Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

II. Zivilrechtliche Abteilung, Beschwerde in Zivilsachen 5A.222/2012
Zurück zum Index II. Zivilrechtliche Abteilung, Beschwerde in Zivilsachen 2012
Retour à l'indice II. Zivilrechtliche Abteilung, Beschwerde in Zivilsachen 2012



Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal

{T 0/2}
5A_222/2012

Arrêt du 2 novembre 2012
IIe Cour de droit civil

Composition
Mmes et M. les Juges fédéraux Hohl, Présidente,
Escher et Herrmann.
Greffière: Mme Achtari.

Participants à la procédure
A.________ Ltd,
représentée par Me Christophe Zellweger, avocat,
recourante,

contre

B.________ SA,
représentée par Me Pierre-André Morand, avocat,
intimée.

Objet
opposition au séquestre,

recours contre l'arrêt de la Chambre civile de la Cour
de justice du canton de Genève du 10 février 2012.

Faits:

A.
A.a Par contrat d'affrètement du 3 septembre 2010, B.________ SA, domiciliée à
Paris (France), en qualité d'affréteur, a chargé A.________ Ltd, domicilié à
Naussau (Bahamas), en qualité de fréteur, de transporter une cargaison de
22'500 tonnes environ de blé de Bulgarie au Bangladesh.
A.b Chargé du blé, le navire que A.________ Ltd a mis à disposition de
B.________ SA a quitté la Bulgarie le 12 septembre 2010 et est parvenu à
destination le 8 octobre 2010. La cargaison n'a toutefois pas pu être déchargée
aussitôt, pour des raisons sur lesquelles les parties divergent. Le
déchargement s'est finalement terminé le 23 mars 2011.
A.c En exécution du contrat d'affrètement, B.________ SA a procédé à quatre
virements en faveur de A.________ Ltd auprès de C.________ à New York (USA),
par le débit de deux de ses comptes ouverts auprès de X.________ SA, sise à
Genève, soit les montants de 1'182'516,30 USD le 20 septembre 2010 et 40'000
USD le 4 octobre 2010 (soit un montant représentant au total 95% du fret, net
de commissions), 48'000 USD le 26 octobre 2010 (indemnité de détention pour
immobilisation de navire), puis 10'000 USD le 16 novembre 2010 (acompte sur
surestaries).
A.d Le 23 mars 2011, A.________ Ltd a adressé à B.________ SA un décompte final
avec un solde en sa faveur de 2'356'115,36 USD, représentant, selon elle, les
frais de fret, l'indemnité de détention et les surestaries, sous déduction de
la prime de célérité et des versements déjà effectués.
B.________ SA a refusé de payer au motif que les actions de déchargement du
capitaine de la cargaison, effectuées en violation des termes de la
charte-partie, avaient conduit à un arrêt prolongé du navire au port.
A.e Le 8 avril 2011, A.________ Ltd a saisi la Chambre arbitrale maritime de
Paris d'une demande d'arbitrage visant à obtenir la condamnation de B.________
SA à lui payer 2'356'115, 36 USD.

B.
B.a Le 29 août 2011, A.________ Ltd a déposé devant le Tribunal de première
instance du canton de Genève une requête de séquestre des avoirs de B.________
SA auprès de X.________, à concurrence de 1'930'197 fr. 50.
Par décision du 30 août 2011, le tribunal a ordonné le séquestre requis en
mains de X.________ de tous les avoirs et biens, notamment espèces, valeurs,
titres, créances et autres biens en compte, dépôt ou coffre-fort, propriétés de
B.________ SA, sous nom propre, désignation conventionnelle ou numérique, mais
appartenant en réalité à celle-ci. L'office des poursuites a notifié le même
jour par télécopie à X.________ un avis concernant l'exécution d'un séquestre.
B.b Le 9 septembre 2011, B.________ SA a formé opposition à cette ordonnance de
séquestre. Par jugement du 15 novembre 2011, le Tribunal de première instance a
admis l'opposition et révoqué en conséquence l'ordonnance du 30 août 2011. En
substance, le tribunal a retenu que la cause ne présentait pas de lien
suffisant avec la Suisse, étant donné que X.________ avait certes effectué des
paiements sur la base d'un crédit documentaire, mais que ces paiements ne
concernaient pas le contrat d'affrètement conclu entre les parties, de sorte
qu'il n'y avait pas de cas de séquestre.
B.c Statuant le 10 février 2012, la Cour de justice du canton de Genève a
rejeté le recours formé par A.________ Ltd, en retenant, à la suite du premier
juge, que celle-ci n'avait rendu vraisemblable aucun cas de séquestre au sens
de l'art. 271 al. 1 ch. 4 LP.

