Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
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Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

II. Zivilrechtliche Abteilung, Beschwerde in Zivilsachen 5A.344/2012
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Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal

{T 0/2}
5A_344/2012

Arrêt du 18 septembre 2012
IIe Cour de droit civil

Composition
Mme et MM. les Juges Hohl, Présidente,
Marazzi et Herrmann.
Greffier: M. Richard.

Participants à la procédure
1. YX.________, Egypte,
2. ZX.________, Egypte,
3. VX.________, Egypte,
4. WX.________, Egypte,
tous les quatre représentés par
Me Denise Wagner-Mesciaca, avocate,
recourants,

contre

1. A.________, France
représentée par Me Claude Aberlé, avocat,
2. BX.________, Egypte,
représenté par Me Alexandre Dazin,
intimés.

Objet
Partage successoral; exequatur,

recours contre l'arrêt de la Chambre civile de la Cour de justice du canton de
Genève du 23 mars 2012.

Faits:

A.
A.a C.________, ressortissant égyptien né en 1940, de confession musulmane, est
décédé en 2007 à Paris, sans laisser de descendants ou d'ascendants; les biens
de la succession comprennent des immeubles en France et en Égypte ainsi que des
actifs mobiliers déposés dans des banques en France, en Égypte, en Allemagne et
en Suisse, à Genève.

Le 6 mars 1980, le défunt avait épousé, selon le droit égyptien et la Charia,
A.________, ressortissante allemande née en 1949, de confession chrétienne.
A.b Par « acte d'hoirie » n° 679 prononcé le 5 mai 2007, le Tribunal pour les
affaires de la famille de D.________, en Égypte, a constaté le décès du de
cujus et la dévolution de sa succession légale à ses frères et s?urs, soit
YX.________, ZX.________, VX.________, WX.________ et BX.________. A.________
n'a pas participé à la procédure de délivrance de l'acte qui ne mentionne pas
que le défunt était marié avec elle de son vivant.
A.c Sur la base d'un acte notarié français du 2 mai 2007 la déclarant seule
héritière de l'ensemble de la succession en sa qualité d'épouse, A.________ a
assigné les membres de la fratrie X.________ en pétition de la totalité de la
succession devant le Tribunal de Grande instance de Paris.
A.d Par jugement du 3 décembre 2008, l'« Amtsgericht » de
Francfort-sur-le-Main, se fondant sur l'ordre public allemand, a déclaré
A.________ héritière de 50 % des biens de la succession sis en Allemagne, les
frères et s?urs du défunt héritant du solde; ce jugement a été définitivement
confirmé par arrêt de l'« Oberlandsgericht » du 10 mai 2010.

B.
B.a Le 6 août 2010, YX.________, ZX.________, VX.________ et WX.________, qui
souhaitent recevoir les actifs déposés par le défunt dans deux établissements
bancaires sis à Genève, ont requis du Tribunal de première instance de Genève
la reconnaissance de l'« acte d'hoirie » n° 679 prononcé le 5 mai 2007 par le
Tribunal pour les affaires de la famille de D.________. Par jugement du 5
juillet 2011, le Tribunal de première instance a déclaré la requête irrecevable
pour le motif que l'acte n'avait pas été produit en original ni muni d'une
attestation qu'il n'était pas susceptible de recours et était définitivement
entré en force.
B.b Sur appel des requérants, la Cour de justice du canton de Genève a confirmé
ce jugement par arrêt du 23 mars 2012.

C.
Le 11 mai 2012, YX.________, ZX.________, VX.________ et WX.________ exercent
un recours en matière civile ainsi qu'un recours constitutionnel subsidiaire au
Tribunal fédéral contre cet arrêt. Ils concluent à son annulation, à la
reconnaissance de l'« acte d'hoirie » et à ce que son exequatur soit prononcée.
Subsidiairement, ils requièrent le renvoi de la cause à l'instance cantonale
pour nouvelle décision. À l'appui de leurs conclusions, ils invoquent une
violation des art. 52, 56, 60, 132, 180, 255, 326 et 327 CPC ainsi que de
l'art. 29 al. 1 Cst. Le 16 mai 2012, ils ont en outre demandé à être mis au
bénéfice de l'assistance judiciaire.

Invitée à se déterminer sur le recours, A.________ a conclu à son rejet dans sa
réponse du 27 août 2012.

Une réponse n'a pas été requise de BX.________ dès lors qu'il n'a pas répondu
aux invitations à participer à la procédure devant les instances cantonales.

