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II. Zivilrechtliche Abteilung, Beschwerde in Zivilsachen 5A.473/2012
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Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal

{T 0/2}
5A_473/2012

Arrêt du 17 août 2012
IIe Cour de droit civil

Composition
Mmes et M. les Juges Hohl, Présidente,
Escher et L. Meyer.
Greffière: Mme Hildbrand.

Participants à la procédure
X.________ Sàrl,
représentée par Me Gilles Davoine, avocat,
recourante,

contre

Y.________ SA,
représentée par Me Catherine Chirazi, avocate,
intimée.

Objet
suspension d'une poursuite,

recours contre l'ordonnance du Tribunal de première instance de la République
et canton de Genève, Tribunal civil, du 13 juin 2012.

Faits:

A.
A.a Au mois d'août 2010, Y.________ SA a chargé X.________ Sàrl, société active
dans le conseil et les services dans le domaine des ressources humaines de lui
trouver un employé pour sa succursale de Genève.
A.b X.________ Sàrl a alors mis Y.________ SA en contact avec deux personnes,
lesquelles ont été engagées par Y.________ à compter du 1er octobre 2010,
respectivement du 1er janvier 2011. Y.________ SA s'est acquittée des
honoraires dus à X.________ Sàrl pour ses services.
A.c Dans le courant du mois de juillet 2011, Y.________ SA a déclaré résilier
le contrat conclu avec X.________ Sàrl pour cause d'erreur essentielle sur les
qualités personnelles des personnes proposées. Y.________ SA a mis X.________
Sàrl en demeure de lui restituer à ce titre la somme de 136'383 fr.
A.d En date du 2 mars 2012, Y.________ SA a requis la notification à X.________
Sàrl d'une commination de faillite dans la poursuite n° ***, pour un montant en
capital de 136'383 fr. avec intérêt à 5% dès le 30 septembre 2010, ainsi que
des frais d'un montant de 396 fr., à titre de "restitution de l'enrichissement
illégitime du fait de l'invalidation pour erreur essentielle du contrat de
placement conclu" et "interruption de la prescription".
Ladite commination a été notifiée à X.________ Sàrl le 8 mai 2012.

B.
Par acte du 31 mai 2012, X.________ Sàrl a déposé plainte à la Chambre de
surveillance de la Cour de justice du canton de Genève (ci-après Chambre de
surveillance), concluant à l'annulation de la commination de faillite pour
cause de notification irrégulière et exposant en outre ne pas avoir eu
connaissance du commandement de payer qui avait précédé la notification de la
commination de faillite.

C.
C.a Craignant l'ouverture imminente de sa faillite, X.________ Sàrl a formé,
par acte du 1er juin 2012, parallèlement à la procédure susmentionnée, une
action en annulation de la poursuite au sens de l'art. 85a LP, assortie d'une
requête de mesures provisionnelles et superprovisionnelles tendant à la
suspension provisoire de la poursuite au sens de l'art. 85a al. 2 LP
C.b Par ordonnance sur mesures superprovisionnelles du 13 juin 2012, le
Tribunal de première instance du canton de Genève (ci-après Tribunal de
première instance) a déclaré la requête irrecevable.

D.
Par acte du 22 juin 2012, X.________ Sàrl interjette un recours en matière
civile contre cette ordonnance concluant à sa réforme en ce sens que le
Tribunal fédéral prononce la suspension de la poursuite et ordonne au Tribunal
de première instance de fixer au plus vite une audience de mesures
provisionnelles ou un délai à sa partie adverse pour se déterminer;
subsidiairement elle conclut à l'annulation et au renvoi de la cause au
Tribunal de première instance pour décision dans le sens des considérants. La
recourante se plaint d'arbitraire dans l'application de l'art. 85a al. 2 LP,
ainsi que de déni de justice au sens de l'art. 29 Cst.
Aucune observation sur le fond n'a été requise.

E.
L'effet suspensif a été attribué au recours à titre superprovisoire le 25 juin
2012, puis confirmé par ordonnance présidentielle du 6 juillet 2012, en ce sens
que la faillite de la recourante ne peut être prononcée jusqu'à droit connu sur
le présent recours.

Considérant en droit:

1.
Le Tribunal fédéral examine d'office la recevabilité des recours qui lui sont
soumis (ATF 135 III 1 consid. 1.1 p. 3).