C.
Par acte posté le 16 mars 2012, A.________ Ltd interjette un recours en matière
civile, concluant, principalement, à la réforme de l'arrêt attaqué, en ce sens
que l'ordonnance de séquestre rendue par le Tribunal de première instance est
confirmée, de même que la dispense de sûretés, subsidiairement, au renvoi de la
cause à l'autorité cantonale en l'invitant à compléter les faits et à rendre
une nouvelle décision. A l'appui de son recours, elle invoque l'arbitraire
(art. 9 Cst.) dans l'établissement des faits ainsi que dans l'application de
l'art. 271 al. 1 ch. 4 LP.
Invitées à déposer leurs observations, l'intimée a conclu au rejet du recours,
voire même à son irrecevabilité en raison du caractère appellatoire des
critiques présentées par la recourante, alors que l'autorité cantonale s'est
référée aux considérants de son arrêt.

D.
D.a Par ordonnance présidentielle du 3 avril 2012, la requête d'effet suspensif
déposée par la recourante a été admise. Par ordonnance présidentielle du 18
avril 2012, celle en constitution de sûretés déposée par l'intimée a été
déclarée irrecevable.
D.b B.________ SA a ouvert une action en constitution de sûretés à hauteur de
1'150'000 fr. Sur sa requête, la présente procédure d'opposition au séquestre a
été suspendue jusqu'à arrêt définitif sur les sûretés, par ordonnance
présidentielle du 31 juillet 2012. Par arrêt du 31 août 2012, notifiée aux
parties le 5 septembre 2012, la Cour de justice du canton de Genève, statuant
en dernière instance cantonale sur recours de A.________ Ltd, a débouté
B.________ SA de sa requête en fourniture de sûretés, au motif que celle-ci
n'avait pas établi les éléments du dommage auquel l'exposait l'indisponibilité
de ses avoirs. Aucune des parties n'a recouru au Tribunal fédéral, de sorte que
la présente procédure doit être reprise.

Considérant en droit:

1.
Le recours a été interjeté en temps utile (art. 100 al. 1 LTF) à l'encontre
d'une décision finale (art. 90 LTF) rendue en matière de poursuite pour dettes
(art. 72 al. 2 let. a LTF) par une autorité cantonale de dernière instance
statuant sur recours (art. 75 LTF). La valeur litigieuse atteint au moins
30'000 fr. (art. 74 al. 1 let. b LTF). La recourante, qui a été débouté de ses
conclusions par l'autorité précédente, a qualité pour recourir (art. 76 al. 1
LTF).

2.
2.1 L'arrêt sur opposition au séquestre rendu par l'autorité judiciaire
supérieure (art. 278 al. 3 LP) porte sur des mesures provisionnelles au sens de
l'art. 98 LTF (ATF 135 III 232 consid. 1.2; arrêt 5A_59/2012 du 26 avril 2012
consid. 1.2, non publié in ATF 138 III 382); la partie recourante ne peut donc
se plaindre que d'une violation de ses droits constitutionnels (ATF 133 III 638
; 134 II 349 consid. 3). Le Tribunal fédéral n'examine un tel grief que si,
conformément au principe d'allégation, il a été invoqué et motivé (art. 106 al.
2 LTF), à savoir expressément soulevé et exposé de manière claire et détaillée
(ATF 133 IV 286 consid. 1.4; 133 II 249 consid. 1.4.2; 132 II 342 consid. 3 et
les références).
Saisi d'un recours fondé sur l'art. 98 LTF, le Tribunal fédéral ne revoit
l'application du droit fédéral que sous l'angle de l'arbitraire (arrêt 5A_59/
2012 du 26 avril 2012 consid. 1.2 et les références, non publié in ATF 138 III
382). De jurisprudence constante, une décision est arbitraire lorsqu'elle est
manifestement insoutenable, méconnaît gravement une norme ou un principe
juridique clair et indiscuté, ou heurte de manière choquante le sentiment de la
justice et de l'équité; il ne suffit pas qu'une autre solution paraisse
concevable, voire préférable; pour que cette décision soit censurée, encore
faut-il qu'elle se révèle arbitraire, non seulement dans ses motifs, mais aussi
dans son résultat (ATF 137 I 1 consid. 2.4; 136 I 316 consid. 2.2.2 et les
références). Le justiciable qui se plaint d'une violation de l'art. 9 Cst. ne
saurait se contenter de critiquer la décision attaquée comme il le ferait en
instance d'appel, où l'autorité supérieure jouit d'une libre cognition; en
particulier, il ne peut se borner à opposer son opinion à celle de l'autorité
cantonale, mais doit démontrer par une argumentation précise, conformément au
principe d'allégation susmentionné, que cette décision repose sur une
application de la loi manifestement insoutenable (ATF 134 II 349 consid. 3 et
les références).