Considérant en droit:

1.
Le recours est dirigé contre une décision finale (art. 90 LTF), prise en
dernière instance cantonale (art. 75 al. 1 LTF), qui a pour objet l'exécution
d'un jugement étranger rendu en matière civile (art. 72 al. 2 let. b ch. 1
LTF). Introduit en temps utile (art. 100 al. 1 LTF) et dans les formes requises
(art. 42 al. 1 à 3 LTF), il est en outre formé par les recourants qui ont
succombé dans leurs conclusions devant l'instance précédente (art. 76 al. 1
LTF).

La cause est de nature pécuniaire, dès lors que, comme c'est la règle en
matière successorale (arrêt 5A_395/2010 du 22 octobre 2010 consid. 1.2.2), la
requête des recourants vise un but économique (arrêt 4A_584/2008 du 13 mars
2009 consid. 1.1 non publié aux ATF 135 III 304; ATF 118 II 528 consid. 2c;
arrêt 5A_594/2009 du 20 avril 2010 consid. 1.1), à savoir recevoir les actifs,
à hauteur de plus d'un million de dollars, déposés par le défunt dans deux
établissements bancaires genevois; la valeur litigieuse est donc atteinte (art.
51 al. 2 et 74 al. 1 let. b LTF). Il s'ensuit que le recours en matière civile
est en principe recevable.

La recevabilité du recours en matière civile rend irrecevable le recours
constitutionnel subsidiaire exercé parallèlement par les recourants contre
l'arrêt querellé (art. 113 LTF; ATF 134 III 379 consid. 1.2). Les griefs
d'ordre constitutionnel qu'ils ont soulevés dans cette voie de droit seront
cependant examinés dans le recours en matière civile, l'intitulé erroné d'un
recours ne devant pas nuire à son auteur (ATF 134 III 379 consid. 1.2); en
effet, la notion de droit fédéral de l'art. 95 let. a LTF englobe le droit
constitutionnel (ATF 135 III 670 consid. 1.4).

2.
2.1 Le Tribunal fédéral applique le droit d'office (art. 106 al. 1 LTF) sans
être lié ni par les motifs de l'autorité précédente, ni par les moyens des
parties; il peut donc admettre le recours en se fondant sur d'autres arguments
que ceux invoqués par le recourant, comme il peut le rejeter en opérant une
substitution de motifs (ATF 133 III 545 consid. 2.2). Il ne connaît cependant
de la violation des droits fondamentaux ou du droit cantonal que si ce grief a
été soulevé et motivé (art. 106 al. 2 LTF; ATF 134 I 83 consid. 3.2; 133 II 249
consid. 1.4.2). Si le recourant se plaint de la violation de tels droits, il
doit ainsi satisfaire au principe d'allégation (Rügeprinzip, principio
dell'allegazione), en indiquant précisément quelle disposition
constitutionnelle ou légale a été violée et en démontrant, par une
argumentation précise, en quoi consiste la violation (ATF 133 IV 286 consid.
1.4; 133 II 249 consid. 1.4.2).

2.2 Saisi d'un recours en matière civile, le Tribunal fédéral statue sur la
base des faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF). Il ne
peut s'en écarter que si ces faits ont été établis de façon manifestement
inexacte ou en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF (art. 105 al. 2
LTF), et si la correction du vice est susceptible d'influer sur le sort de la
cause (art. 97 al. 1 LTF). Le recourant qui entend invoquer que les faits ont
été établis de manière manifestement inexacte (art. 97 al. 1 LTF), c'est-à-dire
que les constatations de fait sont arbitraires au sens de l'art. 9 Cst. (ATF
133 II 249 consid. 1.2.2), doit satisfaire au principe d'allégation
susmentionné (consid. 2.1).

3.
3.1 La cour cantonale a tout d'abord constaté que les recourants n'avaient pas
produit en première instance l'« acte d'hoirie » et sa traduction en original,
mais seulement des copies, sans ajouts originaux certifiant leur conformité
avec les originaux. Elle n'a pas non plus tenu compte des documents produits
pour la première fois devant elle pour le motif que les faits et moyens de
preuve nouveaux sont irrecevables à l'appui d'un recours. Pour le reste, elle a
nié tout formalisme excessif dès lors que l'exigence d'une expédition
authentique de la décision étrangère est une condition formelle de la
reconnaissance qui n'a rien d'inattendu et au sujet de laquelle il n'est pas
nécessaire d'interpeller les parties. Elle a, en conséquence, confirmé
l'irrecevabilité de la requête d'exéquatur.

