
Mme et MM. les Juges fédéraux Escher, Juge présidant,
L. Meyer et Herrmann.
Greffier: M. Braconi.

Participants à la procédure
A.________,
représentée par Me Etienne Soltermann, avocat,
recourante,

contre

B.________,
représenté par Me Philippe Cottier, avocat,
intimé.

Objet
mainlevée provisoire de l'opposition,

recours contre l'arrêt de la Chambre civile
de la Cour de justice du canton de Genève
du 8 juin 2012.

Faits:

A.
Le 11 juillet 2011, B.________ (poursuivant) a fait notifier à A.________
(poursuivie) un commandement de payer la somme de xxx fr. avec intérêts à 5 %
l'an dès le 23 avril 2011. Cet acte a été frappé d'opposition.

Le 9 septembre 2011, le poursuivant a requis la mainlevée provisoire de
l'opposition, en se fondant sur une «reconnaissance d'honoraires» du 29 mars
2011. Le 2 décembre 2011, la poursuivie a conclu au rejet de cette requête,
faisant valoir qu'elle n'avait pas signé le titre invoqué comme reconnaissance
de dette et qu'elle avait déposé plainte pénale à l'encontre du poursuivant
pour faux dans les titres.

B.
Par jugement du 18 janvier 2012, le Tribunal de première instance de Genève
(16ème Chambre) a levé provisoirement l'opposition au commandement de payer (n°
xxxx). Statuant le 8 juin 2012, la Chambre civile de la Cour de justice du
canton de Genève a rejeté le recours de la poursuivie.

C.
Par acte du 13 juillet 2012, la poursuivie exerce un recours en matière civile
au Tribunal fédéral contre l'arrêt de la Cour de justice, concluant au refus de
la mainlevée, subsidiairement au renvoi de la cause - au premier juge,
subsidiairement à l'autorité précédente - pour nouvelle décision dans le sens
des considérants.

Le poursuivant conclut à la confirmation de l'arrêt entrepris, alors que la
cour cantonale se réfère aux considérants de son arrêt.

D.
Par ordonnance présidentielle du 31 juillet 2012, l'effet suspensif a été
attribué au recours.

Considérant en droit:

1.
Le recours a été déposé en temps utile (art. 100 al. 1 LTF) à l'encontre d'une
décision finale (art. 90 LTF; ATF 133 III 399 consid. 1.4) rendue en matière de
poursuite pour dettes (art. 72 al. 2 let. a LTF) par une autorité cantonale de
dernière instance ayant statué sur recours (art. 75 al. 1 et 2 LTF); la valeur
litigieuse est atteinte (art. 74 al. 1 let. b LTF); la poursuivie, qui a
succombé devant la juridiction précédente, a qualité pour recourir (art. 76 al.
1 LTF).

La décision attaquée ne porte pas sur des mesures provisionnelles au sens de
l'art. 98 LTF, en sorte que la cognition du Tribunal fédéral n'est pas
restreinte à la violation des droits constitutionnels (ATF 133 III 399 consid.
1.5; 135 III 670 consid. 1.3.1).

2.
La poursuivie se plaint d'une violation des art. 29 al. 2 Cst. et 53 al. 1 et 2
CPC; en substance, elle affirme n'avoir pas eu la possibilité de se déterminer
sur l'écriture que le poursuivant a adressée le 4 janvier 2012 au Tribunal de
première instance.

Ce grief, qui touche à la violation d'une garantie procédurale de nature
formelle, doit être examiné en premier (ATF 137 I 195 consid. 2.2).