2.2 Le Tribunal fédéral statue sur la base des faits établis par l'autorité
précédente (art. 105 al. 1 LTF). Dans l'hypothèse d'un recours soumis à l'art.
98 LTF, une rectification ou un complément des constatations de fait n'entre en
considération que si l'autorité précédente a violé des droits constitutionnels,
les art. 95, 97 et 105 al. 2 LTF ne s'appliquant pas directement (ATF 133 III
393 consid. 7.1; 133 III 585 consid. 4.1). Toutefois, l'application de l'art. 9
Cst. aboutit pratiquement au même résultat: le Tribunal fédéral ne corrige les
constatations de fait que si elles sont arbitraires et ont une influence sur le
résultat de la décision (arrêts 5A_567/2011 du 10 février 2012 consid. 2.2;
5A_909/2010 du 4 avril 2011 consid. 2.2). Lorsque le recourant entend faire
compléter les faits - pertinents et qui n'auraient pas été constatés en
violation du droit -, il doit les désigner avec précision en se référant aux
pièces du dossier; le complètement suppose en effet que les allégations de fait
correspondantes aient été introduites régulièrement et en temps utile dans la
procédure cantonale, qu'elles aient été considérées à tort comme dépourvues de
pertinence ou aient été simplement ignorées; si ces exigences ne sont pas
respectées, les faits invoqués sont réputés nouveaux, partant irrecevables
(arrêts 5A_497/2011 du 5 décembre 2011 consid. 1.3; 5A_338/2010 du 4 octobre
2010 consid. 3 publié in SJ 2011 I p. 185).

3.
Sont litigieux l'établissement des faits quant au rôle qu'a joué X.________
dans l'opération de crédit documentaire destinée à garantir le paiement du prix
du blé vendu par l'intimée à un tiers puis transporté en exécution du contrat
d'affrètement liant les parties, ainsi que l'application de l'art. 271 al. 1
ch. 4 LP quant au lien suffisant avec la Suisse de la créance découlant du
contrat d'affrètement.

3.1 Aucun autre cas de séquestre n'étant réalisé, l'autorité cantonale a
examiné si la créance en paiement fondée sur le contrat d'affrètement
présentait un lien suffisant avec la Suisse. Elle a alors constaté que
l'exécution du contrat d'affrètement n'avait pas eu lieu en Suisse. Seul le
règlement d'une partie des prestations convenues dans ce contrat avait eu lieu
par le débit, en quatre opérations, de comptes ouverts par l'intimée auprès de
X.________, sise à Genève. Selon elle, cette intervention de la banque n'était
toutefois pas suffisante pour qu'on puisse retenir que l'intimée déployait une
activité commerciale en Suisse en rapport avec la créance invoquée car elle
n'impliquait aucun engagement de payement par la banque, qui n'avait pas non
plus tenu de rôle actif, contrairement à ce qui peut être le cas dans une
opération d'accréditif. L'autorité cantonale a ajouté que, même s'il
apparaissait que l'intimée avait requis les services de X.________ en relation
avec le crédit documentaire relatif à l'achat/vente de la cargaison objet du
transport concerné par l'affrètement, ces services étaient étrangers aux
rapports contractuels liant les parties, de sorte qu'ils n'avaient pas à être
pris en considération pour déterminer s'il y avait un lien suffisant avec la
Suisse; elle a néanmoins précisé qu'il ne semblait de toute façon pas que la
banque avait joué le rôle de banque confirmante dans cette opération de crédit
documentaire. L'autorité cantonale a conclu que la recourante n'avait pas rendu
vraisemblable qu'il existait un cas de séquestre au sens de l'art. 271 ch. 4
LP.