3.2 Invoquant l'art. 180 al. 1 CPC, les recourants font valoir qu'ils pouvaient
se contenter de produire, en première instance, des copies de l'« acte d'hoirie
» dès lors que l'intimée n'avait jamais mis en doute son authenticité et que le
tribunal n'avait pas requis la production de l'original. Ils se plaignent en
outre de formalisme excessif et estiment que le Tribunal de première instance
aurait dû, pour se conformer aux règles de la bonne foi, les interpeller sur le
fait que l'acte n'avait été produit qu'en copie. Ils contestent également que
la production, en annexe au recours, des originaux des copies produites en
première instance constituent des nova au sens de l'art. 326 CPC. Ils invoquent
enfin une violation de l'interdiction de l'arbitraire, de leur droit d'être
entendu et de l'égalité de traitement.

3.3 L'intimée conteste que le document produit par les recourants, en copie
comme en original, puisse satisfaire aux conditions de l'art. 29 LDIP dès lors
qu'il ne permet pas de déterminer si l'expédition est complète et légalisée.
S'appuyant sur l'argumentation de la cour cantonale, elle considère que les
recourants ne peuvent se prévaloir d'une violation ni du principe de la bonne
foi ni des règles de procédure concernant les nova en instance de recours. Elle
fait ensuite valoir qu'une reconnaissance de l'acte serait de toute manière
impossible car celui-ci aurait été rendu en violation des principes
fondamentaux de la procédure et serait contraire à l'ordre public suisse. Elle
conteste enfin que la décision soit arbitraire, qu'elle consacre un formalisme
excessif ou viole le droit d'être entendu des recourants.

4.
De manière générale, les recourants font valoir que les copies de l'acte
transmises à l'appui de leur requête étaient suffisantes pour obtenir
l'exequatur et que, s'il tel n'était pas le cas, ils auraient dû être invités à
remédier à cette irrégularité. Ils se plaignent de formalisme excessif.

4.1 Le formalisme excessif est un aspect particulier du déni de justice prohibé
par l'art. 29 al. 1 Cst. Il est réalisé lorsque la stricte application des
règles de procédure ne se justifie par aucun intérêt digne de protection,
devient une fin en soi, complique de manière insoutenable la réalisation du
droit matériel ou entrave de manière inadmissible l'accès aux tribunaux (ATF
135 I 6 consid. 2.1; 132 I 249 consid. 5; 130 V 177 consid. 5.4.1; 128 II 139
consid. 2a; 127 I 31 consid. 2a/bb).

4.2 En vertu de l'art. 52 CPC, quiconque participe à la procédure doit se
conformer aux règles de la bonne foi. En particulier, le principe de la bonne
foi et l'interdiction de l'arbitraire s'opposent à ce que des griefs d'ordre
formel qui auraient pu être soulevés à un stade antérieur soient invoqués plus
tard, une fois l'issue défavorable connue (ATF 135 III 334 consid. 2.2; 134 I
20 consid. 4.3.1; 132 II 485 consid. 4.3; 130 III 66 consid. 4.3; arrêt 5A_641/
2011 du 23 février 2012 consid. 4.1.2).

4.3 Selon l'art. 29 al. 1 let. a et b LDIP, la requête en reconnaissance ou en
exécution sera accompagnée d'une expédition complète et authentique de la
décision et d'une attestation constatant que celle-ci n'est plus susceptible de
recours ordinaire ou qu'elle est définitive. Selon la jurisprudence, il
convient d'éviter tout formalisme excessif dans l'application de cette
disposition. Les exigences visées ont pour seul but de fournir, par un moyen de
preuve formel, la certitude que la décision est authentique et qu'elle a acquis
force de chose jugée; leur absence n'entraîne toutefois pas le refus de
l'exequatur, si l'authenticité de la décision et le fait qu'elle est passée en
force ne sont pas contestés ou ressortent des autres pièces du dossier (arrêt
5P.353/1991 du 24 avril 1992 consid. 3c non publié aux ATF 118 Ia 118;
s'agissant de l'art. IV ch. 1 de la Convention de New York pour la
reconnaissance et l'exécution des sentences arbitrales étrangères du 10 juin
1958 [RS 0.277.12], cf. arrêt 5A_427/2011 du 10 octobre 2011 consid. 5 in SJ
2012 I p. 81; arrêt 4P.173/2003 du 8 décembre 2003 consid. 2).