1.1 Le présent recours est dirigé contre la décision de l'autorité de première
instance cantonale déclarant irrecevable une requête de mesures
superprovisionnelles tendant à la suspension provisoire d'une poursuite au sens
de l'art. 85a al. 2 LP.
Selon la jurisprudence, l'action en annulation de la poursuite de l'art. 85a LP
a été introduite pour éviter que le débiteur ne fasse l'objet d'une exécution
forcée sur son patrimoine alors que sa dette est inexistante ou non exigible.
Le législateur a ainsi voulu offrir un moyen de défense supplémentaire au
poursuivi qui a omis de former opposition et qui ne peut ni demander la
restitution du délai d'opposition, ni prouver par titre l'extinction de sa
dette, afin de lui épargner la voie de l'action en répétition de l'indu (ATF
125 III 149 consid. 2c; arrêts 5A_712/2008 du 2 décembre 2008 consid. 2.2;
5P.69/2003 du 4 avril 2003 consid. 5.3.1).
L'art. 85a al. 2 LP permet au débiteur d'obtenir la suspension provisoire de la
poursuite de façon à empêcher l'ouverture de sa faillite avant qu'il ne soit
statué sur son action au fond, car à défaut de suspension, la faillite pourrait
être prononcée par le juge de la faillite - qui n'a pas le pouvoir de suspendre
sa décision pour ce motif (cf. art. 173 LP; arrêts 5A_712/2008 du 2 décembre
2008 consid. 2.1; 5P.69/2003 du 4 avril 2003 consid. 4.1.2) - et cela rendrait
sans objet l'action en annulation de l'art. 85a al. 1 LP (ATF 125 III 149
consid. 2c). Le juge communique alors sa décision de suspension provisoire de
la poursuite au juge de la faillite, qui doit ajourner son prononcé sans avoir
à contrôler le bien-fondé de cette décision (art. 173 al. 1 LP; arrêt 5P.69/
2003 du 4 avril 2003 consid. 4.1.2 et les références citées).
Lorsqu'il s'agit ainsi d'une poursuite par voie de faillite, le juge ne peut
ordonner la suspension provisoire de la poursuite qu'après la notification de
la commination de faillite. L'art. 85a al. 2 LP prescrit en effet au juge de
laisser, dans un premier temps, la poursuite suivre son cours jusqu'au moment
où le créancier peut requérir un inventaire des biens ou des mesures
conservatoires conformément à l'art. 170 LP. Après la notification de la
commination de faillite et avant le prononcé de la faillite, le juge doit
ordonner la suspension provisoire si les conditions de l'art. 85a al. 2 LP sont
remplies. L'octroi de la suspension provisoire constitue le seul moyen dont
dispose le poursuivi pour sauvegarder son droit à l'examen de sa demande
d'annulation de la poursuite (ATF 125 III 149 consid. 2c; arrêt 5P.69/2003 du 4
avril 2003 consid. 4.1.2). Ce droit à la suspension n'est toutefois pas
inconditionnel, le juge n'ordonnant la suspension provisoire que si la demande
en annulation ou en suspension de la poursuite de l'art. 85a al. 1 LP est très
vraisemblablement fondée (arrêt 5P.69/2003 du 4 avril 2003 consid. 5.3.1 et les
références citées).
L'octroi de la suspension à titre de mesures superprovisionnelles poursuit le
même but de sauvegarde du droit du débiteur lorsque l'autorité saisie n'est pas
en mesure de statuer en contradictoire - comme l'exige l'art. 85a al. 2 LP -
avant l'audience de faillite (arrêt 5P.69/2003 du 4 avril 2003 consid. 5.2.2).
Le droit à une suspension superprovisionnelle n'est pas non plus
inconditionnel. Lorsque la demande est manifestement mal fondée ou dilatoire,
le juge ne saurait en effet mettre le poursuivi au bénéfice d'une telle
suspension (arrêt 5P.69/2003 du 4 avril 2003 consid. 5.3.1).