3.2 La recourante s'en prend d'abord à l'établissement des faits. Elle reproche
à l'autorité cantonale d'avoir constaté ceux-ci de manière incomplète en
violation de l'interdiction de l'arbitraire. En substance, elle soutient que
X.________ a joué le rôle de "banque de domicile de paiements/banque du
bénéficiaire de la lettre de crédit" - par opposition au rôle de simple banque
notificatrice endossé par Y.________, sis à Zurich - dans l'opération de crédit
documentaire, intervenue dans le cadre de la vente internationale de blé, que
l'acheteuse/importatrice avait donné ordre à Z.________ d'émettre en faveur de
l'intimée le 9 septembre 2010. La recourante prétend que X.________ était
"récipiendaire du produit de la vente de blé" et qu'elle a procédé à la
"communication et à la vérification des 'documents' moyennant des contacts
directs et répétés avec la banque émettrice du crédit documentaire", services
dont elle déduit que X.________ a joué un rôle "actif" et "déterminant" dans
l'opération de crédit documentaire. Cet élément est, selon elle, décisif pour
déterminer si sa créance présente un lien suffisant avec la Suisse, étant donné
qu'il doit conduire à admettre que l'intimée déploie une activité commerciale
en Suisse avec laquelle le contrat d'affrètement est en étroite connexité,
l'objet du transport étant précisément le blé vendu.
La recourante se plaint ensuite de l'application arbitraire de l'art. 271 al. 1
ch. 4 LP. Elle reproche à l'autorité cantonale d'avoir considéré que la créance
pour laquelle le séquestre est requis ne présente pas de lien suffisant avec la
Suisse. Tout d'abord, elle prétend que l'intimée ayant payé des prétentions
découlant du contrat d'affrètement depuis son compte ouvert auprès de
X.________, l'autorité cantonale aurait dû déjà admettre pour cette raison que
la créance présente un lien suffisant avec la Suisse. Pour autant qu'on la
comprenne, elle justifie son propos en soutenant que, par ce paiement,
l'exécution de la dette en argent de l'intimée a eu lieu en Suisse. Elle ajoute
que, dans tous les cas, même un simple virement bancaire sur un compte ouvert
en Suisse en rapport avec le contrat invoqué comme titre devrait déjà suffire à
réaliser la condition du lien suffisant avec la Suisse. Ensuite, se fondant sur
l'état de fait complété de la manière précitée, elle considère en substance que
l'autorité cantonale a jugé à tort que les services rendus par X.________ ne
sont pas pertinents pour déterminer si la créance présente un lien suffisant
avec la Suisse. Selon elle, le rôle actif de X.________ dans l'opération de
crédit documentaire intervenue dans la vente internationale de blé permet de
retenir que l'intimée développe son activité commerciale en Suisse; le contrat
d'affrètement étant en connexité avec cette activité - le navire affrété
transportant le blé vendu -, la créance à la base du séquestre présente un lien
suffisant avec la Suisse, de sorte qu'il existe un cas de séquestre.

3.3 Pour sa part, l'intimée soutient en premier lieu que la recourante présente
une critique appellatoire, en ne faisant que substituer son propre raisonnement
à celui de la cour cantonale. Elle conclut que le recours devrait donc être
déclaré irrecevable. C'est pourquoi, elle prétend que la cour cantonale a
parfaitement établi les faits relatifs au contrat d'affrètement, seule relation
déterminante pour décider de l'existence d'un cas de séquestre, la vente du blé
étant une res inter alios acta.
S'agissant de l'existence du cas de séquestre, l'intimée soutient que le lien
suffisant avec la Suisse doit être examiné en fonction de la seule créance du
séquestrant, à l'exclusion de tout autre rapport que le débiteur pourrait avoir
avec la Suisse. Or, dans le cadre du contrat d'affrètement, le seul lien avec
la Suisse a été le virement d'acomptes effectués par X.________ sur le compte
de la recourante à New York, circonstance insuffisante au regard de l'art. 271
al. 1 ch. 4 LP.
L'intimée relève en outre que, dans tous les cas, l'intervention de X.________
dans le crédit documentaire garantissent le prix du blé vendu n'était pas de
nature à créer un lien suffisant avec la Suisse, étant donné qu'elle s'est
limitée à lui transmettre la notification de Y.________.