4.4 Il ressort de l'arrêt cantonal que les recourants n'ont pas produit
l'original de l'« acte d'hoirie » à l'appui de leur requête du 6 août 2010,
mais seulement une copie. En revanche, ils ont fait parvenir, en annexe à leur
recours du 12 août 2011, ledit acte, en original - ou, à tout le moins, avec
des tampons et une apostille originaux servant à l'authentifier -, sa
traduction, en original, effectuée le 12 juillet 2010 et une attestation de
l'ambassade de Suisse en Egypte pour la légalisation de la signature du
traducteur, de la signature d'un membre du Ministère égyptien des Affaires
Etrangères et du sceau dudit ministère. De plus, dans ses écritures en première
instance, l'intimée n'a formulé aucune objection quant à l'authenticité et au
caractère complet de l'expédition des recourants ni n'a mis en cause l'entrée
en force de l'acte; elle connaissait d'ailleurs l'existence de cet acte avant
l'introduction d'instance en Suisse, puisqu'il avait d'ores et déjà été produit
par les recourants devant les tribunaux français et allemands - sans que son
authenticité fût remise en cause - et que les biens du défunt sis en Egypte
avaient été partagés sur la base de cet acte. Enfin, l'acte en cause exprime la
succession légale de manière conforme au droit égyptien tel qu'établi par la
cour cantonale. En conséquence, il y a lieu de déduire l'authenticité de l'«
acte d'hoirie ». En effet, la preuve littérale n'est pas le seul moyen
admissible pour établir la réalisation des conditions de la reconnaissance ou
de l'exécution d'un jugement étranger (arrêt 5P.353/1991 du 24 avril 1992
consid. 3c non publié aux ATF 118 Ia 118). Il s'ensuit que les tribunaux
genevois - qui disposaient en outre depuis le dépôt du recours d'un acte
authentifié - ont appliqué les règles de procédure d'une manière stricte que ne
justifie aucun intérêt digne de protection et qui complique de manière
insoutenable la réalisation du droit matériel. C'est, en effet, faire preuve de
formalisme excessif (cf. consid. 4.1 supra) que de contraindre les recourants à
déposer une nouvelle requête aux seules fins d'attester un fait acquis.

Le fait que l'intimée conteste désormais l'authenticité de l'« acte d'hoirie »
n'y change rien. Ce n'est qu'une fois que le Tribunal de première instance a
déclaré la requête irrecevable, pour le motif que l'acte n'avait été produit
qu'en copie, qu'elle s'est prévalue et se prévaut désormais du défaut formel de
l'expédition. Il suit de là que l'intimée adopte, pour les besoins de la cause,
une attitude procédurale contraire à la bonne foi (cf. consid. 4.2 supra). En
effet, en tant qu'elle n'a pas contesté en première instance - comme d'ailleurs
devant les tribunaux français et allemands - l'authenticité de l'acte ni son
contenu, elle n'était plus habilitée, sans contrevenir aux règles de la bonne
foi, à la contester ni en procédure de recours cantonal ni en procédure
fédérale.

En conséquence, l'arrêt entrepris est constitutif de formalisme excessif et
doit être annulé. Dès lors que le Tribunal fédéral ne peut, en principe, pas
réformer une décision d'irrecevabilité, il y a lieu de renvoyer la cause (arrêt
4A_330/2008 du 27 janvier 2010 consid. 2.1 non publié aux ATF 136 III 102); il
est expédient de renvoyer la cause au Tribunal de première instance du canton
de Genève (art. 107 al. 2 2e phr. LTF) pour qu'il examine au fond la requête
d'exequatur.

5.
En définitive, le recours est admis, l'arrêt attaqué annulé et la cause
renvoyée au Tribunal de première instance de Genève pour nouvelle décision dans
le sens des considérants. L'intimée, qui succombe, supportera les frais de
justice arrêtés à 10'000 fr. (art. 66 al. 1 LTF) et versera aux recourants une
indemnité de dépens à hauteur de 12'000 fr. (art. 68 al. 1 et 2 LTF). La
requête d'assistance judiciaire des recourants pour la procédure devant le
Tribunal fédéral devient ainsi sans objet.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est admis, l'arrêt attaqué est annulé et la cause est renvoyée au
Tribunal de première instance de Genève pour nouvelle décision dans le sens des
considérants.

2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 10'000 fr., sont mis à la charge de l'intimée.

3.
Une indemnité de 12'000 fr., à payer aux recourants, à titre de dépens, est
mise à la charge de l'intimée.

4.
La requête d'assistance judiciaire des recourants pour la procédure devant le
Tribunal fédéral est sans objet.

5.
Le présent arrêt est communiqué aux parties, au Tribunal de première instance
de Genève et à la Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève.

Lausanne, le 18 septembre 2012
Au nom de la IIe Cour de droit civil
du Tribunal fédéral suisse

La Présidente: Hohl

Le Greffier: Richard