2.1 Compris comme l'un des aspects de la notion générale de procès équitable au
sens des art. 29 al. 1 Cst. et 6 § 1 CEDH, le droit d'être entendu garantit, en
particulier, le droit pour une partie à un procès de prendre connaissance de
toute argumentation présentée au tribunal et de se déterminer à son propos, que
celle-ci contienne ou non de nouveaux éléments de fait ou de droit, et qu'elle
soit ou non concrètement susceptible d'influer sur le jugement. Il appartient
aux parties, et non au juge, de décider si une prise de position ou une pièce
nouvellement versée au dossier comporte des éléments déterminants qui appellent
des observations de leur part. Ce droit de réplique vaut pour toutes les
procédures judiciaires. Toute prise de position ou pièce nouvelle versée au
dossier doit ainsi être communiquée aux parties pour leur permettre de décider
si elles veulent faire usage de leur faculté de se déterminer (ATF 138 I 154
consid. 2.3.3; 137 I 195 consid. 2.3.1 et les nombreuses références; pour la
jurisprudence de la CourEDH, en dernier lieu: arrêt Joos c/ Suisse, du 15
novembre 2012 [requête n° 43245/07], §§ 27 s. et les arrêts cités).

2.2 L'autorité précédente a constaté que, pour établir la fausseté de la
signature figurant sur le document invoqué comme titre de mainlevée, la
poursuivie avait produit une expertise selon laquelle ladite signature
«procédait d'un montage par photocopie ou scanner». Dans une lettre du 4
janvier 2012, adressée au premier juge, le poursuivant - agissant en personne -
a réfuté les conclusions de l'expert.
L'autorité précédente a considéré que c'était en vertu de son «droit de
réplique» découlant du droit d'être entendu que le poursuivant avait fait
parvenir au tribunal de première instance «sa réaction après réception des
observations» de la poursuivie. S'il «semble» que cette «réplique» n'ait pas
été communiquée à la poursuivie, «celle-ci n'en a subi aucun préjudice puisque
la jurisprudence relative au droit d'être entendu ne consacre pas formellement
de droit à s'exprimer sur la réplique».

2.3 Une telle argumentation ne saurait être approuvée. Comme on l'a dit (cf.
supra, consid. 2.1), la jurisprudence reconnaît au justiciable le droit de se
déterminer sur «toute prise de position» versée au dossier, quelle que soit sa
dénomination procédurale (réponse, réplique, etc.); même si le juge a renoncé à
ordonner un nouvel échange d'écritures (cf. art. 102 al. 3 LTF et art. 225
CPC), il doit néanmoins transmettre cette prise de position à l'adverse partie
(arrêt 8C_104/2012 du 26 juin 2012 consid. 3.1). De surcroît, l'intéressé
bénéficie de cette prérogative indépendamment du point de savoir si l'écriture
en question comporte ou non de nouveaux éléments (de fait ou de droit) et si
elle est ou non susceptible d'influer sur la décision à rendre. Or, en
l'occurrence, il n'est pas établi que la «réplique» du poursuivant aurait été
communiquée à la poursuivie; le simple fait que cette dernière (ou son conseil)
ait eu accès au dossier ne remplace pas cette communication (ATF 137 I 195
consid. 2.6; arrêt 1B_647/2011 du 21 mars 2012 consid. 2.3).

Cette considération scelle le sort du présent recours.

3.
En conclusion, le recours est admis et la décision entreprise annulée, sans
possibilité de réparer le vice en instance fédérale (ATF 137 I 195 consid. 2.7,
avec la jurisprudence citée). Le poursuivant, qui succombe (ATF 119 Ia 1
consid. 6b), supporte les frais et dépens de la présente procédure (art. 66 al.
1, art. 68 al. 1 et 2 LTF), lesquels sont arrêtés en tenant compte du fait que
le recours a été accueilli pour un motif formel (arrêt 1B_647/2011 précité
consid. 3).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est admis, l'arrêt attaqué est annulé et la cause est renvoyée à
l'autorité précédente pour nouvelle décision.

2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 3'000 fr., sont mis à la charge de l'intimé.

3.
Une indemnité de 3'500 fr., à payer à la recourante à titre de dépens, est mise
à la charge de l'intimé.

4.
Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Chambre civile de la Cour
de justice du canton de Genève.

Lausanne, le 6 décembre 2012
Au nom de la IIe Cour de droit civil
du Tribunal fédéral suisse

La Juge présidant: Escher

Le Greffier: Braconi