4.
Aux termes de l'art. 271 al. 1 ch. 4 LP, le créancier d'une dette échue et non
garantie par gage peut requérir le séquestre des biens du débiteur qui se
trouvent en Suisse lorsque le débiteur n'habite pas en Suisse et qu'il n'y a
pas d'autre cas de séquestre, pour autant que la créance ait un lien suffisant
avec la Suisse ou qu'elle se fonde sur une reconnaissance de dette au sens de
l'art. 82 al. 1 LP.
4.1
4.1.1 La notion de "lien suffisant avec la Suisse", dont l'examen est limité à
la seule vraisemblance (cf. art. 272 al. 1 ch. 2 LP; ATF 138 III 232 consid.
4.1.1; arrêt 5A_365/2012 du 17 août 2012 consid. 4.3.2, destiné à la
publication), ne doit pas être interprétée restrictivement (ATF 135 III 608
consid. 4.5; 124 III 219 consid. 3; 123 III 494 consid. 3a et les références;
arrêts 5A_873/2010 du 3 mai 2011 consid. 4.1.2; 5P.413/2003 du 7 juin 2004
consid. 2.2). En effet, lors de la révision de la loi sur la poursuite pour
dettes et la faillite, entrée en vigueur en 1997, le législateur a délibérément
préféré le terme "suffisant" au terme "étroit", afin de ne pas trop limiter les
conditions du séquestre et de laisser à la pratique une marge d'appréciation
(PIERRE-ROBERT GILLIÉRON, Commentaire de la loi fédérale sur la poursuite pour
dettes et la faillite, Art. 271-352 LP, 2003, n° 63 ad art. 271 LP; PAOLO
MICHELE PATOCCHI/SAVERIO LEMBO, Le lien suffisant de la créance avec la Suisse
en tant que condition de recevabilité du séquestre selon la nouvelle teneur de
l'art. 271 al. 1 ch. 4 LP - Quelques observations, in Schuldbetreibung und
Konkurs im Wandel: FS 75 Jahre Konferenz der Betreibungs- und Konkursbeamten
der Schweiz, Bâle 2000, p. 385 ss [386-389]; WALTER A. STOFFEL/ISABELLE
CHABLOZ, Voies d'exécution, 2ème éd., 2010, p. 238 n° 60). L'idée centrale au
c?ur de la réforme de l'art. 271 al. 1 ch. 4 LP est de rendre plus difficile le
prononcé d'un séquestre dans les situations où le seul lien avec la Suisse
réside dans la présence de biens du débiteur en Suisse, tout en protégeant les
droits menacés des créanciers (PATOCCHI/LEMBO, op. cit., 389). L'interprétation
large de la notion se justifie aussi en raison du fait que le juge peut tenir
compte des intérêts du débiteur, en astreignant le créancier à fournir des
sûretés (art. 273 al. 1 LP; WALTER A. STOFFEL/ISABELLE CHABLOZ, in Commentaire
romand, Poursuite et faillite, 2005, n° 76 ad art. 271 LP [cité ci-après:
CoRo]).
4.1.2 Le lien suffisant de la créance avec la Suisse peut être établi par
différents points de rattachement.
Outre les cas dans lesquels le droit suisse est applicable au litige (ATF 123
III 494 consid. 3a) ou pour lesquels les juridictions suisses sont compétentes
ratione loci (ATF 124 III 219 consid. 3b/bb), la jurisprudence retient
notamment comme point de rattachement le lieu d'exécution en Suisse de la
prestation du créancier séquestrant ou de celle du débiteur séquestré (ATF 123
III 494 consid. 3a). Ainsi, le paiement sur un compte en Suisse en relation
avec le contrat litigieux peut constituer un lien suffisant avec la Suisse