1.2 Il y a toutefois lieu d'examiner si la décision rendue par le Tribunal de
première instance est susceptible de recours au Tribunal fédéral au regard de
l'art. 75 al. 1 et 2 LTF.
1.2.1 Selon la jurisprudence, la décision de mesures superprovisionnelles n'est
en principe pas une décision de dernière instance cantonale au sens de l'art.
75 al. 1 LTF dès lors que les parties peuvent requérir une décision de mesures
provisionnelles ou que le juge doit rendre une ordonnance confirmant, modifiant
ou supprimant les mesures superprovisionnelles; la possibilité d'obtenir une
décision de mesures provisionnelles qui se substitue au prononcé d'extrême
urgence est, en effet, un moyen de droit cantonal avant l'épuisement duquel le
recours au Tribunal fédéral est irrecevable (arrêts 5A_712/2008 du 2 décembre
2008 consid. 1.2; 5A_678/2007 du 8 janvier 2008 consid. 3.1 et les arrêts
cités). La décision de mesures superprovisionnelles en matière de suspension de
la poursuite constitue toutefois une exception à cette règle, car si le juge
rejette la requête d'extrême urgence et que la faillite du poursuivi est
prononcée, aucune décision de mesures provisionnelles ne pourra se substituer à
celle refusant la suspension à titre préprovisoire (arrêts 5A_712/2008 du 2
décembre 2008 consid. 1.2; 5P.69/2003 du 4 avril 2003 consid. 4.1.2).
Une telle décision doit de surcroît avoir été prononcée sur recours par le
tribunal supérieur du canton pour pouvoir être attaquée devant le Tribunal
fédéral (art. 75 al. 2 LTF).
1.2.2 Sans invoquer spécialement une exception à l'art. 75 LTF, la recourante
interjette en l'espèce un recours en matière civile contre une décision de
première instance, en se basant sur l'ATF 137 III 417, aux termes duquel,
depuis l'entrée en vigueur du Code de procédure civile suisse (CPC; RS 272), il
n'y a plus de voie de droit cantonale contre les décisions de mesures
superprovisionnelles de première instance.
Dans cet arrêt, saisie d'un recours en matière civile contre une décision de
refus de mesures superprovisionnelles (art. 265 CPC) émanant du Tribunal de
commerce du canton de Zurich qui avait statué en qualité d'instance cantonale
unique (art. 6 CPC), la Ie Cour de droit civil du Tribunal fédéral a considéré
que le recours au Tribunal fédéral contre un tel refus était irrecevable. Dans
un obiter dictum, elle a considéré, en se référant au Message du 28 juin 2006
relatif au code de procédure civile suisse (cf. FF 2006 6841 ss, p. 6963 s.),
qu'une telle solution concordait parfaitement avec le fait qu'aucune voie de
droit n'était prévue dans le CPC pour attaquer une décision de mesures
superprovisionnelles rendue par une autorité de première instance cantonale.
Elle a au surplus relevé que cette solution était approuvée par la majorité de
la doctrine (cf. ATF 137 III 417 consid. 1.3).
Cette jurisprudence ne peut cependant être appliquée sans réserve en matière de
poursuite pour dettes et faillite. Comme on l'a vu ci-dessus (cf. supra consid.
1.2.1), le refus de la suspension de la poursuite à titre de mesures
superprovisionnelles est une décision qui doit, par exception, pouvoir faire
l'objet d'un recours, cas échéant, jusqu'au Tribunal fédéral par la voie du
recours en matière civile, si la valeur litigieuse est suffisante.
1.2.3 En l'espèce, cela signifie que la décision de refus de première instance
- dont on ne peut attendre qu'elle soit remplacée par des mesures
provisionnelles - doit être portée par un recours devant la Cour de justice du
canton de Genève (art. 319 let. b CPC) en sa qualité de tribunal cantonal
supérieur statuant sur recours (art. 75 al. 2 LTF). La décision de la Cour de
justice pourrait alors faire l'objet d'un recours en matière civile au Tribunal
fédéral, compte tenu de la valeur litigieuse supérieure en l'espèce à 30'000
fr. (art. 98 et 74 al. 1 let. b LTF).

2.
2.1 En vertu de l'art. 49 LTF et de la jurisprudence y relative (arrêts 2D_89/
2008 du 30 septembre 2008 consid. 3.1; 1C_451/2007 du 17 mars 2008 consid. 1.3;
1B_25/2008 du 2 juillet 2008 consid. 1.2.4), la notification irrégulière d'une
décision, notamment en raison de l'absence d'indication des voies de droit ne
doit entraîner aucun préjudice pour les parties.
Aux termes de l'art. 30 al. 2 LTF, lorsque la compétence d'une autre autorité
lui apparaît vraisemblable, le Tribunal fédéral lui transmet l'affaire.

2.2 En l'espèce, compte tenu de l'absence totale d'indication de voie de droit
dans la décision entreprise et conformément aux art. 49 et 30 al. 2 LTF, il y a
lieu de transmettre d'office le mémoire de recours déposé par la recourante à
la Cour de justice du canton de Genève comme objet de sa compétence.

3.
Il résulte de ce qui précède que le recours doit être déclaré irrecevable faute
d'épuisement des voies de recours cantonales (cf. art. 30 al. 1 LTF) et
l'affaire transmise à la Cour de justice du canton de Genève. Les effets de la
suspension de la procédure de poursuite ordonnée par le Tribunal de céans par
ordonnance de mesures provisionnelles du 6 juillet 2012 (art. 104 LTF) - en ce
sens que la faillite ne doit pas être prononcée jusqu'à droit connu sur le
recours - sont prorogés jusqu'à décision définitive de la Cour de justice sur
le recours. Compte tenu des circonstances, il est statué sans frais (art. 66
al. 1 2ème phrase LTF). Il n'y a pas lieu d'allouer de dépens à l'intimée qui
n'a pas été invitée à répondre sur le fond et s'en est rapportée à justice
quant à l'octroi de l'effet suspensif, lequel a été accordé au présent recours.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est irrecevable et l'affaire est transmise à la Cour de justice du
canton de Genève comme objet de sa compétence.

2.
Les effets de la suspension de la procédure de poursuite ordonnée par
ordonnance de mesures provisionnelles du Tribunal fédéral du 6 juillet 2012
sont prorogés jusqu'à décision définitive de la Cour de justice sur le recours.

3.
Il n'est pas perçu de frais judiciaires.

4.
Le présent arrêt est communiqué aux parties et au Tribunal de première instance
de la République et canton de Genève, Tribunal civil.

Lausanne, le 17 août 2012

Au nom de la IIe Cour de droit civil
du Tribunal fédéral suisse

La Présidente: Hohl

La Greffière: Hildbrand