(GILLIÉRON, op. cit., n° 69 s. ad art. 271 LP; LUCIEN GANI, Le "lien suffisant
avec la Suisse" et autres conditions du séquestre lorsque le domicile du
débiteur est à l'étranger, in RSJ 97/1996 p. 227 [230]; PATOCCHI/LEMBO, op.
cit., p. 399 s. et les références; MATTEO PEDROTTI, Le séquestre international,
thèse, 2001, p. 205).
Des auteurs soutiennent qu'entrerait aussi en considération comme point de
rattachement pertinent l'activité commerciale que le débiteur exerce en Suisse.
Ainsi, lorsque la créance invoquée pour obtenir le séquestre est en lien avec
l'activité commerciale exercée par le débiteur en Suisse, la condition du lien
suffisant serait réalisée, quand bien même la créance n'est pas soumise au
droit suisse (GILLIÉRON, op. cit., n° 74 ad art. 271 LP; PATOCCHI/LEMBO, op.
cit., p. 402 ss; PEDROTTI, op. cit., p. 194; WALTER A. STOFFEL, in Basler
Kommentar, Bundesgesetz über Schuldbetreibung und Konkurs II, Art. 159-352 LP,
2ème éd., 2010, n° 93 ad art. 271 LP; WALTER A. STOFFEL, Le séquestre, in La LP
révisée: la loi révisée sur la poursuite pour dettes et la faillite: exposés
présentés lors des journées d'étude organisées par le Centre du droit de
l'entreprise et la Faculté de droit de l'Université de Genève, les 11 et 14
octobre 1996 aux Universités de Lausanne et de Genève, 1997, p. 249 ss [274];
STOFFEL/CHABLOZ, op. cit., p. 239 n° 66; HANS ULRICH WALDER/THOMAS M. KULL/
MARTIN KOTTMANN, Bundesgesetz über Schuldbetreibung und Konkurs, tome II, 4ème
éd., 1997/99, n° 35 ad art. 271 LP).
A cet égard, des auteurs affirment que l'intervention d'une banque sise en
Suisse dans une opération de crédit documentaire pourrait conduire à admettre
que le débiteur développe une activité commerciale en Suisse (not. STOFFEL, op.
cit., n° 93 ad art. 271 LP). La majorité d'entre eux précise toutefois qu'il
faut que la banque suisse ait assumé un engagement de paiement (banque
émettrice - soit la banque qui émet un crédit - ou banque confirmante - soit la
banque qui ajoute, en sus de la banque émettrice, sa confirmation et son
engagement dans le cadre d'un crédit documentaire irrévocable et confirmé) ou
ait joué au moins un rôle actif (p. ex. la banque désignée - soit la banque aux
guichets ou aux caisses de laquelle le crédit documentaire est réalisé et qui
bénéficie d'un droit de remboursement auprès de la banque émettrice et de la
banque confirmante); l'intervention en qualité de (simple) banque notificatrice
- soit la banque correspondante de la banque émettrice qui notifie le crédit
documentaire au bénéficiaire (généralement située dans le pays du bénéficiaire,
qui peut être sa banque ou non ou peut être une banque internationale) - ne
suffit pas pour retenir une activité commerciale, étant donné qu'elle
n'implique ni relation d'assignation avec le bénéficiaire du crédit, ni
participation aux modalités de paiement (CARLO LOMBARDINI, Droit bancaire
suisse, 2ème éd. entièrement remaniée, 2008, p. 622 n° 26; dans le même sens,
cf. GILLIÉRON, op. cit., n° 74 ad art. 271 LP qui précise que la banque doit
intervenir pour "ouvrir des crédits documentaires"; NICOLAS DE GOTTRAU, Le
crédit documentaire et la fraude, thèse, 1999, p. 352; PATOCCHI/LEMBO, op.
cit., p. 400 et 403; STOFFEL, op. cit., p. 274 s., qui précise que la banque
suisse doit jouer un "rôle important"; STOFFEL/CHABLOZ, CoRo, n° 80 ad art. 271
LP qui précisent que la banque doit jouer un rôle dans l'"établissement de
crédits documentaires"; WALDER/KULL/KOTTMANN, op. cit., n° 35 ad art. 271 LP;
contra: PEDROTTI, op. cit., p. 207 s., selon lequel le lien suffisant doit déjà
être retenu lorsque la banque assume un rôle même marginal dans la relation
contractuelle en cause; GANI, op. cit., p. 231 s., selon lequel l'intervention
même fortuite d'une banque sise en Suisse et/ou le paiement fortuit de paiement
en Suisse du montant de l'accréditif constituent des critères de rattachement
suffisants; sur les différents rôles que peut endosser une banque
correspondante dans un crédit documentaire, cf. art. 2 des Règles et Usances
uniformes relatives aux crédits documentaires [RUU 600, du 1er juillet 2007];
not. SYLVAIN ETAIX, Le crédit documentaire à l'heure des RUU 600, in classe
export, n° 163 juin 2007, p. 27 ss, disponible sur http://
magazine.classe-export.com; FRANÇOIS OTT/PASCAL MATTHEY, Le commerce
international des marchandises, 2010, p. 72). Dans tous les cas, cette doctrine
ne précise pas si, comme le soutient la recourante, le lien suffisant avec la
Suisse devrait aussi être retenu lorsque le crédit documentaire ne concerne pas
directement la relation contractuelle dont est issue la créance en garantie de
laquelle le séquestre est demandé (en l'occurrence le contrat d'affrètement),
mais une autre relation contractuelle (en l'occurrence le contrat de vente) se
trouvant seulement en connexité avec elle.
En revanche, jurisprudence et doctrine s'accordent à dire que, à elle seule, la
présence de biens en Suisse n'est pas un point de rattachement pertinent pour
établir un lien suffisant (ATF 123 III 494 consid. 3a et les références; not.
LOUIS GAILLARD, Le séquestre des biens du débiteur domicilié à l'étranger, in
Le séquestre selon la nouvelle LP, 1997, n° 42; BEAT MUMENTHALER, Le séquestre
des biens du débiteur domicilié à l'étranger selon l'art. 271 al. 1 ch. 4 LP -
le lien suffisant de la créance avec la Suisse, in PJA 1999 p. 302 ss [304];
PATOCCHI/LEMBO, op. cit., p. 405; BERTRAND REEB, Les mesures provisoires dans
la procédure de poursuite, in RDS 1997/116 p. 421 ss [447]; DANIEL STAEHELIN,
Die internationale Zuständigkeit der Schweiz im Schuldbetreibungs- und
Konkursrecht, in PJA 1995 p. 259 ss [269]; WALDER/ KULL/KOTTMANN, op. cit., n°
33 ad art. 271 LP). Une partie de la doctrine nuance quelque peu cette
affirmation, en ajoutant que ce point de rattachement pourrait jouer un rôle
dans des cas tout à fait spéciaux, par exemple lorsque le débiteur a déposé ses
biens en Suisse dans le seul but d'aggraver la situation des créanciers en leur
rendant plus difficile, voire impossible, la poursuite de leurs droits
(STOFFEL, op. cit., n° 94 ad art. 271 LP, qui exige pour l'admission de la
condition un "qualifizierendes Element"; STOFFEL/CHABLOZ, op. cit., n° 67 p.
239).

4.2 L'autorité de séquestre doit apprécier l'existence d'un lien suffisant à la
lumière de l'ensemble des circonstances (arrêt 5P.218/1998 du 28 juillet 1998
consid. 3a), en mettant en balance les intérêts du créancier et ceux du
débiteur. Ainsi, le lien de la créance avec la Suisse est suffisant lorsque
l'intérêt du créancier à poursuivre le débiteur au lieu du séquestre se base
sur un point de rattachement avec la Suisse qui l'emporte, au regard de
l'ensemble des circonstances, sur l'intérêt du débiteur à conserver intacte sa
possession (STOFFEL, op. cit., n° 89 ad art. 271 LP; STOFFEL/CHABLOZ, CoRo, n°
76 ad art. 271 LP).

5.
En l'espèce, l'autorité cantonale a retenu qu'il apparaissait que l'intimée
avait requis les services de X.________ en relation avec le crédit relatif à
l'achat de la cargaison objet du transport, encore qu'il ne semblait pas
ressortir du dossier que cette banque aurait confirmé l'accréditif. Elle a en
outre considéré que, dans tous les cas, ces services étaient étrangers aux
rapports contractuels liant les parties, de sorte que l'intervention de la
banque n'était pas pertinente pour juger du lien suffisant de la créance à
garantir avec la Suisse.
La recourante cite un auteur qui admet que le lien suffisant avec la Suisse
existe déjà lorsqu'une banque suisse joue un rôle même de peu d'importance dans
un crédit documentaire. Son argument consiste néanmoins à dire qu'il est
arbitraire de nier ce lien suffisant alors que X.________ a, selon elle, joué
un rôle déterminant dans cette opération pour financer le contrat de vente, en
connexité avec lequel se trouve la créance issue du contrat d'affrètement.
Toutefois, en tant que la recourante entend faire compléter l'état de fait sur
le rôle qu'aurait endossé X.________ dans le crédit documentaire et qui
conduirait à rendre vraisemblable que l'intimée déploie une activité
commerciale en Suisse, son grief doit être déclaré irrecevable. En effet, la
recourante allègue seulement, à titre de services rendus par cette banque, que
celle-ci a été "récipiendaire du produit de vente" et qu'elle s'est chargée de
la "communication" et de la "vérification des documents". Or, même si elle
répète maintes fois dans son recours que la banque aurait, de ce fait, joué un
rôle actif de banque désignée dans le crédit documentaire garantissant le prix
de la vente du blé, il ne s'agit en réalité pas là des services typiques d'une
banque désignée dans un crédit documentaire: la banque qui endosse un tel rôle
réalise le crédit documentaire, ce que la recourante n'allègue pas être le cas
de X.________. Ainsi, il n'est pas démontré que l'autorité cantonale a versé
dans l'arbitraire en ne retenant pas que la banque sise en Suisse aurait joué
un rôle déterminant dans l'opération de crédit documentaire. Dès lors, il n'y a
pas lieu de trancher la question de droit de savoir si, comme il est soutenu en
doctrine (cf. supra consid. 4.1.2), lorsqu'une banque suisse joue un rôle actif
dans un crédit documentaire servant à garantir le paiement des prestations
découlant d'un contrat (de vente ou de services), voire à financer ce contrat,
le débiteur partie à ce contrat déploie une activité commerciale en Suisse, de
sorte que les créances en découlant présenteraient un lien suffisant avec la
Suisse. A fortiori, il n'y a pas non plus lieu de dire si, comme le soutient la
recourante, ce lien suffisant existe même lorsque la créance objet du séquestre
se trouve seulement en connexité les contrats (de vente ou de services) ainsi
garantis ou financés.
En tant que la recourante soutient que l'autorité cantonale a versé dans
l'arbitraire en refusant le séquestre alors que la créance présentait un lien
suffisant avec la Suisse en raison des quatre paiements opérés par l'intimé
depuis un compte suisse sur un compte américain des prestations fournies en
exécution du contrat d'affrètement, son grief doit être rejeté. En effet, dans
une telle situation, contrairement à ce que semble croire la recourante,
l'exécution du contrat n'a pas lieu en Suisse, mais aux USA. Le virement depuis
la Suisse rend seulement vraisemblable la présence de biens dans ce pays, ce
qui ne constitue pas un point de rattachement pertinent pour établir un lien
suffisant au sens de l'art. 271 al. 1 ch. 4 LP.
Au vu de ce qui précède, il n'est pas arbitraire, de la part de l'autorité
cantonale, d'avoir retenu que la recourante n'a pas rendu vraisemblable que
l'éventuelle créance qu'elle aurait contre l'intimée en exécution du contrat
d'affrètement ne présente pas de lien suffisant avec la Suisse, au sens de
l'art. 271 al. 1 ch. 4 LP.

6.
En conclusion, le recours doit être rejeté, dans la mesure où il est recevable.
La recourante succombe ainsi sur le fond mais a obtenu l'effet suspensif,
auquel l'intimée s'était opposée. Celle-ci a par ailleurs vu sa requête de
sûretés déclarée irrecevable. Partant, les frais judiciaires, arrêtés à 12'000
fr., sont mis pour 10'000 fr. à la charge de la recourante et pour 2'000 fr. à
la charge de l'intimée (art. 66 al. 1 LTF). La recourante versera en outre à
l'intimée la somme de 10'000 fr. à titre de dépens pour la procédure devant le
Tribunal fédéral (art. 68 al. 2 LTF).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté, dans le mesure où il est recevable.

2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 12'000 fr., sont mis pour 10'000 fr. à la
charge de la recourante et pour 2'000 fr. à la charge de l'intimée.

3.
La recourante versera à l'intimée la somme de 10'000 fr. à titre de dépens pour
la procédure devant le Tribunal fédéral.

4.
Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Chambre civile de la Cour
de justice du canton de Genève.

Lausanne, le 2 novembre 2012
Au nom de la IIe Cour de droit civil
du Tribunal fédéral suisse

La Présidente: Hohl

La Greffière: Achtari